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03/11/1964 | CJUE | N°24/64

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 3 novembre 1964., A.M. Dingemans contre Bestuur der Sociale Verzekeringsbank., 03/11/1964, 24/64


Conclusions de l'avocat général

M. JOSEPH GAND

3 novembre 1964

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Sur renvoi du Centrale Raad van Beroep, juridiction néerlandaise statuant en dernier ressort en matière de sécurité sociale, vous êtes appelés une fois encore à vous prononcer, au titre de l'article 177 du traité de la C.E.E., sur l'interprétation à donner à divers articles du règlement no 3 relatif à la sécurité sociale des travailleurs migrants.

Afin d'éclairer la portée des questions qui vous sont posées, il conv

ient de fixer — dans la mesure où le permet l'imprécision du dossier — quelques points de fait du lit...

Conclusions de l'avocat général

M. JOSEPH GAND

3 novembre 1964

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Sur renvoi du Centrale Raad van Beroep, juridiction néerlandaise statuant en dernier ressort en matière de sécurité sociale, vous êtes appelés une fois encore à vous prononcer, au titre de l'article 177 du traité de la C.E.E., sur l'interprétation à donner à divers articles du règlement no 3 relatif à la sécurité sociale des travailleurs migrants.

Afin d'éclairer la portée des questions qui vous sont posées, il convient de fixer — dans la mesure où le permet l'imprécision du dossier — quelques points de fait du litige pendant devant la juridiction néerlandaise et qui a abouti au renvoi devant vous.

Mlle Dingemans, de nationalité néerlandaise, a travaillé successivement en Allemagne et aux Pays-Bas. Dans le premier de ces pays elle était assurée contre le risque invalidité en vertu d'une législation du type B au sens de l'article 24, paragraphe 1, b, du règlement — c'est-à-dire que les prestations sont calculées, en principe, compte tenu de la durée des périodes accomplies —, et elle a perçu depuis 1946 une pension d'invalidité mensuelle allemande. Étant revenue ensuite travailler aux Pays-Bas,
elle cotisa dans ce pays à l'assurance invalidité au titre de l'Invaliditeitswet (IW) du 5 juin 1913, qui est également du type B au sens de l'article 24, paragraphe 1, b, du règlement et subordonne le droit à pension au versement de 150 cotisations hebdomadaires.

Il semble — bien qu'elle le conteste — que Mlle Dingemans ait présenté le 17 juillet 1953 une demande de pension d'invalidité néerlandaise qui fut rejetée le 1er février 1955, faute par elle d'avoir effectué à la date de la demande le nombre de versements réglementaires. Ce nombre ayant été ensuite atteint le 27 février 1955, elle introduisit une nouvelle demande qui fut appréciée rétroactivement à la date de la première demande, soit le 17 juillet 1953. Il fut en effet admis qu'à cette dernière
date elle avait atteint le minimum de 150 cotisations hebdomadaires, à condition de totaliser les périodes d'assurance accomplies en Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi que le prévoyait la convention germano-néerlandaise du 29 mars 1951.

Une rente d'invalidité néerlandaise lui fut ainsi octroyée par décision du Raad van Arbeid du 25 avril 1956 avec effet du 1er juillet 1953, et les cotisations hebdomadaires versées après cette date — soit 84 — furent restituées au service communal d'assistance sociale d'Amsterdam, sans que l'intéressée en ait été, semble-t-il, avisée.

Par la suite — et c'est l'origine du présent litige — une loi intérimaire (IWI) du 19 décembre 1962, applicable au 1er janvier 1963, est venue compléter les prestations accordées aux invalides selon un mécanisme sur lequel nous aurons à revenir. Par décision du 16 août 1963 l'organisme compétent a accordé à Mlle Dingemans le bénéfice de la prestation nouvelle, mais en a proratisé le montant selon la proportion des périodes d'assurance accomplies aux Pays-Bas (66 semaines) et en Allemagne (381
semaines), faisant ainsi application au cas de l'espèce des dispositions de l'article 28, paragraphe 1, b, du règlement no 3.

Sur recours de Mlle Dingemans, le Raad van Beroep d'Amsterdam confirma cette application de l'article 28, paragraphe 1, b, mais écarta celle des dispositions des paragraphes 1, f, et 3 du même article, dont l'intéressée n'aurait pu bénéficier que si, à la date du 17 juillet 1953, date d'ouverture de son droit à pension néerlandaise, l'ouverture de ce droit n'avait pas été subordonnée à la prise en compte des périodes d'assurance accomplies sous une autre législation, en l'espèce la législation
allemande.

C'est dans ces conditions que le Centrale Raad van Beroep, saisi en appel, vous a posé les quatre questions suivantes relatives à l'interprétation du règlement no 3 et que nous vous demandons la permission de vous lire intégralement.

«1. Les articles 1, b, 2, paragraphe 1 (début) et b, et 3 du règlement doivent-ils être interprétés en ce sens qu'il faut considérer l'Interimwet comme une “ législation”, bien que cette loi ait été promulguée après le Règlement et n'ait pas fait l'objet de la notification visée au deuxième paragraphe de cet article 3? Dans le cas d'une réponse affirmative à la première question :

2. le complément, visé au chapitre II de l'Interimwet (et qui comme tel comporte un montant fixe annuel, indépendamment de la durée des périodes d'assurance, mais qui comprend la pension d'invalidité revendiquée par l'ayant droit et dont le montant dépend de la durée des périodes d'assurances est-il une prestation d'invalidité du type B, visée à l'article 24, paragraphe 1, du règlement? Dans le cas d'une réponse négative à la deuxième question :

3. le complément, visé au chapitre II de l'Interimwet, doit-il être considéré comme une prestation d'invalidité du type A ou du type A et du type B, visée à l'article 24, paragraphe 1, du règlement?

4. si le complément, visé au chapitre II de l'Interimwet, doit être considéré comme une prestation d'invalidité du type A, faut-il alors appliquer l'article 28, paragraphe 1, b, du règlement pour fixer le montant de ce supplément? C'est ce qu'estime subsidiairement l'intimée en se référant à la deuxième question que le Raad a posée à la Cour de justice de la C.E.E. dans sa lettre du 11 novembre 1963, no AWW 1963/4, 5, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 25 et 26.»

Si, malgré leur longueur, nous avons tenu à vous lire intégralement ces quatre questions, c'est pour vous rendre attentifs au raisonnement du juge néerlandais. Loin d'être indépendantes les unes des autres, les questions posées s'enchaînent rigoureusement. Une réponse négative à la première rendrait sans objet la réponse aux suivantes, puisqu'elle impliquerait que l'on se trouve hors du champ d'application du règlement no 3; de même qu'une réponse affirmative à la seconde résout par là-même la
troisième, mais rend sans objet l'examen de la dernière, puisque celle-ci n'est posée que subsidiairement et pour le cas où la seconde recevrait une réponse négative.

Or, comme nous vous l'exposerons plus loin, nous sommes amené à penser que vous n'aurez pas à vous prononcer sur la quatrième question, cependant la plus intéressante.

La première question — relative au caractère de «législation» au sens des articles 1, b, et suivants du règlement — transpose au cas de l'invalidité la question même qui vous a été posée dans l'affaire no 100-63 à propos de l'assurance décès, et la solution que vous avez alors adoptée ne peut conduire pour les mêmes motifs qu'à une réponse affirmative.

Le terme «législation» employé par le règlement vise également, comme il résulte d'ailleurs expressément de son article 1 b, les lois entrées en vigueur après le règlement lui-même, et cela même en l'absence de la notification prévue à l'article 3, paragraphe 2. En l'espèce, l'Interimwet du 19 décembre 1962 couvre une des branches de la sécurité sociale énumérées à l'article 2, à savoir «les prestations d'invalidité, y compris celles destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain autres
que celles qui sont servies en cas d'accidents du travail ou de maladies professionnelles».

Par ailleurs, l'obligation de notifier imposée à l'article 3, paragraphe 2, n'existe que lorsque l'adoption d'une nouvelle législation rend nécessaire un «amendement» à l'annexe B. Et tel n'est pas le cas lorsque cette législation rentre déjà dans une des rubriques prévues à cette annexe. Or l'Interimwet rentre à l'évidence dans la rubrique «assurance invalidité, y compris les majorations des rentes» qui y figure en b à la rubrique Pays-Bas.

Les deuxième et troisième questions doivent être abordées simultanément. Elles ont trait à la nature du complément, visé au chapitre II de l'Interimwet. Est-il une prestation d'invalidité du type B, visée à l'article 24, paragraphe 1, du règlement ? —Dans la négative, ce complément doit-il être considéré comme une prestation d'invalidité du type A, ou du type A et du type B, visée à ce même paragraphe?

Négligeons cette rédaction qui laisse croire que pour le Centrale Raad une prestation peut avoir un caractère mixte, appartenir à la fois au type A et au type B. C'est une erreur qui repose sur une méconnaissance de la portée de l'article 24 du règlement. Cet article qui figure au chapitre «Invalidité» prévoit pour la liquidation des prestations trois hypothèses selon que l'assuré a accompli des périodes exclusivement en vertu de législations du type A, d'après lesquelles les prestations sont
calculées, en principe, indépendamment de la durée des périodes accomplies — ou bien exclusivement en vertu de législations du type B, dans lesquelles au contraire les prestations dépendent de la durée des périodes accomplies — ou bien enfin, en vertu de législations du type A et du type B. — Dans ces deux dernières hypothèses, c'est-à-dire lorsque l'assuré a accompli exclusivement ou pour partie des périodes selon une législation de type B, l'article 26 rend applicables par analogie à l'invalidité
les dispositions des articles 27 et suivants sur le calcul des prestations — notamment celles sur la proratisation.

Aussi, la Commission, dans ses observations, élève-t-elle un doute sur la pertinence de ces deux questions qui paraissent au juge néerlandais un préalable nécessaire pour régler l'applicabilité de l'article 28, paragraphe 1, b. M lle Dingemans ayant accompli des périodes d'assurance en Allemagne dont la législation est de type B, cela suffit pour que les articles 27 et 28 soient applicables dans des conditions qui restent d'ailleurs à déterminer, et peu importe que l'Interimwet soit du type A ou du
type B. Mais votre jurisprudence a toujours estimé que la Cour n'avait pas à se faire juge des considérations qui conduisent le juge national à vous saisir d'une question préjudicielle. Il vous suffit qu'il s'agisse bien d'une question relevant de l'article 177, c'est-à-dire portant sur l'interprétation du traité ou d'un règlement communautaire.

Mais, ajoute alors la Commission, plutôt que l'interprétation du droit communautaire, n'est-ce pas celle de la loi nationale qui est sollicitée? Le Centrale Raad van Beroep vous demanderait en réalité d'apprécier la nature du système adopté par le législateur néerlandais en ce qui concerne le calcul des prestations, et cela est de la compétence du juge national. Il est certain — vos précédents arrêts le montrent — que ce juge, pris entre sa propre législation et le droit communautaire, a parfois
quelque mal à donner à la question qu'il vous pose le caractère d'abstraction et de généralité qui justifie le renvoi. Rien n'empêche cependant au cas présent de penser que le Centrale Raad entend vous, demander quelle est la portée exacte des notions de «législations du type A» ou «du type B» telles qu'elles figurent à l'article 24, paragraphe 1, du règlement. Mais, pour que votre réponse lui soit de quelque secours, encore faut-il examiner le problème en fonction de la législation qui a motivé la
question.

Sous le régime de l'Invaliditeitswet, dont bénéficiait MlleDingemans, le montant de la rente d'invalidité dépendait de la durée des périodes d'assurance. L'Interimwet accorde un complément de rente dont le mode de calcul est indiqué dans les termes suivants à l'article 5 de la loi : «Le complément versé au titre de l'I.W.I. se monte à une somme telle que ce complément, ajouté à la pension d'invalidité octroyée au titre de l'Invaliditeitswet, se chiffre pour un assuré invalide de la classe A à 3.924
florins.»

En d'autres termes, le montant global perçu par le bénéficiaire est déterminé en fonction du taux plus ou moins élevé d'incapacité de travail (auquel correspondent des classes A, B et C) et non en fonction des périodes d'assurance accomplies. Quant au complément prévu par la loi nouvelle, il représente la différence entre la prestation globale qui est fixe et la rente qui varie en fonction des périodes accomplies. Il dépend donc, au moins indirectement, de celles-ci.

S'agit-il d'une législation de type B ou de type A? Et où trouver la réponse à cette question?

Reportons-nous à l'article 24 du règlement no 3. Il dispose en son paragraphe 2 que l'annexe F précise en ce qui concerne chaque État membre les législations du type A et celles du type B qui sont en vigueur sur tout ou partie de son territoire à la date de l'adoption du règlement. Et il ajoute que chaque État membre notifiera tout amendement qui doit être apporté à l'annexe F par suite d'une nouvelle législation. Cette notification doit être adressée, dans un délai de trois mois à dater de la
législation nouvelle, au président du Conseil de la C.E.E. qui la transmet à son tour à la Commission de la C.E.E., à la Haute Autorité de la C.E.C.A. et aux États membres.

Par ailleurs, l'article 50 du règlement présente comme faisant partie intégrante de celui-ci les annexes visées aux différents articles dont l'article 24, y compris les amendements ou modifications éventuellement apportés aux dites annexes.

D'après le texte originaire de l'annexe F, la législation aux Pays-Bas était du type B. Mais il s'agissait alors de l'Invaliditeitswet de 1913. A défaut de modification éventuelle de cette annexe pour tenir compte de l'Interimwet, on pourrait se poser la question de savoir si cette législation nouvelle, postérieure au règlement no 3, n'est pas d'une nature différente de l'ancienne. Et pour notre part, suivant en cela l'avis de la Commission, nous étions tenté de la ranger dans le type A. Le montant
global de la prestation, c'est-à-dire ce que touche en définitive l'assuré, est fixé uniquement en fonction d'un taux d'invalidité. Peu importe alors que ce total soit la somme de deux éléments, la rente qui dépend directement des périodes d'assurance, et le «complément» qui en dépend indirectement, puisque, la prestation globale pour un taux donné d'invalidité étant fixe, le complément sera d'autant plus élevé que la rente sera plus faible.

Mais le Journal officiel des Communautés européennes du 14 février 1964, donc antérieur au jugement qui vous a saisis à titre préjudiciel, a publié une modification à l'annexe F en ce qui concerne les Pays-Bas. En voici le texte :

«La législation est du type B, à l'exception du régime de pension des mineurs en ce qui concerne les prestations en cas d'invalidité à accorder aux assurés dont l'appartenance à ce régime a pris fin après le 31 décembre 1962 et qui ont droit à une prestation en vertu de la loi intérimaire relative aux bénéficiaires de pensions d'invalidité. La prestation en cas d'invalidité à octroyer à ce groupe d'assurés au titre du régime de pension des mineurs est du type A.»

Ainsi, mis à part le cas de certains mineurs, la législation des Pays-Bas en matière d'invalidité est du type B. Et il est évident que c'est pour lever tout doute qu'aurait pu faire naître l'intervention le 19 décembre 1962 de l'Interimwet, et pour couvrir le cas de cette législation nouvelle, qu'a été faite la notification que nous avons lue et qu'a été modifiée l'annexe F du règlement.

Mais ici il n'est pas mauvais de s'arrêter un moment sur la singularité de cette procédure et de ses conséquences. Certes, il est vraisemblable que le texte originaire de l'annexe F a été établi par chaque État membre en ce qui le concernait respectivement, mais le fait que le règlement émanait du Conseil pouvait donner aux annexes un caractère communautaire au même titre qu'au règlement lui-même. Ce qui est curieux, c'est que les amendements à cette annexe émanent des États membres eux-mêmes. Sans
doute les États les notifient au président du Conseil, mais il ne s'agit que d'une notification, et nulle part on ne voit apparaître l'idée d'une homologation ou d'un contrôle quelconque de la part des organes de la Communauté. Cependant, comme nous l'avons dit, les «amendements» aux annexes font, aux termes de l'article 50, partie intégrante du règlement no 3.

Dès lors, le problème nous paraît résolu. Étant rappelé encore une fois que le complément représente la prestation prévue par l'Interimwet, et que celle-ci fait partie de la législation des Pays-Bas en matière d'invalidité, il constitue une prestation d'invalidité du type B visée à l'article 24, paragraphe 1, du règlement. La deuxième question comporte une réponse affirmative.

Il faut maintenant nous demander quelles conséquences comporte cette réponse sur le sort à réserver aux questions suivantes :

La troisième question vous est posée dans le cas d'une «réponse négative» à la deuxième. Elle a donc un caractère subsidiaire, et même conditionnel. Dès lors que vous répondez affirmativement à la deuxième, il faut considérer que la troisième est abandonnée par son auteur, que vous n'en êtes plus saisis, et qu'il n'y a donc pas lieu d'y répondre.

La chose est d'ailleurs de peu d'importance, puisque, ces deux questions étant comme les deux faces d'une médaille, une réponse affirmative à la deuxième question constitue implicitement une réponse négative à la troisième.

Ces conséquences peuvent être plus sérieuses, s'agissant de la quatrième question, et c'est pourquoi nous vous en rappelons les termes : «Si le complément visé au chapitre II doit être considéré comme une prestation d'invalidité du type A, faut-il alors appliquer l'article 28, paragraphe 1, b, du règlement pour fixer le montant de ce supplément»? En d'autres termes, c'est le problème de la proratisation qui vous est posé, mais encore une fois, il l'est pour le cas où cette prestation serait
considérée comme de type A, ce qui veut dire que si elle est de type B, la question doit être regardée comme abandonnée.

Certes, vous n'avez pas à vous demander si une question est ou non nécessaire à la solution du litige. Vous devez répondre, dès lors que vous êtes saisis. Mais, quand vous êtes saisis conditionnellement, la défaillance de la condition fait disparaître la question. Et tel nous paraît bien être le cas de l'espèce.

Nous ne méconnaissons pas les inconvénients de cette solution, car elle laisse sans doute dans l'ombre des éléments qu'aurait utilisés le juge néerlandais pour trancher le litige. Mais, à moins de transformer complètement la quatrième question, telle qu'elle vous est posée, nous croyons que vous n'avez pas à y répondre.

Il n'en serait autrement que si, malgré les termes de l'annexe F, vous estimiez cependant que la législation de l'Interimwet est du type A. C'est dans cette éventualité que nous examinerons rapidement la quatrième question. Pour vous la poser, le juge néerlandais se réfère à la deuxième question contenue dans sa lettre du 11 novembre 1963 qui a donné lieu à votre arrêt du 15 juillet dernier dans l'affaire no 100-63.

Cette question du 11 novembre 1963 que rappelle le Centrale Raad était double, vous vous en souvenez. Elle portait à la fois sur l'existence d'un lien nécessaire entre l'article 27 et l'article 28, paragraphe 1, b, et sur l'application de ce dernier article à une législation dans laquelle le montant de la pension ne dépend pas de la durée de l'assurance.

Si le Centrale Raad entend par là vous demander si les règles valables pour l'assurance décès le sont également en matière d'invalidité, la réponse sur certains points n'est pas douteuse. D'une part, l'article 26 déclare applicables par analogie les dispositions des articles 27 et 28 au cas de l'invalidité, sauf si les périodes accomplies par l'intéressé l'ont été exclusivement en vertu de législations du type A. D'autre part, votre arrêt no 100-63, s'appuyant sur l'esprit des articles 48 à 51 du
traité, qui sont le fondement des règlements de sécurité sociale, a donné de l'article 28 du règlement no 3 une interprétation complète et libérale. Cet article, lié à l'article 27, n'est applicable que s'il s'agit de l'acquisition, du maintien ou du renouvellement du droit à prestation visé à l'article 27; il ne sert que dans la mesure où le règlement permet d'assurer aux intéressés des prestations au moins équivalentes au total de celles dont ils bénéficieraient dans chaque pays en vertu de la
législation nationale dont ils relèvent, considérée indépendamment du règlement no 3 et des autres règlements communautaires.

Sur le point de savoir si les dispositions de l'article 28 sont applicables à une législation qui ne fait pas dépendre le montant des prestations de la durée de l'assurance, donc de type A, votre arrêt répond par l'affirmative. Il est vrai qu'il le fait dans une hypothèse où il pouvait s'appuyer sur le règlement no 130 du Conseil; cependant, le dispositif de votre arrêt est très large puisqu'il porte que les dispositions de l'article 28 «sont applicables à une législation qui ne fait pas dépendre le
montant des prestations de la durée de l'assurance». Et nous pensons, comme la Commission en avait exprimé l'avis, que l'application de l'article 28, paragraphe 1, b, peut se justifier pour une législation de type A, même indépendamment du règlement no 130 et sur le seul fondement du règlement no 3.

Mais la condition préalable, vous le savez, pour que cet article reçoive application, c'est qu'il s'agisse de l'acquisition, du maintien ou du recouvrement des droits aux prestations. Pour répondre complètement et de façon utile à la question posée, il faudrait donc déterminer à quelles conditions est subordonné le bénéfice de l'Interimwet. Du fait que le droit à une prestation sur la base de l'Interimwet est ouvert aux titulaires de rente d'invalidité, faut-il comme pour l'Invaliditeitswet exiger
les mêmes conditions de durée d'assurance, et faire appel s'il y a lieu à la totalisation des périodes accomplies sous diverses législations? Suffit-il au contraire, comme le soutient la Commission, d'être titulaire d'une rente au titre de l'Invaliditeitswet? La question est assurément douteuse, mais surtout elle n'est pas de votre compétence, car elle pose au premier chef une question d'interprétation de la loi néerlandaise.

Ainsi, nous ne voyons pas comment il pourrait être répondu de façon pertinente et complète à la quatrième question, s'il fallait y répondre. Mais, nous vous avons dit les raisons pour lesquelles vous devez arrêter votre interprétation avant même de parvenir à ce point du dialogue.

Nous concluons en définitive à ce qu'il ne soit répondu qu'aux deux premières questions posées par le Centrale Raad, et cela de la façon suivante :

Première question: le terme «législation» figurant à l'article 1 b, à l'article 2 et à l'article 3 du règlement no 3 comprend l'Interimwet.

Deuxième question: le complément visé au chapitre II de l'Interimwet se rattache à une législation qui est du type B au sens de l'article 24, paragraphe 1, du règlement.

Nous concluons en outre à ce qu'il soit statué par le Centrale Raad van Beroep sur les dépens exposés devant la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 24/64
Date de la décision : 03/11/1964
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Centrale Raad van Beroep - Pays-Bas.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : A.M. Dingemans
Défendeurs : Bestuur der Sociale Verzekeringsbank.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gand
Rapporteur ?: Strauss

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1964:78

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