La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/1964 | CJUE | N°29,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lagrange présentées le 12 mai 1964., Société anonyme des laminoirs, hauts fourneaux, forges, fonderies et usines de la Providence et autres contre Haute Autorité de la CECA., 12/05/1964, 29,


Conclusions de l'avocat général M. Maurice Lagrange

du 12 mai 1964

Monsieur le Président, Messieurs les juges,

Dans ces affaires, plus que dans aucune de celles dont la Cour a eu à connaître jusqu'à présent, la procédure orale est apparue bien plutôt comme la suite et le développement de la procédure écrite que comme une simple ampliation de l'exposé des moyens et arguments des parties. Cela n'a, d'ailleurs, rien d'étonnant dans un litige qui a trait essentiellement à la preuve d'un dommage résultant d'une faute de service dont l'existence ne peut

que difficilement être contestée en raison d'un précédent
arrêt, disons plus p...

Conclusions de l'avocat général M. Maurice Lagrange

du 12 mai 1964

Monsieur le Président, Messieurs les juges,

Dans ces affaires, plus que dans aucune de celles dont la Cour a eu à connaître jusqu'à présent, la procédure orale est apparue bien plutôt comme la suite et le développement de la procédure écrite que comme une simple ampliation de l'exposé des moyens et arguments des parties. Cela n'a, d'ailleurs, rien d'étonnant dans un litige qui a trait essentiellement à la preuve d'un dommage résultant d'une faute de service dont l'existence ne peut que difficilement être contestée en raison d'un précédent
arrêt, disons plus précisément d'un arrêt antérieur formant précédent, à savoir l'arrêt Fives-Lille-Cail et autres du 15 décembre 1961. Or, cette preuve, dont l'absence avait seule motivé le rejet des premiers recours, est apparue difficile et l'effort des requérants pour l'administrer s'est poursuivi sans désemparer jusques et y compris la dernière audience. Cette prolongation, à travers la procédure orale, d'une discussion essentiellement technique, plus propre par sa nature à des échanges de
mémoires et à la production de documents qu'à des effets oratoires, s'est en fait révélée fort utile en permettant de préciser et de limiter les points en discussion, et cela dans des conditions telles qu'à notre avis la Cour est aujourd'hui en état de se prononcer sans avoir recours à une expertise qui pouvait sembler difficile à éviter dans les premiers stades de la procédure.

Cependant, tout en s'efforçant de discuter jusqu'à la fin la valeur et la pertinence des éléments de preuve fournis par les sociétés requérantes, la Haute Autorité n'a pas renoncé aux positions de principe qu'elle a prises dès le début de la procédure écrite, dans le mémoire en défense; elle a même déclaré les maintenir intégralement. De sorte que le dernier état de la discussion ne doit pas nous faire perdre de vue les moyens de défense de caractère général avancés par la défenderesse, et sur
lesquels nous devons nous expliquer pour commencer.

I

1. Tout d'abord, en ce qui concerne la faute de service, la Haute Autorité, tout en déclarant s'incliner devant l'arrêt du 15 décembre 1961, sans se prévaloir de ce qu'il n'y a pas juridiquement autorité de chose jugée à l'égard des présents litiges, «conteste qu'elle ait commis des fautes de nature à ouvrir droit à réparation», (p. 8 in fine du mémoire en défense). Il existerait, à cet égard, certaines différences entre les causes jugées le 15 décembre 1961 et celles qui vous sont actuellement
soumises. La défenderesse insiste, en particulier, sur la partie de l'arrêt par laquelle la Cour a estimé que «le défaut de surveillance de la Haute Autorité se trouve encore aggravé au regard des présents litiges», du fait qu'«en l'espèce les assurances d'octroi de la parité de transport ont… été données aux requérantes à un moment où la Haute Autorité ne se bornait plus à l'exercice d'un simple contrôle sur le mécanisme de péréquation, mais en avait, par la décision no 13-58, repris et assumé
la gestion» (Recueil, VI, p. 591). Or, les litiges actuels mettent en cause, du moins pour partie, des assurances données par les organismes de péréquation avant la décision no 13-58.

Messieurs, les requérantes n'ont pas eu de peine à réfuter cette argumentation: il leur a suffi pour cela de reproduire un certain nombre de passages de votre arrêt, d'où résulte à l'évidence que l'existence de la faute est déjà reconnue du fait de l'insuffisance du contrôle que la Haute Autorité devait exercer sur les mécanismes avant d'en assumer elle-même la gestion, la faute s'étant seulement trouvée «aggravée» par la persistance de son attitude après qu'elle eut repris en main le mécanisme.
Bien que le dernier considérant afférent à cette partie des motifs (p. 592, premier alinéa) ne fonde formellement la responsabilité de la Haute Autorité que sur la faute ayant consisté à permettre la «continuation des pratiques du passé» après la décision no 13-58 (en l'espèce, en effet, des «promesses quant à l'octroi de la parité de transport» avaient encore été faites en octobre 1958), la précision et la sévérité des attendus afférents à la période antérieure permettent difficilement
d'imaginer que, dans l'esprit de la Cour, il y ait lieu de distinguer, quant à l'existence d'une faute génératrice de responsabilité, selon que les promesses ont été faites avant ou après l'intervention de la décision no 13-58. Dans ces conditions, nous ne pensons pas avoir à donner notre opinion personnelle sur ce point.

2. La Haute Autorité «prétend établir que, de toute manière, la reconnaissance d'un droit à réparation se heurterait à un obstacle juridique insurmontable». Cet obstacle consisterait dans l'impossibilité d'imaginer, sans aboutir à ce que la défenderesse appelle un «résultat paradoxal, pour ne pas dire absurde», que la Haute Autorité puisse être condamnée à une indemnité strictement égale au montant des versements dont les intéressés ont bénéficié indûment au titre de la parité de transport et dont
elle est tenue de leur demander la restitution.

Il est facile de répondre qu'un tel résultat n'a rien de paradoxal, et encore moins d'absurde, puisqu'il est seulement la conséquence de la distinction entre deux actions de nature différente, l'une ayant sa cause juridique dans la répétition de l'indû, l'autre dans la responsabilité pour faute de service. C'est une situation qui se rencontre fréquemment, par exemple en France devant la juridiction administrative, du fait que, dans un grand nombre de cas, la même juridiction est compétente pour
juger des deux actions, ce qui peut aboutir à un règlement par voie de compensation, totale ou partielle.

En l'espèce, d'ailleurs, comme vous le savez, et en raison même des précisions données in fine par votre arrêt, il n'y a nulle équivalence a priori entre le montant du préjudice, éventuellement établi, et le montant des sommes indûment versées au titre de la parité de transport.

3. Avant d'aborder les questions relatives aux divers éléments de calcul du préjudice, il nous faut encore examiner quelques aspects d'ordre plus général.

a) D'abord, sur un plan abstrait, quelles conditions sont nécessaires pour justifier la réparation d'un dommage, une fois la responsabilité établie? L'éminent représentant de la Haute Autorité nous a dit, à la barre, que le préjudice devait être «prouvé, certain et évaluable».

«Prouvé», cela va de soi: la charge de la preuve incombe à la victime. Le défenseur, d'ailleurs, ne doit pas rester passif; il lui appartient d'apporter au juge tous les éléments de nature à contester utilement la pertinence des éléments de preuve fournis par son adversaire, et même lorsqu'il s'agit d'une administration publique, mettre à sa disposition, au moins dans certaines limites, la documentation ou les renseignements qu'elle est seule à détenir en tant qu'autorité publique. Les parties
sont, en somme, appelées, tout en s'opposant l'une à l'autre et par cette opposition même, à collaborer en vue de permettre au juge de décider, en toute connaissance de cause, s'il considère la preuve comme administrée, ce qui, en définitive, né dépend que de sa seule appréciation: nous ne sommes pas ici dans un régime de preuves préconstituées.

«Préjudice certain et évaluable». — Pour ce qui est du «certain», nous l'accordons volontiers. En revanche, nous faisons quelques réserves sur l'«évaluable». On doit admettre, sans doute, que l'évaluation du préjudice ne peut être arbitraire, mais les difficultés de l'évaluation ne doivent pas arrêter le juge: c'est le cas du préjudice moral, mais, même pour un préjudice matériel, le fait que certains éléments ne peuvent être évalués avec une garantie complète d'exactitude n'est pas un motif
suffisant pour écarter toute réparation. En effet, il ne faut pas oublier qu'il y a à la base une faute et que c'est précisément la faute qui peut rendre difficile une évaluation exacte du montant du dommage: la victime ne saurait pâtir de cet état de choses. C'est le cas, notamment, lorsque, comme en l'espèce, il est nécessaire de reconstituer fictivement une situation qui se serait produite si la faute n'avait pas été commise. Dans une pareille hypothèse, le juge est en droit d'exiger le
maximum de justifications susceptibles d'être raisonnablement fournies eu égard aux circonstances de l'espèce, mais il ne peut exiger davantage et devra, le cas échéant, se contenter d'approximations sérieuses, telles que des moyennes établies par comparaison. Ce sont là des travaux que les experts font tous les jours.

Enfin, on assortit souvent les conditions d'un préjudice indemnisable de l'adjectif «direct», c'est-à-dire qu'il doit y avoir un lien «immédiat» (et non «médiat») de cause à effet entre la faute et le dommage. La Haute Autorité, dans la procédure écrite, conteste à plusieurs reprises l'existence en l'espèce d'un tel lien.

b) Entrant maintenant dans les aspects concrets du litige, nous rencontrons encore une série d'objections d'ordre général faites par la Haute Autorité et tirées de ce que rien ne prouve que, même en l'absence d'octroi de la parité de transport, les entreprises requérantes se seraient approvisionnées davantage en ferraille d'importation et moins en ferraille navale, et cela pour trois raisons :

1o La Caisse de péréquation avait le pouvoir de déterminer les quantités de ferraille admises à la péréquation et, notamment, d'accorder à la ferraille navale un rang privilégié à cet égard, d'où il suit que les entreprises, ne disposant pas d'un libre choix entre la ferraille navale et la ferraille d'importation, n'auraient nullement été assurées d'obtenir cette dernière aux lieu et place de la première;

2o La ferraille navale ayant toujours été considérée comme de meilleure qualité que la ferraille d'importation, il est à penser que les entreprises requérantes se seraient en fait approvisionnées de la même manière en ferraille navale même si elles n'avaient pas bénéficié de la parité de transport;

3o L'incertitude où se trouvaient les entreprises sur le coût final de chaque opération les empêchait de se décider en tenant compte uniquement, comme elles le prétendent, ni même principalement, de la promesse du bénéfice de la parité de transport; ce ne pouvait être là l'élément déterminant de leur choix.

Ces arguments doivent être écartés. Le premier est réfuté par le mémoire en réplique, auquel nous nous permettons de renvoyer (p. 16 et 17) de la manière la plus pertinente et apparemment … sans réplique, puisque la Haute Autorité s'est abstenue d'y revenir par la suite. Au second, les requérants répondent que les qualités de la ferraille navale seraient comparables à celles de la ferraille d'importation, du moins celle de provenance américaine, ce qui n'a plus été contesté. Quant au troisième,
qui est surtout développé dans la duplique (p. 37 à 41), c'est apparemment le plus sérieux.

En effet, les éléments d'incertitude signalés par la Haute Autorité, notamment quant au prix de péréquation qui n'était connu que bien après la passation du contrat, sont incontestables. D'autre part, cette incertitude où se trouvaient les entreprises quant au coût final de l'opération se trouve confirmée par le fait qu'après avoir, en cours de procédure, établi leurs calculs comparatifs, certaines entreprises ont été amenées à se prévaloir d'un préjudice supérieur au montant du remboursement de
la parité de transport, ce qui prouve, dit la Haute Autorité (duplique, p. 41), que ce remboursement «ne compensait pas la perte que ces entreprises subissaient du fait de la préférence donnée à la ferraille navale sur la ferraille d'importation».

Cependant, il semble bien que, d'une manière générale, l'octroi de la parité de transport, pour les usines plus éloignées des chantiers de démolition navale que des ports d'importation, ait été un élément déterminant de leur choix. L'exemple de Pompey, cité à la barre lors de la dernière audience, paraît indiquer que les entreprises y attachaient une importance décisive. Sans doute, elles ont pu parfois se tromper dans leurs prévisions: l'avantage réel d'une opération commerciale ne peut être
déterminé, au moment où elle est conclue, avec la même précision qu'à la suite d'une vérification minutieuse effectuée plusieurs années après sur le vu d'une documentation économique et commerciale d'ensemble. En réalité, le préjudice résulte de ce que la liberté de choix des entreprises a été faussée par les promesses de paiement de la parité de transport qui leur avaient été faites indûment. Dès lors, le préjudice existe s'il est (même a posteriori) «établi que l'achat des ferrailles navales,
non dégrevées de la bonification de la parité de transport (a) été, pour les requérantes, plus onéreux que l'achat pur et simple de ferrailles d'importation» : c'est, très exactement, ce que vous avez jugé par votre arrêt du 15 décembre 1961.

II

Il nous reste maintenant à examiner si les. requérantes ont bien administré la preuve qui leur incombe dans les conditions ainsi précisées par la Cour.

Il faut d'abord délimiter les éléments de la comparaison à établir, ce qui est d'ailleurs facile: d'un côté nous avons, pour la ferraille navale effectivement reçue, le montant des frais de chargement de la ferraille au chantier de récupération, plus les frais de transport du chantier à l'usine; de l'autre, nous avons, pour un même tonnage de ferraille d'importation supposée reçue, le montant des frais de transbordement au port, plus les frais de transport du port à l'usine. Le calcul du premier
terme de comparaison, qui est une donnée, ne souffre pas de difficulté; il en est autrement du second qui, nécessairement, repose sur des hypothèses et c'est là que nous rencontrons des divergences entre les parties. Nous n'examinerons que celles qui subsistent après le dépôt des documents annexés à la réplique. Les critiques de la Haute Autorité sont exposées dans la note d'observations du 18 mars 1964, complétée par une note du 20 avril 1964, auxquelles répond la plaidoirie de l'avocat des
requérantes prononcée à la dernière audience, le 21 avril 1964.

1. Choix des ports

a) Ports de la Méditerranée (p. 1 et 2 de la note du 18 mars). S'appuyant surtout sur l'exemple du Creusot, la Haute Autorité reproche aux requérantes d'avoir éliminé de leur calcul les ferrailles reçues par les ports de la Méditerranée.

Sur ce point, la réponse des requérantes (BF 1/2 et 1/3 du stencil de la plaidoirie) nous paraît convaincante: elles affirment, ce qui n'est pas contesté, que les ferrailles navales n'auraient pu être remplacées que par de la ferraille américaine, seule comparable en qualité, et non par les ferrailles, d'origine africaine, qui transitent par les ports de la Méditerranée. Le fait que certaines ferrailles africaines ont aussi été importées par des ports de l'Atlantique importe peu, puisque les
ferrailles américaines, elles, sont toujours importées par les ports de l'Atlantique; l'élimination des ports méditerranéens semble donc justifiée.

b) Ports secondaires (note du 18 mars, p. 2 et 3; plaidoirie, p. BF 1/3). La Haute Autorité fait remarquer que les frais de manutention sont en général beaucoup plus élevés pour les ports d'importation secondaires; leur inclusion aurait pour effet d'augmenter de 12 % la moyenne des frais calculés par les requérantes et donc de réduire d'autant le montant du préjudice allégué.

Les requérantes répliquent en disant que les ports éliminés n'ont participé que pour des proportions minimes à leur approvisionnement et que les tonnages de ferraille navale litigieuse, qui auraient été remplacés par de la ferraille d'importation, ne représentent eux-mêmes qu'un pourcentage très faible du total des ferrailles importées par chacune des requérantes. L'incidence sur le calcul du préjudice serait donc insignifiante et, d'autre part, il est normal de prendre en considération les ports
généralement utilisés par les requérantes pour leurs importations de ferraille. Ces explications, Messieurs, nous paraissent pertinentes.

2. Frais de transbordement au port

Dans leurs premiers calculs, servant de base aux conclusions de leurs requêtes, les sociétés demanderesses s'étaient bornées à faire état, pour l'évaluation des frais de transbordement, de la majoration de 2 dollars par tonne du prix de péréquation prévue par la décision no 18-60 du 20 juillet 1960 (J.O. du 24 août 1960, p. 1145) dans plusieurs de ses dispositions. On pouvait penser, en effet, que cette majoration avait pour objet de tenir compte forfaitairement des frais de manutention au port.
Cependant, la Haute Autorité ayant contesté cette méthode, prétendant que la majoration de 2 dollars ne couvrait qu'une partie des frais réels en question, les requérantes n'ont pas insisté et se sont efforcées de calculer les frais réels de transbordement — ce qui, entre parenthèses, donne encore plus d'importance au choix du port.

Loin de rendre hommage aux efforts ainsi entrepris par les requérantes pour se rapprocher le plus possible de la réalité, la Haute Autorité en tire argument pour soutenir que, en agissant ainsi, les requérantes auraient modifié le fondement juridique de leurs recours. Ce n'est pas notre avis: le fondement juridique des recours reste le même: la nature de la faute invoquée n'a pas changé et, quant au dommage dont il est demandé réparation, c'est toujours celui qui résulte de ce que, selon les
requérantes, l'achat des ferrailles navales, sans octroi de la bonification au titre de la parité de transport, a été plus onéreux que l'achat d'un tonnage équivalent de ferraille d'importation. Il s'agit seulement d'un nouveau mode de calcul de l'un des éléments à prendre en considération pour l'évaluation du préjudice.

Quant au fond, les requérantes ont corrigé leurs calculs pour tenir compte des critiques qu'avait faites la Haute Autorité sur plusieurs points dans la duplique (p. 27 à 30) : prise en considération de moyennes pondérées, et non plus arithmétiques; prise en considération de la part des «despatch» qu'il est d'usage d'abandonner au transitaire; correction des erreurs commises au sujet de la parité de change. Il semble ne plus y avoir de discussion à ce sujet.

3. Frais de transport du port à l'usine

a) Transports par fer (note du 18 mars, p. 3 et 4). Dans sa première plaidoirie, à l'audience du 12 mars 1964, l'honorable avocat des requérantes avait dit ceci (BF 4/2) :

«Pour les transports par fer, il a été utilisé, dans la plus large mesure possible, les nombreuses données figurant dans la duplique de la Haute Autorité. Ces données s'appuient elles-mêmes sur les lettres de voiture communiquées par les requérantes à la Haute Autorité lors des règlements de péréquation.

Pour le surplus, il a été fait appel, en tant que de besoin, aux barèmes des chemins de fer belges et français, tout compte tenu des corrections justifiées par le recoupement avec les lettres de voiture.»

La Haute Autorité, dans sa note du 18 mars, juge inacceptable le procédé ayant consisté à prendre pour base des calculs certaines données fournies par la défenderesse, alors qu'il s'agit de documents dont les originaux sont détenus par les requérantes et dont la Haute Autorité ne possède qu'accidentellement les copies.

La réponse (plaidoirie du 21 avril, p. BF 1/4) est que

«la moyenne des chiffres figurant à la duplique, pour un trajet et une année déterminés, n'a pas été utilisée pour la totalité du préjudice. Nous disposions, en effet, d'un très grand nombre d'autres données, notamment des relevés du G.I.P.S. transmis à la Cour et à la Haute Autorité et joints à la réplique, pièces numérotées 45 à 64 bis, A à K. Cette très abondante documentation a été utilisée concurremment avec les données de la duplique pour l'établissement des tableaux tant pour les
transports par fer que pour les transports par eau. Enfin, si un grand nombre des requérantes, usant de la faculté inscrite dans la réglementation française, a procédé à la destruction des pièces comptables dans le délai admis de cinq ans, d'autres requérantes nous ont transmis leurs documents comptables. Ceux-ci sont venus ainsi s'ajouter aux données de la duplique et des relevés du G.I.P.S. Ces précisions permettent d'écarter entièrement les réserves de la note».

C'est là, Messieurs, un des points sur lesquels on peut conserver quelques doutes, davantage d'ailleurs en raison de la technicité du problème (que, seule, une expertise pourrait élucider plus ou moins complètement) que de l'absence de documents, ceux-ci vous ayant été communiqués. Nous pensons, pour notre part, qu'il y a lieu de considérer comme suffisamment probantes les justifications produites.

b) Transports par eau. Sur les deux points ayant donné lieu à critique (surestaries et frais accessoires, d'une part, incidence des tonnages effectivement chargés sur le coût unitaire des transports, d'autre part, p. 4 et s. de la note du 18 mars), la question est réglée, ainsi qu'il résulte de la plaidoirie du 21 avril (p. 1).

Cependant, la Haute Autorité soulève encore une objection, dans sa note du 20 avril: les données utilisées par les nouveaux tableaux, dit-elle, ne concernent que 20 % du tonnage total importé par les requérantes. La question est donc de savoir si ces chiffres, relatifs à des livraisons échelonnées de 1954 à 1958, sont suffisamment représentatifs, comme le soutiennent les requérantes. Nous pensons qu'on peut l'admettre.

4. Méthode de comparaison des frais de transport

Les critiques faites par la Haute Autorité à cet égard nous paraissent réfutées avec pertinence par la dernière plaidoirie (p. BF 1/6-2/1).

En conclusion, nous estimons que les requérantes ont fourni des justifications suffisantes en vue d'établir ce qu'aurait pu être normalement le coût de tonnages de ferraille d'importation équivalant aux tonnages de ferraille navale, indûment assortis du bénéfice de la parité de transport, qu'elles ont effectivement reçus.

Si vous conserviez encore des doutes, sur tel ou tel point, il vous appartiendrait d'ordonner une mesure d'instruction, que les requérantes se déclarent d'ailleurs prêtes à accepter. Mais il nous paraît impossible, en l'état des justifications produites, de rejeter purement et simplement les requêtes, comme vous l'avez fait le 15 décembre 1961, faute de toute preuve ou offre de preuve.

Nous concluons :

— à ce que la Cour adjuge aux requérantes le bénéfice de leurs conclusions telles qu'elles ont été formulées dans leur dernier état, le 11 avril 1964,

— et à ce que les dépens soient supportés par la Haute Autorité.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 29,
Date de la décision : 12/05/1964
Type de recours : Recours en responsabilité - fondé, Recours en responsabilité - ajourné

Analyses

Dispositions financières CECA

Responsabilité non contractuelle

Sidérurgie - acier au sens large

Péréquation de ferrailles

Matières CECA


Parties
Demandeurs : Société anonyme des laminoirs, hauts fourneaux, forges, fonderies et usines de la Providence et autres
Défendeurs : Haute Autorité de la CECA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lagrange
Rapporteur ?: Delvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1964:27

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award