COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. Nguyen, 2009 CSC 25, [2009] 1 R.C.S. 826
Date : 20090529
Dossier : 32359
Entre :
Kien Tam Nguyen et Nga Thuy Nguyen
Appelants
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
‑ et ‑
Procureur général de l’Ontario
Intervenant
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Rothstein
Motifs de jugement :
(par. 1 à 15)
Motifs concordants en partie :
(par. 16)
Motifs concordants en partie :
(par. 17)
La juge Abella (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps et Rothstein)
Le juge LeBel
Le juge Fish
______________________________
R. c. Nguyen, 2009 CSC 25, [2009] 1 R.C.S. 826
Kien Tam Nguyen et Nga Thuy Nguyen Appelants
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
et
Procureur général de l’Ontario Intervenant
Répertorié : R. c. Nguyen
Référence neutre : 2009 CSC 25.
No du greffe : 32359.
2008 : 13 novembre; 2009 : 29 mai.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Rothstein.
en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Donald, Kirkpatrick et Frankel), 2007 BCCA 474, 246 B.C.A.C. 263, 406 W.A.C. 263, qui a confirmé une décision du juge Josephson, 2006 BCSC 1846, [2006] B.C.J. No. 3202 (QL). Pourvoi rejeté.
Jay I. Solomon et Adrienne L. Smith, pour les appelants.
François Lacasse, W. Paul Riley et Simon William, pour l’intimée.
John Corelli et Deborah Calderwood, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps, Abella et Rothstein rendu par
[1] La juge Abella — Tout comme les pourvois connexes R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762, et R. c. Ouellette, 2009 CSC 24, [2009] 1 R.C.S. 818, le présent pourvoi concerne la relation entre une ordonnance de confiscation visant un bien immeuble infractionnel rendue en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19, et la période d’emprisonnement ou d’autres aspects de la sentence prononcée contre un délinquant.
[2] Comme je l’indique dans mes motifs de jugement dans l’arrêt Craig, il convient à mon avis d’aborder les ordonnances de confiscation d’une façon indépendante de l’examen plus large effectué pour la détermination de la peine.
[3] Les appelants, les époux Kien Tam et Nga Thuy Nguyen, ont été inculpés de production de marihuana et de possession de cette substance en vue d’en faire le trafic, infractions prévues par les par. 5(2) et 7(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ces accusations concernaient des activités de culture de marihuana menées dans une résidence de trois étages située à Surrey, en Colombie‑Britannique.
[4] La résidence était inscrite au nom de M. Nguyen.
[5] Lors de l’infraction, M. et Mme Nguyen résidaient avec leurs deux plus jeunes enfants dans une habitation qu’ils louaient ailleurs. Leur fille aînée, âgée de 18 ans à ce moment‑là, habitait l’immeuble de Surrey. Après le dépôt des accusations, le reste de la famille a emménagé dans cette propriété.
[6] La police a saisi une [traduction] « installation de culture de marihuana de taille modeste mais sophistiquée » qui comprenait 96 plants. Lors de la perquisition, il était évident qu’une récolte avait été effectuée peu de temps auparavant, étant donné la présence de pots vides. Une nouvelle récolte avait été préparée.
[7] On a trouvé des boutures de marihuana dans le réfrigérateur de la cuisine du rez‑de‑chaussée. Deux des trois chambres de l’étage supérieur n’étaient utilisées que de façon transitoire. La porte extérieure de la façade était barricadée et munie d’une ferrure. Les fenêtres des pièces du sous-sol où se trouvaient les plants de marihuana étaient barricadées avec des planches. Des systèmes d’éclairage, d’irrigation et de ventilation avaient été installés au sous‑sol. Des assainisseurs d’air avaient été installés au rez‑de‑chaussée. D’une façon générale, les Nguyen avaient pris des mesures importantes pour dissimuler la nature des activités qui se déroulaient dans la maison.
[8] Monsieur et Mme Nguyen ont été déclarés coupables des deux chefs d’accusation. Le juge Josephson de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique les a condamnés à une peine d’emprisonnement de 18 mois avec sursis, tout en ordonnant la confiscation totale de la résidence où la marihuana avait été produite.
[9] Les Nguyen n’avaient pas de casier judiciaire ni de liens avec le crime organisé. Le juge de première instance a toutefois retenu, comme facteurs aggravants, le caractère sophistiqué de l’exploitation et sa nature commerciale, ainsi que la probabilité que la maison avait été acquise à seule fin d’y cultiver de la marihuana.
[10] Rédigeant l’opinion unanime de la Cour d’appel, la juge Kirkpatrick a appliqué l’approche adoptée par la juge Ryan dans R. c. Craig, 2007 BCCA 234, 240 B.C.A.C. 77, décrite plus longuement dans le pourvoi connexe Craig, et elle a rejeté l’appel présenté à l’égard de la peine. La juge Kirkpatrick a confirmé l’ordonnance de confiscation visant la propriété des Nguyen: 2007 BCCA 474, 246 B.C.A.C. 263.
[11] À mon avis, les faits ne justifient pas que l’on modifie la conclusion du juge de première instance et de la Cour d’appel à l’égard de la confiscation totale. Bien que l’installation de culture de la marihuana des Nguyen soit en gros comparable à celle de Mme Craig du point de vue de la taille et de la sophistication, au moins deux éléments importants distinguent la présente affaire et tendent à indiquer que la confiscation ne serait pas démesurée au sens du par. 19.1(3).
[12] L’observation du juge Josephson suivant laquelle les Nguyen avaient acheté la maison à la seule fin d’y cultiver de la marihuana revêt à mon sens une importance particulière. Cela signifie que le bien était dès le début associé à un dessein criminel. (Voir R. c. Nguyen, 2006 BCSC 1846, [2006] B.C.J. No. 3202 (QL), par. 14.)
[13] En outre, il est significatif que les Nguyen habitaient ailleurs avec leurs deux plus jeunes enfants, alors que leur fille de 18 ans vivait dans la maison en question. Comme l’a signalé le juge de première instance, cela semble indiquer que la principale fonction de la maison était de receler une installation de culture de marihuana. Ce fait est lui aussi pertinent pour la prise en compte des facteurs énoncés au par. 19.1(3).
[14] Je suis par conséquent d’avis que la confiscation totale de l’immeuble n’était pas une sanction démesurée au sens du texte législatif.
[15] Je rejetterais le pourvoi.
Version française des motifs rendus par
[16] Le juge LeBel — Sous réserve des motifs que j’ai exposés dans l’arrêt R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762, je trancherais le présent pourvoi de la manière que propose la juge Abella.
Version française des motifs rendus par
[17] Le juge Fish — Sous réserve des motifs que j’ai exposés dans l’arrêt R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762, je souscris à l’opinion de la juge Abella et je trancherais le pourvoi de la manière qu’elle propose.
Pourvoi rejeté.
Procureurs des appelants : Jay I. Solomon Law Corporation, Vancouver.
Procureur de l’intimée : Service des poursuites pénales du Canada, Vancouver.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.