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05/06/2008 | CANADA | N°2008_CSC_33

Canada | R. c. Wittwer, 2008 CSC 33 (5 juin 2008)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Wittwer, [2008] 2 R.C.S. 235, 2008 CSC 33

Date : 20080605

Dossier : 32130

Entre :

Dieter Helmut Wittwer

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

‑ et ‑

Procureur général de l’Ontario

Intervenant

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 27)

Le juge Fish (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des j

uges Binnie, LeBel, Deschamps, Abella et Charron)

______________________________

R. c. Wittwer, [2008] 2 R.C.S. 235, 2008 CSC 33

Dieter Helmut Wittwer Appelant

c....

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Wittwer, [2008] 2 R.C.S. 235, 2008 CSC 33

Date : 20080605

Dossier : 32130

Entre :

Dieter Helmut Wittwer

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

‑ et ‑

Procureur général de l’Ontario

Intervenant

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron

Motifs de jugement :

(par. 1 à 27)

Le juge Fish (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Abella et Charron)

______________________________

R. c. Wittwer, [2008] 2 R.C.S. 235, 2008 CSC 33

Dieter Helmut Wittwer Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Procureur général de l’Ontario Intervenant

Répertorié : R. c. Wittwer

Référence neutre : 2008 CSC 33.

No du greffe : 32130.

2008 : 15 avril; 2008 : 5 juin.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Saunders, Levine et Kirkpatrick) (2007), 242 B.C.A.C. 230, 400 W.A.C. 230, 219 C.C.C. (3d) 449, 156 C.R.R. (2d) 43, [2007] B.C.J. No. 948 (QL), 2007 CarswellBC 986, 2007 BCCA 275, qui a confirmé une déclaration de culpabilité relativement à trois chefs d’accusation de contacts sexuels. Pourvoi accueilli.

Gil D. McKinnon, c.r., pour l’appelant.

Susan J. Brown, pour l’intimée.

Gillian Roberts et David Friesen, pour l’intervenant.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Fish —

I

[1] Ce pourvoi porte sur la recevabilité d’une déclaration incriminante faite par l’appelant à la police au moment où il était confronté à une déclaration antérieure obtenue de lui en violation de ses droits constitutionnels.

[2] À l’origine, l’agent qui interrogeait l’appelant a essayé d’isoler la confession qu’il espérait obtenir à ce moment‑là de deux déclarations antérieures obtenues de manière illégale par ses collègues. Mais le [traduction] « nouveau départ » d’abord envisagé comme il se doit par l’agent n’a pas tardé à s’effondrer. Après plus de quatre heures d’interrogatoire infructueux, l’appelant et lui étaient — selon les termes de l’agent — [traduction] « à couteaux tirés ».

[3] En dernier recours, l’agent a alors repris les choses là où ses collègues les avaient laissées : il a confronté l’appelant à ses déclarations antérieures irrecevables, ou du moins à l’une d’entre elles. C’est alors seulement que l’agent a pu obtenir de l’appelant les aveux incriminants qu’il n’avait pas réussi à obtenir autrement. Ce qui avait commencé par un nouveau départ acceptable s’est ainsi terminé par un interrogatoire inacceptable indissociablement lié aux interrogatoires entachés qui l’avaient précédé.

[4] L’agent savait que les déclarations antérieures avaient été obtenues dans des conditions qui portent atteinte au droit à l’assistance d’un avocat garanti à l’appelant par la Charte canadienne des droits et libertés. De toute évidence, il comprenait aussi que l’utilisation des déclarations antérieures dans le cadre de ce troisième interrogatoire mettrait en péril la recevabilité de tout aveu obtenu en conséquence. C’est pourquoi il a évité pendant plus de quatre heures d’invoquer les déclarations antérieures même s’il croyait, comme nous le verrons, qu’il suffirait de le faire pour amener M. Wittwer à s’incriminer.

[5] Pour ces motifs, et pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler les déclarations de culpabilité prononcées contre l’appelant et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

II

[6] Dieter Helmut Wittwer, âgé de 71 ans lors du procès, a été déclaré coupable de trois chefs de contacts sexuels, infraction prévue à l’art. 151 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. Les infractions auraient été commises entre le 1er janvier 1998 et le 14 juillet 2003. Chacun des chefs d’accusation concerne une victime différente : SLR, qui avait entre deux et six ans à l’époque; CMF, qui avait entre six et sept ans; et SMF, qui avait entre cinq et six ans.

[7] Comme je l’ai déjà mentionné, l’appelant a fait trois déclarations à la police. Il n’est pas contesté que la première et la deuxième déclaration de l’appelant ont toutes deux été obtenues dans des conditions qui portent atteinte à ses droits constitutionnels. L’intimée le reconnaît clairement dans son mémoire (par. 7) :

[traduction] Le ministère public n’a pas cherché à présenter en preuve l’une ou l’autre des déclarations antérieures; il a admis que chacune avait été obtenue en violation de l’al. 10b) [de la Charte canadienne des droits et libertés].

[8] Monsieur Wittwer interjette appel au motif que sa troisième déclaration, faite pendant qu’il était détenu relativement à une autre accusation, a elle aussi été obtenue en violation de son droit à l’assistance d’un avocat et aurait dû être écartée en vertu du par. 24(2) de la Charte.

[9] Monsieur Wittwer a été interrogé une première fois par l’agent Samuel Ghadban, le 29 juillet 2003, au Centre correctionnel régional de Kamloops, où il était détenu en raison d’une accusation sans lien avec celles dont il est question en l’espèce. L’interrogatoire a duré une heure 40 minutes. Au cours de l’interrogatoire, l’appelant a raconté un incident qui, selon lui, s’était passé trois ou quatre mois auparavant — un incident décrit par les tribunaux inférieurs comme une rencontre sexuelle [traduction] « bizarre » avec deux des trois plaignantes.

[10] Peu après, le ministère public a réalisé que l’agent Ghadban n’avait pas adéquatement informé l’appelant de son droit à l’assistance d’un avocat et que la déclaration risquait pour cette raison d’être irrecevable dans le cadre d’un procès. Après discussions, la police a décidé d’interroger l’appelant de nouveau.

[11] Le second interrogatoire a été mené par l’agent David Helgason, qui a correctement informé M. Wittwer de son droit à l’assistance d’un avocat, mais en a gêné l’exercice en ne faisant aucun effort pour donner à l’appelant la possibilité de communiquer avec son avocat. L’interrogatoire n’a pas été enregistré sur bande vidéo et l’enregistrement sonore était de piètre qualité. La police, reconnaissant que la recevabilité de la deuxième déclaration de l’appelant était par conséquent douteuse, a décidé de l’interroger encore une fois — la troisième.

[12] Le troisième interrogatoire, celui qui nous intéresse ici, a été mené par le sergent Cary Skrine. Il a duré près de cinq heures. Le sergent Skrine a tout d’abord informé M. Wittwer de son droit à l’assistance d’un avocat. Il a également dit à M. Wittwer que sa décision de répondre ou non aux questions ne devait pas être influencée par quoi que ce soit qu’il ait dit auparavant à d’autres policiers. Le sergent Skrine n’a pas informé M. Wittwer que ses déclarations antérieures pourraient ne pas être recevables contre lui dans le cadre d’un procès. Et il a faussement prétendu, pour des raisons stratégiques, ignorer la teneur de ces déclarations.

[13] Le sergent Skrine a questionné l’appelant au sujet de la rencontre sexuelle qu’il avait décrite lors des deux premiers interrogatoires. L’appelant a cependant dit à plusieurs reprises au sergent Skrine de [traduction] « s’adresser à “Sam” [l’agent Ghadban] », et a persisté pendant plus de quatre heures à refuser d’aborder ce sujet avec le sergent Skrine.

[14] Le sergent Skrine a affirmé que lui et l’appelant étaient restés [traduction] « à couteaux tirés ». Il avait l’impression que la seule façon d’amener l’appelant à s’incriminer était de reconnaître qu’il était au courant de la rencontre sexuelle décrite par l’appelant lors des deux premiers interrogatoires. Le sergent Skrine a conclu qu’il n’y avait qu’une façon pour lui d’amener l’appelant [traduction] « à parler ». Je le cite :

[traduction] . . . j’avais le sentiment que s’il devait faire des aveux au sujet de ces agressions, il le ferait uniquement s’il savait que j’étais au courant de sa conversation avec l’agent Ghadban [qui avait recueilli la première déclaration de l’appelant]. [d.a., p. 157]

[15] La conclusion du sergent Skrine s’est avérée juste. Lorsqu’il est revenu dans la salle d’interrogatoire après s’être absenté brièvement pour discuter avec l’agent Ghadban, le sergent Skrine a informé l’appelant qu’il savait maintenant ce que l’appelant avait dit à l’agent Ghadban. C’est alors seulement que [traduction] « les verrous ont sauté » : l’appelant a immédiatement commencé à faire la déclaration qu’il avait jusqu’alors résolument refusé de faire (d.a., p. 12, jugement relatif au voir‑dire, par. 27).

[16] Le juge du procès a conclu que l’objectif du sergent Skrine était d’obtenir [traduction] « une déclaration indépendante, à savoir indépendante des deux déclarations antérieures faites à l’agent Helgason et à l’agent Ghadban » (d.a., p. 6, jugement relatif au voir‑dire, par. 10). Mais l’appelant a persisté à refuser de dire ce que le policier voulait entendre — jusqu’à ce que le sergent Skrine lui dise, pour la première fois, qu’il était au courant de ce que l’appelant avait déjà dit à l’agent Ghadban.

[17] Le juge du procès a néanmoins conclu à l’existence d’un [traduction] « écart temporel important » entre la déclaration en cause et celle qui avait été faite à l’agent Ghadban quelque cinq mois auparavant. Il a conclu en outre que le lien de causalité entre les deux déclarations était relativement faible, que la déclaration recueillie par le sergent Skrine n’était entachée d’aucun vice de la déclaration initiale, et qu’elle était par conséquent recevable contre M. Wittwer. Et il a déclaré M. Wittwer coupable sur les trois chefs de contacts sexuels, l’infraction prévue à l’art. 151 du Code criminel.

[18] La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique était d’accord dans une large mesure avec le juge du procès et elle a confirmé les déclarations de culpabilité prononcées contre l’appelant : (2007), 219 C.C.C. (3d) 449, 2007 BCCA 275.

III

[19] Pour décider s’il y a lieu d’écarter une déclaration en vertu du par. 24(2) de la Charte, le tribunal doit être convaincu (i) que cette déclaration a été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte, et (ii) que son utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice : R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980.

[20] La question décisive à trancher dans le présent pourvoi est de savoir si la troisième déclaration de l’appelant était viciée par les violations de la Charte qui entachaient ses déclarations antérieures au sujet des mêmes accusations.

[21] Les tribunaux appelés à décider si une déclaration est viciée par une violation antérieure de la Charte ont privilégié une approche généreuse et fondée sur l’objet visé. Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de causalité strict entre la violation et la déclaration subséquente. La déclaration sera viciée s’il est possible d’affirmer que la violation et la déclaration en cause font partie de la même opération ou de la même ligne de conduite : Strachan, p. 1005. Le lien exigé entre la violation et la déclaration subséquente peut être [traduction] « temporel, contextuel, causal ou un mélange des trois » : R. c. Plaha (2004), 189 O.A.C. 376, par. 45. Un lien qui est simplement « éloigné » ou « ténu » ne sera pas suffisant : R. c. Goldhart, [1996] 2 R.C.S. 463, par. 40; Plaha, par. 45.

[22] Dans la présente affaire, je suis convaincu que le lien est temporel, au sens où la déclaration de l’appelant au sergent Skrine a suivi immédiatement la mention de la première déclaration irrecevable (la « déclaration Ghadban »). Le lien est également causal, au sens où la déclaration en cause a été obtenue après plus de quatre heures de résistance de l’appelant et — comme s’y attendait l’agent qui menait l’interrogatoire — parce que l’agent a mentionné la déclaration Ghadban. À cet égard, je cite encore une fois l’observation presciente du sergent Skrine : [traduction] « J’avais le sentiment », a‑t‑il dit lors de son témoignage, « que s’il devait faire des aveux au sujet de ces agressions, il le ferait uniquement s’il savait que j’étais au courant de sa conversation avec l’agent Ghadban ». Enfin, je suis convaincu que le lien entre la déclaration en cause et les déclarations irrecevables qui l’ont précédée est jusqu’à un certain point contextuel, dans la mesure où tout écart antérieur entre les deux a été comblé d’une manière intentionnelle et explicite par l’association faite entre les deux par le sergent Skrine lors de l’interrogatoire de l’appelant qu’il a effectué avec le soutien vigilant de l’agent Ghadban. Peu importe la façon dont on envisage la question, le lien exigé par les arrêts Goldhart et Plaha a clairement été établi.

[23] À cet égard, les observations suivantes du juge Sopinka, qui s’exprimait au nom de la Cour unanime dans R. c. I. (L.R.) et T. (E.), [1993] 4 R.C.S. 504, p. 526‑527, me semblent particulièrement pertinentes :

Selon les règles de common law relatives aux confessions, la détermination de l’admissibilité d’une confession précédée d’une confession involontaire comportait une décision factuelle fondée sur des facteurs destinés à établir le degré de connexité entre les deux déclarations. Ces facteurs comprenaient le délai écoulé entre les déclarations, les allusions à la déclaration antérieure pendant l’interrogatoire, la découverte d’une preuve incriminante supplémentaire après la première déclaration, la présence des mêmes policiers au cours des deux interrogatoires et d’autres similarités entre les deux cas. . .

Si on applique ces facteurs, une confession subséquente serait involontaire si l’une des caractéristiques ayant vicié la première confession existait toujours ou si la première déclaration était un facteur important qui a incité à faire la seconde déclaration. . .

Dans ces cas, il fallait tenir compte du fait qu’il y avait eu avertissement ou mise en garde ou qu’on avait obtenu les conseils d’un avocat entre les deux déclarations, sans pour autant qu’il s’agisse là de facteurs déterminants. Bien que ces facteurs aient largement contribué à dissiper les éléments de contrainte ou d’incitation résultant de la conduite des interrogateurs, il se pourrait qu’ils n’aient que peu ou pas d’effet dans les cas où la seconde déclaration est provoquée par la première. [Je souligne.]

[24] Le juge Sopinka a conclu dans cette affaire que l’existence de la première déclaration était un facteur important qui avait incité à faire la deuxième déclaration et, partant, que la deuxième déclaration était irrecevable suivant le critère de la common law. Le juge Sopinka a pris soin d’ajouter que si cela avait été nécessaire, il aurait également écarté la deuxième déclaration en vertu du par. 24(2) (p. 532).

[25] C’est ce que je ferais en l’espèce. À mon avis, le lien nécessaire entre la première déclaration et la troisième est direct et évident. Si le sergent Skrine n’avait pas reconnu être déjà au courant de ce que l’appelant avait dit à l’agent Ghadban, l’appelant n’aurait pas fait de nouveau les mêmes aveux incriminants. Il ne s’agit donc pas d’un suspect qui a changé d’idée, mais d’un changement de stratégie fatal de la part du policier qui menait l’interrogatoire.

[26] Dans le but d’obtenir de l’accusé ces aveux incriminants, les policiers ont sciemment et délibérément utilisé une déclaration qu’ils avaient eux‑mêmes antérieurement obtenue de l’appelant dans des conditions portant atteinte aux droits constitutionnels que lui garantit la Charte. Cela suffit en soi à vicier la déclaration subséquente et à nécessiter son exclusion en vertu des principes énoncés dans Strachan. Rendre une décision contraire risquerait de donner l’impression que la police a le droit de tirer profit de ses propres atteintes aux droits constitutionnels d’un suspect. Et cela, à mon avis, serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

IV

[27] Pour tous ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler les déclarations de culpabilité prononcées contre l’appelant et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès. En ce qui a trait aux autres motifs invoqués, j’estime nécessaire d’ajouter qu’aucun d’entre eux n’aurait été suffisant pour que le pourvoi soit accueilli. En particulier, je ne crois pas que le sergent Skrine était tenu de faire connaître à l’appelant l’opinion juridique donnée à la police par l’avocat du ministère public au sujet de la recevabilité des déclarations antérieures de l’appelant.

Pourvoi accueilli.

Procureur de l’appelant : Gil D. McKinnon, Vancouver.

Procureur de l’intimée : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Vancouver.

Procureur de l’intervenant : Procureur général de l’Ontario, Toronto.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli et un nouveau procès est ordonné. La déclaration attaquée aurait dû être exclue aux termes du par. 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Exclusion de la preuve - Policier obtenant une déclaration incriminante d’un accusé après l’avoir confronté à une déclaration antérieure faite par l’accusé en violation de son droit constitutionnel à l’assistance d’un avocat - Admission de la dernière déclaration par le juge du procès et déclaration de culpabilité prononcée contre l’accusé - La dernière déclaration est‑elle viciée par la déclaration antérieure obtenue par la police en violation du droit constitutionnel de l’accusé? - Dans l’affirmative, la dernière déclaration aurait‑elle dû être exclue? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 24(2).

L’accusé a fait, après quatre heures de résistance, une déclaration incriminante immédiatement après avoir été confronté, par le policier qui l’interrogeait, à une déclaration antérieure obtenue de lui en violation de son droit constitutionnel à l’assistance d’un avocat. Le juge du procès a admis la dernière déclaration et a déclaré l’accusé coupable relativement à trois chefs de contacts sexuels. La Cour d’appel a confirmé les déclarations de culpabilité.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli et un nouveau procès est ordonné. La déclaration attaquée aurait dû être exclue aux termes du par. 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Une déclaration est viciée par une violation antérieure d’un droit constitutionnel de l’accusé s’il est possible d’affirmer que la violation et la déclaration en cause font partie de la même opération ou de la même ligne de conduite. En l’espèce, le lien nécessaire entre les deux déclarations était direct et évident. Il était temporel, causal et, dans une certaine mesure, contextuel. Le policier qui menait l’interrogatoire a conclu qu’il n’obtiendrait pas les aveux incriminants qu’il recherchait à moins de confronter l’accusé avec sa déclaration antérieure inadmissible. C’est donc ce qu’il a fait. Ainsi, le policier a utilisé sciemment et délibérément une déclaration que la police avait elle‑même obtenue de l’accusé dans des conditions portant atteinte aux droits que la Charte garantit à ce dernier. Cela suffisait en soi à vicier la déclaration subséquente et à nécessiter son exclusion en application du par. 24(2) de la Charte. Rendre une décision contraire risquerait de donner l’impression que la police a le droit de tirer profit de ses propres atteintes aux droits constitutionnels d’un suspect. Et cela serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. [21-22] [25‑26]


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Wittwer

Références :

Jurisprudence
Arrêt appliqué : R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980
arrêts mentionnés : R. c. Plaha (2004), 189 O.A.C. 376
R. c. Goldhart, [1996] 2 R.C.S. 463
R. c. I. (L.R.) et T. (E.), [1993] 4 R.C.S. 504.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 24(2).
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 151.

Proposition de citation de la décision: R. c. Wittwer, 2008 CSC 33 (5 juin 2008)


Origine de la décision
Date de la décision : 05/06/2008
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2008 CSC 33 ?
Numéro d'affaire : 32130
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2008-06-05;2008.csc.33 ?
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