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06/10/2000 | CANADA | N°2000_CSC_45

Canada | Public School Boards' Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), 2000 CSC 45 (6 octobre 2000)


Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 409

Public School Boards’ Association of Alberta,

Board of Trustees of the Edmonton School District

No. 7 et Cathryn Staring Parrish Appelants

c.

Le procureur général de l’Alberta,

le gouvernement de l’Alberta et le ministre de l’Éducation Intimés

et entre

Public School Boards’ Association of Alberta

et

Board of Trustees of Calgary Board of Education

No. 19 et Margaret Ward Lounds Appelants

c.

Sa Maje

sté la Reine du chef de l’Alberta

et le ministre de l’Éducation Intimés

et

Alberta Catholic School Trustees’ Association,

Board of Trustees...

Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 409

Public School Boards’ Association of Alberta,

Board of Trustees of the Edmonton School District

No. 7 et Cathryn Staring Parrish Appelants

c.

Le procureur général de l’Alberta,

le gouvernement de l’Alberta et le ministre de l’Éducation Intimés

et entre

Public School Boards’ Association of Alberta

et

Board of Trustees of Calgary Board of Education

No. 19 et Margaret Ward Lounds Appelants

c.

Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta

et le ministre de l’Éducation Intimés

et

Alberta Catholic School Trustees’ Association,

Board of Trustees of Lethbridge Roman Catholic

Separate School District No. 9 et Dwayne Berlando Intimés

et

Alberta School Boards’ Association (Demanderesse)

et

Le procureur général de l’Ontario,

le procureur général du Québec,

le procureur général du Nouveau‑Brunswick,

le procureur général du Manitoba,

le procureur général de la Colombie‑Britannique,

le procureur général de la Saskatchewan,

Ontario Public School Boards’ Association,

l’Association des enseignants catholiques de langue anglaise de l’Ontario,

Saskatchewan School Trustees Association,

l’Association des commissaires d’écoles de la Colombie-Britannique,

Ontario Catholic School Trustees’ Association,

Catholic Section de la Saskatchewan School

Trustees Association, St. Paul’s Roman Catholic

Separate School Division No. 20,

Boards of Education de la Regina School Division No. 4,

Saskatchewan Rivers School Division No. 119,

Swift Current School Division No. 94,

Weyburn School Division No. 97,

Yorkton School Division No. 93,

Estevan School Division No. 95,

Melfort School Division No. 100,

Moose Jaw School Division No. 1,

Battlefords School Division No. 118,

et Saskatoon School Division No. 13 Intervenants

Répertorié: Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général)

Référence neutre: 2000 CSC 45.

No du greffe: 26701.

2000: 21, 22 mars; 2000: 6 octobre.

Présents: Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel de l’alberta

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (1998), 60 Alta. L.R. (3d) 62, 216 A.R. 201, 175 W.A.C. 201, 158 D.L.R. (4th) 267, [1998] A.J. No. 317 (QL), qui a accueilli l’appel et rejeté l’appel incident contre un jugement du juge Smith (1995), 198 A.R. 204, [1995] A.J. No. 1317 (QL), qui avait déclaré inconstitutionnelle la loi contestée. Pourvoi rejeté.

Dale Gibson, Ritu Khullar et Rangi J. Jeerakathil, pour les appelants Public School Boards’ Association of Alberta, Board of Trustees of the Edmonton School District No. 7 et Cathryn Staring Parrish.

Eric P. Groody et David H. de Vlieger, pour les appelants Board of Trustees of Calgary Board of Education No. 19 et Margaret Ward Lounds.

Robert C. Maybank, Margaret Unsworth et Roderick Wiltshire, pour les intimés le procureur général de l’Alberta, le gouvernement de l’Alberta, Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta et le ministre de l’Éducation.

Kevin P. Feehan et James E. Redmond, c.r., pour les intimés Alberta Catholic School Trustees’ Association, Board of Trustees of Lethbridge Roman Catholic Separate School District No. 9 et Dwayne Berlando.

Robert E. Charney et Janet E. Minor, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.

Argumentation écrite seulement par Monique Rousseau, pour l’intervenant le procureur général du Québec.

Argumentation écrite seulement par Gabriel Bourgeois, pour l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick.

Argumentation écrite seulement par Eugene B. Szach et Darrin R. Davis, pour le procureur général du Manitoba.

Argumentation écrite seulement par George H. Copley, c.r., pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Thomson Irvine, pour l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan.

Michael A. Hines, pour l’intervenante Ontario Public School Boards’ Association.

Paul J. J. Cavalluzzo et Fay C. Faraday, pour l’intervenante l’Association des enseignants catholiques de langue anglaise de l’Ontario.

LaVonne R. Beriault, pour l’intervenante Saskatchewan School Trustees Association.

Judith Anderson et Katherine Arnold, pour l’intervenante l’Association des commissaires d’écoles de la Colombie-Britannique

Peter D. Lauwers, pour l’intervenante Ontario Catholic School Trustees’ Association.

John R. Beckman, c.r., et L. J. Dick Batten, pour les intervenantes Catholic Section de la Saskatchewan School Trustees Association et St. Paul’s Roman Catholic Separate School Division No. 20.

Robert G. Richards, c.r., et Debra G. Burnett, pour les intervenants Boards of Education de la Regina School Division No. 4 et autres.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Major — Les appelants contestent la validité de diverses dispositions de la School Amendment Act, 1994, S.A. 1994, ch. 29, et de la Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5. Ces lois, avec le Framework for Funding School Boards in the 1995‑96 School Year («document-cadre»), centralisent le contrôle et le financement des écoles primaires et secondaires en Alberta. Ce régime crée l’Alberta School Foundation Fund («Fonds»), impose aux conseils scolaires des restrictions aux dépenses et augmente le pouvoir de contrôle du ministre sur les cadres supérieurs des conseils scolaires.

2 En d’autres termes, il s’agit de mesures de compression budgétaire visant à diminuer le financement global des écoles et à s’attaquer au problème de l’inégalité de la répartition des ressources scolaires. Pour ce faire, le gouvernement de l’Alberta a choisi de mettre en commun les sources de revenus et de répartir les fonds en fonction du nombre d’élèves inscrits dans chaque conseil scolaire. Le niveau de financement par élève serait déterminé par la province, de sorte que celle‑ci puisse à la fois contrôler le financement total et allouer les fonds de manière équitable. Les conseils des écoles séparées conservaient le droit de se retirer du régime et de continuer à faire appel directement à leurs commettants pour se financer. C’est précisément l’incapacité des conseils des écoles publiques de se retirer, eux aussi, du régime qui est au coeur du présent pourvoi.

I. Les faits

3 Au temps de la Confédération, les catholiques romains de l’Ontario et les protestants du Québec se sont vu accorder des garanties constitutionnelles touchant leur capacité de dispenser un enseignement confessionnel. Garantis à l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, ces principes ont été repris à l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta, S.C. 1905, ch. 3, au moment de la création de l’Alberta. À l’heure actuelle, les écoles «séparées» protestantes et catholiques romaines coexistent en Alberta avec les écoles publiques. En règle générale, les écoles publiques n’ont aucune appartenance confessionnelle, mais certaines situations démographiques ont donné lieu à la création d’au moins une école publique catholique romaine en Alberta. En outre, il existe des écoles privées, généralement confessionnelles, dont la gestion est indépendante mais qui sont soumises au programme d’enseignement public et bénéficient d’une aide provinciale.

4 Avant l’adoption des modifications en cause, les écoles primaires et secondaires en Alberta étaient financées par le gouvernement provincial et par les conseils locaux. Les fonds fournis par la province provenaient de subventions et de taxes foncières. Les conseils locaux prélevaient également des taxes, en plus de celles perçues par la province. Les proportions de financement local et de financement provincial ont varié au cours des années.

5 Pour limiter le pouvoir de taxation des conseils locaux, la province a établi un plafond pour les taxes scolaires locales qui ne pouvait être dépassé que par plébiscite. Au milieu des années 70, l’exigence de recourir au plébiscite a été remplacée par celle moindre de l’adoption de règlements et, en conséquence ou par pure coïncidence, les taxes locales ont considérablement augmenté. En raison des écarts entre les assiettes fiscales locales, les dépenses admises par élève et les taux d’imposition au sein de la province variaient énormément. Les paiements de péréquation effectués par la province ont remédié en partie à ces disparités.

6 Pour résoudre le problème de la disparité des niveaux de financement local, l’Assemblée législative de l’Alberta a adopté la loi contestée en l’espèce, qui établit le Fonds. Le Fonds place toutes les taxes locales sous le contrôle de la province. À l’exception d’un pouvoir limité de taxation assujetti à plébiscite, les conseils des écoles publiques ne sont désormais plus autorisés à conserver les sommes prélevées par voie d’imposition directe. Celles-ci sont affectées au Fonds pour être ensuite distribuées aux conseils scolaires selon un taux par élève fixé par la province, multiplié par le nombre d’élèves inscrits dans chaque conseil scolaire.

7 En raison de leur statut constitutionnel, les conseils des écoles séparées sont autorisés à se retirer du Fonds, et certains l’ont fait, et à continuer de prélever des taxes directement auprès des contribuables. Quoi qu’il en soit, ils ne peuvent prélever, par élève, un taux inférieur ou supérieur au taux fixé par la province. En conséquence, en cas de déficit, le Fonds verse un montant complémentaire. À l’inverse, en application du par. 159.1(4) de la School Act, S.A. 1988, ch. S-3.1, les conseils qui ont opté pour le retrait sont tenus de remettre au Fonds tout montant excédant le budget par élève alloué par la province (disposition de récupération).

8 À la suite des modifications survenues en 1994, les conseils des écoles publiques et ceux des écoles séparées ont continué à recevoir des subventions de la province en plus de bénéficier, selon le cas, du Fonds ou des sommes prélevées directement. Au cours de la période visée, les niveaux de subvention étaient déterminés selon le document-cadre.

9 Le document-cadre prévoit la répartition des fonds entre les conseils scolaires selon trois catégories: l’enseignement, le soutien et le capital. Chaque école reçoit un montant fixe par élève pour l’enseignement de base. Il est prévu des crédits supplémentaires pour compenser l’effet des facteurs propres à l’école, comme l’obligation d’assurer le transport scolaire ou le nombre d’élèves aux besoins spéciaux qui sont inscrits. On calcule ensuite le montant de la subvention provinciale accordée à un conseil scolaire en soustrayant le montant des taxes foncières auquel le conseil a droit (que ces sommes proviennent du Fonds, de l’imposition directe ou d’une combinaison des deux) du montant total du financement prévu dans le document-cadre.

10 Le document-cadre impose également au conseil scolaire des restrictions à l’utilisation des fonds en prescrivant leur répartition budgétaire entre les catégories d’enseignement, de soutien et de capital. Le transfert des fonds entre ces catégories est soit interdit, soit limité à un pourcentage précis.

11 Le gouvernement de l’Alberta maintient que les restrictions aux dépenses prévues dans le document-cadre s’appliquent également aux conseils ayant exercé leur droit de retrait. Il affirme en outre que le défaut de s’y conformer entraînerait des pénalités sur les subventions futures alors que le document-cadre reste muet sur ces questions.

II. Les dispositions constitutionnelles et législatives pertinentes

12 Loi constitutionnelle de 1867

93. Dans chaque province, la législature pourra exclusivement décréter des lois relatives à l’éducation, sujettes et conformes aux dispositions suivantes: —

(1) Rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège conféré, lors de l’union, par la loi à aucune classe particulière de personnes dans la province, relativement aux écoles séparées (denominational)...

Loi sur l’Alberta, S.C. 1905, ch. 3 (reproduite dans L.R.C. (1985), app. II, no 20)

17. L’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique à la dite province sauf substitution de l’alinéa suivant à l’alinéa 1 du dit article 93:

«(1) Rien dans ces lois ne préjudiciera à aucun droit ou privilège dont jouit aucune classe de personnes en matière d’écoles séparées à la date de la présente loi aux termes des chapitres 29 et 30 des ordonnances des territoires du Nord‑Ouest rendues en l’année 1901, ou au sujet de l’instruction religieuse dans toute école publique ou séparée ainsi que prévu dans les dites ordonnances.»

(2) Dans la répartition par la législature ou la distribution par le gouvernement de la province, de tous deniers destinés au soutien des écoles organisées et conduites en conformité du dit chapitre 29 ou de toute loi le modifiant ou le remplaçant, il n’y aura aucune inégalité ou différence de traitement au détriment des écoles d’aucune classe visée au dit chapitre 29.

School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1 (au 25 mai 1994)

[traduction]

157.1(1) Sous réserve de l’adoption d’une résolution du conseil en vertu du paragraphe (2), la présente section s’applique à tous les conseils.

(2) Le conseil d’un district d’écoles séparées ou d’une division composée uniquement de districts d’écoles séparées peut certifier au ministre au moyen d’une résolution, sous le sceau du district ou de la division, que la présente section ne lui est pas applicable.

. . .

(8) Le conseil d’un district ou d’une division visés par la présente section ne prélève des taxes municipales aux termes de la section 3 qu’en conformité avec la section 7, qui prévoit le prélèvement d’une taxe scolaire spéciale ou le prélèvement additionnel d’impôt.

158(1) Le lieutenant-gouverneur en conseil établit annuellement un ou plusieurs taux calculés au millième.

. . .

(2) Chaque municipalité verse annuellement à l’Alberta School Foundation Fund un montant équivalant à celui calculé selon les taux visés au paragraphe (1), conformément à l’ordonnance les établissant par suite de la cotisation de péréquation municipale que prévoit pour l’année l’Alberta Assessment Equalization Board, aux termes du paragraphe 21(7) de la Municipalities Assessment and Equalization Act.

. . .

(4) Chaque municipalité verse à l’Alberta School Foundation Fund le montant calculé selon les taux du millième visés au paragraphe (1).

. . .

(8) S’il est déterminé en appel aux termes de la Municipalities Assessment and Equalization Act qu’une municipalité a versé à l’Alberta School Foundation Fund un paiement en trop, le ministre peut ordonner à celui-ci de remettre à la municipalité le trop-payé.

159.1(1) Sous réserve des règlements pris en vertu du paragraphe (7), le ministre verse à tous les conseils des paiements prélevés sur l’Alberta School Foundation Fund, qu’ils aient en vigueur ou non une résolution portant que la présente section ne leur est pas applicable.

(2) Pour l’application du présent article, dans le cas d’un conseil, «montant par élève» s’entend du montant obtenu lorsqu’on divise le montant total du paiement versé au conseil par prélèvement sur l’Alberta School Foundation Fund et du montant provenant du prélèvement d’impôt foncier aux termes de l’article 150, à l’exception du prélèvement d’une taxe scolaire spéciale et du prélèvement additionnel d’impôt prévus à la section 7, par le nombre d’élèves admissibles inscrits aux écoles gérées par le conseil.

(3) Le ministre calcule le montant à verser aux conseils par prélèvement sur l’Alberta School Foundation Fund, de manière que chaque conseil reçoive, pour l’année scolaire, un montant fixe par élève.

(4) Sous réserve des droits accordés dans la Constitution du Canada aux électeurs des écoles séparées, si un district ou une division d’écoles séparées non visés par la section 4 reçoit des municipalités imposées par le conseil un montant par élève pour l’année scolaire qui est supérieur à celui dont se sert le ministre pour calculer les paiements versés par prélèvement sur l’Alberta School Foundation Fund aux termes du paragraphe (3), le conseil de ce district ou de cette division remet à l’Alberta School Foundation Fund la différence.

. . .

(7) Le lieutenant-gouverneur en conseil peut par règlement, en vertu de la présente loi, établir les paiements à verser aux conseils par prélèvement sur l’Alberta School Foundation Fund aux fins de l’enseignement.

Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5

[traduction]

13. . . .

(2) Le lieutenant-gouverneur en conseil peut par règlement applicable au ministre

. . .

d) préciser les personnes, les organisations ou les catégories de

personnes ou d’organisations admissibles aux subventions;

e) préciser les conditions d’admissibilité à une subvention;

f) habiliter le ministre, dans des circonstances particulières, à dispenser le requérant des exigences des alinéas d) ou e). . .

III. Les décisions antérieures

A. Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (1995), 198 A.R. 204

13 Invoquant trois moyens, l’Alberta School Boards’ Association («ASBA»), la Public School Boards’ Association of Alberta («PSBAA») et d’autres intervenants contestent la constitutionnalité des modifications de la loi et des restrictions imposées aux dépenses par le document-cadre. En premier lieu, ils affirment que les conseils scolaires se sont vu accorder une sphère d’autonomie raisonnable en vertu de l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ou de l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta, de l’al. 2b) et de l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, ou encore en vertu d’une convention. En second lieu, ils plaident que le fait d’autoriser uniquement les conseils des écoles séparées à se retirer du Fonds viole le par. 17(2), qui interdit les pratiques discriminatoires En troisième lieu, ils soutiennent que la différence de traitement entre les conseils scolaires des écoles séparées et ceux des écoles publiques par suite des modifications contrevient au principe d’une «égalité intégrale» qui est implicite au par. 17(1).

14 L’Alberta Catholic School Trustees’ Association et d’autres intervenants se sont joints à l’instance pour veiller à ce que les droits accordés aux écoles séparées par le par. 17(1) ne soient ni touchés ni abrogés dans la résolution du litige relatif à l’égalité intégrale ou à la discrimination.

15 Le juge de première instance a rejeté l’argument de l’autonomie raisonnable. Il a également conclu que les modifications des lois et les restrictions imposées aux dépenses par le document-cadre n’étaient pas discriminatoires à l’égard des écoles publiques au sens du par. 17(2).

16 Le juge de première instance a statué que la loi contestée enfreignait le principe de l’égalité intégrale implicite au par. 17(1) et conclu à l’inconstitutionnalité des modifications parce qu’elles ne permettaient qu’aux conseils des écoles séparées de se retirer du Fonds. Il n’a pas abordé la question des droits des écoles séparées.

17 Le juge Smith a déclaré inconstitutionnelle la loi contestée, mais a suspendu l’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité jusqu’au 15 juin 1996. En février 1996, une ordonnance a sursis au jugement jusqu’à ce que l’appel soit tranché. L’ordonnance prévoyait un sursis additionnel de six mois au cas où le gouvernement serait débouté en appel.

B. Cour d’appel de l’Alberta (1998), 60 Alta L.R. (3d) 62

18 La PSBAA, l’ASBA et le gouvernement ont interjeté appel sur les questions de l’autonomie raisonnable, de la discrimination et de l’égalité intégrale. L’appel a été accueilli en partie.

19 En outre, le gouvernement a déposé deux demandes pour présenter de nouveaux éléments de preuve. La première concernait deux documents, Funding for School Authorities in the 1995‑96 School Year et un extrait de Funding for School Authorities in the 1996‑97 School Year. Ces documents visaient à contredire l’argument de discrimination fondé sur le par. 17(2) en démontrant que le document-cadre s’appliquait de la même façon aux conseils des écoles publiques et aux conseils des écoles séparées, retirés du régime ou non, et que le défaut de s’y conformer entraînerait des pénalités sur les subventions futures.

20 La seconde demande porte sur trois graphiques représentant, pour les années scolaires antérieures et postérieures à l’adoption des modifications contestées, le nombre d’inscriptions, les inégalités fiscales et les coûts administratifs des conseils des écoles séparées. Cet élément de preuve vise à démontrer que le régime du Fonds ne porte pas préjudice aux droits des écoles séparées.

a) Décision majoritaire du juge Russell (avec l’appui du juge Picard)

21 Examinant les nouveaux éléments de preuve, le juge Russell a accepté les documents faisant l’objet de la première demande parce qu’ils pouvaient être déterminants quant à la question de la discrimination soulevée en vertu du par. 17(2). Cependant, elle a refusé les documents visés par la seconde demande, n’étant pas convaincue qu’ils permettraient réellement de régler une question quelconque.

22 Le juge Russell a rejeté l’argument selon lequel les conseils scolaires possèdent un droit constitutionnel à une autonomie raisonnable. Elle a refusé d’examiner si l’al. 2b) et l’art. 7 de la Charte étayaient l’argument de l’autonomie raisonnable. Elle a également refusé de reconnaître un droit quelconque à l’autonomie raisonnable qui serait fondé sur une convention constitutionnelle.

23 Les juges majoritaires ont conclu que la mention «discrimination», au par. 17(2), importait une norme d’équité. Le fait de n’accorder qu’aux conseils des écoles séparées le droit de se retirer du Fonds ou de conférer au ministre de l’Éducation un pouvoir discrétionnaire en vertu du par. 13(2) de la Government Organization Act n’ont pas enfreint cette norme.

24 Le juge Russell a conclu que le par. 17(1) ne comportait pas le principe de l’égalité intégrale. En conséquence, l’incapacité des conseils des écoles publiques de se retirer du Fonds ne va pas à l’encontre du par. 17(1).

25 Le juge Russell a rejeté l’appel interjeté par l’ASBA et la PSBAA et accueilli l’appel incident du gouvernement contre la conclusion du juge de première instance relative à l’égalité intégrale.

b) Le juge Berger (souscrivant au résultat)

26 Le juge Berger a, pour l’essentiel, souscrit aux motifs de la majorité sur les questions de l’autonomie raisonnable et de l’égalité intégrale.

27 Pour déterminer si les dispositions contestées étaient discriminatoires à l’égard des écoles publiques aux termes du par. 17(2), le juge Berger a examiné l’étendue des droits conférés aux écoles séparées en vertu du par. 17(1). Il a jugé que la disposition de récupération et les restrictions imposées aux dépenses par le document-cadre violaient les droits des écoles séparées prévus au par. 17(1) et qu’elles ne leur étaient pas applicables. Néanmoins, les conseils des écoles séparées qui ont exercé leur droit de retrait et qui n’auraient pas recueilli, par perception directe, le montant provincial moyen par élève auraient droit à des crédits complémentaires prélevés sur le Fonds.

28 Comme les juges majoritaires, le juge Berger a conclu que le par. 17(2) importait une norme d’équité. Du fait qu’il établissait un montant de subvention de base par élève, le régime contesté n’est pas discriminatoire envers les écoles publiques.

29 En conséquence, sous réserve de ses conclusions relativement aux écoles séparées, le juge Berger est aussi d’avis de rejeter l’appel interjeté par les conseils des écoles publiques et d’accueillir l’appel incident.

IV. Les questions en litige

30 Le 24 juin 1999, le juge en chef Lamer a énoncé les questions constitutionnelles suivantes:

1. Les dispositions 15c.1), 25(1)e) et f), 28(6), 32, 94(1) et (4), 94.1, 155(6), 157.1, 167(2) et (3.1), 181.1, 187, 192 et 237 de la School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1, et ses modifications sont‑elles inconstitutionnelles dans la mesure où elles violent le principe de l’autonomie raisonnable des institutions municipales, dont les conseils scolaires, qui peut figurer dans la Constitution du Canada, y compris le préambule ou encore le par. 92(8) ou l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, dans l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta ou dans une convention constitutionnelle?

2. a) Les articles 157.1 ou 158 de la School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1 (modifiée par la School Amendment Act, 1994, S.A. 1994, ch. 29), ou encore l’art. 13 de la Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5, et l’imposition de conditions ou de restrictions au financement établi en vertu de cette loi, dans la mesure où ils prévoient le «retrait» des conseils des écoles séparées mais non celui des conseils des écoles publiques de l’Alberta School Foundation Fund, contreviennent‑ils au par. 17(2) de la Loi sur l’Alberta, qui modifie l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, en traitant de façon discriminatoire les écoles publiques dans l’affectation par la législature ou la distribution par le gouvernement de l’Alberta de deniers pour financer les écoles? Dans l’affirmative, à quels égards?

b) Les dispositions 157.1(8) ou 158 de la School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1 (modifiée par la School Amendment Act, 1994, S.A. 1994, ch. 29), ou encore l’art. 13 de la Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5, et l’imposition de conditions ou de restrictions au financement établi en vertu de cette loi, dans la mesure où ils prévoient le «retrait» des conseils des écoles séparées mais non celui des conseils des écoles publiques de l’Alberta School Foundation Fund, contreviennent‑ils à l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta, qui modifie l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, en violant une garantie implicite d’égalité des écoles séparées et des écoles publiques contenue au par. 17(1)? Dans l’affirmative, à quels égards?

V. Analyse

A. Première question constitutionnelle

Les dispositions 15c.1), 25(1)e) et f), 28(6), 32, 94(1) et (4), 94.1, 155(6), 157.1, 167(2) et (3.1), 181.1, 187, 192 et 237 de la School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1, et ses modifications sont‑elles inconstitutionnelles dans la mesure où elles violent le principe de l’autonomie raisonnable des institutions municipales, dont les conseils scolaires, qui peut figurer dans la Constitution du Canada, y compris le préambule ou encore le par. 92(8) ou l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, dans l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta ou dans une convention constitutionnelle?

31 Selon les appelants, les conseils scolaires peuvent revendiquer une sphère d’autonomie raisonnable en vertu des normes juridiques implicites découlant du par. 92(8) et de l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta. Subsidiairement, ils soutiennent que ce droit existe en vertu d’une convention constitutionnelle. On décrit les conseils scolaires comme étant des institutions municipales fondées sur des principes démocratiques. Un tel fondement, selon eux, devrait, dans une certaine mesure, protéger les conseils scolaires contre une ingérence législative sans entrave du gouvernement provincial. Les appelants ont cité des documents historiques pour étayer l’affirmation que les établissements d’enseignement des Territoires du Nord‑Ouest jouissaient d’une grande autonomie avant que le droit à l’enseignement confessionnel ne soit constitutionnalisé dans la Loi sur l’Alberta.

32 Avant de me pencher sur ces arguments, je note qu’on a fait valoir devant la Cour d’appel que les dispositions contestées enfreignent l’al. 2b) et l’art. 7 de la Charte. Comme je partage essentiellement l’avis de la Cour d’appel sur cette question, je ne traiterai pas de la Charte comme fondement de l’argument de l’autonomie raisonnable.

33 La prétention des appelants selon laquelle le par. 92(8) et l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta sont le fondement juridique de l’autonomie raisonnable doit être rejetée. Je partage le point de vue de la PSBAA que les conseils scolaires sont une forme d’institution municipale. Cependant, les institutions municipales se présentent sous différentes formes et ne sont pas identiques. Même si leurs attributs et leur contexte historique diffèrent, elles sont toutes des délégataires de pouvoirs de la province en vertu du par. 92(8) de la Loi constitutionnelle de 1867. Voir Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, aux par. 51 et 52; R. c. Greenbaum, [1993] 1 R.C.S. 674; R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650, à la p. 668; et Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., [2000] 1 R.C.S. 342, 2000 CSC 13, au par. 31.

34 Les institutions municipales n’ont pas de statut constitutionnel indépendant. Les conseils scolaires se trouvent toutefois dans une situation quelque peu exceptionnelle, car c’est par leur intermédiaire que se concrétisent les droits de nature confessionnelle qui sont constitutionnellement protégés. Cela ne signifie pas pour autant que ces institutions soient elles-mêmes protégées ou que leur structure historique doive demeurer figée pour que ces garanties constitutionnelles soient respectées.

35 L’affirmation que les établissements d’enseignement sont malléables et soumis aux réformes législatives est juste. Le libellé de la partie introductive de l’art. 93 confère aux provinces pleine compétence en matière d’éducation: voir Renvoi relatif au projet de loi 30, An Act to Amend the Education Act (Ont.), [1987] 1 R.C.S. 1148, à la p. 1169, le juge Wilson, et à la p. 1202, le juge Estey; Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique (Qué.), [1993] 2 R.C.S. 511, aux pp. 530, 531, 541, 542, 564 et 565. Dans ce renvoi, le juge Gonthier écrit ce qui suit (aux pp. 541 et 542):

Ce que l’art. 93 de la Constitution garantit [. . .], c’est le droit à la dissidence lui‑même, non la forme des structures qui ont permis de l’exercer depuis 1867. Cela signifie, par exemple, que si le droit de dissidence comprend évidemment les moyens et le cadre dans lequel l’exercer, ceux‑ci, en eux‑mêmes, ne représentent pas des modalités constitutionnellement garanties. Le Constituant a été assez sage pour ne pas figer les structures car celles‑ci doivent justement pouvoir être modifiées pour s’adapter aux conditions sociales et économiques variables de la société.

36 Cette conclusion s’applique aux écoles publiques. Le juge Iacobucci déclare ce qui suit dans Adler c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609, aux par. 47 et 48:

. . . les droits relatifs aux écoles publiques ne sont pas eux‑mêmes constitutionnalisés. C’est le pouvoir absolu de la province de légiférer relativement aux écoles publiques, qui sont accessibles à tous les membres de la société, sans distinction, qui est constitutionnalisé . . .

Cependant, une chose doit être claire. La province demeure libre d’exercer, comme elle l’entend, son pouvoir absolu en matière d’éducation, sous réserve des restrictions relatives aux écoles séparées imposées par le par. 93(1).

37 La prétention à une sphère institutionnelle d’autonomie raisonnable est incompatible avec ce pouvoir absolu et y porterait atteinte. L’article 17 de la Loi sur l’Alberta ne change en rien ce point de vue. L’Alberta est autorisée à restructurer comme elle l’entend les établissements d’enseignement situés à l’intérieur de ses frontières, à la seule condition de respecter les droits conférés par les effets conjugués des art. 93 et 17. La question de savoir si les dispositions contestées contreviennent à ces droits relatifs aux écoles publiques en Alberta fait l’objet des deux questions constitutionnelles suivantes dans le présent pourvoi.

38 Bien que la question des conventions constitutionnelles ait été soulevée, aucune convention comme telle n’a été avancée pour démontrer que les conseils scolaires jouissent d’une sphère d’autonomie raisonnable. Voir Renvoi: Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753, à la p. 888:

Les conditions à remplir pour établir une convention ressemblent à celles qui s’appliquent au droit coutumier. Les précédents et l’usage sont nécessaires mais ne suffisent pas. Ils doivent être normatifs. Nous adoptons le passage suivant de l’ouvrage de sir W. Ivor Jennings, The Law and the Constitution, 5e éd., 1959, à la p. 136:

[traduction] Nous devons nous poser trois questions: premièrement, y a‑t‑il des précédents; deuxièmement, les acteurs dans les précédents se croyaient‑ils liés par une règle; et troisièmement, la règle a‑t‑elle une raison d’être?...

39 L’appelante PSBAA a cité des documents historiques remontant à la Magna Carta (1215) pour démontrer l’existence d’une convention établissant une indépendance institutionnelle locale. La PSBAA a allégué que, plus récemment, avant l’adoption en 1994 de la loi contestée, la gestion des écoles en Alberta démontrait l’existence d’une autonomie raisonnable de fait.

40 L’allégation qu’en 1905, les établissements d’enseignement en Alberta étaient gérés suivant un précédent d’autonomie locale est peu convaincante. En fait, la preuve historique présentée par la province d’Alberta montre une centralisation importante du contrôle. Ce contrôle s’exerçait, par exemple, par l’imposition aux conseils locaux de plafonds sur les taux du millième aux termes de la School Assessment Ordinance, O.N.W.T. 1901, ch. 30, et la surveillance administrative des commissaires, surintendants et inspecteurs des Territoires.

41 Même s’il avait existé des précédents plus clairs en faveur de l’autonomie et des pouvoirs d’imposition des conseils scolaires locaux avant la Confédération, le fait que les rédacteurs des art. 93 et 17 aient donné aux provinces pleine compétence en matière d’éducation donne à penser qu’ils ne se sentaient pas obligés par convention de restreindre les provinces aux structures et modèles du passé. Cela traduit, au contraire, un compromis social considéré comme nécessaire pour la concrétisation de la Confédération et non la volonté de consolider les structures institutionnelles existantes. Voir Renvoi relatif au projet de loi 30, précité, aux pp. 1173 et 1174, le juge Wilson; Regina Public School District c. Gratton Separate School District (1915), 50 R.C.S. 589, aux pp. 595 à 598, le juge en chef Fitzpatrick (dissident). La poursuite des réformes législatives des établissements d’enseignement depuis cette époque réfute également l’idée du caractère obligatoire de modèles particuliers de gestion scolaire d’avant la Confédération. Par conséquent, je suis d’avis que les appelants n’ont pas réussi à établir l’existence d’une convention constitutionnelle obligatoire en matière d’autonomie raisonnable.

42 La réponse à la première question constitutionnelle est négative. La demande formulée par la PSBAA pour l’obtention d’un jugement déclarant l’existence d’une convention obligatoire d’autonomie est rejetée.

B. Deuxième question constitutionnelle

Les articles 157.1 ou 158 de la School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1 (modifiée par la School Amendment Act, 1994, S.A. 1994, ch. 29), ou encore l’art. 13 de la Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5, et l’imposition de conditions ou de restrictions au financement établi en vertu de cette loi, dans la mesure où ils prévoient le «retrait» des conseils des écoles séparées mais non celui des conseils des écoles publiques de l’Alberta School Foundation Fund, contreviennent‑ils au par. 17(2) de la Loi sur l’Alberta, qui modifie l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, en traitant de façon discriminatoire les écoles publiques dans l’affectation par la législature ou la distribution par le gouvernement de l’Alberta de deniers pour financer les écoles? Dans l’affirmative, à quels égards?

43 La PSBAA soutient que l’établissement d’une distinction entre les droits des écoles séparées et ceux des écoles publiques est discriminatoire au sens du par. 17(2). Elle affirme que l’application de la disposition de récupération et des restrictions imposées aux dépenses par le document-cadre à des fonds prélevés directement par les conseils des écoles séparées ayant exercé leur droit de retrait porte atteinte aux droits de ces conseils aux termes du par. 17(1). Elle se sert ensuite de l’interprétation qu’elle fait de la discrimination comme d’un tremplin pour avancer que ces attributs du régime ne s’appliquent pas non plus aux conseils publics. Elle plaide en outre que le régime est discriminatoire envers les conseils publics parce qu’il n’accorde le droit de retrait qu’aux conseils des écoles séparées.

44 Doit‑on définir les droits que le par. 17(1) confère aux écoles séparées pour statuer sur la demande des appelants? J’estime que la réponse à cette question préliminaire dépend de l’interprétation de discrimination, au par. 17(2).

45 Le sens de discrimination ne peut être dissocié de l’objet général du par. 17(2). Le juge en chef Fitzpatrick, dans son opinion dissidente dans l’arrêt Gratton, précité, s’est prononcé sur l’objet du par. 17(2) de la Loi sur la Saskatchewan, L.C. 1905, ch. 42 (qui est identique au par. 17(2) de la Loi sur l’Alberta), aux pp. 598 et 599:

[traduction] À l’époque, on a également affirmé et souligné l’idée que l’intention du législateur était de permettre à toutes les écoles, qu’elles soient publiques ou séparées, de recevoir leur juste part des crédits affectés aux écoles, qu’elles avaient toujours reçus dans les faits et dont elles avaient besoin pour assumer leur rôle dans le système de l’éducation nationale. C’est la raison de l’insertion du paragraphe 2 à l’article 17.

. . .

L’article, je le répète, prévoit la répartition équitable des taxes scolaires, sans plus.

46 L’interprétation adoptée dans l’arrêt Gratton a été transposée au par. 17(2) de la Loi sur l’Alberta dans Calgary Board of Education c. Attorney General for Alberta, [1980] 1 W.W.R. 347 (B.R. Alb.), conf. par [1981] 4 W.W.R 187 (C.A. Alb.), autorisation de pourvoi refusée, [1981] 1 R.C.S. vi, quand, en première instance, le juge Stevenson a noté de façon succincte, que [traduction] «le par. 17(2) visait à assurer l’équité» (p. 356).

47 En ce sens, le par. 17(2) reprend le principe de la proportionnalité que notre Cour a décrit comme étant un droit constitutionnel consacré au par. 93(1). Dans Ontario Home Builders’ Association c. Conseil scolaire de la région de York, [1996] 2 R.C.S. 929, notre Cour a caractérisé le principe de la proportionnalité comme étant applicable à l’art. 20 de l’Acte pour réintégrer les catholiques romains du Haut‑Canada dans l'exercice de certains droits concernant les écoles séparées, S. Prov. C. 1863, 26 Vict., ch. 5 («Loi Scott»). Voici ce que déclare le juge Iacobucci (au par. 73):

À mon avis, l’étude de l’historique et de l’objet du par. 93(1) nous permet de découvrir la véritable nature du principe de la proportionnalité, savoir un moyen pour atteindre une fin constitutionnelle — l’égalité des chances en matière d’éducation. [. . .] Bien que la notion de proportionnalité que renferme l’art. 20 de la Loi Scott soit un droit constitutionnel consacré au par. 93(1), il ne faut pas perdre de vue l’objet fondamental de cette notion: la création d’un système d’enseignement en vertu duquel les fonds provinciaux sont répartis de manière équitable et sans discrimination entre les écoles communes et les écoles séparées. [. . .] Comme l’a dit la Cour (le juge Gonthier) dans le Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique (Qué.), [1993] 2 R.C.S. 511, à la p. 567:

Lorsque l’on parle d’égalité, il faut l’entendre dans le sens d’équivalence et non dans celui d’identité quantitative stricte, ainsi que l’exprime le juge Chouinard dans Greater Hull, précité, à la p. 591:

Ce qui importe davantage c’est la proportionnalité. Qu’elle soit sur la base de la population totale ou sur la base de la clientèle scolaire, le principe est reconnu d’une répartition équitable et sans discrimination. [Souligné par le juge Gonthier.]

48 Le paragraphe 17(2) vise également à garantir la proportionnalité dans l’égalité des chances en matière d’éducation aux tenants des écoles séparées et à ceux des écoles publiques en imposant une norme d’équité pour la répartition par le gouvernement des crédits destinés aux écoles. La notion de l’équité comporte toutefois deux limites importantes. Premièrement, elle n’interdit pas toutes les distinctions en matière de financement, car elle garantit non pas l’égalité absolue ou formaliste mais plutôt un concept général d’équité. Deuxièmement, il est question non pas de distinctions dans la répartition des droits, mais d’équité globale dans la répartition des fonds.

49 Il n’est donc pas nécessaire de déterminer l’étendue des droits dont jouissent les écoles séparées en vertu du par. 17(1) pour décider si le régime de financement contesté est conforme à la norme d’équité établie par le par. 17(2). De même, le droit exclusif conféré aux écoles séparées de se retirer du régime ne peut être source de discrimination au sens du par. 17(2).

50 Quoi qu’il en soit, la constitutionnalité de l’application de la disposition de récupération aux fonds prélevés directement par les conseils des écoles séparées ayant exercé leur droit de retrait n’a aucune incidence sur l’argument des écoles publiques fondé sur le par. 17(2). Si la disposition de récupération était en ce sens inconstitutionnelle, il pourrait résulter de la formule prévue par le régime pour déterminer le montant des subventions provinciales que les conseils des écoles séparées qui se sont retirés obtiennent un niveau global de financement plus élevé que celui des conseils des écoles publiques. Néanmoins cela résulterait uniquement de la retenue de sommes prélevées directement et non de crédits affectés par la législature ou répartis par le gouvernement.

51 Il est claire que le par. 17(2) ne s’applique pas aux montants d’impôts fonciers qui ne sont pas affectés par la législature ou répartis par le gouvernement. Voir Calgary Board of Education, précité, à la p. 359, le juge Stevenson. Par conséquent, les taxes foncières des conseils ayant exercé leur droit de retrait qui seraient retenues par suite d’une déclaration d’inconstitutionnalité de la disposition de récupération ne pourraient faire l’objet d’un examen fondé sur la norme d’équité du par. 17(2). Par contre, l’argent du Fonds, qui est perçu, mis en commun et redistribué par le gouvernement, est assujetti à la règle d’équité en matière de répartition.

52 De manière analogue, même si les restrictions imposées aux dépenses par le document-cadre ne s’appliquaient pas aux fonds prélevés directement par les conseils ayant exercé leur droit de retrait, il n’y aurait pas atteinte à la norme d’équité. Le financement équitable continuerait d’être la règle, avec comme seule différence la répartition des crédits entre diverses priorités de dépense.

53 Ces motifs ne décident pas de la constitutionnalité du par. 17(1) au regard de l’application de la disposition de récupération ou des restrictions imposées aux dépenses par le document-cadre, aux fonds prélevés directement par les conseils des écoles séparées qui ont choisi de se retirer. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir que les restrictions du document-cadre ou la disposition de récupération ont déjà été imposées à des conseils des écoles séparées ayant exercé leur droit de retrait. Il est donc prématuré de considérer l’effet qu’un tel scénario pourrait avoir sur la capacité de ces conseils de satisfaire aux droits des écoles dissidentes en matière d’enseignement confessionnel.

54 De ce fait, il n’y a pas lieu, pour trancher la question de la discrimination, d’examiner les nouveaux éléments de preuve acceptés par la Cour d’appel, car ils visaient uniquement à démontrer l’application égale de la disposition de récupération et des contraintes relatives aux dépenses. En conséquence, il n’y a pas lieu de débattre du bien‑fondé de l’admission de ces preuves par la Cour d’appel.

55 Une question demeure: la loi contestée est‑elle équitable? Je suis d’avis qu’elle l’est. Pour le moins, le régime, qui vise dans son ensemble à assurer une répartition égale des fonds en fonction du nombre d’élèves inscrits, respecte la norme d’équité prévue au par. 17(2), selon l’interprétation qui en est donnée dans Gratton et Calgary Board of Education, précités, en corrigeant les inégalités de financement qui existaient dans la province.

56 Pour les motifs exposés par la majorité en Cour d’appel, je suis également d’avis que le pouvoir discrétionnaire conféré au lieutenant-gouverneur en conseil en vertu du par. 13(2) de la Government Organization Act ne contrevient pas au par. 17(2).

57 La réponse à la deuxième question constitutionnelle est négative.

C. Troisième question constitutionnelle

Les dispositions 157.1(8) ou 158 de la School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1 (modifiée par la School Amendment Act, 1994, S.A. 1994, ch. 29), ou encore l’art. 13 de la Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5, et l’imposition de conditions ou de restrictions au financement établi en vertu de cette loi, dans la mesure où ils prévoient le «retrait» des conseils des écoles séparées mais non celui des conseils des écoles publiques de l’Alberta School Foundation Fund, contreviennent‑ils à l’art. 17 de la Loi sur l’Alberta, qui modifie l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, en violant une garantie implicite d’égalité des écoles séparées et des écoles publiques contenue au par. 17(1)? Dans l’affirmative, à quels égards?

58 La réponse à la troisième question constitutionnelle dépend de la question de savoir si le principe de l’«égalité intégrale» entre les écoles publiques et les écoles séparées est implicite au par. 17(1). Pour défendre un tel principe, les appelants se fondent sur l’art. 45 de la School Ordinance, O.N.W.T. 1901, ch. 29:

[traduction]

45. Suivant la mise sur pied d’un district d’écoles séparées aux termes de la présente ordonnance, ce district d’écoles séparées et le conseil qui en relève possèdent et exercent tous les droits, pouvoirs et privilèges prévus par la présente ordonnance pour les districts d’écoles publiques et sont soumis aux responsabilités et méthodes de gestion qui y sont prévues.

59 Il est difficile d’imaginer que l’art. 45 assimile les droits des écoles publiques à ceux des écoles séparées. Le libellé du par. 17(1) semble être beaucoup plus restrictif et il devrait être compris comme comportant deux parties, la première ne visant que les écoles séparées:

Rien dans ces lois ne préjudiciera à aucun droit ou privilège dont jouit aucune classe de personnes en matière d’écoles séparées à la date de la présente loi. . . [Je souligne.]

60 Seule la deuxième partie du par. 17(1) traite aussi des écoles publiques:

Rien dans ces lois ne préjudiciera à aucun droit ou privilège [. . .] au sujet de l’instruction religieuse dans toute école publique ou séparée ainsi que prévu dans les dites ordonnances. [Je souligne.]

61 Cette interprétation découle de la jurisprudence selon laquelle le par. 17(1) est essentiellement une loi visant la protection des écoles séparées qui ne consent aux écoles publiques qu’une protection limitée et non équivalente. En ce qui a trait au par. 17(1) de la Loi sur la Saskatchewan, qui lui est identique, voir l’arrêt Gratton, précité, à la p. 600, le juge en chef Fitzpatrick (dissident), et à la p. 621, le juge Anglin (dissident). Quant à la Loi sur l’Alberta, voir l’arrêt Reference Re s. 17 of the Alberta Act, [1927] R.C.S. 364, à la p. 373, et l’affaire Calgary Board of Education, précité, à la p. 355, où le juge Stevenson déclare:

[traduction] J’arrive à la conclusion que le par. [17](1) est une mesure législative protectrice. Il garantit un certain nombre de droits aux résidents minoritaires et aux conseils que ces derniers ont mis sur pied, et il n’appartient pas au conseil des écoles publiques de contester une loi au motif qu’il a été porté atteinte à ses droits.

62 Ce point de vue a été confirmé en appel par le juge McDermid (aux pp. 191 et 192):

[traduction] Quoi qu’il en soit, le par. 93(1), de même que l’article qui le remplace en ce qui concerne l’Alberta, vise clairement à accorder une protection constitutionnelle aux droits de certaines minorités, ces droits ayant déjà été cédés par la majorité, et non à donner une protection constitutionnelle contre ces droits.

63 En outre, notre Cour a déjà déclaré que les droits des écoles publiques n’étaient pas constitutionnellement protégés aux termes du par. 93(1). Voir Adler, précité, à la p. 648, le juge Iacobucci. Cela est pertinent car notre Cour a aussi affirmé qu’en raison des similitudes manifestes entre le libellé de l’art. 93 et celui du par. 17(1), la jurisprudence concernant le premier pouvait servir à interpréter le second. Voir Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, à la p. 381.

64 Comme le par. 93(1), le par. 17(1) «fig[e]» dans le temps les droits et privilèges des écoles séparées, de même que les droits des écoles publiques et des écoles séparées en matière d’enseignement confessionnel, tels qu’ils existaient en 1905. Voir Grand Montréal, Commission des écoles protestantes c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 377, à la p. 400. Sous réserve de la constitutionnalisation des droits qui existaient alors et de l’effet continu du par. 17(2), il était loisible aux écoles séparées et aux écoles publiques d’évoluer de façon indépendante après 1905 sous la compétence absolue de la province. Le paragraphe 17(1) n’était pas conçu pour constituer le fondement d’un «parallélisme permanent» des droits et privilèges des écoles séparées et des écoles publiques. Les droits des écoles séparées ne servant pas de points de comparaison pour les droits des écoles publiques, il n’est pas nécessaire de les examiner pour trancher la dernière question constitutionnelle.

65 Reste à savoir si l’interdiction relative à l’exercice du droit de retrait ou l’application des restrictions imposées aux dépenses par le document-cadre portent atteinte aux droits conférés aux écoles publiques par la seconde partie du par. 17(1). Je suis d’avis qu’elles n’y portent pas atteinte.

66 Le paragraphe 17(1) constitutionnalise les droits et privilèges des écoles séparées, de même que certains droits relatifs à l’«instruction religieuse» pour toutes les écoles, tels qu’ils existaient en vertu des chapitres 29 et 30 des Ordonnances des Territoires du Nord‑Ouest de 1901. Voir Gratton, précité, aux pp. 619 et 620, le juge Anglin (dissident).

67 Je suis convaincu par les études indiquant qu’on a inséré les droits relatifs à l’instruction religieuse en deuxième partie du par. 17(1) pour préserver le droit d’intégrer un contenu religieux à l’enseignement, là où les tenants des écoles catholiques romaines formeraient la majorité et établiraient donc des écoles publiques de confession catholique. Voir M. R. Lupul, The Roman Catholic Church and the North‑West School Question: a study in church‑state relations in western Canada, 1875‑1905 (1974).

68 L’éventail complet de ces droits à l’instruction religieuse se trouve aux art. 137 à 139 de la School Ordinance:

[traduction]

137. Aucune instruction religieuse, à l’exception de celle qui est prévue ci‑après, n’est tolérée au sein d’une école d’un district à partir de l’ouverture de l’école jusqu’à la demi‑heure précédant sa fermeture dans l’après‑midi, auquel temps un tel enseignement peut être donné, selon ce qui est autorisé ou prévu par le conseil.

(2) Il est cependant loisible au conseil d’un district d’ordonner que la journée à l’école débute par la récitation du Notre Père.

138. L’enfant a le droit de quitter la salle de cours au moment où débute l’instruction religieuse, conformément à ce que prévoit la disposition précédente, ou de demeurer sur les lieux sans pour autant prendre part à l’instruction religieuse qui est donnée, selon la volonté de ses parents ou tuteurs.

139. Ni l’enseignant, ni le syndic de l’école, ni l’inspecteur ne peuvent tenter de priver l’enfant des bénéfices qu’il pourrait tirer de l’enseignement ordinaire donné dans cette école, et toute mesure en ce sens prise par eux a pour effet de les disqualifier ou de les écarter des postes qu’ils occupent.

69 Ces droits limités comprendraient les droits accessoires qui sont nécessaires à leur réalisation. Une telle conclusion est compatible avec la façon dont notre Cour a interprété les droits confessionnels plus généraux accordés aux écoles séparées en vertu du par. 17(1) et de l’art. 93. Voir Mahe, précité, aux pp. 381 et 382, le juge en chef Dickson; Commission des écoles protestantes, précité, aux pp. 410 et 411, le juge Beetz; Renvoi relatif à la Loi sur l'instruction publique, précité, à la p. 541.

70 Il n’en reste pas moins qu’il ne serait que très rare et très peu vraisemblable que, comme le soutient la PSBAA, de ces droits limités à l’instruction religieuse puisse découler un droit accessoire et subsidiaire de prélèvement d’impôt. En outre, des éléments de preuve établissant l’effet préjudiciable de la mesure législative à l’égard de ces droits seraient requis. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer que l’incapacité des écoles publiques de se retirer du Fonds a donné lieu à un tel effet préjudiciable. À mon avis, il serait difficile de le prouver tant qu’il y a un minimum de financement.

71 Je souligne une fois de plus que les présents motifs ne traitent pas de l’étendue des droits accordés aux écoles séparées en vertu de la première partie du par. 17(1), ni du genre de droits non confessionnels qui sont nécessaires à leur réalisation.

72 Je suis d’avis que le par. 17(1) n’importe pas un principe d’égalité intégrale. De plus, l’incapacité des écoles publiques de se retirer du régime du Fonds ne contrevient pas aux droits limités consentis aux écoles publiques en vertu du par. 17(1). En conséquence, la réponse à la dernière question constitutionnelle est négative.

73 Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelants Public School Boards’ Association of Alberta, Board of Trustees of the Edmonton School District No. 7 et Cathryn Staring Parrish: Dale Gibson Associates, Edmonton.

Procureurs des appelants Board of Trustees of Calgary Board of Education No. 19 et Margaret Ward Lounds: Code Hunter Wittmann, Calgary.

Procureur des intimés le procureur général de l’Alberta, le gouvernement de l’Alberta, Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta et le ministre de l’Éducation: Le ministère de la Justice, Edmonton.

Procureurs des intimés Alberta Catholic School Trustees’ Association, Board of Trustees of Lethbridge Roman Catholic Separate School District No. 9 et Dwayne Berlando: Fraser Milner, Edmonton.

Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario: Le ministère du Procureur général, Toronto.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Québec: Le ministère de la Justice, Sainte‑Foy.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick: Le procureur général du Nouveau‑Brunswick, Fredericton.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Manitoba: Le ministère de la Justice, Winnipeg.

Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique: Le ministère du Procureur général, Victoria.

Procureur de l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan: Le procureur général de la Saskatchewan, Regina.

Procureurs de l’intervenante Ontario Public School Boards’ Association: Hicks Morley Hamilton Stewart Storie, Toronto.

Procureurs de l’intervenante l’Association des enseignants catholiques de langue anglaise de l’Ontario: Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish, Toronto.

Procureur de l’intervenante Saskatchewan School Trustees Association: LaVonne R. Beriault, Regina.

Procureurs de l’intervenante l’Association des commissaires d’écoles de la Colombie-Britannique: Harris & Company, Vancouver.

Procureurs de l’intervenante Ontario Catholic School Trustees’ Association: Milner Thomson LLP, Toronto.

Procureurs des intervenantes Catholic Section de la Saskatchewan School Trustees Association et St. Paul’s Roman Catholic Separate School Division No. 20: McKercher McKercher & Whitmore, Saskatoon.

Procureurs des intervenants Boards of Education de la Regina School Division No. 4 et autres: MacPherson Leslie & Tyerman, Regina.


Synthèse
Référence neutre : 2000 CSC 45 ?
Date de la décision : 06/10/2000
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté. le nouveau régime de financement des écoles est constitutionnel

Analyses

Droit constitutionnel - Éducation - Financement - Conseils scolaires - Autonomie raisonnable - Loi provinciale créant un nouveau régime de financement des écoles en Alberta - Les conseils des écoles séparées sont autorisés à se retirer du régime et à continuer à faire appel directement aux contribuables, mais les conseils des écoles publiques ne jouissent pas d’un tel droit - Les conseils scolaires possèdent‑ils des droits constitutionnels à une autonomie raisonnable? - Loi constitutionnelle de 1867, art. 93 - Loi sur l’Alberta, S.C. 1905, ch. 3, art. 17 - School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1.

Droit constitutionnel - Éducation - Financement - Conseils scolaires - Discrimination - Loi provinciale créant un nouveau régime de financement des écoles en Alberta - Les conseils des écoles séparées sont autorisés à se retirer du régime et à continuer à faire appel directement aux contribuables, mais les conseils des écoles publiques ne jouissent pas d’un tel droit - Le fait d’autoriser uniquement les conseils des écoles séparées à se retirer du régime est‑il discriminatoire au sens de l’art. 17(2) de la Loi sur l’Alberta? - Loi sur l’Alberta, S.C. 1905, ch. 3, art. 17 - School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1, art. 157.1, 158 - Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5, art. 13.

Droit constitutionnel - Éducation - Financement - Conseils scolaires - Égalité intégrale - Loi provinciale créant un nouveau régime de financement des écoles en Alberta - Les conseils des écoles séparées sont autorisés à se retirer du régime et à continuer à faire appel directement aux contribuables, mais les conseils des écoles publiques ne jouissent pas d’un tel droit - L’article 17(1) de la Loi sur l’Alberta importe‑t‑il un principe d’égalité intégrale? - Loi sur l’Alberta, S.C. 1905, ch. 3, art. 17 - School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1, art. 157.1(8), 158 - Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5, art. 13.

La School Amendment Act, 1994 et la Government Organization Act, avec le Framework for Funding School Boards in the 1995‑96 School Year («document-cadre»), ont introduit un nouveau régime de financement des écoles. Le gouvernement de l’Alberta a choisi de mettre en commun les sources de revenus dans un fonds central et de distribuer les fonds aux conseils scolaires selon un taux par élève fixé par la province, multiplié par le nombre d’élèves inscrits dans chaque conseil scolaire. À part une exception, les conseils des écoles publiques ne sont désormais plus autorisés à conserver les sommes prélevées par voie d’imposition directe. En raison de leur statut constitutionnel, les conseils des écoles séparées sont autorisés à se retirer du fonds, et certains l’ont fait, et à continuer de prélever des taxes directement auprès des contribuables. Les conseils des écoles séparées, cependant, ne peuvent prélever un taux inférieur ou supérieur au taux qu’ils auraient reçu du fonds. En cas de déficit, le fonds verse un montant aux conseils qui ont opté pour le retrait, et ces derniers sont tenus de remettre au fonds tout montant excédant la somme qu’ils auraient reçue s’ils avaient participé au fonds. Tous les conseils reçoivent également des subventions de la province, prévues dans le document‑cadre selon trois catégories: l’enseignement, le soutien et le capital. Chaque école reçoit un montant fixe par élève pour l’enseignement de base. Il est prévu des crédits supplémentaires pour compenser l’effet des facteurs propres à l’école. Plusieurs associations de conseils scolaires et d’autres intervenants contestent la constitutionnalité du régime, soutenant que les conseils scolaires ont un droit constitutionnel à une autonomie raisonnable, que le nouveau régime est discriminatoire à l’égard des conseils des écoles publiques et qu’il enfreint le principe constitutionnel d’une égalité intégrale qui garantit des droits équivalents aux conseils des écoles publiques et à ceux des écoles séparées. Le juge de première instance a rejeté l’argument de l’autonomie raisonnable et l’argument de discrimination, mais a accepté l’argument sur l’égalité intégrale, concluant que le régime est inconstitutionnel dans la mesure où il ne permet pas aux conseils des écoles publiques de se retirer du régime de financement. La Cour d’appel a confirmé la décision du juge de première instance sur la question de l’autonomie raisonnable et celle de la discrimination, mais a conclu que le par. 17(1) n’importait pas un principe d’égalité intégrale et que le nouveau régime était constitutionnel.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté. Le nouveau régime de financement des écoles est constitutionnel.

Les conseils scolaires ne jouissent pas d’une autonomie raisonnable. Les conseils scolaires sont une forme d’institution municipale et sont des délégataires de pouvoirs de la province en vertu du par. 92(8) de la Loi constitutionnelle de 1867. Les institutions municipales n’ont pas de statut constitutionnel indépendant. Les conseils scolaires sont soumis aux réformes législatives même s’ils sont des moyens exceptionnels par lesquels se concrétisent les droits de nature confessionnelle. L’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère aux provinces pleine compétence en matière d’éducation. La prétention à une sphère institutionnelle d’autonomie raisonnable est incompatible avec ce pouvoir absolu et y porterait atteinte. L’article 17 de la Loi sur l’Alberta ne change en rien ce point de vue. L’Alberta est autorisée à restructurer les établissements d’enseignement situés à l’intérieur de ses frontières, à la seule condition de respecter les droits conférés par les effets conjugués des art. 93 et 17. En outre, aucune convention constitutionnelle ne démontre que les conseils scolaires jouissent d’une autonomie raisonnable. La preuve historique montre l’existence d’une grande centralisation du contrôle quand l’Alberta est entrée dans la Confédération, et le fait que les provinces aient reçu pleine compétence en matière d’éducation donne à penser que les rédacteurs de la Constitution ne se sentaient pas obligés par convention de restreindre les provinces aux structures et modèles du passé. Les réformes législatives depuis l’entrée de l’Alberta dans la Confédération réfutent l’idée de modèles scolaires obligatoires. Le nouveau régime n’enfreint donc pas une convention ou un principe constitutionnel en matière d’autonomie raisonnable.

Ni la loi modifiée ni les conditions ou restrictions au financement établies en vertu de cette loi ne contreviennent au par. 17(2) de la Loi sur l’Alberta en traitant de façon discriminatoire les conseils des écoles publiques dans l’affectation ou la distribution de deniers pour financer les écoles. Le paragraphe 17(2) vise à garantir la proportionnalité dans l’égalité des chances en matière d’éducation aux tenants des écoles séparées et à ceux des écoles publiques en imposant une norme d’équité pour la répartition des crédits du gouvernement. Cette norme d’équité ne garantit pas l’égalité absolue ou formaliste, elle n’interdit pas toutes les distinctions en matière de financement et elle traite d’équité globale dans la répartition des fonds plutôt que de distinctions dans la répartition des droits. Il n’est donc pas nécessaire de déterminer l’étendue des droits dont jouissent les écoles séparées en vertu du par. 17(1) de la Loi sur l’Alberta pour décider si le régime de financement est conforme à la norme d’équité établie par le par. 17(2). De même, le droit exclusif des conseils des écoles séparées de se retirer n’est pas source de discrimination au sens du par. 17(2). La loi modifiée est équitable. Le régime vise à assurer une répartition égale des fonds en fonction du nombre d’élèves inscrits et corrige les inégalités de financement qui existent dans la province. Enfin, pour les motifs exposés par la majorité en cour d’appel, le pouvoir discrétionnaire conféré au lieutenant‑gouverneur en conseil en vertu du par. 13(2) de la Government Organization Act ne contrevient pas au par. 17(2).

En dernier lieu, le par. 17(1) de la Loi sur l’Alberta n’importe pas un principe d’égalité intégrale. La loi applicable avant l’entrée de l’Alberta dans la Confédération n’assimilait pas les droits des écoles publiques à ceux des écoles séparées. Le paragraphe 17(1) est essentiellement une mesure législative visant la protection des écoles séparées qui ne consent aux écoles publiques qu’une protection limitée et non équivalente. Le paragraphe 17(1) fige dans le temps les droits et privilèges des écoles séparées, de même que les droits des écoles publiques et des écoles séparées en matière d’enseignement confessionnel, tels qu’ils existaient en 1905. Sous réserve de la constitutionnalisation des droits qui existaient alors et de l’effet continu du par. 17(2) de la Loi sur l’Alberta, il était loisible aux écoles séparées et aux écoles publiques d’évoluer de façon indépendante après 1905 sous la compétence absolue de la province. En outre, l’incapacité des conseils des écoles publiques de se retirer du fonds ne contrevient pas aux droits en matière d’enseignement confessionnel consentis aux écoles publiques en vertu du par. 17(1). Rien ne prouve que l’incapacité des conseils des écoles publiques de se retirer a un effet préjudiciable sur ces droits.


Parties
Demandeurs : Public School Boards' Assn. of Alberta
Défendeurs : Alberta (Procureur général)

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés: Godbout c. Longueil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844
R. c. Greenbaum, [1993] 1 R.C.S. 674
R. c. Sharma, [1993] 1 R.C.S. 650
Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., [2000] 1 R.C.S. 342, 2000 CSC 13
Renvoi relatif au projet de loi 30, An Act to Amend the Education Act (Ont.), [1987] 1 R.C.S. 1148
Renvoi relatif à la Loi sur l’instruction publique (Qué.), [1993] 2 R.C.S. 511
Alder c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609
Renvoi: Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753
Regina Public School District c. Gratton Separate School District (1915), 50 R.C.S. 589
Calgary Board of Education c. Attorney General for Alberta, [1980] 1 W.W.R. 347, conf. par [1981] 4 W.W.R. 187, autorisation de pourvoi refusée, [1981] 1 R.C.S. vi
Ontario Home Builders’ Association c. Conseil scolaire de la région de York, [1996] 2 R.C.S. 929
Reference Re s. 17 of the Alberta Act, [1927] R.C.S. 364
Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342
Grand Montréal, Commission des écoles protestantes c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 377.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 2b), 7.
Government Organization Act, S.A. 1994, ch. G‑8.5, art. 13(2).
Loi constitutionnelle de 1867, art. 92(8), 93.
Loi sur l’Alberta, S.C. 1905, ch. 3 [reproduite dans L.R.C. (1985), app. II, no 20], art. 17(1), (2).
Magna Carta (1215).
School Act, S.A. 1988, ch. S‑3.1 [mod. 1994, ch. 29
mod. 1994, ch. G‑8.5], art. 15c.1), 25(1)e), f), 28(6), 32, 94(1), (4), 94.1, 155(6), 157.1(1), (2), (8), 158(1), (2), (4), (8), 159.1(1), (2), (3), (4), (7), 167(2), (3.1), 181.1, 187, 192, 237.
School Amendment Act, 1994, S.A. 1994, ch. 29.
School Assessment Ordinance, O.N.W.T. 1901, ch. 30.
School Ordinance, O.N.W.T. 1901, ch. 29, art. 45, 137‑139.
Doctrine citée
Funding for School Authorities in the 1995‑1996 School Year: A Manual for School Jurisdictions, Private Schools and Private ECS Operators. Alberta: Alberta Education, 1995.
Lupul, Manoly R. The Roman Catholic Church and the North‑West School Question: a study in church‑state relations in western Canada, 1875‑1905. Toronto: University of Toronto Press, 1974.

Proposition de citation de la décision: Public School Boards' Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), 2000 CSC 45 (6 octobre 2000)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2000-10-06;2000.csc.45 ?
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