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21/03/2003 | CANADA | N°2003_CSC_17

Canada | Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., 2003 CSC 17 (21 mars 2003)


Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., [2003] 1 R.C.S. 178, 2003 CSC 17

Les Éditions Chouette (1987) inc. et Christine L'Heureux Appelantes

c.

Hélène Desputeaux Intimée

et

Me Régis Rémillard Mis en cause

et

Centre d'arbitrage commercial national et international du

Québec, Union des écrivaines et écrivains québécois, Conseil

des métiers d'art du Québec et Regroupement des artistes en

arts visuels du Québec Intervenants

Répertorié : Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc.

Référence

neutre : 2003 CSC 17.

No du greffe : 28660.

2002 : 6 novembre; 2003 : 21 mars.

Présents : Les juges Gonthier, Iacobucci, Bastarache, Bin...

Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., [2003] 1 R.C.S. 178, 2003 CSC 17

Les Éditions Chouette (1987) inc. et Christine L'Heureux Appelantes

c.

Hélène Desputeaux Intimée

et

Me Régis Rémillard Mis en cause

et

Centre d'arbitrage commercial national et international du

Québec, Union des écrivaines et écrivains québécois, Conseil

des métiers d'art du Québec et Regroupement des artistes en

arts visuels du Québec Intervenants

Répertorié : Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc.

Référence neutre : 2003 CSC 17.

No du greffe : 28660.

2002 : 6 novembre; 2003 : 21 mars.

Présents : Les juges Gonthier, Iacobucci, Bastarache, Binnie, Arbour, LeBel et Deschamps.

en appel de la cour d'appel du québec

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec, [2001] R.J.Q. 945, 16 C.P.R. (4th) 77, [2001] J.Q. no 1510 (QL), qui a infirmé une décision de la Cour supérieure. Pourvoi accueilli.

Stefan Martin et Sébastien Grammond, pour les appelantes.

Normand Tamaro, pour l’intimée.

Pierre Bienvenu et Frédéric Bachand, pour l’intervenant le Centre d'arbitrage commercial national et international du Québec.

Daniel Payette, pour les intervenants l’Union des écrivaines et écrivains québécois et le Conseil des métiers d’art du Québec.

Louis Linteau, pour l’intervenant le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec.

Le jugement de la Cour a été rendu par

Le Juge LeBel —

I. Introduction

1 La bonne bouille, les joues rondes et les yeux étonnés du petit Caillou ont charmé d’innombrables petits enfants comme ils ont séduit leurs parents et grands-parents. Aujourd’hui, ce charmant personnage, création de l’imagination et de l’art des formes et des couleurs, quitte le monde de la naissance de la petite sœur ou de la préparation à la maternelle. Involontairement, sans doute, il contribue maintenant au développement du droit de l’arbitrage commercial dans le domaine de la propriété intellectuelle. En effet, celles qui s’estiment ses mères s’affrontent. L’intimée prétend à une maternité exclusive. Les appelantes l’estiment partagée. Le mode de règlement de leur désaccord est lui-même devenu l’objet d’un désaccord important, dont notre Cour est maintenant saisie.

2 En effet, un arrêt de la Cour d’appel du Québec a invalidé une sentence arbitrale rendue par le mis en cause Rémillard qui donnait en partie raison aux appelantes au sujet de la propriété intellectuelle du personnage Caillou. L’intimée Desputeaux réclame la confirmation de ce jugement. À son avis, l’arbitre n’avait pas respecté sa mission arbitrale. De plus, il se serait saisi d’une matière, la propriété du droit d’auteur, qui ne pouvait faire l’objet d’un arbitrage. Ensuite, la procédure arbitrale aurait été conduite au mépris des principes fondamentaux de justice naturelle et d’équité procédurale. Enfin, la décision de l’arbitre aurait violé des règles d’ordre public. Les appelantes contestent ces prétentions et plaident que le jugement de la Cour d’appel doit être infirmé et la validité de la sentence arbitrale confirmée, conformément aux conclusions de la Cour supérieure. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le pourvoi doit être accueilli. En effet, l’arbitre a agi conformément à la mission qui lui a été confiée. L’allégation de violation des règles de justice naturelle n’a pas été établie. L’arbitre pouvait statuer sur les matières en litige. De plus, aucune violation de règles d’ordre public ne justifiait l’annulation de la sentence par les tribunaux supérieurs.

II. L’origine du litige

3 En 1988, l’intimée et les appelantes Christine L’Heureux et Les Éditions Chouette (1987) inc. (« Chouette ») s’associent en vue de créer des livres pour enfants. L’appelante Mme L’Heureux est dirigeante et actionnaire majoritaire de Chouette. Les premiers livres de la série Caillou sont publiés en 1989. Alors que l’intimée dessine le petit personnage fictif, Mme L’Heureux rédige les textes des huit premiers livres. Entre le 5 mai 1989 et le 21 août 1995, plusieurs contrats relatifs à la publication sous forme de livres et de produits dérivés des illustrations du personnage Caillou interviennent entre l’intimée et l’appelante Chouette. Tous ces contrats d’une durée de dix ans sont signés par l’intimée à titre d’auteure et par l’appelante L’Heureux à titre d’éditrice. Les parties utilisent alors des formules types rédigées conformément à une entente entre l’Association des éditeurs et l’Union des écrivaines et écrivains québécois. Les parties n’y ont ajouté que les particularités les concernant spécifiquement, notamment le titre de l’œuvre, le territoire couvert, la durée de la convention et le pourcentage de redevances payables à l’auteur.

4 Le 1er septembre 1993, les parties signent un contrat de licence d’exploitation du personnage fictif Caillou. L’intimée et l’appelante L’Heureux s’y représentent comme coauteures d’une œuvre consistant en un personnage fictif connu sous le nom de Caillou. Elles cèdent à l’appelante Chouette, à l’exclusion des droits accordés dans les contrats d’édition, les droits suivants (les « droits de reproduction ») pour le monde entier et sans aucune stipulation de durée :

a) . . . le droit de reproduire Caillou sous toute forme et sur tout support ou marchandise;

b) le droit d’adapter Caillou à des fins de réalisation et production d’œuvres sonores et/ou d’œuvres audiovisuelles, d’exécuter en public et/ou de communiquer au public toute œuvre en résultant;

c) le droit de demander, à titre de propriétaire, l’enregistrement à titre de marque de commerce du nom de Caillou en quelque langue que ce soit, ou de sa représentation graphique;

d) le droit de demander, à titre de propriétaire, l’enregistrement de quelques configurations ou caractéristiques visuelles de Caillou, comme dessin industriel.

5 Les parties renoncent à exercer toute revendication fondée sur leur droit moral à l’égard de Caillou. Leurs ententes autorisent également Chouette à concéder à des tiers des sous-licences, et ce, sans l’approbation des autres parties contractantes. Le 15 décembre 1994, les parties ajoutent un avenant à l’entente du 1er septembre 1993. Cet avenant ne remplace ni n’abroge les contrats d’édition antérieurs mais modifie l’entente du 1er septembre 1993 quant aux redevances payables aux parties concernant la licence d’exploitation du personnage fictif Caillou. Dans l’éventualité où Mme Desputeaux réaliserait des illustrations destinées à l’un des projets d’utilisation du personnage, un forfait correspondant au travail exigé lui serait payé. Ni cet avenant, ni le contrat de licence d’exploitation ne déterminent la durée de l’entente des parties.

6 En octobre 1996, confrontée à des difficultés d’interprétation et d’application du contrat de licence d’exploitation, Chouette présente une requête pour jugement déclaratoire. Par cette procédure, la requérante veut faire reconnaître qu’elle peut exploiter les droits de reproduction. L’intimée lui oppose alors une requête en exception déclinatoire visant à renvoyer les parties devant un arbitre. Le 28 février 1997, le juge Bisaillon de la Cour supérieure accueille en partie le moyen déclinatoire et renvoie l’affaire à l’arbitrage : [1997] A.Q. no 716 (QL). Il constate qu’aux termes des conclusions recherchées par les parties dans les deux requêtes l’existence du contrat n’est pas en cause et qu’on n’y retrouve aucune allégation relative à sa validité.

7 Après audition de la cause, l’arbitre désigné par les parties, le notaire Régis Rémillard, conclut que Chouette détient les droits de reproduction recherchés et qu’elle seule a le droit d’utiliser le personnage Caillou. La Cour supérieure rejette une requête en annulation de la sentence. L’appel de ce jugement est accueilli à l’unanimité par la Cour d’appel qui casse la sentence, d’où le pourvoi devant notre Cour.

III. Dispositions législatives pertinentes

8 Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42

2. . . .

« œuvre créée en collaboration » Œuvre exécutée par la collaboration de deux ou plusieurs auteurs, et dans laquelle la part créée par l’un n’est pas distincte de celle créée par l’autre ou les autres.

13. . . .

(3) Lorsque l’auteur est employé par une autre personne en vertu d’un contrat de louage de service ou d’apprentissage, et que l’œuvre est exécutée dans l’exercice de cet emploi, l’employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d’auteur; mais lorsque l’œuvre est un article ou une autre contribution, à un journal, à une revue ou à un périodique du même genre, l’auteur, en l’absence de convention contraire, est réputé posséder le droit d’interdire la publication de cette œuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique semblable.

14.1 (1) L’auteur d’une œuvre a le droit, sous réserve de l’article 28.2, à l’intégrité de l’œuvre et, à l’égard de tout acte mentionné à l’article 3, le droit, compte tenu des usages raisonnables, d’en revendiquer, même sous pseudonyme, la création, ainsi que le droit à l’anonymat.

(2) Les droits moraux sont incessibles; ils sont toutefois susceptibles de renonciation, en tout ou en partie.

(3) La cession du droit d’auteur n’emporte pas renonciation automatique aux droits moraux.

(4) La renonciation au bénéfice du titulaire du droit d’auteur ou du détenteur d’une licence peut, à moins d’une stipulation contraire, être invoquée par quiconque est autorisé par l’un ou l’autre à utiliser l’œuvre.

37. La Cour fédérale, concurremment avec les tribunaux provinciaux, connaît de toute procédure liée à l’application de la présente loi, à l’exclusion des poursuites visées aux articles 42 et 43.

Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs, L.R.Q., ch. S-32.01

31. Le contrat doit être constaté par un écrit rédigé en double exemplaire et identifiant clairement :

1o la nature du contrat;

2o l’œuvre ou l’ensemble d’œuvres qui en est l’objet;

3o toute cession de droit et tout octroi de licence consentis par l’artiste, les fins, la durée ou le mode de détermination de la durée et l’étendue territoriale pour lesquelles le droit est cédé et la licence octroyée, ainsi que toute cession de droit de propriété ou d’utilisation de l’œuvre;

4o la transférabilité ou la non transférabilité à des tiers de toute licence octroyée au diffuseur;

5o la contrepartie monétaire due à l’artiste ainsi que les délais et autres modalités de paiement;

6o la périodicité selon laquelle le diffuseur rend compte à l’artiste des opérations relatives à toute œuvre visée par le contrat et à l’égard de laquelle une contrepartie monétaire demeure due après la signature du contrat.

34. Toute entente entre un diffuseur et un artiste réservant au diffuseur l’exclusivité d’une œuvre future de l’artiste ou lui reconnaissant le droit de décider de sa diffusion doit, en plus de se conformer aux exigences de l’article 31 :

1o porter sur une œuvre définie au moins quant à sa nature;

2o être résiliable à la demande de l’artiste à l’expiration d’un délai d’une durée convenue entre les parties ou après la création d’un nombre d’œuvres déterminées par celles-ci;

3o prévoir que l’exclusivité cesse de s’appliquer à l’égard d’une œuvre réservée lorsque, après l’expiration d’un délai de réflexion, le diffuseur, bien que mis en demeure, n’en fait pas la diffusion;

4o indiquer le délai de réflexion convenu entre les parties pour l’application du paragraphe 3o.

37. Sauf renonciation expresse, tout différend sur l’interprétation du contrat est soumis, à la demande d’une partie, à un arbitre.

Les parties désignent l’arbitre et lui soumettent leur litige selon les modalités qu’ils peuvent prévoir au contrat. Les dispositions du livre VII du Code de procédure civile (chapitre C-25) s’appliquent à cet arbitrage compte tenu des adaptations nécessaires.

42. Sous réserve des articles 35 et 37, on ne peut renoncer à l’application d’une disposition du présent chapitre.

Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64 (« C.c.Q. »)

2639. Ne peut être soumis à l’arbitrage, le différend portant sur l’état et la capacité des personnes, sur les matières familiales ou sur les autres questions qui intéressent l’ordre public.

Toutefois, il ne peut être fait obstacle à la convention d’arbitrage au motif que les règles applicables pour trancher le différend présentent un caractère d’ordre public.

2640. La convention d’arbitrage doit être constatée par écrit; elle est réputée l’être si elle est consignée dans un échange de communications qui en atteste l’existence ou dans un échange d’actes de procédure où son existence est alléguée par une partie et non contestée par l’autre.

2643. Sous réserve des dispositions de la loi auxquelles on ne peut déroger, la procédure d’arbitrage est réglée par le contrat ou, à défaut, par le Code de procédure civile.

2848. L’autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.

Cependant, le jugement qui dispose d’un recours collectif a l’autorité de la chose jugée à l’égard des parties et des membres du groupe qui ne s’en sont pas exclus.

Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25 (« C.p.c. »)

943. Les arbitres peuvent statuer sur leur propre compétence.

943.1 Si les arbitres se déclarent compétents pendant la procédure arbitrale, une partie peut, dans les 30 jours après en avoir été avisée, demander au tribunal de se prononcer à ce sujet.

Tant que le tribunal n’a pas statué, les arbitres peuvent poursuivre la procédure arbitrale et rendre leur sentence.

944.1 Sous réserve des dispositions du présent titre, les arbitres procèdent à l’arbitrage suivant la procédure qu’ils déterminent. Ils ont tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de leur compétence, y compris celui de nommer un expert.

944.10 Les arbitres tranchent le différend conformément aux règles de droit qu’ils estiment appropriées et, s’il y a lieu, déterminent les dommages-intérêts.

Ils ne peuvent agir en qualité d’amiables compositeurs que si les parties en ont convenu.

Dans tous les cas, ils décident conformément aux stipulations du contrat et tiennent compte des usages applicables.

946.2 Le tribunal saisi d’une requête en homologation ne peut examiner le fond du différend.

946.4 Le tribunal ne peut refuser l’homologation que s’il est établi :

1o qu’une partie n’avait pas la capacité pour conclure la convention d’arbitrage;

2o que la convention d’arbitrage est invalide en vertu de la loi choisie par les parties ou, à défaut d’indication à cet égard, en vertu de la loi du Québec;

3o que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n’a pas été dûment informée de la désignation d’un arbitre ou de la procédure arbitrale, ou qu’il lui a été impossible pour une autre raison de faire valoir ses moyens;

4o que la sentence porte sur un différend non visé dans la convention d’arbitrage ou n’entrant pas dans ses prévisions, ou qu’elle contient des décisions qui en dépassent les termes; ou

5o que le mode de nomination des arbitres ou la procédure arbitrale applicable n’a pas été respecté.

Toutefois, dans le cas prévu au paragraphe 4o, seule une disposition de la sentence arbitrale à l’égard de laquelle un vice mentionné à ce paragraphe existe n’est pas homologuée, si cette disposition peut être dissociée des autres dispositions de la sentence.

946.5 Le tribunal ne peut refuser d’office l’homologation que s’il constate que l’objet du différend ne peut être réglé par arbitrage au Québec ou que la sentence est contraire à l’ordre public.

947. La demande d’annulation de la sentence arbitrale est le seul recours possible contre celle-ci.

947.1 L’annulation s’obtient par requête au tribunal ou en défense à une requête en homologation.

947.2 Les articles 946.2 à 946.5 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la demande d’annulation de la sentence arbitrale.

IV. Historique judiciaire

A. Sentence arbitrale (Me Régis Rémillard, notaire) (22 juillet 1997)

9 L’arbitre décide tout d’abord que son mandat inclut l’interprétation du contrat de licence d’exploitation comme celle de l’avenant et des contrats d’édition, afin de déterminer la méthode d’exploitation commerciale de la licence. Après un examen des contrats d’édition, il estime que la signature de l’intimée comme « auteure » ne traduit pas la réalité. Selon lui, tant Mme Desputeaux que Mme L’Heureux pouvaient, en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42, réclamer le statut d’auteure à l’égard de Caillou, l’appelante L’Heureux pour la partie littéraire des premiers textes et l’intimée pour l’illustration et la dimension matérielle du personnage. Selon l’arbitre, l’intimée et l’appelante L’Heureux ont participé de façon indissociable à l’élaboration du personnage Caillou. Il s’agit donc d’une œuvre créée en collaboration au sens de l’art. 2 de la Loi sur le droit d’auteur.

10 Le contrat de licence d’exploitation du personnage fictif Caillou doit ainsi être replacé dans son contexte. Il avait été signé après de longues tractations entre les parties qu’assistaient alors leurs avocats. L’intimée et l’appelante L’Heureux se reconnaissaient alors mutuellement la qualité de coauteure du personnage Caillou, comme le confirment des lettres échangées postérieurement à l’entente et soumises à l’arbitre. Celui-ci n’hésite donc pas à rejeter l’argument du caractère simulé de ce contrat. Par cette entente, les coauteures ont cédé à l’appelante Chouette tous les droits nécessaires à l’exploitation commerciale de Caillou dans le monde entier. Sans toutefois mentionner les dispositions d’ordre public de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs (« Loi sur le statut professionnel des artistes »), l’arbitre estime que, puisque les parties n’avaient pas stipulé de limite dans le temps, le contrat bénéficie de la protection prévue par l’art. 9 de la Loi sur le droit d’auteur, soit 50 années après le décès du dernier coauteur. Quant à l’avenant du 15 décembre 1994, il mentionne que l’obligation de consulter l’intimée ne crée pas de droit de veto. Enfin, selon son interprétation, ni cet avenant ni le contrat de licence n’imposent d’obligations de rendre compte.

11 En conclusion, l’arbitre rappelle que le contrat de licence et l’avenant portent uniquement sur les œuvres futures de ces auteures, ayant pour objet le personnage Caillou. À cet égard, il précise que Chouette, en raison de sa qualité de détenteur des droits de reproduction, demeure seule autorisée à utiliser le personnage Caillou sous toute forme et tout support, à la condition qu’un tribunal judiciaire convienne de la validité des contrats. Me Rémillard s’abstient d’exprimer une opinion sur ce sujet. À son avis, en effet, le jugement de renvoi à l’arbitrage a réservé cette question à la Cour supérieure.

B. Cour supérieure du Québec (13 mars 1998)

12 Madame Desputeaux attaque alors la sentence arbitrale dont elle demande l’annulation devant la Cour supérieure. Elle allègue notamment que l’arbitre s’est prononcé sur un différend dont il n’était pas saisi, la propriété intellectuelle du personnage Caillou et le statut de coauteure des parties. Elle lui fait aussi grief de ne pas avoir appliqué des dispositions impératives de la Loi sur le statut professionnel des artistes. Leur mise en œuvre aurait justifié l’annulation des ententes des parties. Enfin, l’intimée reproche à Me Rémillard d’avoir jugé sans preuve sur les principales questions en débat et d’avoir mené la procédure arbitrale au mépris des règles fondamentales de justice naturelle.

13 Dans un bref jugement prononcé à l’audience, le juge Guthrie de la Cour supérieure rejette la demande d’annulation. À son avis, aucun des moyens de nullité soulevés n’était pertinent ou fondé. Ce jugement se limite toutefois, pour l’essentiel, à un résumé du contenu de la procédure en annulation et à un renvoi aux principales dispositions législatives applicables, notamment aux articles du Code de procédure civile du Québec portant sur le contrôle judiciaire de la validité des décisions arbitrales. Madame Desputeaux se pourvoit alors devant la Cour d’appel du Québec.

C. Cour d’appel du Québec (les juges Gendreau, Rousseau-Houle et Pelletier), [2001] R.J.Q. 945

14 La Cour d’appel du Québec réserve un meilleur accueil à la demande d’annulation présentée par Mme Desputeaux. Un arrêt unanime fait droit au pourvoi et annule la sentence arbitrale. D’abord, selon la juge Rousseau-Houle, une première cause de nullité découlait de l’application de l’art. 37 de la Loi sur le droit d’auteur. Selon son interprétation, cette disposition réserve les différends sur la titularité du droit d’auteur à la Cour fédérale ou aux cours supérieures et n’autorise donc pas l’arbitrage, même consensuel, dans ce domaine. À son avis, la sentence outrepasse la stricte interprétation des documents contractuels, sujet à propos duquel le recours à l’arbitrage aurait été possible : « En décidant du statut juridique [de l’intimée] et [de l’appelante L’Heureux] à l’égard du personnage de Caillou, une œuvre protégée par la [Loi sur le droit d’auteur], l’arbitre s’arroge une compétence qu’il n’a pas » (par. 32). Portant ensuite le débat au niveau des principes de droit civil, la juge Rousseau-Houle ajoute qu’on ne peut soumettre à l’arbitrage un différend portant sur l’état et la capacité des personnes ou sur les autres questions intéressant l’ordre public (art. 2639 C.c.Q. et art. 946.5 C.p.c.). Elle conclut sur ce point que la paternité du droit d’auteur de l’intimée constitue un droit moral se rattachant à sa personnalité. À ce titre, l’art. 2639 C.c.Q. le soustrait à la compétence arbitrale (aux par. 40 et 44) :

Le droit de se voir justement attribuer la paternité d’une œuvre tout comme le droit au respect du nom revêtent une connotation purement morale tenant à la dignité et à l’honneur du créateur de l’œuvre. Sous ces aspects, la question de la paternité du droit d’auteur ne serait pas arbitrable.

. . .

En se prononçant sur le monopole conféré par la [Loi sur le droit d’auteur] à un auteur, l’arbitre a rendu une décision qui a non seulement une incidence sur le droit à la paternité de l’œuvre, mais qui devient opposable à d’autres personnes que celles impliquées dans le différend soumis à l’arbitrage.

15 D’après la juge Rousseau-Houle, la sentence doit aussi être annulée parce que l’arbitre n’a pas appliqué ou a mal interprété les art. 31 et 34 de la Loi sur le statut professionnel des artistes qui édictent des exigences relatives à la forme et au contenu des contrats entre les artistes et les diffuseurs. Notamment, les contrats ne mentionnaient pas l’étendue des concessions des droits exclusifs, la périodicité des redditions de comptes, non plus que la durée des ententes. La violation de ces règles d’ordre public emportait la nullité des conventions et de la sentence. Les appelantes obtinrent alors l’autorisation de se pourvoir devant notre Cour. Par ailleurs, d’autres débats sont toujours en cours devant la Cour supérieure sur divers aspects des relations juridiques entre les parties.

V. Analyse

A. Les questions en litige et les positions des parties et des intervenants

16 Ce pourvoi remet en cause trois catégories de problèmes, toutes rattachées à la question centrale de la validité de la sentence arbitrale. D’abord, il importe de préciser la nature et les limites de la mission arbitrale. On devra identifier ce dont l’arbitre était saisi pour parvenir ensuite à déterminer si et comment cette mission a été exécutée. Se rattachera à cette question l’étude des moyens qu’invoque l’intimée afin d’attaquer la conduite de la procédure arbitrale, comme la violation des principes de justice naturelle et celle des règles de la preuve civile. Enfin, on examinera les questions principales de ce pourvoi. Celles-ci ont trait au caractère arbitrable des problèmes de droit d’auteur et à la nature et aux limites du contrôle judiciaire des sentences arbitrales prononcées sous le régime du Code de procédure civile. Cette partie de la discussion impliquera un examen de la mise en œuvre des règles d’ordre public par les arbitres et des limites des pouvoirs d’intervention des tribunaux judiciaires à l’égard des décisions rendues à ce sujet.

17 Les parties défendent des positions fortement contrastées, que soutiennent, de part et d’autre, certains intervenants. Je résumerai d’abord les moyens proposés par les appelantes, qu’appuie, en grande partie, l’un des intervenants, le Centre d’arbitrage commercial national et international du Québec (le « Centre »). Je rappellerai ensuite les arguments développés par l’intimée et par d’autres intervenants, l’Union des écrivaines et écrivains québécois (l’« Union ») et le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (« RAAV »). Ces intervenants défendent, sur certains points, la même position que Mme Desputeaux.

18 Selon les appelantes, la sentence arbitrale était valide. À leur avis, la Cour d’appel a adopté une approche juridique qui contredit les orientations adoptées par la plupart des systèmes de droit modernes à l’égard de la définition de la fonction de l’arbitrage civil et commercial et de la reconnaissance de son autonomie décisionnelle. Notamment, dans le domaine même du droit de la propriété intellectuelle, les droits modernes utilisent fréquemment l’arbitrage comme mode de règlement des différends (voir M. Blessing, « Arbitrability of Intellectual Property Disputes » (1996), 12 Arb. Int’l 191, p. 202-203; W. Grantham, « The Arbitrability of International Intellectual Property Disputes » (1996), 14 Berkeley J. Int’l L. 173, p. 199-219). Sur ce point, le Centre souligne les risques de la décision de la Cour d’appel et la nécessité de sauvegarder le rôle de l’arbitrage. En substance, Chouette et Mme L’Heureux plaident d’abord que l’art. 37 de la Loi sur le droit d’auteur n’interdit pas l’arbitrage sur les questions de propriété ou de titularité du droit d’auteur, ni sur l’exercice des droits moraux qui s’y rattachent. Les dispositions du Code civil et du Code de procédure civile ne défendent pas non plus à l’arbitre de se saisir de ces questions. De plus, l’arbitre peut et doit se prononcer sur les questions d’ordre public qui lui sont déférées ou qui se rattachent à sa mission. Le contrôle de sa décision est strictement limité aux motifs prévus au Code de procédure civile. Celui-ci n’autorise l’annulation de la sentence pour violation de l’ordre public que lorsque le résultat de l’arbitrage porte atteinte à celui-ci. Il ne suffit pas qu’une erreur ait été commise dans l’interprétation et l’application d’une règle d’ordre public pour que le tribunal judiciaire puisse invalider la décision de l’arbitre. Les appelantes ajoutent que l’arbitre a été saisi de la question du statut des coauteures. Il a aussi conduit l’arbitrage dans le respect des règles pertinentes, la loi le laissant maître de la procédure. Enfin, selon Chouette et Mme L’Heureux, on ne saurait faire grief à Me Rémillard de ne pas s’être prononcé sur la validité des contrats à la lumière de la Loi sur le statut professionnel des artistes. Cette question ne se trouvait pas devant lui. Le jugement prononcé par le juge Bisaillon, qui renvoyait le différend à l’arbitrage, avait en effet réservé à la Cour supérieure l’examen du problème de la validité des contrats intervenus entre les parties.

19 L’intimée s’en prend d’abord à la définition que l’arbitre a donnée à sa mission. D’une part, il l’aurait indûment étendue en s’estimant à tort saisi du problème de la propriété du droit d’auteur et de celui du statut de coauteure de Mmes L’Heureux et Desputeaux. D’autre part, il l’aurait restreinte par erreur en n’appliquant pas les règles impératives de la Loi sur le statut professionnel des artistes et en omettant ainsi de se prononcer sur la validité des contrats en litige. Madame Desputeaux critique de plus la conduite de la procédure arbitrale. Elle fait grief à l’arbitre d’avoir statué sans preuve sur le problème du droit d’auteur comme sur celui des droits moraux qui en découlent. À son avis, l’art. 37 de la Loi sur le droit d’auteur niait toute compétence à l’arbitre dans ce domaine. De plus, le Code civil du Québec ne permettait pas non plus de soumettre ces questions à l’arbitrage en raison de leur caractère d’ordre public. Seules de pures questions d’interprétation et d’application des contrats pouvaient être soumises à l’arbitrage en vertu de la Loi sur le statut professionnel des artistes. Enfin, selon Mme Desputeaux, la Cour supérieure pouvait réviser la sentence arbitrale pour toute erreur commise dans l’interprétation ou l’application d’une règle d’ordre public. L’intimée plaide que la sentence est entachée d’erreurs de cette nature, dont la présence justifie son annulation. Elle demande donc le rejet du pourvoi. L’Union et le RAAV soutiennent ses prétentions au sujet de la nature du droit d’auteur, de la compétence arbitrale et de la mise en œuvre de l’ordre public.

B. La mission arbitrale

20 Le seul rappel des prétentions des parties démontre l’existence d’un problème préliminaire dans l’analyse de ce pourvoi. On ne saurait guère apprécier la pertinence des moyens de droit substantiel avancés de part et d’autre, ni la justification d’une intervention de la Cour supérieure, sans identifier au préalable les questions dont les parties ou les décisions antérieures des tribunaux avaient effectivement saisi l’arbitre. Ce seul examen peut éliminer, ou du moins circonscrire, certaines questions de droit ou de procédure. Tel serait le cas si, par exemple, l’on devait conclure que l’arbitre n’avait pas été saisi du problème de la titularité du droit d’auteur, en raison de la législation qui encadre son intervention. Ce seul moyen justifierait l’annulation de la sentence, suivant l’art. 946.4, par. 4 C.p.c.

21 La question de l’étendue du mandat de l’arbitre influence le cours des procédures judiciaires dans ce dossier depuis son origine. Ce problème présente des difficultés sérieuses tant en raison du déroulement des procédures arbitrales que de celui de la demande d’annulation dont notre Cour est maintenant saisie. On peut seulement regretter que les parties et l’arbitre n’aient pas défini clairement le contenu de la mission arbitrale. Une telle précaution aurait probablement limité et abrégé les conflits entre les parties.

22 Les parties à une convention d’arbitrage jouissent d’une autonomie quasi illimitée pour identifier les différends qui pourront faire l’objet de la procédure d’arbitrage. Tel que nous le verrons par la suite, cette convention constitue l’acte de mission de l’arbitre et définit le cadre fondamental de son intervention, sous réserve des dispositions législatives pertinentes. En effet, la source première de la compétence d’un arbitre réside dans le contenu de la convention d’arbitrage (art. 2643 C.c.Q.). Si l’arbitre excède cette convention, un tribunal pourra refuser d’homologuer ou encore annuler la sentence arbitrale (art. 946.4, par. 4 et art. 947.2 C.p.c.). Dans le présent litige, la mission arbitrale n’est pas définie par un document unique. Son cadre et son contenu ont été établis par un jugement de la Cour supérieure, ainsi que par un ensemble d’échanges épistolaires ou procéduraux entre les parties et Me Rémillard.

23 Cependant, il importe tout d’abord de souligner l’importance du jugement de la Cour supérieure prononcé par le juge Bisaillon. Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’affrontement judiciaire entre les parties avait débuté par le dépôt d’une requête pour jugement déclaratoire par Chouette. Celle-ci désirait faire déclarer valides les conventions la liant à Mmes Desputeaux et L’Heureux et confirmer ses droits à l’exclusivité de la diffusion de Caillou. Se fondant sur l’art. 37 de la Loi sur le statut professionnel des artistes, l’intimée a présenté un moyen déclinatoire visant le renvoi du litige devant un arbitre. Le juge Bisaillon fit droit en partie à cette demande. Il renvoya le dossier à l’arbitrage, à l’exception de la question de l’existence même du contrat et de sa validité qui, à son avis, relevait de la compétence de la Cour supérieure. Ce jugement, qui n’a jamais été attaqué, limite à la compétence de l’arbitre en lui retirant l’examen des problèmes de validité des ententes intervenues. Cette restriction incluait nécessairement les moyens de nullité fondés sur la conformité des conventions aux exigences de la Loi sur le statut professionnel des artistes. La teneur du jugement prononcé par le juge Bisaillon permet ainsi d’écarter immédiatement l’un des griefs de l’intimée lorsqu’elle lui reproche de ne pas avoir examiné ni appliqué cette loi. Devant la décision de la Cour supérieure, l’arbitre devait tenir pour acquis qu’il n’était pas saisi de ce problème. Il reste maintenant à examiner si la question du droit d’auteur et de sa titularité se trouvait devant Me Rémillard.

24 À ce sujet, il faut s’en rapporter aux échanges entre les parties. La convention d’arbitrage étudiée dans le présent dossier revêt la forme d’un échange de lettres plutôt que celle d’un acte unique et complet, stipulant d’une façon exhaustive l’ensemble des paramètres de la procédure d’arbitrage. Si l’on peut regretter que les parties aient ainsi omis de circonscrire de façon plus claire les pouvoirs de l’arbitre, reconnaissons cependant que le législateur a prévu une règle très souple à cet égard, en dépit de la nécessité de l’écrit : « La convention d’arbitrage doit être constatée par écrit; elle est réputée l’être si elle est consignée dans un échange de communications qui en atteste l’existence ou dans un échange d’actes de procédure où son existence est alléguée par une partie et non contestée par l’autre » (art. 2640 C.c.Q.).

25 Les juridictions inférieures, ainsi que l’arbitre, se sont peu attardées à définir le contenu effectif de la convention d’arbitrage. L’arbitre a confirmé l’existence de son mandat aux parties par une lettre datée du 13 mai 1997, sans toutefois préciser l’étendue de sa mission (dossier des appelantes, p. 61). Dans la sentence arbitrale, on ne retrouve aucun exposé dans lequel l’arbitre énonce clairement les limites de sa compétence, à l’exception de quelques affirmations selon lesquelles il est compétent pour interpréter les contrats, mais non pour les invalider (voir, par exemple, les p. 11 et 15 de la sentence arbitrale ainsi que le premier « Attendu » de la sentence (dossier des appelantes, p. 65 et suiv.)).

26 La décision succincte de la Cour supérieure ne contient pas non plus d’indications sur l’étendue du mandat de l’arbitre. Sur cette question, le juge Guthrie a simplement affirmé à la p. 3, sans discuter du contenu de la convention, que :

Considérant que la requérante n’a pas prouvé que la sentence arbitrale porte sur un différend n’entrant pas dans les prévisions de la convention d’arbitrage;

. . .

Le Tribunal rejette la requête amendée avec dépens.

Le premier juge a ainsi omis d’étudier la question de l’étendue de la convention à la lumière de l’ensemble des faits, bien que la preuve au dossier démontre que cette question avait été débattue devant lui. Le juge Guthrie a d’ailleurs refusé d’entendre la preuve relative aux débats sur l’étendue du mandat de l’arbitre, faute de transcription des débats devant ce dernier. (Extraits de l’argumentation des avocats, dossier de l’intimée, p. 10 et suiv.; mémoire de l’intimée, par. 25; voir également la requête amendée de l’intimée-requérante Hélène Desputeaux pour annuler une sentence arbitrale, 28 octobre 1997, dossier des appelantes, p. 14 et suiv.)

27 La Cour d’appel n’a également traité que brièvement de la question des limites conventionnelles du mandat de l’arbitre. Elle a estimé que « [l]’examen des conclusions recherchées par les avocats de l’appelante dans leur exposé des faits soumis à l’arbitre permet difficilement de prétendre que la sentence arbitrale porte sur un différend qui n’était pas spécifiquement mentionné dans la convention d’arbitrage » (par. 31).

28 Selon les appelantes, le mandat de l’arbitre lui permettait de trancher la question des coauteures. En effet, l’arbitre avait compétence pour interpréter les contrats soumis à l’arbitrage. D’ailleurs, l’article 1 du contrat d’exploitation affirme que l’appelante L’Heureux et l’intimée sont coauteures. Madame Desputeaux analyse beaucoup plus restrictivement le contenu du mandat de l’arbitre. À son avis, les parties avaient convenu que l’arbitre ne devait pas se prononcer sur la question des coauteures. Elle reproche de plus à l’arbitre de ne pas avoir expressément déclaré qu’il avait compétence sur le sujet. Cette omission l’aurait privée de la possibilité de contester l’existence de cette compétence ou de déposer la preuve pertinente au dossier.

29 Bien que les lettres échangées entre les parties à ce propos n’aient pas été reproduites au dossier d’appel, on retrouve cependant un exposé de leur contenu dans la requête amendée que Mme Desputeaux avait introduite devant la Cour supérieure afin de faire annuler la sentence arbitrale (requête amendée de l’intimée-requérante Hélène Desputeaux pour annuler une sentence arbitrale, 28 octobre 1997, dossier des appelantes, p. 12 et suiv.). Il semble que la première proposition de mandat ait été formulée par Chouette le 20 mai 1997. Cette proposition visait clairement la question des coauteures. On pouvait y lire, au par. 8.1c) : « [e]n cas de décision favorable à Hélène Desputeaux quant à l’interprétation des contrats R-1 (RR-3) et R-2 (RR-5), arbitrage sur la notion des coauteurs dans le but d’établir le droit des parties ». L’intimée répondit à cette proposition dès le 21 mai 1997, en formulant ainsi la question sur le statut des coauteures : « Que la décision soit ou non favorable à notre cliente, Mme L’Heureux et Mme Desputeaux sont-elles coauteures de Caillou? » Le 23 mai 1997, l’appelante Chouette faisait parvenir à l’intimée une copie conforme d’une lettre transmise à l’arbitre, dans laquelle on lisait les passages suivants à propos du mandat de l’arbitre :

Il y a donc lieu, avant d’aller plus loin et avant d’examiner toute autre question, de déterminer l’interprétation qui découle des pièces R-1 (RR-3) et R-2 (RR- 5), de voir si elles sont compatibles et de voir les obligations qui en découlent pour chacune des parties.

Lorsque cette question aura été tranchée, selon le sens de votre décision, nous pourrons examiner l’obligation financière qui découle de ces contrats de même que la question des coauteurs.

30 Le 3 juin 1997, l’intimée transmettait à l’arbitre son dossier, qui comprenait notamment des documents relatifs à l’établissement des droits d’auteur. Le 9 juin 1997, elle définissait une nouvelle fois le mandat de l’arbitre en réponse à une lettre de ce dernier envoyée aux parties le 4 juin 1997 (malheureusement non reproduite au dossier). Elle confirmait alors qu’elle comprenait de cette lettre que l’arbitre avait l’intention de se prononcer sur la question des coauteures. Puis, elle décrivait ainsi l’étendue du mandat de l’arbitre :

Ainsi, Me Rémillard se demandera quelle est la portée réelle des pièces R-1 (RR-3), R-2 (RR-5) et R-3 (RR-15) et quelles [sic] sont les pouvoirs à la disposition de Les Éditions Chouette (1987) inc. (point a) de votre lettre du 20 mai 1997).

À nos yeux cette interprétation conduira nécessairement sur la question des coauteurs, laquelle question vous souleviez au début de votre lettre datée du 4 juin 1997 et dans celle du 20 mai 1997. Me Rémillard devra nous dire si les pièces R-1 (RR-3) et R-3 (RR-15), telles qu’elles s’interprètent dans le contexte de l’ensemble des relations contractuelles entre les parties, constituent ou non une entente entre des coauteurs sur leurs droits et obligations respectifs . . .

31 Le 11 juin 1997, l’appelante Chouette transmettait à l’intimée et à l’arbitre sa dernière proposition de mandat. On peut y lire ce qui suit :

Quant à nous, nous continuons effectivement de croire qu’il y a lieu de procéder dans un premier temps sur l’interprétation des pièces R-1 (RR-3), R-2 (RR-5) et R-3 (RR-15) qu’on ne peut évidemment dissocier de leur contexte.

L’autre étape, soit celle des co-auteurs, nous la gardons au programme et nous sommes certains que Me Rémillard a toute compétence pour l’entendre. Cependant, nous continuons de maintenir que dans la mesure où l’interprétation des contrats R-1 (RR-3), R-2 (RR-5) et R-3 (RR-15) nous sera favorable, cette discussion sera inutile. Nous ne nous engageons donc pas à procéder à ce sujet.

Et, plus loin, à propos de la preuve éventuelle :

Évidemment, si la discussion se poursuit du côté de la notion des co-auteurs, nous nous réservons le droit de faire volte-face et de requérir l’audition de témoins et la production de pièces supplémentaires.

32 Enfin, le 11 juin 1997, l’intimée revenait sur sa compréhension du mandat dans la dernière lettre échangée par les parties. Selon les termes de cette lettre, la question des coauteures aurait été suspendue et la compétence de l’arbitre sur ce sujet aurait été tributaire de la négociation d’un nouveau mandat.

Nous constatons que nous nous entendons minimalement pour procéder sur l’interprétation des pièces R-1 (RR-3), R-2 (RR-5) et R-3 (RR-15).

Nous procéderons donc sur cette question clairement établie. Pour les autres étapes que vous suggérez, nous verrons s’il y a possibilité de s’entendre sur un éventuel mandat qui serait donné à un arbitre. Nous ne souscrivons à aucun engagement à cet égard et réitérons notre précédente correspondance.

33 Ajoutant à la confusion, au cours de cette même journée, l’intimée modifiait son exposé des faits soumis à l’arbitre en sens contraire. On y retrouvait encore une conclusion demandant à l’arbitre de se prononcer sur le statut de coauteure de Mme L’Heureux et de l’intimée :

pour tout ce qui précède, mme desputeaux demande à l’honorable arbitre : [. . .] d’interpréter que conformément aux contrats d’édition R-2 Mme Desputeaux est la seule auteure et la seule propriétaire des droits d’auteur sur ses illustrations du personnage Caillou comme sur le personnage lui-même;

34 Ultérieurement, les procureurs de l’intimée faisaient retirer du dossier l’ensemble des pièces qui auraient servi à la preuve de leur cliente au sujet de la question du statut de coauteure. Selon les appelantes et la Cour d’appel, l’étendue du mandat de l’arbitre est confirmée par cette conclusion de l’intimée dans son exposé des faits. À leur avis, cette dernière ne peut à la fois demander expressément à l’arbitre de se prononcer sur une question et invoquer ultérieurement qu’il a outrepassé son mandat en se prononçant sur cette question (voir arrêt de la Cour d’appel, par. 31). Cependant, l’intimée répond maintenant que ses conclusions ont été modifiées devant l’arbitre et qu’il a annoté l’exposé des faits lors de la première journée de la procédure arbitrale. Le juge Guthrie de la Cour supérieure a refusé le dépôt de la version annotée de l’exposé des faits et aucune copie n’en a été déposée par les parties devant notre Cour. L’on ne saurait alors considérer cette modification comme un fait établi pour conclure sur l’étendue du mandat confié à Me Rémillard.

35 Malgré les incertitudes déplorables qu’a laissées la procédure suivie pour définir la mission arbitrale, celle-ci comprenait nécessairement le problème dit des « coauteures » dans le contexte de cette affaire. Pour comprendre la portée du mandat de l’arbitre, il ne suffit pas de se livrer à une analyse purement textuelle des communications entre les parties. Il ne faut pas interpréter le mandat de l’arbitre de façon restrictive en le limitant à ce qui est expressément énoncé à la convention d’arbitrage. Le mandat s’étend aussi à tout ce qui entretient des rapports étroits avec cette dernière, ou, en d’autres mots, aux questions qui entretiennent un « lien de connexité de la question tranchée par les arbitres avec le litige qui leur est soumis » (S. Thuilleaux, L’arbitrage commercial au Québec : droit interne — droit international privé (1991), p. 115). Depuis les réformes de l’arbitrage de 1986, l’étendue des conventions d’arbitrage fait l’objet d’une interprétation libérale (N. N. Antaki, Le règlement amiable des litiges (1998), p. 103; Guns N’Roses Missouri Storm Inc. c. Productions Musicales Donald K. Donald Inc., [1994] R.J.Q. 1183 (C.A.), p. 1185-1186, le juge Rothman). Une interprétation libérale de la convention d’arbitrage, fondée sur la recherche de ses objectifs, permet de conclure que la question des coauteures était intrinsèquement liée à la détermination des autres questions soulevées par la convention d’arbitrage. Par exemple, afin de déterminer les droits de Chouette de fabriquer et de vendre des produits dérivés de Caillou, il est nécessaire de vérifier si les titulaires des droits d’auteur de Caillou lui ont cédé leurs droits patrimoniaux. La réponse à cette question exige alors l’identification des auteures autorisées à céder leurs droits patrimoniaux sur l’œuvre.

36 Certains éléments des lettres échangées par les parties et de la sentence arbitrale confirment la validité de cette interprétation. Ainsi, dans sa lettre du 9 juin 1997, l’intimée a affirmé que l’interprétation des contrats et la détermination des pouvoirs que possède l’appelante Chouette, « conduira nécessairement sur la question des coauteurs » (requête amendée de l’intimée-requérante Desputeaux pour annuler une sentence arbitrale, dossier des appelantes, p. 16). En réponse à cette communication, Chouette souligne que, dans la mesure où l’interprétation des contrats lui serait favorable, la discussion sur la question des coauteures deviendrait inutile (requête amendée de l’intimée-requérante Desputeaux pour annuler une sentence arbitrale, dossier des appelantes, p. 17). De plus, le passage suivant de la p. 7 de la sentence arbitrale indique que l’interprétation des contrats en ce qui concerne la titularité des droits d’auteur entretient un lien de connexité avec les questions liées aux pouvoirs de Chouette et aux droits économiques et moraux découlant de l’exploitation commerciale du personnage Caillou :

Les prétentions respectives des parties découlent de la titularité des droits d’auteur à l’égard de Caillou. Il s’agit de définir ce concept selon la loi. Il faudra déterminer si ces droits s’appliquent à tout ce qui se rattache à Caillou, ou à l’égard de quelques-unes des composantes seulement, s’il y a plus d’un titulaire des droits d’auteur; il faudra également faire la part respective tant des droits économiques et moraux découlant de la production littéraire et artistique originale que de ceux dits des « produits dérivés ».

37 L’article 37 de la Loi sur le statut professionnel des artistes prévoit que tout différend sur l’interprétation d’un contrat entre un artiste et un diffuseur doit être soumis à un arbitre. La nature des questions d’interprétation soumises à l’arbitre exigeait l’examen du problème de la titularité du droit d’auteur. Celui-ci s’avérait intimement et nécessairement lié à l’interprétation et à l’application des ententes que l’arbitre devait étudier. Puisque l’arbitre était effectivement saisi de cette question, il faut maintenant examiner si la législation applicable interdisait de lui en confier l’étude, comme le plaide l’intimée. À cette fin, Mme Desputeaux présente son moyen en deux volets. Le premier repose sur la législation fédérale concernant le droit d’auteur qui, à son avis, interdirait de renvoyer la question de la propriété intellectuelle d’une œuvre à l’arbitrage. Le second invoque les dispositions du Code civil et du Code de procédure civile qui feraient obstacle au renvoi à l’arbitrage de questions relevant des droits de la personnalité. Comme on le sait, l’arrêt d’appel a retenu les deux branches de ce moyen.

C. L’article 37 de la Loi sur le droit d’auteur et l’arbitrage des différends relatifs au droit d’auteur

38 Selon la Cour d’appel, l’art. 37 de la Loi sur le droit d’auteur empêchait l’arbitre de statuer sur la question des droits d’auteur puisque cette disposition attribuerait une compétence exclusive à la Cour fédérale, concurremment avec les tribunaux provinciaux, pour connaître de toute procédure liée à la Loi (par. 41). Avec égards, à mon avis, la Cour d’appel restreint considérablement et erronément les pouvoirs des arbitres en matière de droits d’auteur. Son approche contredit le mouvement jurisprudentiel et législatif qui, depuis quelques décennies, accepte et même favorise le recours à l’arbitrage civil et commercial, notamment dans les droits occidentaux modernes, en common law comme en droit civil.

39 L’objet et le contexte de l’art. 37 de la Loi sur le droit d’auteur démontrent que cette disposition vise deux objectifs. Premièrement, elle entend affirmer la compétence de principe des tribunaux provinciaux dans les litiges de droit privé concernant les droits d’auteur. Elle vise ensuite à éviter la fragmentation des procès concernant les droits d’auteur en raison du partage des compétences matérielles entre les tribunaux fédéraux et provinciaux dans ce domaine.

40 Selon l’argumentation de l’intimée, l’art. 37 de la Loi sur le droit d’auteur ne permettrait le renvoi des questions de droits d’auteur qu’à la justice publique. Pourtant, le législateur, fédéral ou provincial, accepte lui-même la légitimité et la présence de cette justice privée, souvent consensuelle, parallèle à celle des tribunaux étatiques. Ainsi, au Québec, cette reconnaissance de l’arbitrage se reflète à l’art. 2638 C.c.Q. qui définit la convention d’arbitrage comme étant « le contrat par lequel les parties s’engagent à soumettre un différend né ou éventuel à la décision d’un ou de plusieurs arbitres, à l’exclusion des tribunaux ». Le Code civil n’exclut de l’arbitrage que « le différend portant sur l’état et la capacité des personnes, sur les matières familiales ou sur les autres questions qui intéressent l’ordre public » (art. 2639 C.c.Q.). De manière analogue, le Parlement du Canada a reconnu la légitimité et l’importance de la justice arbitrale, notamment en adoptant la Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. 1985, ch. 17 (2e suppl.). Cette loi rend le Code d’arbitrage commercial, fondé sur la loi type adoptée par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international le 21 juin 1985, applicable aux litiges impliquant le gouvernement canadien, un établissement public, ou une société d’État, ou qui soulèvent une question de droit maritime. L’article 5 de ce code fait d’ailleurs de l’arbitrage le moyen privilégié de règlement des différends dans les domaines où il s’applique.

41 Toutefois, les compétences de l’arbitre découlent habituellement de la convention d’arbitrage. En général, l’arbitrage ne fait pas partie de la structure judiciaire étatique, bien que l’État attribue parfois directement des compétences ou des fonctions aux arbitres. L’institution arbitrale demeure cependant, en un sens plus large, une partie du système de règlement des litiges, dont le législateur reconnaît pleinement la légitimité.

42 L’adoption d’une disposition comme l’art. 37 de la Loi sur le droit d’auteur vise à définir la compétence matérielle des tribunaux judiciaires sur une question. Elle n’entend pas exclure la procédure arbitrale. Elle ne fait qu’identifier le tribunal qui, au sein de l’organisation judiciaire, aura compétence pour entendre les litiges concernant une matière particulière. On ne saurait présumer qu’elle exclut la juridiction arbitrale, faute de la mentionner expressément. Celle-ci fait maintenant partie du système de justice du Québec, tel que celui-ci peut l’aménager en vertu de ses compétences constitutionnelles.

43 Le paragraphe 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867 confie aux provinces le pouvoir de créer des tribunaux qui auront juridiction sur des matières aussi bien provinciales que fédérales. L’article 101 de cette même loi permet au Parlement du Canada de créer des tribunaux qui assureront l’application des lois fédérales. À moins que le législateur fédéral ne confie à un tribunal spécifique une juridiction exclusive sur une matière relevant du droit fédéral, les tribunaux créés par la province en vertu de sa compétence générale sur l’administration de la justice auront compétence sur toute matière, juridictions confondues (H. Brun et G. Tremblay, Droit constitutionnel (4e éd. 2002), p. 777). Comme l’affirmait notre Cour dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, par. 28 :

Ainsi, même lorsqu’il s’agit d’une question relevant nettement d’une règle de droit fédérale valide, la Cour fédérale du Canada n’est pas présumée avoir compétence en l’absence d’un texte de loi fédéral exprès. En revanche, en raison de leur compétence générale sur toute question en matière civile, criminelle, provinciale, fédérale et constitutionnelle, les cours supérieures des provinces jouissent de cette présomption.

44 Dans l’affaire Ontario (Procureur général) c. Pembina Exploration Canada Ltd., [1989] 1 R.C.S. 206, notre Cour devait déterminer si une province a le pouvoir d’accorder à une cour des petites créances la compétence pour trancher des litiges en droit maritime. Le juge La Forest a alors reconnu la validité constitutionnelle de cette attribution de compétence dans ces termes, à la p. 228 :

Je conclus qu’une législature provinciale a, en vertu du par. 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867, le pouvoir de conférer à un tribunal d’instance inférieure compétence pour entendre un litige qui relève de la compétence législative fédérale. Cependant, ce pouvoir est restreint par l’art. 96 de la Loi et par le pouvoir du gouvernement fédéral d’accorder expressément compétence exclusive à un tribunal que lui permet d’établir l’art. 101 de la Loi. Puisque aucune de ces exceptions ne s’applique en l’espèce, la compétence qui est attribuée à l’art. 55 de la Loi sur les cours des petites créances permet à la cour des petites créances d’entendre l’action dans le présent pourvoi.

45 Une province détient le pouvoir de créer un système d’arbitrage visant les recours impliquant des lois fédérales, à moins que le Parlement du Canada n’attribue une compétence exclusive sur le sujet à un tribunal qui relève de ses pouvoirs constitutionnels ou que la matière ne relève de la compétence exclusive des cours supérieures en vertu de l’art. 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le Parlement du Canada pourrait tout autant reconnaître une juridiction concurrente à des tribunaux provinciaux particuliers. Par exemple, il lui aurait été possible d’adopter une disposition portant que « la Cour fédérale, concurremment avec les cours supérieures des provinces, connaît de toute procédure liée à l’application de la loi ». Ce n’est toutefois pas ce qu’il a fait en l’espèce.

46 L’article 37 de la Loi sur le droit d’auteur attribue à la Cour fédérale une compétence concurrente pour l’application de la loi, en partageant la compétence matérielle sur les droits d’auteur entre la Cour fédérale et les « tribunaux provinciaux ». Cette disposition demeure suffisamment générale à mon avis pour inclure les procédures arbitrales créées par une loi provinciale. Si le législateur fédéral avait voulu exclure l’arbitrage en matière de droit d’auteur, il l’aurait fait clairement (pour une approche similaire, voir Automatic Systems Inc. c. Bracknell Corp. (1994), 113 D.L.R. (4th) 449 (C.A. Ont.), p. 457-458; J. E. C. Brierley, « La convention d’arbitrage en droit québécois interne », [1987] C.P. du N. 507, par. 62). L’article 37 ne fait donc pas obstacle au renvoi du présent litige à la compétence arbitrale. Il faut maintenant examiner si le droit civil et les règles de procédure du Québec l’interdisent.

D. Le droit d’auteur, l’ordre public et l’arbitrage

47 Le débat s’inscrit à cette étape dans le cadre législatif de l’arbitrage au Québec. La nature juridique de la procédure arbitrale en cause appelle toutefois une nuance. Le renvoi à l’arbitrage a eu lieu en vertu de l’art. 37 de la Loi sur le statut professionnel des artistes. Cette disposition prévoit l’existence de la compétence arbitrale. Elle permet à une partie d’imposer le renvoi devant l’arbitre. Elle autorise cependant les parties à renoncer à saisir la juridiction arbitrale, ce qui laisse à cette procédure un caractère consensuel, contrairement, par exemple, à l’arbitrage de griefs en vertu des législations canadiennes du travail. (Voir, par exemple, Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929.)

48 Le cadre juridique applicable à cet arbitrage demeure alors celui qu’ont établi les dispositions pertinentes du Code civil et du Code de procédure civile. Le Code civil reconnaît l’existence et la validité de la convention d’arbitrage. Sous réserve des questions intéressant l’ordre public et certaines matières comme l’état des personnes, il laisse aux parties la liberté de soumettre tout conflit à l’arbitrage et de déterminer les termes de la saisine de l’arbitre (art. 2639 C.c.Q.). Le Code de procédure civile laisse, pour l’essentiel, la détermination de la conduite de la preuve et de la procédure arbitrale aux parties et à la compétence de l’arbitre (art. 944.1 et 944.10 C.p.c.).

49 La Cour d’appel, s’appuyant sur les art. 946.5 C.p.c. et 2639 C.c.Q., a décidé que les litiges concernant la paternité des droits d’auteur ne peuvent être soumis à l’arbitrage. À son avis, le droit d’auteur, comme droit moral, se rattache à la personnalité de l’auteur (au par. 40) :

Le droit de se voir justement attribuer la paternité d’une œuvre tout comme le droit au respect du nom revêtent une connotation purement morale tenant à la dignité et à l’honneur du créateur de l’œuvre. Sous ces aspects, la question de la paternité du droit d’auteur ne serait pas arbitrable.

50 De plus, selon la Cour d’appel, les litiges relatifs à la paternité des droits d’auteur, ainsi que ceux portant sur l’étendue et la validité du droit, doivent être confiés exclusivement aux tribunaux judiciaires puisque les décisions rendues dans ces affaires deviennent en principe opposables à tous. Ce caractère d’opposabilité ne permettrait pas de les déférer aux arbitres, mais exigerait l’intervention de la justice publique (par. 42).

51 L’article 2639 C.c.Q. prévoit explicitement que les parties ne peuvent soumettre à l’arbitrage un différend relatif à l’ordre public ou à l’état des personnes, qui, de toute manière, s’y rattache. Logiquement, l’art. 946.5 C.p.c. dispose que le tribunal peut refuser d’homologuer une sentence lorsque son objet ne peut être réglé par arbitrage ou lorsqu’elle viole l’ordre public. La loi établit ainsi un mécanisme de contrôle de l’activité arbitrale qui entend préserver certaines valeurs jugées fondamentales au sein d’un ordre juridique, en dépit de la liberté laissée aux parties dans la détermination des modes de règlement de leurs conflits. Il faut toutefois analyser plus en profondeur les relations entre la mise en œuvre des normes considérées comme relevant de l’ordre public et la compétence arbitrale. Cette question concerne ultimement les limites de l’autonomie de l’institution arbitrale et la nature et les bornes des interventions des tribunaux judiciaires à l’égard de l’arbitrage consensuel, que régissent le droit civil et la procédure civile du Québec.

52 Afin de déterminer si les questions relatives à la paternité des droits d’auteur échappent à la compétence arbitrale comme l’a conclu la Cour d’appel, il est nécessaire de cerner davantage la notion d’ordre public dans le contexte de l’arbitrage, où elle peut intervenir de diverses façons, notamment, comme ici, pour circonscrire le domaine matériel de l’arbitrage (Thuilleaux, op. cit., p. 36). Ainsi, une matière peut être exclue du champ de l’arbitrage en raison de sa nature, en tant que « question qui intéresse l’ordre public ». Le concept intervient aussi pour définir et, parfois, pour restreindre le champ des initiatives juridiques individuelles ou celui de la liberté contractuelle. Le caractère variable, protéiforme et évolutif de ce concept d’ordre public rend toutefois fort difficile toute tentative de définition précise ou exhaustive de son contenu. (J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, Les obligations (5e éd. 1998), p. 151-152; Auerbach c. Resorts International Hotel Inc., [1992] R.J.Q. 302 (C.A.), p. 304; Goulet c. Cie d’Assurance-Vie Transamerica du Canada, [2002] 1 R.C.S. 719, 2002 CSC 21, par. 43-46) L’élaboration et la mise en œuvre du concept d’ordre public laissent place à une grande part de discrétion judiciaire dans l’appréciation des valeurs et des principes fondamentaux d’un système juridique. L’interprétation et l’application de cette notion dans le domaine de l’arbitrage conventionnel doivent alors prendre en compte la politique législative qui accepte cette forme de règlement des différends et qui entend même en favoriser le développement. Pour cette raison, afin de préserver l’autonomie décisionnelle de l’institution arbitrale, il importe d’éviter un emploi extensif de ce concept par les tribunaux judiciaires. Un tel recours étendu à l’ordre public dans le domaine de l’arbitrage mettrait en danger cette autonomie, contrairement à des orientations législatives claires et à la politique juridique qui s’en dégage. (Laurentienne-vie, compagnie d’assurance inc. c. Empire, compagnie d’assurance-vie, [2000] R.J.Q. 1708 (C.A.), p. 1712; Mousseau c. Société de gestion Paquin ltée, [1994] R.J.Q. 2004 (C.S.), p. 2009, citant J. E. C. Brierley, « Chapitre XVIII de la convention d’arbitrage, art. 2638-2643 », dans Barreau du Québec et Chambre des notaires du Québec, La réforme du Code civil : obligations, contrats nommés (1993), t. 2, p. 1067, 1081-1082; J. E. C. Brierley, « Une loi nouvelle pour le Québec en matière d’arbitrage » (1987), 47 R. du B. 259, p. 267; L. Y. Fortier, « Delimiting the Spheres of Judicial and Arbitral Power : “Beware, My Lord, of Jealousy” » (2001), 80 R. du B. can. 143)

53 L’interprétation extensive du concept d’ordre public de l’art. 2639, al. 1 C.c.Q. a été expressément écartée par le législateur. Celui-ci a ainsi précisé que le fait que les règles appliquées par l’arbitre présentent un caractère d’ordre public n’empêche pas la convention d’arbitrage (art. 2639, al. 2 C.c.Q.). L’adoption de l’art. 2639, al. 2 C.c.Q. visait clairement à écarter un courant jurisprudentiel antérieur qui soustrayait à la compétence arbitrale toute question relevant de l’ordre public. (Voir Condominiums Mont St-Sauveur inc. c. Constructions Serge Sauvé ltée, [1990] R.J.Q. 2783, p. 2789, où la Cour d’appel du Québec a d’ailleurs exprimé son désaccord avec l’arrêt antérieur rendu dans Procon (Great Britain) Ltd. c. Golden Eagle Co., [1976] C.A. 565; voir aussi Mousseau, précité, p. 2009.) Sauf dans quelques matières fondamentales, tenant par exemple strictement à l’état des personnes, comme l’a conclu par exemple la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Mousseau, précitée, l’arbitre peut statuer sur des règles d’ordre public, puisqu’elles peuvent faire l’objet de la convention d’arbitrage. L’arbitre n’est pas condamné à interrompre ses travaux dès qu’une question susceptible d’être qualifiée de règle ou de principe d’ordre public se pose dans le cours de l’arbitrage.

54 L’ordre public intervient principalement lorsqu’il s’agit d’apprécier la validité de la sentence arbitrale. Les limites de son rôle doivent cependant être correctement définies. D’abord, comme nous l’avons vu, les arbitres sont fréquemment tenus d’examiner des questions et des dispositions législatives d’ordre public pour régler le différend dont ils ont été saisis. Ce seul examen ne rend pas la décision annulable. L’article 946.5 C.p.c. exige plutôt d’examiner la sentence dans son ensemble, afin d’apprécier son résultat. Le tribunal doit rechercher si la décision elle-même, dans son dispositif, contrevient à des dispositions législatives ou à des principes qui relèvent de l’ordre public. Le Code de procédure civile s’intéresse davantage ici à la conformité du dispositif de la décision ou de la solution qu’elle retient qu’à celle de l’exactitude des motifs particuliers qui la justifient. Une erreur d’interprétation d’une disposition législative à caractère impératif ne permettrait pas l’annulation de la sentence pour violation de l’ordre public, à moins que le résultat de l’arbitrage se révèle inconciliable avec les principes fondamentaux pertinents de l’ordre public. Cette solution, conforme au langage de l’art. 946.5 C.p.c., correspond à celle que retient le droit de plusieurs États, où l’arbitrage est régi par des règles juridiques analogues à celles que connaît maintenant le droit du Québec. La jurisprudence de ces pays limite l’examen de l’ordre public substantiel à celui du résultat de la sentence par rapport à l’ordre public. (Voir : E. Gaillard et J. Savage, dir., Fouchard, Gaillard, Goldman on International Commercial Arbitration (1999), p. 955-956, no 1649; J.-B. Racine, L’arbitrage commercial international et l’ordre public, t. 309 (1999), p. 538-555, en particulier p. 539 et 543; Société Seagram France Distribution c. Société GE Massenez, Cass. civ. 2e, 3 mai 2001, Rev. arb. 2001.4.805, note Yves Derains.) Enfin, lors de l’examen de la validité de la sentence, s’impose le respect de la règle claire de l’art. 946.2 C.p.c., qui interdit l’examen du fond du différend. L’application de la notion si flexible et évolutive de l’ordre public doit s’effectuer dans le respect de ces principes fondamentaux, lorsqu’il s’agit d’apprécier la validité d’une sentence arbitrale.

55 Le présent litige soulève plusieurs aspects du recours aux règles et principes appartenant à l’ordre public. Il faut se demander, en premier lieu, si les droits d’auteur, en tant que droits moraux, sont analogues aux matières énumérées à l’art. 2639, al. 1 C.c.Q. et donc hors du domaine de compétence de l’arbitrage. Ensuite, on doit déterminer si cette même disposition interdit l’arbitrage portant sur la paternité des droits d’auteur en raison du caractère erga omnes de ce type de décision. Enfin, bien que la question de la validité des contrats n’ait pas été portée devant lui, comme nous l’avons vu, en raison du débat survenu entre les parties, il demeure utile d’étudier si l’arbitre aurait pu détenir la compétence de déclarer les contrats d’édition invalides en raison des vices de forme dont ils auraient été affectés selon les prescriptions des art. 31 et 34 de la Loi sur le statut professionnel des artistes.

(i) L’ordre public et la nature des droits d’auteur

56 À mon avis, la Cour d’appel a eu tort d’affirmer que l’incessibilité des droits moraux prévue à l’art. 14.1 de la Loi sur le droit d’auteur a pour conséquence que les problèmes relatifs à la paternité des droits d’auteur doivent être assimilés à des questions d’ordre public, tenant à l’état des personnes et aux droits de la personnalité et soustraites à ce titre à la compétence arbitrale. Cette opinion de la Cour d’appel repose sur une compréhension inexacte de la nature du droit d’auteur au Canada et du fonctionnement des mécanismes juridiques qui encadrent et assurent son exercice et sa protection.

57 Ces droits moraux sont certes déclarés incessibles, mais le législateur permet à leurs titulaires de renoncer à leur exercice. La législation canadienne reconnaît ainsi l’imbrication des droits économiques et des droits moraux dans la définition du droit d’auteur. Notre Cour a d’ailleurs souligné l’importance attachée aux aspects économiques du droit d’auteur au Canada. En effet, la Loi sur le droit d’auteur traite d’abord celui-ci comme une institution destinée à organiser la gestion économique de la propriété intellectuelle. Elle y voit avant tout un mécanisme de protection et de transmission des valeurs économiques reliées à ce type de propriété et à son utilisation. (Voir Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., [2002] 2 R.C.S. 336, 2002 CSC 34, par. 11-12, le juge Binnie.)

58 Dans le cadre de la législation canadienne sur le droit d’auteur, bien que l’œuvre constitue une « manifestation de la personnalité de l’auteur », on se trouve fort loin des questions relatives à l’état et la capacité des personnes et aux matières familiales au sens de l’art. 2639 C.c.Q. (M. Goudreau, « Le droit moral de l’auteur au Canada » (1994), 25 R.G.D. 403, p. 404). Visant d’abord l’aménagement économique du droit d’auteur, la Loi n’interdit pas aux artistes de transiger sur leur droit d’auteur ni même de monnayer l’exercice des droits moraux qui en font partie. Comme les intervenants UNEQ et CMA le rappellent, un artiste peut même monnayer une renonciation à l’exercice de ses droits moraux (voir Théberge, précité, par. 59).

59 Par ailleurs, la législation québécoise reconnaît la légitimité des transactions sur le droit d’auteur et la validité du recours à l’arbitrage pour régler les différends survenus à leur sujet. En effet, à l’art. 37 de la Loi sur le statut professionnel des artistes, le législateur a expressément prévu que, sauf renonciation expresse, tout litige sur l’interprétation d’un contrat entre un artiste et un diffuseur doit être soumis à un arbitre. Les contrats signés entre les artistes et les diffuseurs contiennent systématiquement des stipulations relatives aux droits d’auteur. Il serait paradoxal que le législateur considère les questions concernant les droits d’auteur comme soustraites à l’arbitrage parce que d’ordre public, d’une part, et que, d’autre part, il privilégie ce mode de règlement des différends dans l’éventualité de conflits relatifs à l’interprétation et à l’application des contrats qui régissent l’exercice de ce droit entre les artistes et les diffuseurs.

60 Ainsi, la sentence en question ne traite pas d’une matière qui échappe par nature à la compétence des arbitres en l’espèce. En ce sens, elle n’est pas contraire à l’ordre public; si elle l’avait été, un tribunal judiciaire aurait été justifié de l’annuler (art. 946.5 C.p.c.). Au contraire, elle se prononce valablement sur une matière, la titularité des droits d’auteur, qui constitue l’un des éléments principaux du litige opposant les parties à propos de l’interprétation et de l’application des ententes intervenues entre elles.

(ii) L’ordre public et le caractère erga omnes des décisions concernant la paternité des droits d’auteur

61 Selon la Cour d’appel, l’opposabilité d’une décision en matière de droit d’auteur à l’égard de tous et, par conséquent, la nature de ses effets sur les tiers feraient obstacle à la procédure arbitrale. Ces caractéristiques réserveraient la connaissance de ces litiges aux seuls tribunaux judiciaires (arrêt de la Cour d’appel, par. 42 et 44). Cette interprétation repose sur une erreur quant à la nature du concept de la chose jugée et quant à l’étendue de l’opposabilité des décisions de justice.

62 D’abord, le Code de procédure civile ne considère pas l’effet d’une sentence arbitrale sur les tiers comme un motif permettant de l’annuler ou d’en refuser l’homologation (art. 946.4 C.p.c.). Comme l’affirment les appelantes, l’opinion de la Cour d’appel sur cette question ne tient pas compte du principe de la chose jugée, selon lequel un jugement ne fait autorité qu’entre les parties au litige (art. 2848 C.c.Q.; voir J.-C. Royer, La preuve civile (2e éd. 1995), p. 490-491). La procédure arbitrale opposait en l’espèce deux parties privées qui s’affrontaient sur la juste interprétation d’un contrat. L’arbitre s’est prononcé sur la titularité des droits d’auteur afin de départager les droits et obligations des parties au contrat. Cette décision arbitrale fait autorité entre les parties mais ne lie pas les tiers absents du débat judiciaire. À titre d’illustration, rien n’empêcherait une tierce partie à la convention d’arbitrage qui aurait, elle aussi, participé à la rédaction de textes pour les livres de Caillou, de présenter une demande à un tribunal judiciaire afin de faire reconnaître son droit d’auteur.

(iii) Les articles 31 et 34 de la Loi sur le statut professionnel des artistes

63 À titre subsidiaire, la Cour d’appel a affirmé que l’arbitre avait l’obligation de s’assurer que les formalités impératives imposées par les art. 31 et 34 de la Loi sur le statut professionnel des artistes ont été respectées lors de la formation des contrats et qu’il n’avait pas rempli sa mission à cet égard (arrêt de la Cour d’appel, par. 48-49). L’étude de la conduite de l’arbitrage a permis de disposer de ce grief, parce que ce problème de validité des contrats avait été exclu du mandat de l’arbitre par la décision du juge Bisaillon de la Cour supérieure.

64 À cette étape de l’examen de ce pourvoi, il paraît utile de rappeler certaines particularités du mécanisme de saisine de l’arbitre en vertu de l’art. 37 de la Loi sur le statut professionnel des artistes. Une seule des deux parties peut décider de renvoyer à l’arbitre un différend sur l’interprétation et l’application des dispositions d’un contrat sujet à la Loi. Cependant, si les deux parties s’entendent pour limiter la mission de l’arbitre, celui-ci ne peut élargir son mandat de son propre chef. Dans la mesure, toutefois, où sa mission aurait comporté l’examen de la validité des contrats et notamment des formalités et règles qualifiées d’impératives que l’on retrouve aux art. 31 et 34 de la Loi, comme celles relatives à la durée des engagements des parties, l’arbitre aurait dû décider si les ententes étaient valides. La solution contraire multiplierait les procédures dans les cas où un différend concernerait autant l’interprétation des clauses du contrat que sa validité. Cette solution ferait violence à l’un des principes fondamentaux de l’arbitrage, qui veut offrir aux contractants un forum efficace pour régler leurs litiges (Compagnie nationale Air France c. Mbaye, [2000] R.J.Q. 717 (C.S.), p. 724). On s’étonnerait enfin que l’arbitre puisse se prononcer sur la titularité de droits d’auteur à la lumière des prescriptions de la Loi sur le droit d’auteur, mais non sur les dispositions impératives de la Loi sur le statut professionnel des artistes, qui, après tout, ne portent que sur des modalités d’exercice du droit d’auteur lui-même.

(iv) Les limites du contrôle de la validité des décisions arbitrales

65 La Cour d’appel a affirmé au par. 49 que :

Lorsqu’un arbitre est appelé, dans le cadre de son mandat, à appliquer les règles d’ordre public, il doit les appliquer correctement, c’est-à-dire de la même façon que les tribunaux.

66 Cette affirmation porte atteinte au principe fondamental de l’autonomie de l’arbitrage (Compagnie nationale Air France, précité, p. 724). En effet, elle conduit nécessairement à l’examen du fond du différend par le tribunal judiciaire. De plus, elle perpétue une conception de l’arbitrage qui en faisait une justice inférieure à celle offerte par les tribunaux judiciaires (Condominiums Mont St-Sauveur, précité, p. 2785).

67 Le législateur a consacré l’autonomie de l’arbitrage en affirmant à l’art. 946.2 C.p.c. que « [l]e tribunal saisi d’une requête en homologation ne peut examiner le fond du différend ». (Cette disposition est applicable à l’annulation d’une sentence arbitrale par le renvoi prévu à l’art. 947.2 C.p.c.) De plus, les motifs permettant à un tribunal de refuser d’homologuer ou d’annuler une sentence arbitrale sont exhaustivement prévus aux art. 946.4 et 946.5 C.p.c.

68 Malgré la précision de ces dispositions du Code de procédure civile et la clarté de l’intention législative qui s’en dégage, des courants contradictoires ont traversé la jurisprudence québécoise quant aux limites des interventions judiciaires à l’occasion des demandes d’homologation ou d’annulation de sentences arbitrales régies par le Code de procédure civile. Certains jugements ont adopté une vue large de ce pouvoir ou tendent parfois à le confondre avec le pouvoir de contrôle judiciaire en vertu des art. 33 et 846 C.p.c. (Voir à ce propos les commentaires de F. Bachand, « Arbitrage commercial : Assujettissement d’un tribunal arbitral conventionnel au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et contrôle judiciaire d’ordonnances de procédure rendues par les arbitres » (2001), 35 R.J.T. 465.) Le jugement visé illustre cette tendance en adoptant une norme de révision fondée sur le contrôle pur et simple de toute erreur de droit commise à l’examen d’une question d’ordre public. Cette approche étend l’intervention judiciaire au moment de l’homologation ou de la demande d’annulation de la sentence arbitrale bien au-delà des cas prévus par le législateur. On oublie que le législateur a volontairement restreint ce contrôle pour préserver l’autonomie de l’institution arbitrale. L’ordre public reste certes pertinent, mais uniquement au niveau de l’appréciation du résultat global de la procédure arbitrale, comme nous l’avons vu.

69 Cette dernière orientation a d’ailleurs été adoptée par un courant jurisprudentiel important. On reconnaît ainsi que les recours à l’encontre des sentences arbitrales sont limités aux cas prévus par les art. 946 et suiv. C.p.c. et que les recours en révision judiciaire ne peuvent être utilisés pour contester une décision arbitrale ni, surtout, pour en examiner le fond (Compagnie nationale Air France, précité, p. 724-725; International Civil Aviation Organization c. Tripal Systems Pty. Ltd., [1994] R.J.Q. 2560 (C.S.), p. 2564; Régie intermunicipale de l’eau Tracy, St-Joseph, St-Roch c. Constructions Méridien inc., [1996] R.J.Q. 1236 (C.S.), p. 1238; Régie de l’assurance-maladie du Québec c. Fédération des médecins spécialistes du Québec, [1987] R.D.J. 555 (C.A.), p. 559, le juge Vallerand; Tuyaux Atlas, une division de Atlas Turner Inc. c. Savard, [1985] R.D.J. 556 (C.A.)). Le contrôle de la justesse des décisions arbitrales compromet l’autonomie voulue par le législateur, qui ne peut s’accommoder d’un contrôle judiciaire équivalant pratiquement à un appel presque complet sur le droit. La juge Thibault de la Cour d’appel soulignait ce problème lorsqu’elle affirmait :

À mon avis, l’argument voulant qu’une interprétation du règlement différente, voire même contraire de celle retenue par les tribunaux de droit commun, fasse en sorte que la sentence arbitrale dépasse les termes de la convention d’arbitrage résulte d’une méconnaissance profonde du système d’arbitrage conventionnel. L’argument assujettit ce système distinct de justice à un contrôle de la justesse de ses décisions et il réduit ainsi, de façon significative, la latitude que le législateur et les parties entendaient conférer au conseil d’arbitrage.

(Laurentienne-vie, compagnie d’assurance, précité, par. 43)

(v) La conduite de l’arbitrage et la justice naturelle

70 Madame Desputeaux a reproché à l’arbitre de n’avoir pas entendu la preuve testimoniale ou documentaire relative à la titularité des droits d’auteur. À son avis, cette erreur justifierait l’annulation de la sentence. Les articles 2643 C.c.Q. et 944.1 C.p.c. consacrent, comme on le sait, le principe de la souplesse de la procédure en matière arbitrale, en confiant aux parties le soin de déterminer la procédure arbitrale ou, à défaut, en laissant à l’arbitre le soin de déterminer les règles de procédure applicables (Entreprises H.L.P. inc. c. Logisco inc., J.E. 93-1707 (C.A.); Moscow Institute of Biotechnology c. Associés de recherche médicale canadienne (A.R.M.C.), J.E. 94-1591 (C.S.), p. 12-14 du texte intégral). Les règles du Code de procédure civile encadrant l’arbitrage n’obligent pas l’arbitre à entendre une preuve par témoins. Les modes de preuve demeurent souples et sous le contrôle de l’arbitre, sous réserve des ententes entre les parties. Il est ainsi loisible aux parties, par exemple, de décider qu’une question sera tranchée à la seule lumière du contrat, sans témoignages ou autres preuves. Une décision rendue sur dossier, sans audition de témoins en présence de l’arbitre, ne viole aucun principe de procédure ou de justice naturelle et ne saurait être annulée pour ce seul motif.

71 Certes, toutefois, la liberté de l’arbitre à l’égard de la procédure n’est pas totale. En effet, en vertu des art. 947.2 et 946.4, par. 3 C.p.c., une sentence arbitrale pourra être annulée lorsque « la partie contre laquelle la sentence est invoquée n’a pas été dûment informée de la désignation d’un arbitre ou de la procédure arbitrale, ou qu’il lui a été impossible pour une autre raison de faire valoir ses moyens ». Le dossier en question n’établit cependant pas un grief de cette nature. Son contenu ne démontre pas l’existence de faits permettant de l’examiner et ne justifierait donc pas une intervention de notre Cour à propos de cette question.

VI. Conclusion

72 L’arbitre a agi conformément à sa mission. Il n’a commis aucune erreur qui donne ouverture à l’annulation de la sentence arbitrale. Pour ces motifs, l’appel doit être accueilli, l’arrêt de la Cour d’appel infirmé et la requête en annulation de la sentence rejetée avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs des appelantes : Fraser Milner Casgrain, Montréal.

Procureurs de l'intimée : Tamaro, Goyette, Montréal.

Procureurs de l’intervenant le Centre d'arbitrage commercial national et international du Québec : Ogilvy Renault, Montréal.

Procureurs des intervenants l’Union des écrivaines et écrivains québécois et le Conseil des métiers d'art du Québec : Boivin Payette, Montréal.

Procureurs de l'intervenant le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec : Laurin Lamarre Linteau & Montcalm, Montréal.


Synthèse
Référence neutre : 2003 CSC 17 ?
Date de la décision : 21/03/2003
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli. L’arbitre a agi conformément à sa mission et n’a commis aucune erreur qui donne ouverture à l’annulation de la sentence arbitrale

Analyses

Arbitrage - Interprétation d’un contrat entre un artiste et un diffuseur - Droit d’auteur - La Loi sur le droit d’auteur empêche‑t‑elle un arbitre de statuer sur la question des droits d’auteur? - Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, art. 37.

Arbitrage - Interprétation d’un contrat entre un artiste et un diffuseur - Droit d’auteur - Ordre public - La question relative à la paternité des droits d’auteur échappe‑t‑elle à la compétence arbitrale parce qu’elle est assimilable à une question d’ordre public tenant à l’état des personnes et aux droits de la personnalité? - La Cour d’appel a‑t‑elle commis une erreur en indiquant que le caractère erga omnes des décisions concernant la paternité des droits d’auteur fait obstacle à la procédure arbitrale? - Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 2639 - Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs, L.R.Q., ch. S‑32.01, art. 37.

Arbitrage - Sentence arbitrale - Validité - Étendue du mandat de l’arbitre - Interprétation d’un contrat entre un artiste et un diffuseur - L’arbitre a‑t‑il outrepassé son mandat en se prononçant sur la question de la propriété des droits d’auteur? - La sentence doit‑elle être annulée parce que l’arbitre n’a pas respecté les exigences relatives à la forme et au contenu des contrats entre les artistes et les diffuseurs? - Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs, L.R.Q., ch. S‑32.01, art. 31, 34.

Arbitrage - Sentence arbitrale - Examen d’une question d’ordre public - Limites du contrôle de la validité des sentences arbitrales - Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C‑25, art. 946.4, 946.5.

Arbitrage - Procédure - Justice naturelle - Modes de preuve - Interprétation d’un contrat entre un artiste et un diffuseur - La procédure arbitrale a‑t‑elle été conduite en violation des règles de justice naturelle?.

D, L et C s’associent en vue de créer des livres pour enfants. L est dirigeante et actionnaire majoritaire de C. D dessine et L rédige les textes des premiers livres de la série Caillou. Entre 1989 et 1995, plusieurs contrats relatifs à la publication des illustrations du personnage Caillou interviennent entre D et C. D signe à titre d’auteure et L signe à titre d’éditrice. En 1993, les parties signent un contrat de licence d’exploitation du personnage Caillou. D et L s’y représentent comme coauteures et cèdent à C, à l’exclusion des droits accordés dans les contrats d’édition, certains droits de reproduction pour le monde entier et sans aucune stipulation de durée. Les parties renoncent à exercer toute revendication fondée sur leur droit moral à l’égard de Caillou. Elles autorisent également C à concéder à des tiers des sous‑licences sans leur approbation. Un avenant signé en 1994 stipule que dans l’éventualité où D réaliserait des illustrations destinées à l’un des projets d’utilisation de Caillou, un forfait correspondant au travail exigé lui serait payé. En 1996, confrontée à des difficultés d’interprétation et d’application du contrat de licence d’exploitation, C présente une requête pour faire reconnaître ses droits de reproduction. D lui oppose une requête en exception déclinatoire visant à renvoyer les parties devant un arbitre comme le prévoit l’art. 37 de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs. La Cour supérieure, constatant que l’existence du contrat n’est pas en cause et qu’on n’y retrouve aucune allégation relative à sa validité, renvoie l’affaire à l’arbitrage. L’arbitre décide que son mandat inclut l’interprétation de tous les contrats et de l’avenant. Selon l’arbitre, Caillou est une œuvre créée en collaboration par D et L. En ce qui concerne le contrat de licence et l’avenant, l’arbitre conclut que C détient les droits de reproduction et qu’elle seule est autorisée à utiliser Caillou sous toute forme et tout support, à la condition cependant qu’un tribunal judiciaire convienne de la validité des contrats. La Cour supérieure rejette la requête en annulation de la sentence arbitrale présentée par D. La Cour d’appel infirme ce jugement.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli. L’arbitre a agi conformément à sa mission et n’a commis aucune erreur qui donne ouverture à l’annulation de la sentence arbitrale.

Les parties à une convention d’arbitrage jouissent d’une autonomie quasi illimitée pour identifier les différends qui pourront faire l’objet de la procédure d’arbitrage. Sous réserve des dispositions législatives pertinentes, cette convention constitue l’acte de mission de l’arbitre et définit le cadre fondamental de son intervention. Toutefois, dans le présent litige, la mission arbitrale n’est pas définie par un document unique. Son cadre et son contenu ont été établis par un jugement de la Cour supérieure, ainsi que par un échange de lettres entre les parties et l’arbitre. Le premier jugement de la Cour supérieure a limité la compétence de l’arbitre en lui retirant l’examen des problèmes de validité des ententes intervenues. Cette restriction incluait nécessairement les moyens de nullité fondés sur la conformité des conventions aux formalités impératives imposées par les art. 31 et 34 de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs. L’arbitre devait donc tenir pour acquis qu’il n’était pas saisi de ce problème. En ce qui concerne la question du droit d’auteur et de sa titularité, pour comprendre la portée du mandat de l’arbitre, il ne suffit pas de se livrer à une analyse purement textuelle des communications entre les parties. En plus de ce qui est expressément énoncé à la convention d’arbitrage, le mandat de l’arbitre s’étend à tout ce qui entretient des rapports étroits avec la convention. En l’espèce, une interprétation libérale de la convention d’arbitrage, fondée sur la recherche de ses objectifs, permet de conclure que la question des coauteures était intrinsèquement liée à la détermination des autres questions soulevées par la convention d’arbitrage.

L’article 37 de la Loi sur le droit d’auteur n’empêche pas un arbitre de statuer sur la question des droits d’auteur. Cette disposition vise deux objectifs : affirmer la compétence de principe des tribunaux provinciaux dans les litiges de droit privé concernant les droits d’auteur et éviter la fragmentation des procès concernant les droits d’auteur en raison du partage des compétences matérielles entre les tribunaux fédéraux et provinciaux dans ce domaine. Elle n’entend pas exclure la procédure arbitrale. Elle ne fait qu’identifier le tribunal qui, au sein de l’organisation judiciaire, aura compétence pour entendre des litiges concernant une matière particulière. En partageant la compétence matérielle sur les droits d’auteur entre la Cour fédérale et les tribunaux provinciaux, l’art. 37 demeure suffisamment général pour inclure les procédures arbitrales créées par une loi provinciale.

La sentence arbitrale n’est pas contraire à l’ordre public. L’interprétation et l’application de la notion d’ordre public dans le domaine de l’arbitrage conventionnel au Québec doivent prendre en compte la politique législative qui accepte cette forme de règlement des différends et qui entend même en favoriser le développement. Sauf dans quelques matières fondamentales mentionnées à l’art. 2639 C.c.Q., l’arbitre peut statuer sur des règles d’ordre public, puisqu’elles peuvent faire l’objet de la convention d’arbitrage. L’ordre public intervient principalement lorsqu’il s’agit d’apprécier la validité de la sentence arbitrale. En vertu de l’art. 946.5 C.p.c., le tribunal doit examiner la sentence dans son ensemble afin d’apprécier son résultat. Il doit rechercher si la décision elle‑même, dans son dispositif, contrevient à des dispositions législatives ou à des principes qui relèvent de l’ordre public. Une erreur d’interprétation d’une disposition législative à caractère impératif ne permettrait pas l’annulation de la sentence pour violation de l’ordre public, à moins que le résultat de l’arbitrage se révèle inconciliable avec les principes fondamentaux pertinents de l’ordre public. En l’espèce, la Cour d’appel a commis une erreur en décidant que les litiges concernant la paternité des droits d’auteur ne peuvent être soumis à l’arbitrage parce qu’ils doivent être assimilés à des questions d’ordre public, tenant à l’état des personnes et aux droits de la personnalité. Dans le cadre de la législation canadienne sur le droit d’auteur, bien que l’œuvre constitue une « manifestation de la personnalité de l’auteur », on se trouve fort loin des questions relatives à l’état et à la capacité des personnes et aux matières familiales au sens de l’art. 2639 C.c.Q. Visant d’abord l’aménagement économique du droit d’auteur, la Loi sur le droit d’auteur n’interdit pas aux artistes de transiger sur leur droit d’auteur ni même de monnayer l’exercice des droits moraux qui en font partie. Par ailleurs, l’art. 37 de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs du Québec reconnaît la légitimité des transactions sur le droit d’auteur et la validité du recours à l’arbitrage pour régler les différends survenus à leur sujet.

La Cour d’appel a également commis une erreur en mentionnant que l’opposabilité d’une décision en matière de droit d’auteur à l’égard de tous et, par conséquent, la nature de ses effets sur les tiers font obstacle à la procédure arbitrale. Le Code de procédure civile ne considère pas l’effet d’une sentence arbitrale sur les tiers comme un motif permettant de l’annuler ou d’en refuser l’homologation. L’arbitre s’est prononcé sur la titularité des droits d’auteur afin de départager les droits et obligations des parties au contrat. Cette décision arbitrale fait autorité entre les parties mais ne lie pas les tiers.

Enfin, en adoptant une norme de révision fondée sur le contrôle pur et simple de toute erreur de droit commise à l’examen d’une question d’ordre public, la Cour d’appel a appliqué une approche qui porte atteinte au principe fondamental de l’autonomie de l’arbitrage et qui étend l’intervention judiciaire au moment de l’homologation ou de la demande d’annulation de la sentence arbitrale bien au‑delà des cas prévus par le Code de procédure civile. L’ordre public reste certes pertinent, mais uniquement au niveau de l’appréciation du résultat global de la procédure arbitrale.

D n’a pas établi une violation des règles de justice naturelle pendant la procédure arbitrale.


Parties
Demandeurs : Desputeaux
Défendeurs : Éditions Chouette (1987) inc.

Références :

Jurisprudence
Arrêts approuvés : Laurentienne‑vie, compagnie d’assurance inc. c. Empire, compagnie d’assurance‑vie, [2000] R.J.Q. 1708
Mousseau c. Société de gestion Paquin ltée, [1994] R.J.Q. 2004
Compagnie nationale Air France c. Mbaye, [2000] R.J.Q. 717
International Civil Aviation Organization c. Tripal Systems Pty. Ltd., [1994] R.J.Q. 2560
Régie intermunicipale de l’eau Tracy, St‑Joseph, St‑Roch c. Constructions Méridien inc., [1996] R.J.Q. 1236
Régie de l’assurance‑maladie du Québec c. Fédération des médecins spécialistes du Québec, [1987] R.D.J. 555
Tuyaux Atlas, une division de Atlas Turner Inc. c. Savard, [1985] R.D.J. 556
arrêts mentionnés : Guns N’Roses Missouri Storm Inc. c. Productions Musicales Donald K. Donald Inc., [1994] R.J.Q. 1183
Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626
Ontario (Procureur général) c. Pembina Exploration Canada Ltd., [1989] 1 R.C.S. 206
Automatic Systems Inc. c. Bracknell Corp. (1994), 113 D.L.R. (4th) 449
Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929
Auerbach c. Resorts International Hotel Inc., [1992] R.J.Q. 302
Goulet c. Cie d’Assurance‑Vie Transamerica du Canada, [2002] 1 R.C.S. 719, 2002 CSC 21
Condominiums Mont St‑Sauveur inc. c. Constructions Serge Sauvé ltée, [1990] R.J.Q. 2783
Procon (Great Britain) Ltd. c. Golden Eagle Co., [1976] C.A. 565
Société Seagram France Distribution c. Société GE Massenez, Cass. civ. 2e, 3 mai 2001, Rev. arb. 2001.4.805
Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., [2002] 2 R.C.S. 336, 2002 CSC 34
Entreprises H.L.P. inc. c. Logisco inc., J.E. 93‑1707
Moscow Institute of Biotechnology c. Associés de recherche médicale canadienne (A.R.M.C.), J.E. 94‑1591.
Lois et règlements cités
Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 2638, 2639, 2640, 2643, 2848.
Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C‑25, art. 33, 846, 943, 943.1, 944.1 [mod. 1992, ch. 57, art. 422], 944.10, 946.2, 946.4, 946.5, 947, 947.1, 947.2.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 92(14), 96, 101.
Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. 1985, ch. 17 (2e suppl.), ann., art. 5.
Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, art. 2 « œuvre créée en collaboration », 9 [abr. & rempl. 1993, ch. 44, art. 60], 13, 14.1 [aj. 1985, ch. 10 (4e suppl.), art. 4], 37 [mod. 1997, ch. 24, art. 20].
Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs, L.R.Q., ch. S‑32.01, art. 31, 34, 37, 42.
Doctrine citée
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Bachand, Frédéric. « Arbitrage commercial : Assujettissement d’un tribunal arbitral conventionnel au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure et contrôle judiciaire d’ordonnances de procédure rendues par les arbitres » (2001), 35 R.J.T. 465.
Baudouin, Jean‑Louis, et Pierre‑Gabriel Jobin. Les obligations, 5e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1998.
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Brun, Henri, et Guy Tremblay. Droit constitutionnel, 4e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 2002.
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Royer, Jean‑Claude. La preuve civile, 2e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1995.
Thuilleaux, Sabine. L’arbitrage commercial au Québec : droit interne — droit international privé. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1991.

Proposition de citation de la décision: Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., 2003 CSC 17 (21 mars 2003)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2003-03-21;2003.csc.17 ?
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