Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand
du 17 décembre 1964
Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
Bien que les deux affaires 31-64 et 33-64 n'aient pas été jointes, nous vous demanderons la permission de présenter à leur sujet des conclusions communes. Introduites toutes deux par renvoi de juridictions néerlandaises en vertu de l'article 177 du traité de Rome, elles posent l'une et l'autre à titre principal la question du sens et de la portée de l'article 52 du règlement no 3 du Conseil sur la sécurité sociale des travailleurs migrants relatif au droit de recours exercé contre le tiers
responsable d'un dommage sur le territoire de l'État où ce dommage est survenu par l'institution débitrice des prestations en suite de ce dommage. C'est ce problème assurément délicat que nous aborderons en premier lieu pour examiner ensuite la seconde question, propre à chaque affaire, qui vous est posée par le juge néerlandais.
L'article 52, qui fait partie du titre IV «Dispositions diverses» du règlement, est ainsi rédigé :
«Si une personne qui bénéficie de prestations en vertu de la législation d'un État membre pour un dommage survenu sur le territoire d'un autre État a, sur le territoire de ce deuxième Etat, le droit de réclamer à un tiers la réparation de ce dommage, les droits éventuels de l'institution débitrice à l'encontre du tiers sont réglés comme suit :
a) Lorsque l'institution débitrice est subrogée, et vertu de la législation qui lui est applicable, dans les droits que le bénéficiaire détient à l'égard du tiers, chaque État membre reconnaît une telle subrogation;
b) Lorsque l'institution débitrice a un droit direct contre le tiers, chaque État membre reconnaît ce droit.
L'application de ces dispositions fera l'objet d'accords bilatéraux.»
La question qui vous est posée est la suivante: L'article 52 est-il applicable dès l'entrée en vigueur du règlement no 3 — c'est-à-dire le 1er janvier 1959 — ou seulement après l'intervention des accords bilatéraux visés ci-dessus?
Dans son contenu, cet article s'analyse comme une règle de conflit de lois; il détermine selon quelle législation il faut apprécier l'existence ou la non-existence, au profit de l'institution débitrice des prestations de sécurité sociale, d'une subrogation aux droits à réparation que le bénéficiaire des prestations peut faire valoir à l'égard d'un tiers — ou d'un droit direct contre ce tiers. Et il renvoie au droit de l'État de l'institution débitrice.
Dans sa forme, cette disposition présente l'originalité de combiner le droit communautaire et le droit international conventionnel. L'application du règlement ne donne pas lieu, de la part de chaque État membre, à l'adoption de mesures de droit interne, mais à la conclusion de conventions bilatérales de type classique. On connaît la raison de cette particularité. Le règlement no 3 est issu de la convention européenne sur la sécurité sociale des travailleurs migrants, élaborée avec le concours du
Bureau international du travail et signée avant l'entrée en vigueur du traité de Rome. La disposition litigieuse, parfaitement normale et habituelle dans une convention multilatérale entre États, a été reprise telle quelle par le Conseil dans le règlement no 3 où elle étonne davantage.
Pour soutenir que la règle posée par le paragraphe 1 de l'article est applicable, avant même qu'intervienne l'accord bilatéral prévu par le paragraphe 2, on peut faire valoir d'abord des arguments d'opportunité, en prenant ce terme dans son sens le plus élevé. Il n'est pas souhaitable que des dispositions du droit communautaire, directement applicables dans tous les États membres en vertu de l'article 189 du traité, voient leur mise en vigueur subordonnée, sinon à la bonne volonté de ces États, du
moins à l'accord qu'ils passent entre eux. Il n'est pas non plus souhaitable que ces mêmes dispositions entrent en application à des dates différentes suivant que l'on envisage telle ou telle partie du territoire de la Communauté.
Cette position peut s'appuyer également sur des arguments de technique juridique. A défaut de dispositions expresses fixant une autre date en ce qui le concernait, l'article 52 — comme l'ensemble du règlement — entrait en vigueur en principe le 1er janvier 1959. Faut-il penser alors que le dernier alinéa suffisait à retarder cette entrée en vigueur jusqu'à la date des différents accords bilatéraux qui pourraient être conclus entre les États?
Faute de précédents dans le droit communautaire, on peut au moins rappeler ici que le même problème se pose dans les droits nationaux lorsque le législateur charge le pouvoir exécutif de fixer les mesures d'application des règles qu'il pose. La tendance dominante est que la loi n'en a pas moins aussitôt un effet exécutoire à moins que le législateur n'ait lui-même subordonné cet effet à l'intervention des mesures d'exécution. Telle paraît être la règle en droit belge ou néerlandais. Telle est
certainement la solution du droit français qui n'admet d'autre exception à l'exécution immédiate de la loi que si celle-ci est impossible en l'absence de règlement d'application. En d'autres termes, il n'appartient pas à l'autorité chargée d'assurer l'application d'un texte d'en retarder ou d'en paralyser l'exécution par son abstention.
Si l'on transpose ce raisonnement au cas qui nous occupe, il convient de rechercher si la mise en œuvre de la règle posée au début de l'article 52 suppose nécessairement des mesures d'application prises dans des conventions. Car l'article 52 ne se borne pas à énoncer un principe, il pose une règle : «les droits éventuels de l'institution débitrice sont réglés comme suit». Et le règlement continue ainsi : «Lorsque l'institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qui lui est applicable
chaque Etat membre reconnaît une telle subrogation.» L'article 52 comporte ainsi de façon expresse un renvoi, clair, complet et intégral, au droit de l'institution de sécurité sociale débitrice, qui en permet en pratique l'application sans qu'il soit nécessaire de recourir à des accords bilatéraux.
Disons ici que si nous avons raisonné en partant de la version française du règlement, c'est parce que la Convention européenne, dont il est issu, avait été préparée et rédigée par le Bureau international du travail en français, et que les versions dans les autres langues constituaient des traductions. Il ne semble pas y avoir d'ailleurs de différence entre ces diverses versions (sauf peut-être l'allemande) et le texte français.
Que l'article 52 puisse recevoir en fait application sans être complété par un accord bilatéral, c'est ce que démontrent paradoxalement les accords conclus jusqu'à présent à son sujet. Il en existe trois passés par le Luxembourg, respectivement avec la Belgique, la France et la République fédérale. Or, les deux premiers n'ont rien ajouté au texte de l'article 52 tel que nous l'avons cité; mieux encore, le troisième qui a pris la forme d'un protocole final à la convention sur la sécurité sociale des
travailleurs frontaliers est ainsi rédigé : «Les deux parties contractantes sont d'accord que l'article 52, phrases 1 et 2, du règlement no 3 … sera applicable de plein droit sans que l'accord prévu par la phrase 3 soit requis.»
On peut donc conclure au moins que, si ces quatre États ont estimé que l'application de l'article 52 était subordonnée en droit à l'intervention d'accords bilatéraux, et cela par interprétation de la dernière phrase de l'article, elle était possible en fait en l'absence de ceux-ci, puisque les accords qu'ils ont passés sont vides de tout contenu.
Dans cette optique, la phrase litigieuse aurait pour seul objet de charger les États membres de fixer les mesures qui leur paraîtraient souhaitables pour faciliter la mise en œuvre de la subrogation, au cas où ces mesures leur apparaîtraient nécessaires; elle ne tiendrait pas cependant en suspens la règle de la subrogation posée plus haut, puisque cette règle pourrait jouer indépendamment de tout accord. Au lieu de «l'application de ces dispositions fera l'objet d'accords bilatéraux», il faudrait
lire «les conditions d'application feront l'objet…».
On pourra évidemment reprocher à cette interprétation de corriger le texte; mais la Commission a très clairement montré dans ses observations comment, au cours de la négociation de la Convention européenne, la phrase finale de l'article 52 avait été introduite par une sorte de réflexe d'hésitation, par un souci de prudence, et peut-être même par erreur (car son insertion paraît n'avoir été demandée que pour l'article 51 et non pour l'article 52). D'autre part, si nous nous trouvions encore en
présence d'une convention internationale, il serait logique de donner à la clause l'interprétation qui sauvegarde au maximum la volonté et l'action des parties contractantes, donc de considérer que ces dernières ont entendu subordonner l'applicabilité de la règle nouvelle à l'intervention d'accords bilatéraux. Un même raisonnement ne s'impose pas dès lors que le texte a pris le caractère d'un règlement communautaire.
La question est certainement très douteuse, et il est difficile de trouver des arguments vraiment déterminants soit dans le texte lui-même, soit dans l'intention de ses auteurs. Si nous penchons en définitive pour l'interprétation qui donne à l'article 52 un effet exécutoire immédiat, c'est pour la raison que nous avons donnée d'abord et qui est d'opportunité juridique et politique: il est souhaitable que les dispositions de droit communautaire soient applicables en même temps sur tout le territoire
de la Communauté, et qu'elles ne soient pas subordonnées à la bonne volonté des États membres.
Nous vous proposerons donc de donner à la première question une réponse affirmative.
Deuxième question. — Si vous nous suivez sur ce point, il convient d'examiner la question propre à l'affaire 31-64 et qui vous est posée par le tribunal de première instance de Maastricht dans le litige entre la Caisse commune d'assurances «La Prévoyance sociale» de Bruxelles et M. Bertholet.
Les données de fait telles qu'elles résultent du jugement sont les suivantes: M. de Ronchi, résidant à Eupen et travaillant au poste frontière de Kessenich en territoire belge, avait été victime d'un accident de la circulation à Kerkrade aux Pays-Bas au cours d'un accrochage avec un camion appartenant à M. Bertholet. Le tribunal, après avoir écarté l'idée que l'intéressé puisse être considéré soit comme un travailleur migrant au sens strict, soit comme un travailleur frontalier, s'est posé et vous a
posé la question suivante : «L'article 52, paragraphe 1, doit-il être considéré comme applicable même dans le cas où le domicile du travailleur et le lieu de son travail sont situés sur le territoire d'un même État membre, alors que, géographiquement, ces deux endroits sont situés de telle façon que le chemin habituel parcouru par le travailleur entre le domicile et le lieu de son travail, et inversement, traverse le territoire d'un autre État membre, en l'espèce les Pays-Bas?»
C'est en réalité le problème du champ d'application du règlement no 3 qui se trouve ainsi posé. D'après l'article 4, les dispositions de ce texte sont applicables «aux travailleurs salariés ou assimilés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs des États membres», définition très large et qui déborde évidemment celle de travailleur migrant au sens strict. Il est vrai, en sens inverse, que le règlement, d'après son intitulé, concerne la sécurité sociale des travailleurs
migrants, et qu'un des considérants préliminaires destinés à en justifier la portée expose qu'un système permettant d'assurer «aux travailleurs migrants et à leurs ayants droit» certains avantages constitue un élément essentiel de l'établissement de la libre circulation des travailleurs.
Mais il est non moins vrai que nombre de dispositions du texte ont un champ d'application plus étendu. Citons par exemple l'article 10 qui prévoit que les pensions acquises en vertu des législations de l'un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction du fait que celui qui en bénéficie réside sur le territoire d'un État membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice. De même, l'article 22-2 règle le cas où le titulaire d'une pension en vertu de la législation d'un ou
de plusieurs États membres réside sur le territoire d'un État où ne se trouve aucune des institutions débitrices de sa pension. De même enfin, l'article 40 donne au salarié dont les enfants résident sur le territoire d'un État membre autre que celui dans lequel il est lui-même occupé droit aux allocations familiales selon les dispositions de la législation du second État jusqu'à concurrence des montants d'allocations qu'accorde la législation du premier. Dans toutes ces hypothèses, et il en est
d'autres, on ne peut parler de travailleur migrant. Plus généralement, le règlement s'est préoccupé de limiter les inconvénients qui résultent de la territorialité des lois nationales, inconvénients qui peuvent exister même pour les travailleurs qui ne changent pas de lieu d'affiliation et de travail.
On a soutenu, il est vrai, que la compétence du Conseil était limitée aux travailleurs migrants proprement dits et l'on a fondé cette thèse sur l'article 51 du traité. Relisons celui-ci : «Le Conseil … adopte dans le domaine de la sécurité sociale les mesures nécessaires pour l'établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d'assurer aux travailleurs migrants et à leurs ayants droit …», La compétence du Conseil est ainsi définie par le but
recherché: la libre circulation des travailleurs en général, dont les travailleurs migrants ne constituent qu'un cas particulier.
La Cour nous paraît d'ailleurs s'être déjà prononcée sur ce point dans l'affaire 75-63 et avoir donné du champ d'application du règlement une interprétation large, et cela à propos de l'article 19. Cet article prévoit que le travailleur salarié ou assimilé affilié à une institution de l'un des États membres et résidant sur le territoire dudit État bénéficie des prestations, lors d'un séjour temporaire sur le territoire d'un autre État membre, si son état vient à nécessiter immédiatement des soins
médicaux. Vous avez jugé cette disposition applicable, «quel que soit le motif du séjour à l'étranger» et, en l'espèce, l'intéressée, affiliée au régime de sécurité sociale d'un État membre, s'était rendue dans un autre État membre uniquement pour y séjourner chez des parents. C'était un salarié, mais certainement pas un travailleur migrant.
Cette interprétation large s'impose à plus forte raison quand il s'agit des accidents du travail. On sait que dans tous les pays de la Communauté l'assurance accidents légale couvre les risques sur le trajet entre le domicile et le lieu du travail. Le principe est commun même si la loi et la jurisprudence donnent à la notion d'accident de trajet une acception plus ou moins large. La législation italienne ne contient par exemple aucune disposition expresse sur les accidents de trajet, mais une
interprétation large de la notion d'accident «à l'occasion du travail» aboutit dans ce pays à étendre la portée des risques professionnels même aux accidents qui se produisent sur la route entre le domicile et le lieu du travail du moment qu'il existe un rapport de cause à effet entre le travail et le risque (Conférence européenne sur la sécurité sociale, volume I, p. 335-336).
Or, dans sa rédaction en vigueur à l'époque où s'est produit l'accident, l'article 29 du règlement couvrait notamment le cas où un travailleur était victime d'un accident du travail sur le territoire d'un État membre autre que celui du pays d'affiliation. Une telle situation pouvait se produire soit lorsque le travailleur effectuait pour le compte de son employeur un travail occasionnel en dehors du pays où s'exerce normalement l'activité de l'entreprise, soit lorsque, pour aller de son domicile à
son lieu de travail, il passait sur le territoire d'un autre État membre.
Il faut donc admettre — et sur ce point nous n'avons pas la même hésitation que pour la question précédente — que le règlement no 3 concerne d'autres personnes que les travailleurs migrants proprement dits, et que l'article 52, paragraphe 1, s'applique même au cas de l'accident de trajet tel qu'il est décrit par le tribunal de Maastricht.
La seconde question posée par celui-ci comporte donc une réponse affirmative.
Le litige pendant devant le tribunal de première instance d'Assen entre la Betriebskrankenkasse der Heseper Torfwerk GmbH et Mme van Dijk, et qui a donné lieu de la part de cette juridiction à un renvoi devant vous enregistré sous le no 33-64 se présente dans des conditions très voisines sur certains points de l'affaire 31-64. M. de Munnik, habitant aux Pays-Bas mais travaillant en Allemagne fédérale, et dont personne ne conteste qu'il a la qualité de travailleur frontalier, a été victime le
8 juillet 1961 aux Pays-Bas d'un accident de la circulation; cet accident, survenu alors qu'il ne se rendait pas de son domicile à son lieu de travail ou inversement, n'avait donc pas le caractère d'un accident de trajet. La Caisse allemande, qui a payé à de Munnik des prestations en nature et des indemnités d'incapacité de travail, s'est retournée contre Mme van Dijk, dont le préposé était responsable de l'accident, et, invoquant la subrogation aux droits de l'assuré dont elle bénéficie en vertu de
la législation allemande, a demandé l'application de l'article 52, paragraphe 1, du règlement no 3.
C'est dans ces conditions que le tribunal d'Assen vous pose deux questions :
— La première, que nous avons déjà rencontrée, a trait à l'application de l'article 52 du règlement avant l'intervention d'accords bilatéraux, étant précisé qu'il n'existe pas plus d'accord sur ce point entre les Pays-Bas et l'Allemagne fédérale qu'entre les Pays-Bas et la Belgique.
Pour les raisons que nous avons indiquées, nous ne pouvons que vous proposer de répondre par l'affirmative.
— L'autre question, propre à l'affaire, est de savoir si ce même article est applicable à un accident survenu à un frontalier, mais sans rapport avec le travail et n'ayant pas le caractère d'un accident de trajet.
Compte tenu de la date à laquelle s'est produit l'accident, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du règlement 36-63 du Conseil sur la sécurité sociale des frontaliers, la question doit être appréciée d'abord au regard des dispositions du règlement no 3, lequel fait une place à la situation des travailleurs frontaliers. Elle comporte une réponse affirmative pour les raisons suivantes :
L'article 4, qui définit le champ d'application du règlement comme s'étendant aux travailleurs salariés ou assimilés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs des États membres, définit en son paragraphe 3 la situation des frontaliers dans les termes suivants : «Toutefois, les dispositions du présent règlement ne sont applicables ni aux travailleurs frontaliers ni aux travailleurs saisonniers, dans la mesure où les prestations dont ils bénéficient sont ou seront
réglementées par des dispositions particulières à ces travailleurs, figurant dans une convention de sécurité sociale.»
En d'autres termes, le règlement est en principe applicable aux travailleurs frontaliers; il l'est dans ses dispositions de caractère général comme dans celles qui définissent les prestations; la seule exception (sous réserve du paragraphe 4 du même article, qui est sans effet dans l'affaire) concerne les prestations qui font l'objèt de dispositions particulières aux frontaliers dans une convention de sécurité sociale.
Et il faut bien qu'il s'agisse de dispositions particulières aux frontaliers, c'est-à-dire de dispositions «spécifiques, originales, propres à cette catégorie de travailleurs» pour reprendre une expression de la Commission administrative de la Communauté pour la sécurité sociale. Cette Commission a estimé par exemple qu'une convention bilatérale générale de sécurité sociale, applicable à tous les travailleurs, y compris les frontaliers, cessait de s'appliquer à l'égard de ceux-ci dès l'entrée en
vigueur du règlement no 3, faute de contenir des dispositions particulières à cette catégorie de travailleurs. Cette solution nous paraît en tous points conforme à l'article 4 (3) du règlement.
Deux raisons militent donc pour admettre que l'article 52 est applicable aux travailleurs frontaliers: il n'a pas de correspondant dans une disposition conventionnelle qui soit particulière aux frontaliers; d'autre part et surtout il constitue une disposition de caractère général dont on ne peut dire qu'elle réglemente le droit aux prestations ou à telle prestation.
Ajoutons, si cela est nécessaire, que le règlement no 36-63 sur les travailleurs frontaliers qui est entré en vigueur le 1er février 1964 n'a aucunement modifié cette solution. Il porte en son article 3 que les dispositions des règlements nos 3 et 4 sont applicables aux frontaliers lorsqu'il n'y est pas dérogé par les dispositions du nouveau règlement, et il ne contient aucune dérogation à l'article 52 du règlement no 3.
Reste un dernier point qui est inclus dans la question posée par le juge néerlandais: l'article litigieux est-il applicable lorsque l'accident qui a causé le dommage n'est pas un accident du travail ou assimilé?
Ici encore la réponse ne peut être qu'affirmative. L'article 52, qui fait partie des dispositions diverses, est rédigé en termes assez généraux pour couvrir tous les cas où la responsabilité du tiers auteur du dommage peut être recherchée et où intervient l'institution débitrice. La réunion de deux conditions est suffisante: que le dommage soit survenu sur le territoire d'un État autre que celui de l'institution qui a réglé les prestations; que cette institution soit subrogée aux droits du
bénéficiaire contre le tiers responsable en vertu de sa législation propre. Peu importe que le dommage soit la conséquence d'un accident ayant ou non le caractère d'un accident du travail.
Nous concluons :
1o Dans l'affaire 31-64, à ce qu'il soit répondu dans les termes suivants :
— à la première question :
l'article 52, paragraphe 1, du règlement no 3, concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants, est applicable alors même qu'aucun accord bilatéral visé au deuxième paragraphe de cet article n'a été conclu entre les États membres intéressés ;
— à la deuxième question :
ce même article doit être considéré comme applicable même dans le cas où le domicile du travailleur et le lieu de son travail sont situés sur le territoire d'un même État membre, alors que géographiquement ces deux endroits sont situés de façon telle que le chemin habituel parcouru par le travailleur traverse le territoire d'un autre État membre.
Nous concluons également à ce qu'il soit statué sur les dépens par le tribunal de première instance de Maastricht.
2o Dans l'affaire 33-64, à ce qu'il soit répondu :
— à la première question :
dans les termes que nous venons d'indiquer à propos de l'affaire 31-64;
— à la deuxième question :
que l'article 52, paragraphe 1, est applicable au cas d'un travailleur frontalier, victime d'un accident dans son propre pays, même si cet accident n'a pas le caractère d'un accident du travail.
Nous concluons à ce qu'il soit statué sur les dépens par le tribunal de première instance d'Assen.