Conclusions de l'avocat général
M. MAURICE LAGRANGE
4 mars 1964
Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
Dans cette affaire, quelque peu compliquée — c'est le moins qu'on puisse dire —, nous nous abstiendrons de rappeler le déroulement de la carrière de M. Collotti depuis son début, d'abord parce que, bien évidemment, elle vous est parfaitement connue, s'agissant d'un des fonctionnaires de la Cour, et de l'un des plus éminents, et, en second lieu, parce que ce rappel historique n'a, en tout cas, d'intérêt que pour l'examen des conclusions subsidiaires que nous examinerons le moment venu. Pour ce qui
est des conclusions principales, elles visent uniquement les conditions dans lesquelles a été réalisé le classement du requérant dans la grille du nouveau statut, compte tenu de la situation statutaire qui était la sienne à la date du 31 décembre 1961, c'est-à-dire: grade L/A, 2e échelon supplémentaire, avec deux années d'ancienneté dans cet échelon, ce qui était d'ailleurs le maximum de son grade et de tout le cadre linguistique.
A — Conclusions principales
La décision attaquée est une décision de la Cour, en date du 14 mars 1963, classant l'intéressé au grade L/A 3, 5e échelon, du nouveau statut, à compter du 1er janvier 1962 (prochain échelon le 1er juillet 1962).
En ce qui concerne le grade, il n'y a pas de difficulté: c'est l'application pure et simple de l'annexe X du nouveau statut CE.C.A. (correspondant à l'article 102 du statut commun C.E.E. et C.E.E.A.), qui dispose en son paragraphe 4, b : «le fonctionnaire du cadre linguistique est classé dans le grade correspondant à son emploi…». Or, l'annexe I établissant la correspondance entre les emplois types et les carrières classe expressément le «chef de la division de la traduction» au grade L/A 3.
En revanche, il y a litige au sujet de l'échelon. Le requérant prétend avoir droit, au 1er janvier 1982, à l'échelon 7 du grade L/A 3, avec droit au prochain échelon le 1er janvier 1984.
Toute la difficulté tient à l'interprétation des dispositions combinées du paragraphe 1 et du paragraphe 4, b, de l'annexe X.
Le paragraphe 4, b, dont nous venons de lire le début relatif au grade, s'exprime ainsi : «Le fonctionnaire du cadre linguistique est classé dans le grade correspondant à son emploi et, dans ce grade, à l'échelon immédiatement supérieur à celui dans lequel il aurait été classé en application du paragraphe 1.»
Ce paragraphe 1, sur lequel de précédents litiges vous ont déjà amenés à méditer, prévoit, rappelons-le, que la titularisation du fonctionnaire dans le nouveau statut a lieu «dans le grade et l'échelon du régime de rémunérations fixé par le présent statut qui correspondent au grade et à l'échelon qu'il avait obtenus explicitement ou implicitement avant son admission au bénéfice de ce statut, sous réserve, etc.».
Comme nous avons eu l'occasion de le remarquer dans de précédentes conclusions, ce texte ordonne une transposition pure et simple — grade pour grade, échelon pour échelon — de l'ancienne grille dans la nouvelle, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la nature de l'emploi occupé, ni des différences de classement dans les grades que le nouveau statut peut comporter par rapport à l'état antérieur. En ce qui concerne l'ancien personnel titulaire de la C.E.C.A., c'est l'article 94, alinéa 2, qui règle
ce dernier problème, en décidant qu'en pareil cas, l'intéressé «obtient à titre personnel le grade correspondant à celui qu'il détenait avec l'ancienneté qu'il y avait acquise ainsi que le droit à l'avancement d'échelon dans ce grade». Si le nouveau classement est inférieur à l'ancien, le fonctionnaire conserve ainsi intégralement le bénéfice de son ancien classement; si c'est l'inverse, se pose alors un problème analogue à celui que nous avons rencontré dans une précédente affaire et sur lequel il
n'y a pas lieu de revenir ici: de toutes manières, cet article 94, alinéa 2, ne fait, pour les fonctionnaires C.E.C.A., que confirmer la règle de transposition — ce qu'il est convenu d'appeler la «transposition linéaire» — établie par l'annexe X, paragraphe 1.
Dans ce système, il ne peut y avoir en principe de difficulté en ce qui concerne l'échelon: l'intéressé demeure au même grade et la correspondance d'échelon est aisée à trouver à l'intérieur de ce grade.
Mais le paragraphe 4 de l'annexe X institue — il le dit lui-même — une dérogation à la règle de transposition linéaire établie au paragraphe premier: d'abord à l'alinéa a au sujet des fonctionnaires dont l'emploi relève de la catégorie D, puis à l'alinéa b au sujet des fonctionnaires du cadre linguistique. Cette double dérogation s'explique pour les raisons suivantes: dans le premier cas, la création d'une quatrième catégorie oblige à y classer une partie des fonctionnaires de l'ancienne catégorie
C; dans le second cas, la refonte du cadre linguistique, dont les échelles sont désormais exactement calquées sur l'échelle générale (contrairement à la situation antérieure), rend impossible une transposition linéaire pure et simple. Ce qui caractérise cette dérogation, c'est que le classement est fait directement dans le grade du nouveau statut correspondant à l'emploi occupé, alors que, nous l'avons vu, la règle normale ne tient compte que de la correspondance de grade sans égard à l'emploi.
Que doit-on faire alors en ce qui concerne l'échelon? Il est évident que si le classement a lieu dans un grade nouveau ou différent de l'ancien, la règle de correspondance «linéaire» pour l'échelon n'a plus de sens: ce qu'il faut, c'est retrouver dans le nouveau grade un échelon qui conserve à l'intéressé sa situation pécuniaire antérieure (traitement et ancienneté). C'est de cette nécessité que s'inspire l'article 46 en cas de promotion, avec le système un peu compliqué des «échelons virtuels» ;
c'est ce qu'a fait, d'une manière très simple, très «classique» pourrait-on dire, le a de notre paragraphe 4 de l'annexe X pour le classement en catégorie D des fonctionnaires de l'ancienne catégorie C, en décidant que ces agents seraient classés dans leur nouveau grade «à l'échelon dont le traitement de base, déduction faite, etc…, est identique ou, à défaut, immédiatement inférieur au montant du traitement de base… qu'il percevait au moment de l'entrée en vigueur du présent statut». Il est certain
que si l'on avait édicté une règle de ce genre pour les fonctionnaires du cadre linguistique, il n'y aurait pas de problème.
Malheureusement, l'alinéa b relatif à ces fonctionnaires se borne à se référer à l'application du paragraphe premier et à ajouter un échelon. Or, nous l'avons vu, le mécanisme du paragraphe premier ne peut jouer que s'il y a identité de grade entre l'ancien et le nouveau classement, car, à ce moment, il est tout à fait normal de faire jouer aussi l'identité d'échelon. Si, au contraire, cette identité de grade n'existe pas, la correspondance d'échelon ne peut plus se faire de manière «linéaire», mais
par transposition: on ne peut plus, comme l'exige cependant le paragraphe premier, accorder l'échelon que l'intéressé avait obtenu (explicitement ou implicitement), puisque cet échelon était intimement lié au grade obtenu par l'intéressé.
C'est pourquoi l'administration, pour tenter d'appliquer aussi exactement que possible le paragraphe 1, soutient la thèse d'après laquelle le grade que le fonctionnaire du service linguistique «avait obtenu» était, dans tous les cas, le grade 4, correspondant, d'après elle, au grade L/A de l'ancien statut. Si cette thèse est exacte, la transposition d'échelon doit, en effet, pouvoir se faire conformément à la règle du paragraphe premier, et il suffit ensuite d'ajouter un échelon dans le nouveau
grade, conformément au paragraphe 4, b. Si elle ne l'est pas, comme le soutient le requérant, qui prétend que l'ancien cadre linguistique était en réalité «autonome» et débordait, au moins en partie, sur le grade A 3, la correspondance «linéaire» d'échelon ne peut plus jouer, au moins pour les fonctionnaires reclassés, comme le requérant, dans le grade A 3. Il faut alors retrouver directement dans ce dernier grade un échelon correspondant à celui que l'intéressé avait obtenu dans son grade L/A.
C'est ainsi que nous en arrivons à ce qui, comme les honorables avocats des parties l'ont très bien vu, constitue le point central du litige: l'ancien grade L/A n'était-il qu'une transposition dans le cadre linguistique du grade A 4, simplement assorti de la suppression du dernier échelon et de la création d'un échelon supplémentaire, ou, au contraire, avait-il le caractère d'un cadre autonome, chevauchant plus ou moins sur les grades A 4 et A 3? Notons qu'il s'agit uniquement d'un problème de
correspondance entre les grades et non de l'interprétation des termes «explicitement ou implicitement». Le requérant avait «obtenu» le grade L/A de la manière la plus explicite, mais à quoi ce grade correspond-il dans le nouveau statut? Telle est la question.
Au point de vue des «travaux préparatoires», le document le plus intéressant est le procès-verbal de la réunion de la Commission des présidents du 5 mars 1956, produit en annexe 12 au mémoire en défense. Deux thèses étaient alors en présence: l'une proposait d'adopter le classement proposé par la commission du règlement, qui calquait exactement les divers échelons du grade T/A (devenu depuis L/A) sur ceux du grade A 4 de la grille générale, mais permettait aux fonctionnaires du service linguistique
d'en sortir sans concours; l'autre insistait pour le maintien d'un cadre fermé. La discussion s'est terminée par un compromis: la thèse du «cadre fermé» a prévalu, mais, en compensation, et notamment pour permettre au chef du service linguistique d'obtenir en fin de carrière un échelon qui se retrouve au grade 3 et même au grade 2, il a été décidé de décaler d'un échelon vers le haut la grille proposée. C'est ainsi que l'échelon le plus élevé (2e échelon supplémentaire), auquel M. Collotti a pu
accéder, ne se retrouve pas au grade A 4: il comportait un traitement de 8.220 unités de compte correspondant, à quelques unités près, à l'échelon 5 du grade A 3 et à l'échelon 2 du grade A 2.
Dans ces conditions, il nous paraît bien arbitraire d'admettre la thèse selon laquelle l'ancien grade L/A correspondait au grade A 4: la vérité est que le cadre linguistique avait un caractère autonome (c'est d'ailleurs bien la raison pour laquelle on l'avait institué) et que la «correspondance» du grade dans lequel on avait enfermé les fonctionnaires de ce cadre avec les grades de la grille générale ne doit pas nécessairement être établie avec le seul grade A 4. N'oublions pas que les grilles
d'échelon comportent un chevauchement assez prononcé entre les grades: lorsqu'on opère encore le décalage d'un échelon, le chevauchement devient si important que l'assimilation au grade pris comme base devient elle-même vraiment artificielle. A cet égard, le nouveau statut n'a fait que reconnaître cette situation en répartissant les emplois supérieurs du cadre entre les grades L/A 3 et L/A 4 correspondant exactement aux grades A 3 et A 4 de la grille générale.
C'est cette même situation que les rédacteurs de l'annexe X ont apparemment méconnue en rédigeant le b autrement que le a. Ne se rappelant que le mode de calcul suivant lequel avaient été établis les échelons du cadre L/A (ceux du grade A 4 assortis du décalage d'un échelon vers le haut), ils ont sans doute pensé qu'il suffisait de recourir à un procédé purement automatique pour rétablir la correspondance d'échelon, c'est-à-dire adopter la méthode dite «linéaire», puis ajouter un échelon. De fait,
ainsi que le tableau produit par l'avocat du requérant à l'audience le montre clairement, ce procédé s'applique sans difficulté depuis l'échelon 1 jusqu'au premier échelon supplémentaire: on retrouve exactement, chaque fois, le traitement afférent à l'échelon correspondant du grade 4, augmenté d'une unité; par exemple l'échelon 3 du grade L/A comporte un traitement de 7.020 unités de compte, qui est bien le traitement afférent à l'échelon 4 du grade A 4. Mais, lorsqu'on arrive en haut de l'échelle,
au deuxième grade supplémentaire du grade L/A (8.220 unités de compte), il n'y a plus aucune correspondance dans le grade A 4. Dès lors, tout calcul qui continue à vouloir à tout prix «passer» par le grade A 4 s'avère arbitraire d'une manière ou d'une autre.
C'est ce dont on se rend compte en examinant la méthode suivie par l'administration. De la série d'opérations découlant de cette méthode, plusieurs nous paraissent erronées, tantôt au profit du requérant, tantôt à son détriment.
Première opération : Selon la défenderesse, c'est l'échelon 7 du nouveau grade L/A 4 qui correspond à l'échelon obtenu par le requérant dans son ancien cadre (L/A, 2 e échelon supplémentaire). Si l'on admet que l'on est dans l'obligation de trouver la correspondance dans le grade L/A 4, ceci nous paraît correct. En effet, c'est bien le L/A 4, 7 e échelon (traitement mensuel de base: 41250 francs d'après le tableau figurant à l'article 66 du nouveau statut) qui correspond au L/A, 2 e échelpn
supplémentaire (8.220 unités de compte).
Deuxième opération : Par application de l'annexe X, paragraphe 4, on ajoute la valeur d'un échelon de l'ancien grade, soit1650 francs par mois, ce qui conduit au 8e échelon du grade L/A 4 et, en même temps, au maximum de la carrière dans ce grade.
Ici, il y a une erreur. En effet, l'attribution d'un échelon supplémentaire, conformément aux termes formels du paragraphe 4 de l'annexe X, doit se faire dans le nouveau grade, donc à la fin des opérations, et non dans l'ancien grade. Ceci a son importance, car la valeur de l'échelon est plus élevée dans la nouvelle grille (2150 francs au lieu de 1650 francs). Au surplus, le procédé utilisé est contraire au principe de la transposition linéaire: on doit purement et simplement accorder un échelon
supplémentaire, et non tenir compte de la valeur de cet échelon (c'est-à-dire de la part du traitement y afférente), en y ajoutant les autres bonifications auxquelles l'intéressé peut prétendre, pour parvenir à une comparaison du traitement ainsi majoré avec celui du grade L/A 3 — le tout en vue de la détermination de l'échelon dans ce dernier grade, car tel est bien, si nous l'avons compris, le procédé auquel l'administration a recouru.
Troisième opération :On attribue, toujours dans l'ancien cadre, la valeur d'un échelon théorique (toujours 1650 francs) pour tenir compte des deux ans d'ancienneté que le requérant avait acquis à la date du 1er janvier 1962: échelon «théorique», puisqu'il s'agit, en réalité, d'un 8e échelon qui n'existait pas, le 2e échelon supplémentaire (ou 7e) atteint par M. Collotti étant le maximum.
La double critique précédente est également valable ici: d'une part, on n'applique pas la méthode de transposition linéaire. D'autre part, on méconnaît les dispositions de l'article 94 du nouveau statut: d'après ce texte, «le fonctionnaire intégré en application de l'article 93 (c'est-à-dire de l'annexe X à laquelle renvoie cet article) conserve… le bénéfice de l'ancienneté acquise dans le dernier grade et échelon qu'il occupait au moment de la mise en vigueur de ce statut…» Donc, comme pour
l'octroi de l'échelon supplémentaire de l'annexe X, paragraphe 4, c'est dans le nouveau grade, une fois l'intégration opérée conformément aux dispositions de l'annexe X, que le report d'ancienneté est effectué; cela nous semble résulter clairement du texte qui, au surplus, est conforme aux normes habituellement suivies dans ce genre d'opération: on commence par faire le classement dans le nouveau cadre, compte tenu des règles prévues à cet effet, puis on opère le cas échéant les reports d'ancienneté
acquis dans l'ancien cadre.
Quatrième opération : On accorde une indemnité compensatrice (635 francs) par application de l'article 95 du nouveau statut, en «calculant quelle serait la diminution de traitement que M. Collotti aurait subie dans le grade A 4, dernier échelon, de la nouvelle grille, par rapport au 2 e échelon supplémentaire du grade L/A dans le cas où il n'aurait pas pu prétendre au grade 3».
Ici encore, nous ferons une objection du même ordre: elle est tirée de ce que l'indemnité compensatrice prévue à l'article 95 n'est accordée que s'il existe une différence entre la rémunération ancienne et celle qui résulte de l'application du nouveau statut. Il faut donc d'abord réaliser l'intégration conformément à l'article 93 et à l'annexe X, car c'est seulement, selon les termes de l'article 95, «le fonctionnaire dont la rémunération subit une diminution par suite de l'application des
dispositions du présent statut» qui a droit à une indemnité compensatrice. Celle-ci n'a pas à être utilisée comme mode de calcul pour établir la correspondance d'échelon.
Cinquième et sixième opérations : Elles consistent à appliquer les dispositions de l'article 46 du statut relatives à la promotion, qui accordent le bénéfice d'un échelon au fonctionnaire promu, et se réfèrent à un mode de calcul basé sur des «échelons virtuels».
Il s'agit là, évidemment, d'un avantage spécial accordé au requérant, mais dont la légalité est des plus contestables, car, dans le cas spécial de l'annexe X, paragraphe 4, l'intégration doit se faire, nous l'avons vu, directement dans le grade correspondant à l'emploi, même si le nouveau statut comporte une classification différente de cet emploi: l'opération ne peut être décomposée et ne peut, même pour partie, être en quoi que ce soit assimilée à une promotion. L'intéressé a droit à être intégré
de piano dans le grade du nouveau statut correspondant à son emploi, et il s'agit simplement de retrouver dans ce grade l'échelon adéquat.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons que le mécanisme, si ingénieux qu'il soit dans sa complication et malgré les efforts qu'il fait à certains égards pour avantager l'intéressé, ne peut être retenu.
Que faut-il donc faire?
A notre avis, c'est extrêmement simple. Si l'on admet, selon notre opinion, que le grade de la nouvelle grille qui correspond au grade qu'avait obtenu explicitement l'intéressé dans son ancien cadre est le grade L/A 3, il suffit d'opérer la transposition d'échelon: or, il n'est guère contestable que c'est bien l'échelon 5 de l'ancien grade A 3 (8.280 unités de compte) qui correspond, à quelques unités de compte près, au 2 e échelon supplémentaire qu'avait obtenu l'intéressé dans son ancien cadre L/A
(8.220 unités de compte). Cela correspond à l'échelon 5 de la nouvelle grille (45250 francs), comme le soutient le requérant. C'est l'application pure et simple du paragraphe 1 de l'annexe X.
Mais il ne peut plus alors, à notre avis, être question d'ajouter encore un échelon supplémentaire par application du paragraphe 4 de la même annexe, ce qui constituerait un double emploi. En effet, dans ce système, l'application du paragraphe 4 en ce qui concerne la détermination de l'échelon devient sans objet : le seul objet de l'octroi d'un échelon supplémentaire est de tenir compte du «décalage» d'un échelon, ce qui ne se justifie que par rapport au grade 4; or, cet objet n'existe plus dès lors
que la transposition a lieu directement dans le grade 3.
Ou alors, il faut trouver une autre justification — ou une justification supplémentaire — à cette majoration d'échelon prévue au paragraphe 4 de l'annexe X. C'est ce qu'a tenté de faire le requérant, en alléguant qu'il s'agirait d'une compensation au fait que, toujours enfermé dans son cadre, l'agent du service linguistique, même devenu chef de service, ne pourra jamais dépasser le grade A 3. Mais, Messieurs, nous entrons alors dans le domaine de la spéculation, bien dangereux dans une pareille
matière, et que rien dans les «travaux préparatoires» (le requérant le reconnaît) ne vient confirmer. Cela est d'autant plus dangereux que le double avantage qui serait ainsi accordé au chef de service ne pourrait être reconnu aux autres agents, à ceux pour lesquels l'assimilation avec le grade A 4 doit être maintenue; il en résulterait une distorsion injuste à l'égard de ces derniers. En réalité, l'avantage donné au chef de service résulte tout simplement de ce que le nouveau statut le classe dans
le grade L/A 3 qui lui permet d'accéder aux échelons supérieurs de ce grade, au lieu de rester «bloqué» en A 4, avec le seul bénéfice d'un échelon supplémentaire, comme c'était le cas sous l'ancien statut.
En revanche, bien entendu, il y a lieu d'opérer le report de l'ancienneté acquise à la date du 1er janvier 1962, ce qui, dans le cas présent, permet à M. Collotti d'obtenir, dès cette date du1er janvier 1962, l'échelon suivant, c'est-à-dire l'échelon 6, et non pas seulement le 1er juillet 1962 comme le prévoit la décision attaquée.
Nous ajouterons, à titre subsidiaire, que même si vous ne jugiez pas possible l'effort d'interprétation que nous suggérons et si vous estimiez que la transposition doit se faire exclusivement sur la base du grade A 4, il semble que l'on parviendrait, ou que l'on pourrait parvenir, au même résultat.
En effet, il faut alors reprendre au départ le système de l'administration: c'est l'échelon 7 du nouveau grade L/A 4 qui correspond à l'échelon obtenu par le requérant dans son ancien grade (L/A, 2 e échelon supplémentaire). Cet échelon 7 comporte un traitement de 41250 francs. Il y a lieu ensuite de rechercher, selon les termes mêmes de l'annexe X, paragraphe 1, quel est l'échelon correspondant dans le grade L/A 3.
Mais ici, une difficulté se présente: le traitement de 41250 francs est intermédiaire entre le traitement de l'échelon 3 et celui de l'échelon 4 de ce grade L/A 3: 40.950 et 43.100 respectivement. Faut-il se référer à l'échelon immédiatement supérieur ou à l'échelon immédiatement inférieur? On (peut avoir un doute si l'on observe que l'alinéa a du paragraphe 4 de l'annexe X (peut-être l'avez-vous remarqué à la lecture), se réfère «à l'échelon dont le traitement de base… est identique, ou, à défaut,
immédiatement inférieur au montant du traitement de base» perçu antérieurement. On peut dire, cependant, qu'en l'espèce il ne s'agit pas de comparer des traitements, mais des échelons, et que rien ne s'oppose à ce qu'on choisisse l'échelon immédiatement supérieur.
Si l'on se réfère ainsi à l'échelon 4, il suffit alors d'attribuer l'échelon supplémentaire conformément au paragraphe 4 de l'annexe X et on aboutit, comme dans le premier système, à l'échelon 5 au 1er janvier 1962 (et à l'échelon 6 moyennant le report d'ancienneté). Mais, vous le voyez, ce mécanisme, qui exige d'ailleurs une double transposition, est plus arbitraire que le précédent auquel, pour cette raison, vont nos préférences.
B — Conclusions subsidiaires
Nos explications seront fort brèves au sujet des conclusions subsidiaires qui, en effet, ne nous paraissent pas recevables.
Ces conclusions, telles qu'elles ont été rectifiées dans le mémoire en réplique, tendent, en effet, à l'annulation de «la décision individuelle de la Cour du 17 juillet 1956 en tant que basée sur l'article 2, littera b, du règlement général de la C.E.C.A., édicté par la Commission des présidents, qui doit préalablement être déclaré inapplicable pour violation de l'article 24 du statut C.E.C.A. (ancien)». Le requérant demande, en conséquence, une reconstitution de carrière. Le recours soulève donc,
par voie d'exception, l'illégalité par rapport au statut, du règlement général de la C.E.C.A.
Il nous paraît certain que ce règlement général, pris en application du statut et par délégation, ne peut lui être contraire, et cela d'autant moins que l'autorité compétente n'était pas la même: Commission des présidents et Cour de justice pour le statut, Commission des présidents seule pour le règlement général.
Mais une exception d'illégalité ne peut être soulevée, à l'encontre d'un règlement, qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision individuelle faisant grief. C'est ce que le requérant a bien vu, en rectifiant les conclusions de sa requête par une demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juillet 1956 qui l'a nommé fonctionnaire titulaire au grade L/A, 5e échelon, à compter du 1er juillet 1956, Or, cette décision n'ayant pas été attaquée dans les délais, a produit ses effets et est
devenue définitive.
Les conclusions subsidiaires apparaissent ainsi irrecevables.
Nous concluons :
— à l'annulation de la décision de la Cour de justice, en date du 14 mars 1963, en tant qu'elle n'a fixé qu'au 1er juillet 1962 l'accès de M. Collotti à l'échelon 6 du grade L/A 3, cet accès devant prendre effet au 1er janvier 1962;
— au renvoi de M. Collotti devant la Cour de justice pour y être prises les mesures que comportera l'exécution de votre arrêt;
— au rejet du surplus des conclusions principales de la requête ;
— au rejet des conclusions subsidiaires,
— et à ce que les dépens soient supportés par la partie défenderesse.