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13/04/2000 | CANADA | N°2000_CSC_19

Canada | R. c. Arthurs, 2000 CSC 19 (13 avril 2000)


R. c. Arthurs, [2000] 1 R.C.S. 481

Kelly Neil Arthurs Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général de l’Ontario Intervenant

Répertorié: R. c. Arthurs

Référence neutre: 2000 CSC 19.

No du greffe: 26800.

1999: 9 novembre; 2000: 13 avril.

Présents: Les juges Gonthier, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie et Arbour.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

Droit criminel -- Détermination de la peine -- Peines minimales obligatoires -- Vol qualifié -- Peine

minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement prévue par le Code criminel en cas d’usage d’une arme à feu lors d’un vol qualifié...

R. c. Arthurs, [2000] 1 R.C.S. 481

Kelly Neil Arthurs Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général de l’Ontario Intervenant

Répertorié: R. c. Arthurs

Référence neutre: 2000 CSC 19.

No du greffe: 26800.

1999: 9 novembre; 2000: 13 avril.

Présents: Les juges Gonthier, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie et Arbour.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

Droit criminel -- Détermination de la peine -- Peines minimales obligatoires -- Vol qualifié -- Peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement prévue par le Code criminel en cas d’usage d’une arme à feu lors d’un vol qualifié -- Le tribunal qui détermine la peine peut-il réduire la peine minimale pour tenir compte de la période passée sous garde avant le prononcé de la sentence? -- Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 344a), 719(3).

L’accusé a plaidé coupable à une accusation de vol qualifié perpétré avec une arme à feu. Au moment de la détermination de sa peine, il était sous garde depuis son arrestation, environ quatre mois auparavant. Le tribunal chargé de déterminer la peine a infligé à l’accusé la peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement prévue par l’al. 344a) du Code criminel et a refusé d’appliquer le par. 719(3) du Code afin de prendre en compte la période qu’il avait passée sous garde avant le prononcé de la sentence. L’appel formé par l’accusé à l’encontre de la peine a été rejeté.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Pour les motifs exposés dans l’arrêt R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18, le tribunal qui détermine la peine peut accorder au délinquant une réduction de sa peine pour tenir compte de toute période que ce dernier a passée sous garde avant le prononcé de celle-ci, même si cette réduction aboutit à une peine inférieure à la peine minimale prévue, étant donné que les peines minimales obligatoires doivent être interprétées et exécutées conformément au régime général de détermination de la peine du système de justice criminelle.

Jurisprudence

Arrêt suivi: R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18; arrêts mentionnés: R. c. Arrance, [2000] 1 R.C.S. 488, 2000 CSC 20; R. c. Brown (1976), 36 C.R.N.S. 246.

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, art. 12.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 344 [rempl. 1995, ch. 39, art. 149], 719(1) [aj. 1995, ch. 22, art. 6], (3) [idem], 721(3) [abr. idem].

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (1998), 107 B.C.A.C. 130, 174 W.A.C. 130, 125 C.C.C. (3d) 43, 17 C.R. (5th) 45, 53 C.R.R. (2d) 306, [1998] B.C.J. No. 1076 (QL), qui a rejeté l’appel formé par l’accusé contre la peine qui lui avait été infligée. Pourvoi accueilli.

James E. Turner, pour l’appelant.

Peter W. Ewert, c.r., et Geoffrey R. Gaul, pour l’intimée.

David Finley, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Arbour --

I. Introduction

1 Le présent pourvoi a été entendu en même temps que les affaires R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18, et R. c. Arrance, [2000] 1 R.C.S. 488, 2000 CSC 20, dont les motifs ont également été déposés aujourd’hui. La question en litige est celle de savoir si, dans les cas où le législateur a établi une peine minimale obligatoire, les tribunaux peuvent déduire de cette peine la période que le délinquant a passée sous garde avant son procès et le prononcé de sa peine, lorsque, du fait de cette réduction, la peine infligée à ce dernier serait inférieure à la peine minimale prévue par la loi. Pour les motifs que j’ai exposés dans Wust, le par. 719(3) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46 — qui confère aux juges le pouvoir discrétionnaire de prendre en compte toute période que le contrevenant a passée sous garde avant le prononcé de sa peine lorsqu’ils en fixent la durée — peut être appliqué à la peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement prévue par l’al. 344a) du Code, pour l’infraction de vol qualifiée perpétrée avec usage d’une arme à feu. Dans l’arrêt Wust, j’ai jugé que le tribunal qui détermine la peine peut accorder au délinquant une réduction de sa peine pour tenir compte de toute période que ce dernier a passée sous garde avant le prononcé de sa peine, même si cette réduction aboutit à une peine inférieure à la peine minimale prévue, étant donné que cela reflète l’intention du législateur que toutes les peines soient exécutées de manière uniforme dans le cadre du régime de détermination de la peine du système de justice criminelle.

II. Les faits et l’historique des procédures judiciaires

A. Les faits

2 Il convient de faire un bref examen des faits pour trancher le présent pourvoi. Le 19 mars 1996, l’appelant a commis un vol qualifié dans un magasin de Victoria en Colombie‑Britannique. Il était armé d’un fusil de chasse à canon tronqué, non chargé qu’il a braqué sur le commis en lui demandant de l’argent. Après avoir fait main basse sur environ 500 $, l’appelant a pris la fuite.

3 Six jours plus tard, le 25 mars 1996, l’appelant, encore une fois armé du même fusil de chasse à canon tronqué, a tenté de commettre un vol qualifié dans un dépanneur. L’appelant a lutté avec un employé du dépanneur, l’a fait tomber et l’a frappé à quatre reprises avec son arme. L’appelant s’est enfui sans obtenir d’argent et a été appréhendé non loin de là.

4 L’appelant a été arrêté et, après avoir reçu la mise en garde d’usage, il a fait à la police une déclaration dans laquelle il a avoué être l’auteur des deux infractions. Âgé de 28 ans à l’époque, il n’avait aucune déclaration de culpabilité à son dossier, quoiqu’il ait déjà été absous sous conditions relativement à une infraction de possession d’une arme prohibée, soit un couteau à cran d’arrêt brisé. L’appelant a plaidé coupable. Il était sous garde depuis environ quatre mois au moment de la détermination de sa peine.

B. Cour provinciale de la Colombie‑Britannique

5 Pour décider si elle allait appliquer le par. 721(3) du Code criminel (maintenant le par. 719(3)) et réduire la peine minimale dont l’appelant était passible aux termes de l’al. 344a) en lui accordant une réduction pour tenir compte de la période de quatre mois qu’il avait passée sous garde en attendant le prononcé de sa peine, madame le juge Ehrcke a invoqué l’affaire R. c. Brown (1976), 36 C.R.N.S. 246 (C. cté Ont.), au soutien de la thèse qu’une disposition législative générale doit céder devant une disposition expresse. Elle a donc estimé que le par. 721(3) ne pouvait être appliqué à la peine minimale obligatoire prévue par l’al. 344a), et elle n’a pas pris en compte la période de quatre mois passée sous garde par l’appelant jusqu’au prononcé de sa peine.

6 Le juge Ehrcke a condamné l’appelant à la peine minimale de quatre ans d’emprisonnement pour le vol qualifié, et à une peine concurrente de trois ans d’emprisonnement pour la tentative de vol qualifié, en plus de lui interdire d’avoir en sa possession des armes à feu pendant une période de dix ans relativement à chaque chef d’accusation.

C. Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (1998), 125 C.C.C. (3d) 43

7 L’appelant a formé appel contre les peines qui lui avaient été infligées, plaidant l’inconstitutionnalité de la peine minimale obligatoire prévue à l’al. 344a) pour le motif qu’elle porterait atteinte au droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités que lui garantit l’art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, et contestant le refus du juge du procès de lui accorder une réduction de peine pour la période passée sous garde. L’appel a été entendu et tranché en même temps que quatre autres appels interjetés contre des peines infligées en vertu de l’al. 344a). Comme je l’ai souligné précédemment, deux de ces appels font également l’objet de pourvois que notre Cour a entendus en même temps que la présente affaire: Wust, précité, et Arrance, précité.

8 Le juge en chef McEachern, qui a rédigé la décision unanime de la Cour d’appel, a confirmé la validité constitutionnelle de l’al. 344a) au regard de l’art. 12 de la Charte, en plus de juger que, suivant l’interprétation qu’il convient de donner à l’al. 344a), une peine d’emprisonnement d’au moins quatre ans devait être infligée. Comme le par. 719(1) du Code criminel (auparavant le par. 721(1)) précise qu’une peine commence au moment où elle est infligée, le juge en chef McEachern a estimé qu’une peine ne pouvait être réduite pour prendre en compte la période que le contrevenant a passée sous garde en attendant le prononcé de sa peine, si cette réduction aboutit à une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi. En conséquence, la peine imposée à l’appelant par le juge du procès n’a pas été modifiée et l’appel a été rejeté.

III. Les dispositions législatives pertinentes

9 Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46

344. Quiconque commet un vol qualifié est coupable d’un acte criminel passible:

a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

719. . . .

(3) Pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d’une infraction, le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l’infraction.

IV. La conclusion et le dispositif

10 La seule question dont est saisie notre Cour est celle de savoir si le juge du procès aurait dû appliquer le par. 719(3) pour décider si la peine imposée à l’appelant devait être réduite pour prendre en compte la période qu’il avait déjà passée sous garde relativement aux infractions commises et, dans l’affirmative, dans quelle mesure elle devait l’être. Pour les motifs que j’ai exposés dans Wust, précité, j’arrive à la conclusion que le juge du procès aurait dû appliquer cette disposition.

11 Tout comme l’affaire Arrance, précitée, le présent pourvoi illustre bien l’absurdité et l’iniquité qui résultent d’une interprétation du Code criminel ayant pour effet d’empêcher la prise en compte de la période passée sous garde avant la détermination de la peine. L’appelant a été détenu après avoir plaidé coupable, pendant qu’il attendait qu’on détermine sa peine. Un tel délai est souvent nécessaire afin de permettre au tribunal de décider de façon plus éclairée de la peine appropriée grâce à l’information contenue dans le rapport présentenciel ou dans d’autres documents rassemblés par les parties. Cette possibilité est particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’une première condamnation pour le délinquant et qu’on dispose de peu de renseignements sur lui. Il serait extrêmement injuste que cette période qui, du fait qu’elle survienne après le plaidoyer de culpabilité, fait incontestablement partie de la peine, soit ajoutée à la peine minimale prévue par la loi au lieu d’en être retranchée.

12 Pour les motifs qui précèdent et pour ceux exposés dans Wust, précité, j’accueillerais le pourvoi et j’annulerais l’arrêt de la Cour d’appel. Je renverrais l’affaire au tribunal qui a infligé la peine pour qu’il détermine dans quelle mesure il convient de réduire celle‑ci afin de prendre en compte la période que l’appelant a passée sous garde en attendant que la peine soit prononcée.

Pourvoi accueilli.

Procureurs de l’appelant: Gordon & Velletta, Victoria.

Procureur de l’intimée: Le ministère du Procureur général, Victoria.

Procureur de l’intervenant: Le ministère du Procureur général, Toronto.



Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Arthurs

Références :
Proposition de citation de la décision: R. c. Arthurs, 2000 CSC 19 (13 avril 2000)


Origine de la décision
Date de la décision : 13/04/2000
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2000 CSC 19 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2000-04-13;2000.csc.19 ?
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