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26/11/1998 | CANADA | N°[1998]_3_R.C.S._339

Canada | R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339 (26 novembre 1998)


R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339

Brian Arp Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général de l'Ontario

et le procureur général de l'Alberta Intervenants

Répertorié: R. c. Arp

No du greffe: 26100.

1998: 18 juin; 1998: 26 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges L'Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

Droit constitutionnel — Charte

des droits -- Justice fondamentale -- Présomption d'innocence -- Norme de preuve applicable aux conclusions tirées d'une preuve de faits simila...

R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339

Brian Arp Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

et

Le procureur général du Canada,

le procureur général de l'Ontario

et le procureur général de l'Alberta Intervenants

Répertorié: R. c. Arp

No du greffe: 26100.

1998: 18 juin; 1998: 26 novembre.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges L'Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci, Major, Bastarache et Binnie.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

Droit constitutionnel — Charte des droits -- Justice fondamentale -- Présomption d'innocence -- Norme de preuve applicable aux conclusions tirées d'une preuve de faits similaires — L'application de la norme civile porterait‑elle atteinte aux principes de justice fondamentale et au droit à la présomption d'innocence garantis par la Charte? — Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, 11d).

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1997), 92 B.C.A.C. 286, 150 W.A.C. 286, 116 C.C.C. (3d) 168, [1997] B.C.J. No. 1193 (QL), qui a rejeté l'appel formé contre la déclaration de culpabilité prononcée par le juge Parrett au terme d'un procès devant jury, [1995] B.C.J. No. 882 (QL). Pourvoi rejeté.

Gil David McKinnon, c.r., et Thomas Arbogast, pour l'appelant.

Oleh S. Kuzma, pour l'intimée.

S. Ronald Fainstein, c.r., et Chantal Proulx, pour l'intervenant le procureur général du Canada.

Jamie C. Klukach, pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.

Argumentation écrite seulement par Arnold Schlayer, pour l'intervenant le procureur général de l'Alberta.

Version française du jugement de la Cour rendu par

//Le juge Cory//

A. Le juge Cory — Deux questions principales sont soulevées dans le cadre du présent pourvoi. Premièrement, devrait‑on donner au jury la directive qu'il peut tirer, selon la prépondérance des probabilités, des conclusions fondées sur une preuve de faits similaires? Selon l'appelant, une telle directive porte atteinte aux principes de justice fondamentale garantis par l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et au droit à la présomption d'innocence énoncé à l'al. 11d) de la Charte.

B. Deuxièmement, l'admission en preuve d'échantillons de cheveux et de poils qui ont été obtenus avec le consentement de l'intéressé au cours d'une enquête policière puis utilisés dans le cadre d'une enquête distincte deux ans et demi plus tard porte‑t-elle atteinte au droit de l'appelant d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives garanti par les art. 7 et 8 de la Charte?

I. Les faits

C. Marnie Blanchard a été vue pour la dernière fois vers 2 h le 22 novembre 1989. Elle était alors seule à l'extérieur d'un bar de Prince George, en Colombie‑Britannique. Un chauffeur de taxi a vu un homme seul, au volant d'un véhicule qui lui a semblé être une petite camionnette grise de marque Toyota ou Nissan, s'arrêter à côté de Marnie Blanchard. Il a vu que le conducteur de la camionnette avait des cheveux noirs jusqu'aux épaules et des poils sur le côté du visage. Il a remarqué que Mme Blanchard a hésité et est ensuite montée dans la camionnette, qui a démarré.

D. Presque trois semaines plus tard, un skieur de fond a trouvé un maxillaire humain dans une clairière située à une dizaine de kilomètres du centre‑ville de Prince George. Les policiers ont par la suite trouvé un crâne et divers autres ossements humains dans la clairière. Comme des animaux avaient remué les restes, les médecins légistes ont été incapables de déterminer la cause de la mort. Un pathologiste a témoigné que les ossements ne laissaient voir aucune trace de lésion antérieure au décès. La comparaison des fiches dentaires a permis d'identifier le cadavre comme étant celui de Marnie Blanchard.

E. Les policiers ont également découvert des vêtements empilés, soit le manteau, le chandail et une partie du bas‑culotte que portait Mme Blanchard. Le reste des vêtements, ainsi que des morceaux d'étoffe et des effets personnels étaient éparpillés dans la clairière. Il y avait des indices qu'un instrument tranchant avait été utilisé pour taillader certains vêtements (la jupe près de la fermeture éclair et le cache‑corset) et que le chandail de la victime avait été très abîmé par des taillades ou des déchirures. Un spécialiste des cheveux et fibres a témoigné qu'il était également possible que des animaux aient abîmé les vêtements en les mâchant.

F. Le médecin légiste qui a témoigné pour le ministère public a exprimé l'opinion que la mort était attribuable à des violences meurtrières pour trois raisons: les vêtements avaient été tailladés et déchirés, puis placés à l'endroit où ils ont été trouvés; les restes avaient été trouvés dans une région éloignée; la squelettisation des os et leur dispersion par des animaux ne concordaient pas avec une mort naturelle.

G. Thorone Fontaine, une connaissance de l'appelant, a témoigné qu'il était allé prendre un verre avec celui‑ci un soir de novembre 1989, bien qu'il ne fût pas certain de la date. Lorsque l'appelant l'a déposé à la fin de la soirée, M. Fontaine a remarqué que ce dernier était reparti vers le centre‑ville, dans la direction inverse de son domicile. Le lendemain, l'appelant s'est rendu chez M. Fontaine et lui a dit qu'il était rentré tard parce qu'il avait fait monter une jeune femme et l'avait conduite à Vanderhoof. L'appelant a déclaré à M. Fontaine que, lorsqu'il avait déposé la jeune femme, celle‑ci avait laissé des bijoux sur le tableau de bord de la camionnette. Monsieur Fontaine a remarqué que la gaine du levier de vitesse de la camionnette de l'appelant était endommagée et que le bras commandant l'interrupteur de signalisation et les essuie‑glaces était brisé.

H. Sharon Olson, une autre connaissance de l'appelant, a témoigné que, le 22 novembre 1989 ou vers cette date, l'appelant lui a dit qu'il avait déposé un ami avec lequel il avait pris un verre et qu'il avait ensuite fait monter une jolie blonde qu'il avait ramenée chez elle. Ces propos ont donné à Mme Olson l'impression que l'accusé avait eu des rapports sexuels avec la femme en question et que celle‑ci lui avait donné des bijoux en échange. Il a déclaré à Mme Olson que sa conjointe de fait avait trouvé les bijoux dans sa poche. Arlene Spencer, une autre connaissance de l'appelant, a témoigné que, le 23 novembre 1989 ou vers cette date, l'appelant lui a également dit que, le soir précédent, il avait fait monter une jeune fille et l'avait conduite à Vanderhoof. Comme la jeune fille n'avait pas l'argent qu'elle lui avait promis pour l'essence, elle lui avait donné des bijoux à la place. L'appelant avait déclaré que sa conjointe avait été contrariée lorsqu'elle avait trouvé les bijoux en question dans sa poche.

I. Le 18 avril 1990, des policiers ont fouillé une camionnette grise de marque Nissan immatriculée au nom de la conjointe de fait de l'appelant. Dans la poche aumônière de la porte du conducteur, ils ont trouvé un couteau à double tranchant muni d'une lame de quatre pouces. Sous le siège du passager, ils ont découvert une petite bague en argent, qui a par la suite été identifiée comme appartenant à Mme Blanchard par plusieurs de ses amis. En fouillant la camionnette, les policiers ont également trouvé deux petites fibres de couleur mauve dans le tapis sous le siège du passager, et ils ont taillé une partie du tapis. Un expert en cheveux et fibres a témoigné qu'il avait examiné ces fibres et d'autres fibres qu'il avait extraites du tapis. Il les a comparées avec le chandail de Mme Blanchard qui avait été découvert avec ses restes dans la clairière. L'expert est arrivé à la conclusion que les fibres trouvées dans le véhicule correspondaient aux fibres utilisées pour fabriquer le chandail mauve.

J. Le 26 juillet 1990, l'appelant a été arrêté pour le meurtre au deuxième degré de Mme Blanchard. On l'a informé des droits que lui garantit la Charte et on lui a donné la possibilité de téléphoner à un avocat. Après avoir téléphoné à un avocat, l'appelant a déclaré aux policiers que l'avocat lui avait conseillé de ne rien dire. Néanmoins, les policiers ont interrogé l'appelant pendant environ 25 minutes, au cours desquelles celui‑ci a affirmé qu'il n'avait fait monter aucune jeune fille en novembre. L'un des policiers a ensuite demandé à l'appelant s'il était intéressé à les aider à l'éliminer comme suspect. L'appelant a répondu que [traduction] «ce serait génial», et il a accepté de fournir des échantillons de cheveux et de poils pubiens. Il a été avisé que les échantillons serviraient à déterminer si des cheveux ou des poils lui appartenant avaient été trouvés à l'endroit où l'on avait découvert les restes de Mme Blanchard. Il a reconnu qu'il n'était pas obligé de donner ces échantillons. Le policier a en outre dit à l'appelant que si ces échantillons lui permettaient de recueillir quelque élément de preuve, cet élément serait utilisé devant les tribunaux.

K. Il est acquis que les enquêteurs n'envisageaient pas d'utiliser les échantillons de cheveux et de poils pour effectuer une analyse génétique; le recours à cette technologie n'était pas courant en 1990. Les échantillons ont été remis au laboratoire judiciaire de la GRC à Vancouver pour qu'on procède à des comparaisons physiques avec des cheveux et des poils trouvés à l'endroit où les restes de Mme Blanchard avaient été découverts. Les cheveux et les poils de l'appelant ne concordaient pas avec les 16 échantillons de cheveux et de poils tirés du manteau et d'autres effets de Mme Blanchard.

L. À la suite de l'enquête préliminaire tenue à l'égard de l'accusation relative au meurtre de Marnie Blanchard, le juge de la cour provinciale a refusé de citer l'appelant à procès. Celui‑ci a été libéré le 17 décembre 1990.

M. Le 13 février 1993, Theresa Umphrey est arrivée à Prince George et a pris un verre avec des amis dans plusieurs pubs. Entre 2 h 20 et 3 h 40 le 14 février, elle a été vue près d'un dépanneur. Elle était ivre. Elle a demandé à des hommes de la reconduire chez elle. Après avoir roulé dans la ville, ils l'ont ramenée près du dépanneur parce qu'elle était incapable de reconnaître l'endroit où elle habitait. Vers 14 h 30 le 14 février, on a découvert le corps nu et partiellement gelé de Mme Umphrey sur un banc de neige à une cinquantaine de kilomètres au sud‑ouest de Prince George.

N. Le médecin légiste qui a fait l'autopsie du cadavre de Mme Umphrey a témoigné que la mort avait eu lieu par strangulation manuelle et ensuite par strangulation par ligature. Les marques de ligature étaient compatibles avec les marques qu'auraient laissées des lacets de chaussures semblables à ceux trouvés sur le lieu du crime. Le corps de la victime portait de nombreuses éraflures, comme s'il avait été traîné sur une surface rugueuse. Son crâne avait été gravement enfoncé. Près de la blessure au cuir chevelu, ses cheveux avaient été coupés court avec un instrument tranchant comme des ciseaux ou un couteau. Le médecin légiste a confirmé que, d'après le sperme trouvé dans son vagin, Mme Umphrey avait eu des rapports sexuels de 24 à 28 heures avant sa mort. Il n'y avait aucun signe physique d'agression sexuelle. On a également trouvé du sperme sur le sweatshirt de Mme Umphrey.

O. La plupart des vêtements de Mme Umphrey ont été trouvés sur le lieu du crime, éparpillés au pied du banc de neige près de son corps, comme s'ils avaient été lancés là. Son soutien‑gorge a été retrouvé au bord de la route, à 1,4 kilomètre au nord de l'endroit où se trouvait le corps. Un membre de la GRC spécialisé dans l'analyse des fibres et des dommages causés aux tissus a témoigné que le soutien‑gorge avait été coupé entre les deux bonnets et noué dans le dos à l'endroit où il est normalement attaché. L'un des lacets avait également été coupé. Dans les deux cas, on s'était servi d'un instrument tranchant. D'autres vêtements de Mme Umphrey étaient intacts.

P. L'appelant a été interrogé à plusieurs reprises par des policiers pendant qu'il était en liberté et avant qu'il ne soit accusé. Au cours du dernier interrogatoire, un policier a dit à l'appelant que certains tissus humains n'appartenant pas à Mme Umphrey avaient été trouvés sur le corps de celle‑ci, et il a demandé à l'appelant de fournir des échantillons en vue d'analyses génétiques. Le policier a dit qu'ils étaient en train de comparer les échantillons de cheveux et de poils prélevés sur l'appelant en 1990 avec l'échantillon de tissus humains provenant du corps de Mme Umphrey. L'appelant a refusé de fournir les échantillons en question.

Q. Pendant l'interrogatoire, l'appelant avait été autorisé à fumer plusieurs de ses propres cigarettes. Après l'interrogatoire, un agent est retourné dans la salle d'interrogatoire et a ramassé les mégots des cigarettes que l'appelant avait fumées et qu'il avait déposés dans un cendrier. Quelques jours plus tard, un agent a exécuté un mandat de perquisition au laboratoire judiciaire de la GRC à Vancouver et a pris possession des cheveux et des poils pubiens qui avaient été prélevés sur l'appelant le 26 juillet 1990.

R. Barbara Fraser, spécialiste en biologie judiciaire au laboratoire judiciaire de la GRC, a constaté qu'il y avait concordance visuelle de cinq sondes entre les poils pubiens prélevés sur l'appelant le 26 juillet 1990, les mégots récupérés dans la salle d'interrogatoire, le sperme trouvé dans le vagin de Mme Umphrey et celui trouvé sur son chandail. Dans son témoignage, Mme Fraser a expliqué qu'il y a concordance de cinq sondes lorsque cinq régions différentes de deux échantillons d'ADN sont identiques. Une telle adéquation est extrêmement rare entre des personnes qui n'ont aucun lien de parenté. En s'appuyant sur ces résultats, Mme Fraser a exprimé l'opinion que cette fréquence d'apparition au sein de la population canadienne de race blanche était inférieure à un sur 31 milliards.

S. Madame Fraser a également comparé l'ADN provenant des mégots avec l'ADN provenant du sang de la mère et du père biologiques de l'appelant au moyen de cinq sondes. L'analyse a révélé que les règles d'hérédité étaient respectées puisque l'une des bandes d'ADN de l'appelant était identique à une des bandes d'ADN de son père, et que l'autre bande était identique aux bandes d'ADN de sa mère. Madame Fraser a conclu que, à son avis, il y avait 30 millions de fois plus de chances que l'ADN des échantillons de sperme provienne d'un enfant biologique des parents de l'appelant plutôt que d'une personne choisie au hasard dans la population canadienne.

T. Le 4 octobre 1993, l'appelant a été arrêté et inculpé du meurtre au premier degré de Theresa Umphrey. En outre, il a à nouveau été arrêté à l'égard du meurtre de Marnie Blanchard et inculpé de meurtre au premier degré.

U. Avant le procès, l'avocat de la défense a demandé à deux reprises que les deux chefs d'accusation de meurtre contenus dans l'acte d'accusation soient séparés. Ces demandes ont été rejetées. L'avocat a également contesté l'admissibilité et des échantillons prélevés par les policiers et utilisés pour les analyses génétiques, et de la preuve génétique elle‑même. Cette preuve a été déclarée admissible. Un jury a reconnu l'appelant coupable des deux chefs d'accusation de meurtre au premier degré. L'appel formé par ce dernier devant la Cour d'appel a été rejeté.

II. Les décisions des juridictions inférieures

A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique, [1995] B.C.J. No. 882 (QL) (le juge Parrett)

1. Les décisions relatives à la séparation des chefs d'accusation

V. Le 13 octobre 1994, l'appelant a demandé la séparation des deux chefs d'accusation de meurtre en application de l'al. 591(3)a) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46. Le juge du procès a fait remarquer que l'accusé qui présente une telle demande a la charge de prouver que les intérêts de la justice commandent la séparation. La défense a souligné que l'appelant avait été libéré au terme de l'enquête préliminaire concernant le meurtre de Mme Blanchard en 1990, et a soutenu que le ministère public tentait d'utiliser la preuve des faits similaires du meurtre de Mme Umphrey principalement pour établir que le décès de Mme Blanchard résultait d'un homicide. L'avocat de la défense a affirmé qu'il n'y avait aucun précédent pour cette utilisation d'une preuve de faits similaires. La défense a en outre fait valoir qu'il n'y avait aucune connexité dans le temps entre les deux meurtres, qu'il y avait de nombreuses différences entre les deux événements et que les similitudes qui existaient n'étaient pas singulières.

W. Le ministère public s'est opposé à la demande et a plaidé que, même s'il y avait séparation des chefs d'accusation, il chercherait à produire la preuve de chaque infraction dans l'autre procès comme preuve de faits similaires. Le ministère public a concédé que les deux chefs d'accusation devraient être séparés, sauf si la preuve relative au meurtre de Mme Umphrey était admissible pour prouver que l'accusé avait assassiné Mme Blanchard. Le ministère public a toutefois soutenu qu'il y avait, entre les deux événements, de nombreuses similitudes indicatives d'une méthode et d'un plan.

X. Le juge du procès a signalé que les médecins légistes avaient été incapables de déterminer la cause du décès de Mme Blanchard. Il a indiqué que les vêtements de la victime avaient été trouvés près de son corps et que certains d'entre eux avaient été déchirés tandis que d'autres semblaient avoir été tailladés avec un instrument tranchant tel un couteau. Selon le juge du procès, il était raisonnable d'en déduire que Mme Blanchard n'était pas morte naturellement et qu'on l'avait dévêtue avant d'abandonner son corps dans la neige.

Y. Le juge du procès a examiné la preuve relative au meurtre de Theresa Umphrey. Il a souligné que le ministère public avait affirmé que les crimes étaient similaires en ce que les victimes étaient de jeunes femmes célibataires qui étaient vulnérables et sans argent ou sans moyen de transport aux petites heures du matin; il y avait des preuves indiquant que, dans chaque cas, l'accusé avait fait monter la victime dans une camionnette grise; dans l'affaire Umphrey, il y avait manifestement eu rapports sexuels, tandis que dans l'affaire Blanchard, on pouvait inférer que le meurtre était lié à une fin sexuelle; les victimes avaient été abandonnées dans des régions isolées mais néanmoins accessibles à l'extérieur de Prince George; leurs vêtements avaient été trouvés abandonnés à proximité; dans les deux cas, il y avait des preuves de l'utilisation d'un instrument tranchant tel un couteau.

Z. Le juge du procès a en outre signalé que, dans l'affaire Umphrey, l'analyse génétique rattachait l'accusé à la victime. Dans l'affaire Blanchard, il y avait des éléments de preuve circonstancielle rattachant également l'accusé à la victime, par exemple la déposition d'un témoin ayant vu Mme Blanchard monter dans une camionnette semblable à celle conduite par l'appelant; la bague trouvée dans la camionnette de l'appelant et qui avait été identifiée comme appartenant à Mme Blanchard; les fibres mauves trouvées dans la camionnette et qui avaient été déclarées compatibles avec celles du chandail de Mme Blanchard. Le ministère public a soutenu que ces éléments de preuve démontraient l'existence d'un système et d'une méthode au moyen desquels l'accusé cherche et trouve ses victimes, ainsi que du traitement qu'il leur fait subir et de la façon dont il se débarrasse des corps.

AA. Le juge du procès a examiné la jurisprudence et la doctrine concernant la preuve de faits similaires, les similitudes entre les deux infractions et le risque de préjudice pour l'appelant. Il a conclu que l'appelant ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait en vertu de l'art. 591 du Code. Il a relevé des [traduction] «similitudes importantes et frappantes» entre les deux décès. Le juge du procès a conclu que, si la preuve rattachant l'appelant aux deux victimes les nuits où elles ont disparu était admise, alors la preuve relative au meurtre de Mme Umphrey [traduction] «est à la fois pertinente et très probante en ce qui a trait aux questions substantielles dans l'affaire Blanchard». Le juge du procès a rejeté la requête en séparation des chefs d'accusation présentée par l'appelant, mais il a invité ce dernier à présenter une nouvelle demande en ce sens une fois que les décisions relatives à l'admissibilité auraient été rendues.

BB. Au terme d'un long voir‑dire, la défense a renouvelé sa demande de séparation des chefs d'accusation. Le juge du procès a conclu que, malgré l'exclusion de certains éléments de preuve, la preuve du ministère public demeurait essentiellement inchangée. La demande de séparation a de nouveau été rejetée. Il n'y a pas eu d'examen distinct de l'admissibilité de la preuve de faits similaires en dehors de la requête en séparation des chefs d'accusation.

2. La décision relative à l'admissibilité des échantillons de cheveux et de poils et de la preuve génétique

CC. Plusieurs voir‑dire ont été tenus pour statuer sur l'admissibilité des échantillons de cheveux et de poils obtenus de l'appelant en 1990. Le juge du procès a conclu que la question centrale pour décider de l'admissibilité de ces échantillons et de la preuve génétique en découlant n'était pas de savoir si le consentement donné par l'appelant en 1990 se limitait à l'enquête menée dans l'affaire Blanchard, mais si un consentement éclairé et valide peut être limité en droit. À son avis, il n'existait aucun principe juridique qui rendait déraisonnable ou illicite l'utilisation par les policiers d'échantillons déjà en leur possession en raison du consentement donné en 1990. Le refus subséquent de l'appelant de fournir des échantillons de cheveux, de poils ou de sang en 1993 ne modifiait pas cette conclusion. En outre, le juge du procès a conclu que le consentement initial au prélèvement des échantillons de cheveux et de poils ne se limitait pas à l'utilisation de ces échantillons en vue d'une simple comparaison avec les cheveux et les poils trouvés à l'endroit où Mme Blanchard avait été assassinée, ni à leur utilisation uniquement dans le cadre de l'enquête menée en 1990. Pareille restriction irait à l'encontre de la compréhension qu'avait l'appelant lui‑même du fait que toute information obtenue à l'aide de ces échantillons pourrait être utilisée contre lui.

3. L'exposé au jury

DD. Le juge du procès a donné au jury des directives sur l'utilisation de la preuve de faits similaires. Il a déclaré que la preuve relative au meurtre de Mme Blanchard était admissible pour prouver la culpabilité de l'appelant relativement au meurtre de Mme Umphrey, et vice versa. Le jury pouvait utiliser cette preuve uniquement pour décider si l'appelant était la personne qui avait commis les infractions mentionnées dans les deux chefs d'accusation, c.‑à‑d. pour trancher la question de l'identité. Les jurés ont été informés que, dans l'examen de la preuve relative aux deux chefs d'accusation, ils ne devaient pas en inférer que l'appelant était une personne possédant une nature ou une disposition telle qu'il avait probablement commis les infractions. Le juge du procès a déclaré que le jury pouvait, quoique rien ne l'obligeât à le faire, déduire de la preuve que l'incident mentionné dans le chef d'accusation relatif à l'affaire Blanchard et celui mentionné dans le chef d'accusation relatif à l'affaire Umphrey avaient des caractéristiques communes dont la similitude était tellement frappante qu'ils étaient probablement le fait d'une seule et même personne. Pour décider s'il existait des similitudes entre les deux incidents, le jury devait examiner tous les éléments de preuve et se demander si les actes possédaient des similitudes frappantes et révélaient l'existence d'une méthode commune. Le juge du procès a ensuite donné au jury des exemples de similitudes entre les chefs d'accusation.

EE. Le juge du procès a poursuivi son exposé en disant aux jurés que, s'ils arrivaient à la conclusion que les infractions reprochées dans les affaires Blanchard et Umphrey étaient probablement le fait d'une seule et même personne, ils pouvaient alors recourir à la preuve relative à chaque chef d'accusation afin de décider si l'accusé avait commis les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation. Toutefois, s'ils ne déduisaient pas que les deux infractions avaient probablement été commises par la même personne, ils devaient alors tenir compte uniquement de la preuve relative au chef d'accusation concerné pour parvenir à une décision à l'égard de ce chef, et faire abstraction de la preuve relative à l'autre chef. Le juge du procès a également déclaré que si les jurés acceptaient la preuve relative à l'accusation portée dans l'affaire Umphrey et concluaient que l'accusé était coupable relativement à ce chef, et s'ils concluaient aussi que l'infraction reprochée dans l'affaire Blanchard était probablement le fait de la même personne, ils pouvaient utiliser cette preuve, en particulier celle de l'utilisation d'un instrument tranchant, pour confirmer ou appuyer les dépositions des autres témoins et la découverte de la bague et des fibres mauves. Le juge du procès a conclu son exposé en disant aux jurés de ne pas oublier qu'ils ne pouvaient pas reconnaître l'accusé coupable du meurtre de Mme Blanchard ou de celui de Mme Umphrey à moins d'être convaincus hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité à l'égard des actes reprochés.

B. Cour d'appel (1997), 92 B.C.A.C. 286 (le juge Hinds au nom de la cour)

FF. Devant la Cour d'appel, l'appelant a soutenu que l'exposé du juge du procès au sujet de la preuve de faits similaires était fondé sur l'arrêt R. c. Simpson (1977), 35 C.C.C. (2d) 337 (C.A. Ont.), arrêt qui ne devrait pas être suivi parce qu'il existe des décisions d'autres cours d'appel ayant appliqué une approche différente. Cependant, le juge Hinds a conclu que l'arrêt Simpson avait été suivi par la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique dans R. c. Lawson (1994), 45 B.C.A.C. 14, arrêt qui, à son tour, a été mentionné avec approbation dans une autre décision de cette même cour: R. c. Doan (1996), 81 B.C.A.C. 192. Dans Lawson, la Cour d'appel a tiré la conclusion suivante, à la p. 21:

[traduction] L'avocat de l'appelant a invoqué deux arguments.

Le premier était que le mot «probablement» employé par le juge du procès fixe la mauvaise norme. Il affirme que la norme applicable à l'égard de l'identité et de l'intention devrait exiger que ces éléments au moins soient établis hors de tout doute raisonnable relativement au chef d'accusation que l'on prétend similaire sans recourir à des éléments de preuve étrangers à ce chef avant d'utiliser la preuve concernant ce chef pour aider à prouver l'intention ou l'identité relativement au chef d'accusation directement examiné. Il a voulu dire par là qu'au moins un chef d'accusation doit être prouvé hors de tout doute raisonnable sur la base de la preuve qui se rapporte exclusivement à ce chef. Comme a dit l'avocat: «il doit y avoir au moins un point d'ancrage». Selon moi, cet argument est incompatible avec l'autorité de l'arrêt R. c. Simpson, et je ne puis y souscrire.

GG. Le juge Hinds a conclu que le droit en vigueur en Colombie‑Britannique sur l'utilisation de la preuve de faits similaires est exposé dans l'arrêt Lawson et repose sur les principes énoncés dans l'arrêt Simpson. Il a conclu que l'exposé du juge du procès était conforme à ces principes et suivait le libellé suggéré dans G. Ferguson, CRIMJI: Canadian Criminal Jury Instructions (3e éd. 1997 (feuilles mobiles)), vol. 1, 4.61 . En outre, les directives du juge du procès sur l'utilisation que le jury pouvait faire de la preuve de faits similaires étaient compatibles avec le principe énoncé dans R. c. Morin, [1988] 2 R.C.S. 345, aux pp. 360 à 362, et suivant lequel la norme de preuve en matière criminelle s'applique à la décision finale en ce qui concerne la culpabilité ou l'innocence et non aux divers éléments de preuve pris isolément.

HH. L'appelant a également plaidé que les échantillons de cheveux et de poils donnés en 1990 n'auraient pas dû être utilisés dans une enquête policière subséquente. Il a affirmé que l'utilisation subséquente de ces échantillons a vicié le consentement donné en 1990, et que la saisie des échantillons avait en conséquence porté atteinte aux droits qui lui sont garantis par l'art. 8 de la Charte. L'appelant a en outre soutenu que, en application du par. 24(2) de la Charte, la preuve génétique n'aurait pas dû être admise. Le juge Hinds a fait remarquer que cette question avait été laissée sans réponse par notre Cour dans R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145. L'avocat de l'appelant a prétendu que l'utilisation par les policiers, dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de Mme Umphrey, des échantillons de cheveux et de poils prélevés en juillet 1990 avait eu pour effet de leur permettre de conserver une banque d'ADN. Les récentes dispositions législatives sur l'ADN interdisent expressément au gouvernement de conserver des échantillons d'ADN. Voir les art. 487.04 et suiv. du Code.

II. Le juge Hinds n'a pas accepté cette prétention. Il a estimé que les dispositions législatives portant sur la saisie de matériel génétique ne visent pas l'utilisation de substances fournies volontairement aux autorités policières par une personne. Les cheveux et les poils pubiens de l'appelant n'avaient pas été prélevés par la force ou par la menace d'utilisation de la force, et ne constituaient donc pas une preuve obtenue en mobilisant l'accusé contre lui‑même. L'obtention d'échantillons de cheveux et de poils de l'appelant le 26 juillet 1990 n'avait pas porté atteinte aux droits garantis à celui‑ci par l'art. 8. Par la suite, les échantillons étaient demeurés sous la garde et la responsabilité de la GRC. La date pertinente pour décider si les droits de l'appelant garantis par l'art. 8 avaient été violés était le 26 juillet 1990, date à laquelle les policiers avaient obtenu les échantillons.

JJ. Même si la date pertinente avait été le 16 mars 1993, soit la date à laquelle les échantillons ont été saisis au laboratoire de la GRC, les droits garantis à l'appelant par l'art. 8 n'avaient pas été violés. Le 16 mars 1993, l'appelant n'avait aucune attente raisonnable en matière de respect de la vie privée à l'égard des échantillons de cheveux et de poils, et les policiers avaient saisi les échantillons en vertu d'un mandat de perquisition décerné validement. L'appel de la déclaration de culpabilité a été rejeté.

III. L'analyse

A. L'admissibilité de la preuve de faits similaires

1. La valeur probante

KK. Le présent pourvoi porte sur les directives qu'il convient de donner au jury relativement à l'utilisation d'une preuve de faits similaires. Cette question exige forcément une analyse approfondie du rôle du juge du procès dans l'examen de la question de savoir si une telle preuve doit être admise. Cette analyse est nécessaire afin de bien situer dans son contexte le rôle du jury dans l'appréciation d'une preuve de faits similaires.

LL. La meilleure façon de définir la règle autorisant l'admission d'une preuve de faits similaires serait peut‑être de dire qu'il s'agit d'une «exception à une exception» à la règle fondamentale suivant laquelle tout élément de preuve pertinent est admissible. La pertinence dépend directement des faits en litige dans une affaire donnée. Pour leur part, les faits en litige sont déterminés par l'infraction reprochée dans l'acte d'accusation et par les moyens de défense, s'il en est, qui sont invoqués par l'accusé. Voir Koufis c. The King, [1941] R.C.S. 481, à la p. 490. Pour qu'un élément de preuve soit logiquement pertinent, il n'est pas nécessaire qu'il établisse fermement, selon quelque norme que ce soit, la véracité ou la fausseté d'un fait en litige. La preuve doit simplement tendre à [traduction] «accroître ou diminuer la probabilité de l'existence d'un fait en litige». Voir Sir Richard Eggleston, Evidence, Proof and Probability (2e éd. 1978), à la p. 83. En conséquence, aucune valeur probante minimale n'est requise pour qu'un élément de preuve soit pertinent. Voir R. c. Morris, [1983] 2 R.C.S. 190, aux pp. 199 et 200.

MM. La preuve d'une propension ou disposition (par exemple la preuve d'actes antérieurs répréhensibles) est pertinente pour trancher la question ultime, celle de la culpabilité ou de l'innocence, dans la mesure où le fait qu'une personne a agi d'une certaine manière dans le passé tend à appuyer l'inférence qu'elle a de nouveau agi de cette façon. Même si cette preuve n'a souvent qu'une faible valeur probante, il est difficile d'affirmer qu'elle n'est pas pertinente. À cet égard, je suis partiellement en désaccord avec le jugement de lord Hailsham dans Director of Public Prosecutions c. Boardman, [1975] A.C. 421, où ce dernier a écrit, à la p. 451, que [traduction] «[l]orsque rien ne rattache l'accusé à un crime particulier, si ce n'est une preuve de moralité douteuse ou de perpétration de crimes similaires dans le passé, une telle preuve n'a aucune valeur probante et est rejetée pour ce motif». À mon avis, cette affirmation va peut‑être trop loin, et l'approche retenue par le juge Lamer, maintenant Juge en chef du Canada, dans Morris, précité, me paraît plus juste. Ce dernier a déclaré ceci, à la p. 203:

La propension, si elle ne se rapporte pas au crime perpétré, n'a aucune valeur probante; [. . .] et doit pour cette raison être exclue. Mais si la propension se rapporte au crime, même en l'absence de tout autre lien entre l'accusé et ce crime, elle a une certaine valeur probante, si minime soit‑elle, et elle doit être exclue parce qu'elle est inadmissible et non parce qu'elle n'est pas pertinente. [Je souligne.]

NN. Par conséquent, la preuve d'une propension ou disposition peut être pertinente à l'égard du crime reproché, mais elle est généralement inadmissible parce que, en dernière analyse, son effet très préjudiciable l'emporte sur sa faible valeur probante. Comme l'a souligné le juge Sopinka dans R. c. D. (L.E.), [1989] 2 R.C.S. 111, aux pp. 127 et 128, une preuve d'actes antérieurs répréhensibles comporte trois dangers potentiels: (1) le jury peut conclure que l'accusé est une «mauvaise» personne qui est vraisemblablement coupable de l'infraction qu'on lui reproche; (2) le jury peut punir l'accusé pour son inconduite antérieure en le déclarant coupable de l'infraction qui lui est imputée; (3) le jury peut tout simplement s'embrouiller parce que son attention se trouve détournée de l'objet premier de ses délibérations, et substituer son verdict sur une autre question à un verdict sur la question qu'il est appelé à juger. Comme il s'agit de dangers très réels pour l'accusé, la preuve d'une propension ou disposition est écartée en tant qu'exception à la règle générale suivant laquelle tout élément de preuve pertinent est admissible.

OO. Toutefois, comme a déclaré lord Hailsham dans Boardman, précité, à la p. 453, [traduction] «ce qui ne doit pas être admis est un raisonnement, pas nécessairement un état de faits» (en italique dans l'original). En d'autres mots, est inadmissible la preuve d'une propension ou disposition qui est produite dans le seul but d'inviter le jury à déclarer l'accusé coupable sur le fondement de sa conduite immorale antérieure. Toutefois, la preuve d'une inconduite antérieure similaire peut exceptionnellement être admise lorsque le raisonnement interdit peut être évité. Dans R. c. B. (C.R.), [1990] 1 R.C.S. 717, le juge McLachlin, qui s'exprimait au nom des juges majoritaires, a soigneusement examiné la question de la preuve de faits similaires. Après avoir analysé le raisonnement fait dans Boardman, précité, elle a fait les observations suivantes, à la p. 730:

Cette conception de la preuve de faits similaires propose un critère qui se rapporte à la règle générale, bien qu'il en soit distinct, selon laquelle la preuve est inadmissible si son effet préjudiciable l'emporte sur sa valeur probante: voir l'arrêt R. c. Wray, [1971] R.C.S. 272. Il s'agit d'une règle d'exclusion applicable à la preuve qui serait par ailleurs admissible. C'est l'inverse pour la preuve de faits similaires. Pour déterminer son admissibilité, il faut partir du principe que la preuve est inadmissible étant donné la faible force probante et l'importance du préjudice qui y est généralement associé. Il faut se demander ensuite si, en raison de la valeur probante exceptionnelle de la preuve examinée par rapport au préjudice qu'elle est susceptible de causer, elle devrait être admise sans égard à la règle générale d'exclusion.

Après avoir examiné les autres décisions pertinentes, elle a dit ceci, aux pp. 734 et 735:

Cet examen de la jurisprudence m'amène à tirer les conclusions suivantes quant à l'état actuel du droit en matière de preuve de faits similaires au Canada. Pour déterminer si la preuve en question est admissible, il faut d'abord reconnaître la règle générale d'exclusion de la preuve qui ne tend qu'à établir la propension. Comme le dit l'arrêt Boardman et comme notre Cour l'a répété dans les arrêts Guay, Cloutier, Morris, Morin et D. (L.E.), la preuve présentée dans le seul but d'établir que l'accusé est le genre de personne susceptible d'avoir commis une infraction, est en principe inadmissible. La question de savoir si la preuve en question constitue une exception à cette règle générale dépend de savoir si la valeur probante de la preuve présentée l'emporte sur son effet préjudiciable. Dans un cas comme celui‑ci, où la preuve de faits similaires que l'on veut présenter est une preuve à charge d'un acte moralement répugnant commis par l'accusé, le préjudice qui peut en résulter est grave et la valeur probante de la preuve doit vraiment être grande pour permettre sa réception. Le juge doit considérer des facteurs comme le degré de particularisme marquant à la fois les faits similaires et les infractions reprochées à l'accusé ainsi que le rapport, s'il en est, entre la preuve et les questions autres que la propension, afin de déterminer si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la valeur probante de la preuve l'emporte sur le préjudice potentiel et justifie sa réception.

PP. On constate que, pour décider si une preuve de faits similaires doit être déclarée admissible, la question fondamentale qui doit être tranchée est de savoir si la valeur probante de cette preuve l'emporte sur son effet préjudiciable. De même, il convient de se rappeler qu'il faut accorder un respect considérable à la décision du juge du procès sur cette question. Voir B. (C.R.), précité, aux pp. 732 et 733.

QQ. Il s'ensuit que, lorsque l'identité est un point litigieux dans une affaire criminelle et qu'il est démontré que l'accusé a commis des actes présentant des similitudes frappantes avec le crime reproché, le jury n'est pas invité à inférer des habitudes ou de la disposition de l'accusé qu'il est le genre de personne qui commettrait ce crime. Au contraire, le jury est plutôt invité à inférer du degré de particularité ou de singularité qui existe entre le crime perpétré et l'acte similaire que l'accusé est la personne même qui a commis le crime. Cette inférence n'est possible que si le haut degré de similitude entre les actes rend une coïncidence objectivement improbable. Voir Hoch c. The Queen (1988), 165 C.L.R. 292 (H.C. Aust.). En d'autres termes, il est toujours possible que, par le jeu d'une coïncidence, l'auteur du crime et l'accusé partagent certaines prédilections, ou encore que l'accusé puisse devenir impliqué dans des crimes dont il n'est pas responsable. Toutefois, lorsque la preuve révèle une manière distincte de commettre les actes en question, la possibilité que, par pure coïncidence, l'accusé soit à plusieurs reprises impliqué dans des infractions très similaires s'en trouve de beaucoup réduite. Ce point a été clairement exprimé par le juge Sopinka, dans Morin, précité, où une preuve de faits similaires avait été utilisée pour établir l'identité (à la p. 367):

Dans les affaires de faits similaires, il ne suffit pas d'établir que l'accusé fait partie d'un groupe anormal qui a les mêmes propensions que l'auteur du crime. Il doit y avoir d'autres caractéristiques distinctives. Par conséquent, si le crime a été commis par quelqu'un qui a des tendances homosexuelles, il ne suffit pas d'établir que l'accusé est un homosexuel actif ni même qu'il a pratiqué de nombreux actes homosexuels. La preuve offerte doit tendre à démontrer qu'il y a des similitudes frappantes entre la manière dont l'auteur du crime a commis l'acte criminel et cette preuve.

Voir aussi R. c. Scopelliti (1981), 63 C.C.C. (2d) 481 (C.A. Ont.), à la p. 496, le juge Martin, (la preuve de la propension n'est pas admissible, [traduction] «à moins que la propension soit tellement distinctive ou singulière qu'elle constitue une signature»).

RR. Comme une preuve de faits similaires est admise parce qu'une coïncidence est objectivement improbable, la valeur probante de cette preuve découle forcément du degré de similitude entre les actes examinés. Évidemment, il faut que cette valeur probante l'emporte de façon nette sur le préjudice causé à l'accusé pour que la preuve en question soit admissible. Voir B. (C.R.), précité. Cependant, dans B. (C.R.), aux pp. 732 et 733, la majorité a rejeté la thèse voulant que la preuve doive révéler une «similitude frappante» entre les actes en question pour posséder la valeur probante requise. J'admets que l'exigence de «similitudes frappantes» doit être tempérée. Ce point est soigneusement exposé dans R. c. P., [1991] 3 All E.R. 337 (H.L.). Dans cette affaire, l'accusé avait été inculpé du viol de ses deux filles ainsi que d'inceste à leur endroit. Les accusations ont été instruites ensemble et le témoignage des deux filles a été admis relativement à chaque chef pour prouver la perpétration du crime (à la p. 348):

[traduction] Quand une question semblable à celle qui est soulevée en l'espèce se pose, j'estime que le juge doit d'abord décider s'il existe des éléments qui autoriseraient le jury à conclure que le témoignage d'une victime sur ce qui lui est arrivée est tellement lié au témoignage d'une autre victime sur ce qui est arrivé à cette dernière que le témoignage de la première victime appuie suffisamment le témoignage de la seconde victime pour qu'il soit juste de l'admettre, malgré l'effet préjudiciable de l'admission du témoignage. Le lien dont découle cet appui peut prendre de nombreuses formes et, quoiqu'une de ces formes puisse être une «similitude frappante» quant à la façon dont le crime a été commis, [. . .] ce lien indispensable n'est en aucune façon limité à de telles circonstances. Des liens dans le temps et les circonstances -- autres que celles qui viennent d'être évoquées -- peuvent fort bien constituer des liens importants à cet égard. Lorsque l'identité de l'accusé est en cause et que des témoignages de ce genre sont importants à cet égard, il est évident qu'il faudra quelque chose qui ressemble à ce qu'on a appelé au cours des débats une signature ou une autre caractéristique spéciale. Transposer cette exigence à d'autres situations dans lesquelles la question consiste à déterminer si un crime a été commis plutôt que l'identité de son auteur revient à imposer une restriction inutile et inappropriée à l'application de ce principe. [Je souligne.]

Comme les témoignages des deux filles décrivaient une conduite qui s'était étendue sur une longue période et qui avait comporté l'utilisation de la force et l'exercice d'une domination générale, les circonstances, considérées ensemble, donnaient une forte valeur probante au témoignage de l'une par rapport à celui de l'autre, malgré le fait que la manière dont les crimes reprochés avaient été commis ne révélait pas une «similitude frappante».

SS. Au lieu de cela, l'application d'une approche fondée sur des principes pour statuer sur l'admissibilité d'une preuve de faits similaires reposera dans tous les cas sur la conclusion qu'il est improbable que l'implication de l'accusé dans les faits similaires ou chefs d'accusation reprochés soit le fruit d'une coïncidence. Une telle conclusion assure que la preuve a une valeur probante suffisante pour être admise, et elle fera intervenir différentes considérations dans différents contextes. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, une preuve de faits similaires est produite à l'égard de la question de l'identité, il doit exister un haut degré de similitude entre les faits pour que la preuve soit admise. Par exemple, la présence d'une marque ou signature singulière donnera automatiquement aux faits reprochés une «similitude frappante» et les rendra, par conséquent, extrêmement probants et admissibles. De même, il est possible que, considérées ensemble, un certain nombre de similitudes importantes soient telles que leur effet cumulatif justifie l'admission de la preuve. Ordinairement, lorsque la question de l'identité est en litige, le juge du procès devrait examiner la façon dont les actes similaires ont été commis -- c'est-à-dire examiner si ces actes laissent voir une marque singulière ou révèlent un certain nombre de similitudes importantes. Cet examen lui permettra de déterminer si les faits similaires reprochés ont tous été commis par la même personne. Cette constatation préliminaire établit l'improbabilité objective que l'implication de l'accusé dans les actes reprochés soit le fruit d'une coïncidence et confère ainsi à la preuve la force probante requise. En conséquence, lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour établir l'identité, une fois cette constatation préliminaire faite, les éléments de preuve relatifs à l'acte similaire (ou au chef d'accusation, dans un acte d'accusation comportant plusieurs chefs) peuvent être admis pour prouver la perpétration d'un autre acte (ou chef d'accusation).

TT. En résumé, dans R. c. C. (M.H.), [1991] 1 R.C.S. 763, le juge McLachlin a énoncé avec justesse le droit relatif à l'admissibilité d'une preuve de faits similaires. Elle a exposé très clairement ces principes aux pp. 771 et 772:

Cette preuve est susceptible d'avoir un grave effet préjudiciable en amenant le jury à penser que l'accusé est une «mauvaise personne». En même temps, elle est d'une pertinence limitée relativement à la vraie question, celle de savoir si l'accusé a commis l'infraction particulière dont il est inculpé. Il y aura des cas, cependant, où la preuve d'actes similaires touchera à autre chose que la disposition et sera considérée comme ayant une véritable valeur probante. Cette valeur probante tient ordinairement au fait que les actes comparés sont à ce point inhabituels et présentent des similitudes à ce point frappantes que ces similitudes ne peuvent pas être attribuées à une coïncidence. Cette preuve ne devrait être utilisée que lorsque la force probante l'emporte nettement sur le préjudice, ou sur le danger que le jury rende un verdict de culpabilité pour des raisons illogiques.

UU. L'arrêt C. (M.H.), précité, n'a pas tranché la question de la norme de preuve qui devrait être appliquée par le juge du procès dans les cas où une preuve de faits similaires est produite pour établir l'identité. À cet égard, il ne faut pas oublier que l'admissibilité d'une preuve de faits similaires demande une analyse que le juge du procès ne fait pas en temps normal. En règle générale, le juge du procès admet un élément de preuve dont la pertinence est établie, et il n'évalue pas le poids ou valeur probante de cet élément. Si le juge du procès est appelé à tirer une conclusion de fait préliminaire en tant que condition préalable à l'admissibilité, cette conclusion n'a habituellement pas de lien avec la qualité ou la fiabilité de l'élément de preuve lui‑même. Voir R. c. Egger, [1993] 2 R.C.S. 451, à la p. 474. De fait, le juge doit s'abstenir d'évaluer la qualité, le poids ou la fiabilité de l'élément de preuve lorsqu'il décide de son admissibilité, puisque le poids qu'il convient de lui accorder relève de la compétence du jury. Voir R. c. Charemski, [1998] 1 R.C.S. 679. Toutefois, pour décider de l'admissibilité d'une preuve de faits similaires, le juge du procès doit, dans une certaine mesure, empiéter sur cette compétence. Comme a dit le professeur Smith dans Case and Comment on R. c. Hurren, [1962] Crim. L. Rev. 770, à la p. 771:

[traduction] Il convient de souligner que les juges font habituellement une distinction entre les faits qui se rapportent au poids plutôt qu'à l'admissibilité (voir, par exemple, R. c. Wyatt); mais nous soumettons que, pour ce qui est de la preuve de faits similaires, il n'est pas possible de tracer une ligne de démarcation nette, et l'admissibilité dépend du poids.

VV. En conséquence, lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour prouver un fait en litige, pour décider de son admissibilité le juge du procès doit apprécier le degré de similitude des faits reprochés et déterminer si l'improbabilité objective d'une coïncidence a été établie. Ce n'est que dans ce cas que la preuve aura une valeur probante suffisante pour être admissible. Lorsque le fait en litige est l'identité de l'auteur du crime, alors, dans le cours normal des choses, le juge du procès doit apprécier le degré de similitude qui ressort de la façon dont les actes en cause ont été commis pour déterminer s'il est probable que les actes similaires reprochés ont été commis par la même personne. Une fois qu'il a été établi, selon la prépondérance des probabilités, que les actes similaires reprochés ont été commis par la même personne, la preuve de faits similaires peut être admise pour établir que l'accusé a commis l'infraction ou les infractions en question.

WW. Afin de décider si une preuve de faits similaires doit être admise pour établir l'identité, le juge du procès doit tenir compte de la manière dont les actes similaires allégués ont été commis. En général, la preuve qui lie l'accusé à chaque acte similaire reproché ne devrait pas faire partie de cette évaluation. Comme le dit Peter K. McWilliams dans Canadian Criminal Evidence (3e éd. 1988 (feuilles mobiles)), à la p. 11‑26.1, [traduction] «[l]e lien [avec l'accusé] [. . .] est distinct du lien ou de la connexion [. . .] qui touche à la nature de l'acte et se rapporte à sa similitude ou à sa pertinence qui doit être telle qu'elle écarte la règle générale d'exclusion» (en italique dans l'original). Cette distinction est clairement indiquée dans Case and Comment on R. c. Brown, Wilson, McMillan and McClean, [1997] Crim. L. Rev. 502, à la p. 503 (sommaire de Richard Percival):

[traduction] . . . La preuve révélait des similitudes frappantes entre les deux groupes d'infractions, et il existait une signature ou autre caractéristique spéciale. [. . .] Une fois établi ce lien entre les groupes d'infractions, alors la preuve qui liait un défendeur à chaque groupe d'infractions était admissible contre lui relativement à l'autre groupe. [Je souligne.]

Voir aussi R. c. Barnes, [1995] 2 Cr. App. R. 491 (C.A.), aux pp. 496 à 498. Autrement dit, la similitude des actes indique si une seule et même personne a commis les crimes; dans la plupart des cas, la preuve relative au lien entre l'accusé et chaque acte similaire indique si l'accusé a commis les crimes. Ce n'est qu'après que le juge du procès a examiné la façon dont les actes similaires ont été commis et qu'il est convaincu de l'existence d'éléments de preuve qui pourraient amener le jury à conclure que tous les actes ont été commis par une seule et même personne qu'il doit admettre la preuve se rapportant à chaque acte et la soumettre au jury, y compris la preuve de la participation de l'accusé à la perpétration de chaque acte similaire.

XX. En résumé, dans l'examen de la question de l'admissibilité d'une preuve de faits similaires, la règle fondamentale est que le juge du procès doit d'abord décider si la valeur probante de cette preuve l'emporte sur son effet préjudiciable. Dans la plupart des cas où une preuve de faits similaires est produite pour établir l'identité, il pourrait être utile au juge du procès de prendre en considération les suggestions suivantes lorsqu'il décide si la preuve doit être admise:

(1) En règle générale lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour prouver l'identité, un degré élevé de similitude doit exister entrer les actes pour faire en sorte que cette preuve ait une valeur probante qui l'emporte sur son effet préjudiciable, conformément à ce qui est requis pour qu'elle soit admissible. La similitude entre les actes peut consister en une marque ou signature singulière caractérisant une série de similitudes importantes.

(2) Dans l'appréciation de la similitude des actes, le juge du procès devrait uniquement examiner la façon dont les actes ont été commis et non la preuve relative à la participation de l'accusé à chaque acte.

(3) Il est bien possible qu'il y ait des exceptions, mais en règle générale s'il existe entre les actes un degré de similitude tel qu'il est probable que ces derniers ont été commis par la même personne, la preuve de faits similaires aura ordinairement une force probante suffisante pour l'emporter sur son effet préjudiciable et elle peut être admise.

(4) Le jury sera alors en mesure d'examiner toute la preuve relative aux faits qui, prétend‑on, sont similaires pour déterminer si l'accusé est coupable d'avoir commis l'un ou l'autre des actes.

Les observations qui précèdent sont faites, répétons‑le, non pas en tant que règles rigides, mais simplement en tant que suggestions susceptibles d'aider les juges qui président des procès dans leur façon d'aborder une preuve de faits similaires.

YY. Le critère d'admissibilité d'une preuve de faits similaires produite pour prouver l'identité est le même, que les actes similaires allégués soient définitivement attribués à l'accusé ou qu'ils fassent l'objet d'un acte d'accusation reprochant plusieurs chefs d'accusation à l'accusé. Voir Boardman, précité, à la p. 896, lord Wilberforce.

ZZ. Toutefois, lorsque les actes similaires allégués font partie d'un acte d'accusation reprochant plusieurs chefs, la question de l'admissibilité d'une preuve de faits similaires devra être prise en considération pour décider s'il convient de séparer les chefs d'accusation. Néanmoins, le juge du procès devrait prendre soin de ne pas confondre la question de l'admissibilité et celle de la séparation des chefs d'accusation. Une requête sollicitant la tenue de procès distincts fondée sur l'al. 591(3)a) du Code doit être présentée par l'accusé, lequel a alors le fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que les intérêts de la justice exigent une ordonnance en ce sens. Cependant, c'est au ministère public qu'il appartient de démontrer que la preuve de faits similaires devrait être admise. Ces fardeaux respectifs peuvent entraîner l'examen de facteurs similaires, mais comme l'a souligné lord Scarman dans l'arrêt R. c. Scarrott (1977), 65 Cr. App. R. 125 (C.A.), à la p. 135, [traduction] «[c]e n'est pas parce qu'on a permis qu'un acte d'accusation comportant plusieurs chefs d'accusation reste intact qu'il sera, de ce fait, présenté des éléments de preuve à l'égard de tous les chefs reprochés dans l'acte». Par conséquent, pour paraphraser la Cour d'appel du Manitoba dans R. c. Khan (1996), 49 C.R. (4th) 160, à la p. 167, même si le juge du procès refuse d'ordonner la tenue de procès distincts sur les divers chefs reprochés dans un acte d'accusation, rien ne l'empêche, au fur et à mesure de la présentation de la preuve au procès, de décider, en tant que question de droit, que la preuve relative à un chef d'accusation n'est pas admissible comme preuve de faits similaires à l'égard des autres chefs d'accusation. L'appréciation d'une preuve de faits similaires et la détermination de sa valeur probante et de son admissibilité imposent au juge du procès une lourde tâche, tâche qui doit être accomplie avec beaucoup de soin.

2. Le lien avec l'accusé

AAA. Lorsque la preuve de faits similaires produite pour prouver l'identité tend à indiquer que les actes similaires ont été commis par la même personne, alors, logiquement, cette constatation rend la preuve rattachant l'accusé à chaque acte similaire pertinente à l'égard de la question de l'identité pour ce qui concerne l'infraction en cause. De même, dans un acte d'accusation comportant plusieurs chefs d'accusation, le lien entre l'accusé et un chef d'accusation sera pertinent à l'égard de la question de l'identité pour ce qui est des autres chefs d'accusation qui révèlent une similitude frappante du point de vue du mode de perpétration de ces infractions.

BBB. Toutefois, l'existence d'un lien entre l'accusé et les actes similaires allégués est également une condition préalable à l'admissibilité. Cette condition a été énoncée dans R. c. Sweitzer, [1982] 1 R.C.S. 949, à la p. 954:

Pour que des éléments de preuve soient reçus comme preuve d'actes similaires, il doit y avoir un lien entre les actes que l'on prétend similaires et l'accusé. En d'autres termes, il doit exister des éléments de preuve qui permettent au juge des faits de conclure à bon droit que les actes similaires que l'on veut invoquer sont effectivement les actes de l'accusé, car il est évident que, s'il ne s'agit pas de ses propres actes mais plutôt de ceux d'une autre personne, ceux‑ci n'ont aucun rapport avec les questions soulevées par l'acte d'accusation.

De même, dans Harris c. Director of Public Prosecutions, [1952] A.C. 694 (H.L.), il a été jugé, à la p. 708, que [traduction] «la preuve de «faits similaires» ne saurait en aucun cas être admise au soutien d'une infraction reprochée à l'accusé, à moins que ces faits ne soient liés d'une manière pertinente à l'accusé et à sa participation au crime».

CCC. Faudrait‑il exiger que le juge du procès conclue non seulement que la preuve tend à indiquer -- avec suffisamment de force pour l'emporter sur son effet préjudiciable -- que les actes sont le fait d'une seule et même personne, mais aussi qu'ils sont vraisemblablement le fait de l'accusé? C'est l'approche que préconise le professeur R. Mahoney dans «Similar Fact Evidence and the Standard of Proof», [1993] Crim. L. Rev. 185, aux pp. 196 et 197, et que favorisent implicitement les tribunaux qui ont souscrit, en matière de preuve de faits similaires, à l'approche «séquentielle» ou approche du «point d'ancrage». Voir, par exemple, R. c. Ross, [1980] 5 W.W.R. 261 (C.A.C.‑B.); R. c. J.T.S., [1997] A.J. No. 125 (QL) (C.A.).

DDD. La suggestion voulant que la preuve liant l'accusé aux actes similaires doive rattacher les actes à l'accusé va trop loin. Une fois que le juge du procès a conclu que les actes similaires sont probablement le fait d'une seule et même personne, et qu'il existe des éléments de preuve rattachant l'accusé aux actes similaires allégués, il n'est pas nécessaire de conclure que les actes similaires ont probablement été commis par l'accusé. La réponse à cette question peut bien déterminer de la culpabilité ou l'innocence. Il s'agit de la question même que le juge des faits doit trancher en tenant compte de l'ensemble des éléments de preuve se rapportant aux actes similaires, y compris évidemment la participation de l'accusé à chacun des actes. La norme énoncée dans l'arrêt Sweitzer devrait être conservée. Elle exige uniquement que le juge du procès soit convaincu qu'il existe des éléments de preuve rattachant l'accusé aux actes similaires.

EEE. Néanmoins, il convient de signaler que les arrêts Sweitzer et Harris, précités, indiquent que la preuve d'une simple occasion ne suffira pas pour établir «avec l'accusé un lien» suffisant pour rendre une preuve de faits similaires admissible. Cette restriction est expliquée ainsi par le vicomte Simon, dans Harris, précité, à la p. 708; celui‑ci affirme que les actes similaires doivent être liés [traduction] «d'une manière pertinente à l'accusé et à sa participation au crime» (je souligne). La preuve d'une simple occasion ne révélant rien d'autre que la possibilité que l'acte similaire soit le fait de l'accusé ne suffira pas pour démontrer la participation de l'accusé à l'acte similaire allégué. Même si la norme peu élevée qui est exposée dans l'arrêt Sweitzer est appropriée et souple, la preuve qui ne révèle rien d'autre qu'une simple possibilité que l'acte similaire allégué soit le fait de l'accusé ne suffira pas pour rendre la preuve de faits similaires admissible.

B. L'utilisation de la preuve de faits similaires par le jury

FFF. Les cours d'appel provinciales ont adopté deux approches très différentes quant à l'utilisation de la preuve de faits similaires. La première, qui a été appelée l'approche «cumulative» ou approche de la «mise en commun», découle de l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario Simpson, précité, le juge Martin. Voir aussi Lawson, précité; R. c. Eng (1995), 56 B.C.A.C. 18. Suivant cette approche, le juge dit au jury d'examiner les similitudes entre les divers chefs reprochés dans l'acte d'accusation et de décider, comme question préliminaire, si les infractions ont vraisemblablement été commises par une seule et même personne. Ce n'est que dans le cas où les jurés sont convaincus, selon la prépondérance des probabilités, que les infractions ont été commises par une seule et même personne qu'ils peuvent tenir compte de la preuve relative à chaque chef d'accusation pour décider si l'accusé a commis les autres infractions. S'ils sont incapables de tirer cette conclusion préliminaire, ils doivent examiner la preuve relative à chaque chef d'accusation séparément pour décider de l'innocence ou de la culpabilité de l'accusé. Il faut également rappeler aux jurés qu'ils ne peuvent déclarer l'accusé coupable à l'égard d'un chef d'accusation que s'ils sont convaincus hors de tout doute raisonnable qu'il est coupable de l'infraction en question.

GGG. En l'espèce, le juge du procès a donné ses directives au jury de la manière prévue dans l'arrêt Simpson. Il a déclaré ceci:

[traduction] Si vous arrivez à la conclusion que les infractions reprochées dans le chef d'accusation 1 et le chef d'accusation 2 ont vraisemblablement été commises par la même personne, alors la preuve relative à chaque chef d'accusation peut vous aider à décider si Brian Arp a commis les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation. Toutefois, si vous ne faites pas l'inférence que les deux infractions ont vraisemblablement été commises par la même personne, alors, pour parvenir à une décision à l'égard d'un chef donné, vous devez uniquement tenir compte de la preuve relative à ce chef et faire abstraction de la preuve relative à l'autre chef.

. . .

N'oubliez pas que vous ne pouvez déclarer l'accusé coupable du chef d'accusation 1 ou du chef d'accusation 2 que si vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable qu'il est coupable de ce qu'on lui reproche.

HHH. La deuxième approche, qui a été appelée l'approche «séquentielle» ou approche du «point d'ancrage», a été adoptée principalement par la Cour d'appel de l'Alberta: voir R. c. Studer (1996), 181 A.R. 399; R. c. N. (R.S.) (1995), 31 Alta. L.R. (3d) 424; Ross, précité. Cette approche est normalement utilisée dans les cas où la preuve de faits similaires découle d'un acte n'ayant pas donné lieu à des accusations, plutôt que d'un autre chef d'accusation dans le même acte d'accusation: voir CRIMJI, op. cit., 4.60. Lorsqu'elle est appliquée dans le contexte d'un acte d'accusation comportant plusieurs chefs, cette approche exige que le jury décide d'abord si l'accusé a commis l'une des infractions reprochées hors de tout doute raisonnable, en se fondant uniquement sur la preuve se rapportant à ce chef d'accusation. Ce n'est qu'après que le jury peut prendre en compte les circonstances de cette infraction comme preuve de faits similaires pour statuer sur les autres chefs d'accusation.

III. En l'espèce, le juge du procès a lui aussi donné au jury des directives conformes à cette approche. Il a dit ceci:

[traduction] Si vous acceptez la preuve relative au chef d'accusation 2 de l'acte d'accusation [le meurtre de Mme Umphrey] et concluez que Brian Arp est coupable de cette infraction, et si vous décidez également que l'infraction reprochée dans le chef d'accusation 1 [le meurtre de Mme Blanchard] a probablement été commise par la même personne, vous pouvez utiliser la preuve, particulièrement celle concernant l'utilisation de l'instrument tranchant, pour confirmer ou appuyer la preuve [relative au chef d'accusation 1].

JJJ. L'appelant soutient que le juge du procès a commis une erreur dans son exposé au jury, parce qu'il a omis de dire aux jurés que, avant d'utiliser la preuve relative à une des accusations de meurtre pour appuyer une conclusion de culpabilité à l'égard de l'autre chef de meurtre, ils devaient d'abord conclure hors de tout doute raisonnable (1) que l'accusé avait commis l'un des deux meurtres reprochés, en se fondant uniquement sur la preuve se rapportant à ce chef; ou (2) que la même personne avait commis les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation.

KKK. Pour trancher ces questions, il faut non seulement décider quelle est la norme de preuve applicable lorsqu'une preuve de faits similaires est utilisée par un jury, mais aussi exposer la bonne approche en ce qui concerne l'utilisation de cette preuve. Les possibilités algébriques qu'offrent ces deux questions sont impressionnantes. Au lieu de tenter d'évaluer chaque permutation ou combinaison séparément, il convient d'examiner les principes fondamentaux pour découvrir la bonne approche.

1. Les principes applicables

LLL. La première observation qui s'impose est qu'aucune norme de preuve ne s'applique à l'«utilisation» de la preuve ou à la preuve elle‑même. Les normes de preuve s'appliquent uniquement aux questions de fait. Voir Morin, précité. Lorsqu'une preuve de faits similaires (comme toute autre preuve circonstancielle) est produite pour établir l'identité, le jury est invité à en tirer des inférences et des conclusions de fait. La valeur probante de la preuve de faits similaires repose sur un raisonnement axé sur la probabilité. La force de la preuve réside dans la proposition voulant qu'il soit peu probable que l'accusé soit impliqué plus d'une fois dans des infractions présentant un caractère singulier ou une similitude frappante. C'est l'improbabilité d'une coïncidence qui donne à la preuve sa force probante.

MMM. Dans chaque cas, la question consiste à déterminer si la valeur probante de la preuve l'emporte sur son effet préjudiciable. Comme il a été souligné plus tôt, en règle générale, lorsqu'une preuve de faits similaires est présentée pour établir l'identité, si le juge du procès est convaincu qu'il est probable que la même personne a commis et l'acte similaire allégué et l'acte en cause, dans un tel cas la valeur probante de la preuve de ces actes similaires l'emportera sur son effet préjudiciable, et la preuve sera admise. Pour que le jury puisse s'appuyer sur une preuve de faits similaires, il doit lui aussi conclure que la même personne a commis les actes similaires allégués. Le chevauchement qui semble exister entre le rôle du juge et celui du jury découle du fait que l'admissibilité d'une preuve de faits similaires dépend fréquemment de son poids. Voir le commentaire de l'arrêt Hurren, précité. Comme l'a affirmé le juge Martin de la Cour d'appel dans Simpson, précité, aux pp. 345 et 346:

[traduction] Il était évidemment loisible au juge de décider, en tant que question de droit, si la preuve relative à chaque chef d'accusation était admissible relativement à l'autre chef. Dans les circonstances, sa décision à cet égard dépendait de la question de savoir s'il était convaincu que les similitudes entre les infractions étaient telles que les deux infractions avaient probablement été commises par un même homme. Il appartenait toutefois entièrement aux jurés de décider s'il convenait de faire cette inférence; la question de savoir s'ils feraient cette inférence serait fonction de leur opinion quant aux similitudes entre les circonstances des deux infractions. [Je souligne.]

Par conséquent, la principale question en litige dans le présent pourvoi est la norme de preuve qu'il convient d'appliquer à l'inférence fondamentale tirée de la preuve de faits similaires: Le jury doit‑il être convaincu selon la prépondérance des probabilités ou hors de tout doute raisonnable que la même personne a commis les actes en question?

NNN. Formuler la question de cette manière écarte effectivement l'approche séquentielle ou approche du point d'ancrage. C'est inévitable, car si la valeur probante d'une preuve de faits similaires, en tant que preuve circonstancielle, réside dans l'improbabilité d'une coïncidence, il n'est tout simplement pas logique d'exiger qu'une des allégations soit prouvée hors de tout doute raisonnable comme condition préalable à l'examen de cette preuve par le juge des faits. Bien qu'il soit possible que, à elle seule, la preuve de faits similaires n'apporte une preuve hors de tout doute raisonnable, elle peut être invoquée pour aider à prouver une autre allégation hors de tout doute raisonnable. Deux allégations distinctes peuvent s'étayer mutuellement au point de constituer une preuve hors de tout doute raisonnable, même lorsqu'un doute raisonnable peut avoir existé relativement à chaque allégation prise isolément. Voir R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72, au par. 44, citant R. c. Bouvier (1984), 11 C.C.C. (3d) 257 (C.A. Ont.), le juge Martin, conf. par [1985] 2 R.C.S. 485.

OOO. Ce raisonnement s'applique certainement lorsqu'une preuve de faits similaires est admise pour établir l'identité. Dans ces cas, le raisonnement découle de la similitude entre les actes eux‑mêmes. Comme le souligne le procureur général de l'Ontario intervenant, la valeur probante de la preuve n'est pas tributaire de la conclusion que les deux infractions ont nécessairement été commises par la même personne. Au contraire, c'est la probabilité qu'elles sont le fait de la même personne qui réduit suffisamment les risques de coïncidence et donne ainsi à la preuve une valeur probante légitime. L'improbabilité qu'un accusé soit impliqué dans deux infractions très similaires peut apporter une preuve circonstancielle de sa culpabilité à l'égard des deux infractions. Cette circonstance, conjuguée à d'autres éléments de preuve présentés au soutien de chaque accusation, peut signifier la culpabilité hors de tout doute raisonnable.

PPP. L'appelant soutient qu'il est contraire à la présomption d'innocence et aux principes de justice fondamentale de déclarer un accusé coupable sur le fondement d'une preuve relative à un chef d'accusation distinct ou à un acte similaire, même si le ministère public n'a pas prouvé hors de tout doute raisonnable le fait préliminaire capital qu'une seule et même personne a commis les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation. Je ne puis accepter cet argument. Comme l'a affirmé le procureur général de l'Ontario, on ne peut supposer que, parce qu'une constatation de fait préliminaire n'a pas été établie suivant la norme applicable en matière criminelle, le juge des faits est en conséquence invité à utiliser une preuve dépourvue de la valeur probante qu'elle est censée avoir. Il n'est pas intrinsèquement injuste qu'un accusé puisse être déclaré coupable même si le jury a des doutes sur la question de savoir si, à elle seule, la similitude entre les actes établit que la même personne les a commis tous les deux. L'argument de l'appelant présume qu'une similitude établie suivant un degré moindre de certitude n'a aucune valeur probante. Si l'appelant a raison, alors, suivant le même raisonnement, il faudrait conclure que la mauvaise décision a été rendue dans l'affaire R. c. Carter, [1982] 1 R.C.S. 938.

QQQ. Dans Carter, il a été statué que, pour qu'un jury puisse utiliser la déclaration d'un complice contre un accusé en tant qu'exception à la règle du ouï‑dire, le jury doit d'abord conclure, selon la prépondérance des probabilités et au moyen de la preuve directement admissible contre l'accusé, que le témoin et l'accusé ont participé au même complot. Ce n'est qu'après avoir tiré cette conclusion que le jury peut utiliser concrètement les déclarations relatées. La Cour a refusé d'appliquer la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable à cette conclusion de fait préliminaire, étant donné que l'application de cette norme aurait empêché le jury de trancher la question de fond dans cette affaire, soit la culpabilité de l'accusé relativement à l'accusation de complot.

RRR. D'une manière plus générale, dans R. c. Evans, [1993] 3 R.C.S. 653, il a été jugé qu'une conclusion de fait préliminaire déterminant l'utilisation d'un élément de preuve est normalement assujettie à la norme de preuve applicable en matière civile, que la conclusion soit tirée par le juge du procès à l'étape de l'admissibilité ou par le jury au début de ses délibérations. Dans Evans la preuve en litige était un aveu de l'accusé. Le juge Sopinka, qui a rédigé les motifs des juges majoritaires, a déclaré ceci, à la p. 668:

Notre Cour a affirmé que le juge des faits peut trancher les questions de fait préliminaires en se fondant sur la prépondérance des probabilités. [Citant l'arrêt Carter, précité.]

. . .

Si certains éléments de preuve permettent de soumettre la question au juge des faits, celle‑ci doit faire l'objet d'un examen en deux temps. Tout d'abord, il faut déterminer si, compte tenu de la preuve admissible contre l'accusé, le ministère public a établi selon la prépondérance des probabilités que la déclaration est celle de l'accusé. Une fois cette exigence préliminaire satisfaite, le juge des faits doit examiner le contenu de la déclaration en même temps que les autres éléments de preuve pour décider de l'innocence ou de la culpabilité de l'accusé.

Les principes généraux énoncés dans ces arrêts indiquent que le jury devrait décider, selon la prépondérance des probabilités, si les similitudes entre les actes établissent que les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation ont été commises par la même personne. Si cette condition préalable est satisfaite, le jury peut alors examiner l'ensemble de la preuve se rapportant aux actes similaires pour décider si l'accusé est coupable hors de tout doute raisonnable.

SSS. Toutefois, il y a dérogation à la règle générale selon laquelle les conclusions de fait préliminaires peuvent être tirées selon la prépondérance des probabilités dans les cas, certes rares, où l'admission de la preuve peut elle-même avoir un effet concluant en ce qui concerne la question de la culpabilité. Par exemple, lorsque le ministère public produit une déclaration de l'accusé à une personne en situation d'autorité, le juge du procès doit être convaincu hors de tout doute raisonnable du caractère volontaire de la déclaration. Cette preuve peut, si elle est tenue pour avérée, apporter en elle-même une preuve concluante de la culpabilité. Étant donné que l'existence d'un doute sur le caractère volontaire de la déclaration se répercute également sur la fiabilité de celle‑ci, il est justifié d'exiger une preuve hors de tout doute raisonnable. Voir Ward c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 30. Si la règle était différente, le jury serait autorisé à se fonder sur une preuve qu'il pourrait considérer très forte même si la fiabilité intrinsèque de cette preuve était douteuse.

TTT. En revanche, en tant que preuve circonstancielle, une preuve de faits similaires doit être qualifiée différemment, étant donné que, de par sa nature, elle ne peut pas être concluante quant à la culpabilité. Elle constitue simplement un des éléments de preuve à examiner parmi tous ceux qui constituent la preuve globale du ministère public. Sa valeur probante réside dans sa capacité d'étayer, par l'improbabilité d'une coïncidence, d'autres éléments de preuve inculpatoires. Comme pour tout élément de preuve circonstancielle, le jury décidera du poids qui doit lui être accordé. Le simple fait que, dans un cas particulier, le juge des faits pourrait accorder un poids élevé à une preuve de faits similaires est une toute autre chose que le concept selon lequel, de par sa nature, la preuve peut être décisive quant à la culpabilité.

UUU. Comme le concède le procureur général de l'Ontario intervenant, il est évidemment concevable qu'un seul élément de preuve circonstancielle soit la seule preuve d'un élément essentiel de l'infraction dans une affaire donnée. Il faudra alors appliquer la norme de preuve en matière criminelle dans ces circonstances afin de garantir le respect de l'exigence selon laquelle, dans une poursuite criminelle, chaque élément essentiel doit être prouvé hors de tout doute raisonnable. Par conséquent, lorsque la preuve du ministère public sur la question de l'identité repose entièrement sur l'unité sous‑jacente entre les actes similaires, il s'ensuit que la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable s'applique à la décision du jury sur la question de savoir si une seule et même personne a commis les deux actes.

VVV. L'appelant soutient que, comme il y a risque qu'une preuve de faits similaires fasse l'objet d'un mauvais usage préjudiciable par le juge des faits, une norme de preuve élevée devrait être imposée comme condition préalable à l'utilisation d'une telle preuve. Toutefois, le danger qu'un jury utilise mal une preuve de faits similaires en se livrant au raisonnement interdit est évité, d'une part, par l'application du critère d'admissibilité rigoureux, qui garantit que la preuve a une valeur probante suffisante pour écarter le risque d'un mauvais usage préjudiciable, et, d'autre part, par la mise en garde faite contre l'utilisation inappropriée de cette preuve. Ces mesures garantissent que la preuve a une valeur probante légitime avant d'être soumise au juge des faits et que le jury appréciera sa véritable pertinence. Empêcher le jury d'utiliser la preuve de façon appropriée une fois qu'elle a été admise ne ferait rien pour éviter qu'elle soit utilisée de manière inappropriée.

WWW. Pour ce motif, la bonne approche en ce qui concerne l'examen d'une preuve de faits similaires par un jury est l'approche «cumulative» ou approche de la «mise en commun». Par conséquent, en règle générale, lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour établir l'identité, il faudrait donner aux jurés la directive qu'une fois qu'ils ont conclu à l'existence d'une probabilité suffisante que la même personne a commis les actes similaires allégués, ils peuvent tenir compte de tous les éléments de preuve se rapportant aux actes similaires pour décider si l'accusé est coupable de l'acte en question.

2. L'utilisation d'une preuve sous‑tendant un acquittement antérieur en tant que preuve de faits similaires dans des poursuites subséquentes contre le même accusé

XXX. En dernier lieu, l'appelant invoque des arrêts dans lesquels il a été interdit au ministère public de produire, en tant que preuve de faits similaires, dans un procès subséquent intenté contre le même accusé, des témoignages faits dans des poursuites s'étant soldées par l'acquittement de l'accusé. Voir, par exemple, R. c. Cullen (1989), 52 C.C.C. (3d) 459 (C.A. Ont.); R. c. Verney (1993), 87 C.C.C. (3d) 363 (C.A. Ont.); R. c. M. (R.A.) (1994), 94 C.C.C. (3d) 459 (C.A. Man.); N. (R.S.), précité; R. c. Merdsoy (1994), 91 C.C.C. (3d) 517 (C.A.T.-N.). L'appelant soutient que ces arrêts sont incompatibles avec l'idée fondamentale qu'une preuve de faits similaires peut être utilisée parce que deux infractions ont probablement été commises par la même personne. L'appelant prétend que, si un accusé est déclaré coupable d'un des deux chefs d'un acte d'accusation mais qu'il est acquitté de l'autre chef, il faut alors conclure que les deux infractions n'ont pas été commises par la même personne, et la déclaration de culpabilité est viciée dans la mesure où elle reposait sur une preuve de faits similaires. Comme le souligne l'appelant, le problème des verdicts incompatibles disparaîtrait si l'on invitait le jury, au début de ses délibérations, à décider hors de tout doute raisonnable si les deux infractions ont été commises par la même personne. Cette approche a pour effet de fondre ensemble les deux chefs d'accusation en tant que conséquence nécessaire de l'utilisation d'une preuve de faits similaires, de sorte que le sort des deux chefs d'accusation doit être le même.

YYY. Dans les décisions où on a limité l'utilisation d'une preuve sous‑tendant un acquittement comme preuve de faits similaires dans un procès subséquent contre le même accusé, le tribunal s'est fondé sur l'arrêt de notre Cour Grdic c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 810. Le juge Lamer a écrit ceci, au nom de la majorité, à la p. 825:

Il n'existe pas différentes sortes d'acquittements et, à cet égard, je souscris au point de vue selon lequel [traduction] «le ministère public doit accepter en tant que principe fondamental de l'administration du droit criminel que, dans une poursuite criminelle subséquente, un acquittement équivaut à une déclaration d'innocence» [. . .] Aller au‑delà de l'acquittement pour le qualifier revient en fait à introduire le verdict de «non prouvé» qui [. . .] n'[. . .]a jamais fait partie [. . .] de notre droit.

. . .

Toutefois, cela ne signifie pas qu'aux fins de l'application de la doctrine de la res judicata, la poursuite ne peut rouvrir certaines ou toutes les questions soulevées au premier procès. Mais cela signifie effectivement que toute question qui a nécessairement dû être résolue en faveur de l'accusé pour qu'il y ait acquittement est réputée de façon irrévocable avoir été tranchée définitivement en faveur de l'accusé. . .

ZZZ. Le principe énoncé dans l'arrêt Grdic est fondamental pour notre système de justice. Il vise à faire en sorte qu'un accusé ne soit pas obligé de se défendre à répétition contre les mêmes allégations. Néanmoins, dans certaines circonstances, le fait qu'un accusé ait, dans le passé, été acquitté d'accusations pesant contre lui peut être pertinent à l'égard d'une question fondamentale dans un procès subséquent. Par exemple, dans R. c. Ollis, [1900] 2 Q.B. 758, l'inculpé était accusé d'avoir obtenu de l'argent par des faux‑semblants. Il avait obtenu des fonds en échange d'un chèque qu'on avait par la suite refusé d'accepter. Au terme du premier procès, l'accusé avait été acquitté pour le motif que, lorsqu'il avait remis le chèque au plaignant, il s'attendait à recevoir des fonds couvrant le chèque. Par la suite, l'accusé a de nouveau été inculpé d'avoir obtenu de l'argent par des faux‑semblants et, au second procès, le ministère public a produit le témoignage du premier plaignant en tant que preuve pertinente à l'égard de l'état d'esprit coupable de l'accusé. La cour a statué que la preuve était admissible. Comme l'a affirmé le juge Widgery dans G. (an infant) c. Coltart, [1967] 1 All E.R. 271 (Q.B.), à la p. 276:

[traduction] . . . il peut bien arriver que la preuve relative à l'accusation qui s'est soldée par un acquittement soit produite relativement à l'accusation subséquente, mais, si tel est le cas, cette preuve sera produite parce qu'elle est pertinente à l'égard de l'accusation subséquente, indépendamment de la question de savoir si l'accusé était innocent ou coupable de la première accusation. [Je souligne.]

Suivant ce raisonnement, la preuve de l'acquittement antérieur a été à bon droit admise dans Ollis. Elle a été admise pour prouver l'intention. Même si l'accusé avait été acquitté de la première accusation, le fait qu'il avait déjà subi un procès relativement à des accusations similaires se rapportait à sa connaissance d'un acte fautif, indépendamment de sa culpabilité relativement à la première accusation. Son procès et son acquittement antérieurs pouvaient être admis pour cette fin limitée, mais ils exigeaient évidemment des directives minutieuses de la part du juge du procès. Néanmoins, dans la plupart des situations, il sera injuste et inopportun d'admettre une preuve sous‑tendant l'acquittement antérieur en tant que preuve de faits similaires dans un procès subséquent contre le même accusé.

AAAA. Malgré cela, je ne puis accepter la thèse voulant que le principe énoncé dans l'arrêt Grdic, précité, s'applique aux verdicts rendus par le même juge des faits relativement à des accusations jugées ensemble dans un même procès. Il n'y a rien d'injuste ou de logiquement irréconciliable dans le fait qu'un jury ait un doute raisonnable sur la question de savoir si l'accusé a commis un acte, mais arrive également à la conclusion que l'accusé a probablement commis cet acte. Il peut très bien exister de bonnes raisons d'exclure une preuve de faits similaires sous‑tendant un acquittement antérieur dans une poursuite subséquente. Toutefois, ce principe ne s'applique pas lorsque les actes similaires allégués font l'objet d'un acte d'accusation comportant plusieurs chefs. Dans ces cas, le juge du procès devra donner des directives minutieuses au jury. Il est nécessaire d'expliquer au jury que la preuve produite relativement à un chef d'accusation à l'égard duquel celui‑ci prononce un acquittement peut être utilisée pour décider de la culpabilité à l'égard d'un ou plusieurs autres chefs.

BBBB. En résumé, lorsqu'une preuve de faits similaires est admise pour établir l'identité dans le cadre d'un acte d'accusation comportant plusieurs chefs, un bon exposé au jury devrait inclure les facteurs suivants, qui ont été examinés par le juge Martin de la Cour d'appel dans l'arrêt Simpson, précité, et par notre Cour dans les arrêts Sweitzer et D. (L.E.), précités:

(1) Le juge du procès devrait dire aux jurés qu'ils peuvent conclure, à la lumière de la preuve -- quoique rien ne les oblige à le faire -- que le mode de perpétration des infractions présente des similitudes telles qu'il est probable qu'elles ont été commises par la même personne.

(2) Le juge du procès devrait ensuite passer en revue les similitudes entre les infractions.

(3) Puis, le juge du procès devrait dire aux jurés que, s'ils concluent qu'il est probable que la même personne a commis plus d'une des infractions, alors la preuve relative à chacun de ces chefs d'accusation peut les aider à décider si l'accusé a commis les autres chefs d'accusation similaires.

(4) Le juge du procès doit dire aux jurés que, s'ils acceptent la preuve des actes similaires, cette preuve est pertinente, mais uniquement à l'égard de la fin limitée pour laquelle elle a été admise.

(5) Les jurés doivent être avertis qu'ils ne peuvent pas utiliser la preuve relative à un chef d'accusation pour inférer que l'accusé est une personne possédant une nature ou une disposition telle qu'elle a probablement commis les infractions reprochées dans les autres chefs d'accusation.

(6) Si les jurés ne concluent pas qu'il est probable que la même personne a commis les infractions similaires, ils doivent rendre leur verdict en examinant la preuve relative à chaque chef d'accusation séparément, et faire abstraction de la preuve relative aux autres chefs d'accusation.

(7) Enfin, le juge du procès doit évidemment indiquer clairement aux jurés qu'ils ne doivent déclarer l'accusé coupable d'un chef d'accusation que s'ils sont convaincus hors de tout doute raisonnable que l'accusé est coupable de l'infraction en question.

3. L'application au présent pourvoi

CCCC. La directive qu'a donnée le juge du procès aux jurés en se fondant sur l'arrêt Simpson, précité, -- c'est‑à‑dire que s'ils concluaient que les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation avaient probablement été commises par la même personne, ils pouvaient utiliser la preuve relative à chaque chef pour statuer sur la culpabilité de l'accusé à l'égard des deux chefs d'accusation --, ne porte atteinte ni à l'art. 7 ni à l'al. 11d) de la Charte. La directive supplémentaire indiquant aux jurés de décider si l'accusé était coupable du meurtre de Mme Umphrey et si les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation avaient été commis par une seule et même personne avant d'utiliser la preuve relative aux deux chefs à l'égard de l'un et l'autre chef ne peut pas avoir causé préjudice à l'accusé. Ce moyen d'appel doit donc être rejeté.

C. L'admissibilité des échantillons de cheveux et de poils

DDDD. L'appelant soutient que le prélèvement d'échantillons de cheveux et de poils et leur utilisation subséquente dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de Mme Umphrey ont porté atteinte aux droits que lui garantissent les art. 7 et 8 de la Charte, et que la preuve contestée aurait dû être écartée en application du par. 24(2) de la Charte. L'appelant affirme que la date pertinente pour décider s'il y a eu saisie en l'espèce est le 26 juillet 1990, date à laquelle il a consenti à fournir des échantillons de cheveux et de poils pubiens dans l'enquête sur le meurtre de Mme Blanchard. Il prétend que ce consentement ne s'appliquait pas à l'entreposage des échantillons et à leur utilisation subséquente dans l'enquête sur le meurtre de Mme Umphrey, et donc que la saisie des échantillons à une fin qui dépasse l'étendue du consentement initial est illégale.

EEEE. L'appelant plaide en outre que, même si notre Cour conclut que la date pertinente pour décider s'il y a eu saisie est le 16 mars 1993, date à laquelle des policiers ont saisi en vertu d'un mandat de perquisition les échantillons conservés par le laboratoire de la GRC, l'invalidité du consentement donné le 26 juillet 1990 saperait la légalité du mandat. Les policiers n'auraient alors pas été justifiés de «reprendre possession» des échantillons de cheveux et de poils pour les utiliser dans l'enquête sur la mort de Mme Umphrey si l'utilisation de ces échantillons était restreinte à l'enquête sur la mort de Mme Blanchard. Par conséquent, la saisie effectuée en vertu du mandat de perquisition violerait également l'art. 8 de la Charte.

FFFF. Les deux arguments de l'appelant reposent sur sa thèse que le prélèvement des échantillons à des fins qui dépassent l'étendue du consentement donné en 1990 constitue une saisie illégale. Comme l'a déclaré le juge Iacobucci pour la majorité dans Borden, précité, à la p. 160, il y a saisie chaque fois que l'État prend, sans le consentement d'un citoyen, un bien appartenant à ce dernier et à l'égard duquel il a une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Voir aussi R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417. Lorsque des policiers cherchent à obtenir des échantillons de sang ou des échantillons de cheveux et de poils d'un suspect, l'existence d'attentes en matière de respect de la vie privée en ce qui concerne l'intégrité physique est claire. Par conséquent, lorsque les policiers ne sont pas autorisés par la loi à exiger de tels échantillons, ceux‑ci ne peuvent être prélevés qu'avec le consentement du suspect.

GGGG. Dans les motifs qu'il a rédigés au nom de la majorité dans l'arrêt Borden, le juge Iacobucci a examiné attentivement le sens du mot consentement. Dans cette affaire, deux agressions sexuelles avaient été commises en l'espace de quelques mois. L'accusé avait été appréhendé relativement à la seconde agression. À la demande des policiers, il avait consenti à fournir des échantillons de cheveux et de poils ainsi qu'un échantillon de sang relativement à cette agression. Cependant, les policiers souhaitaient utiliser l'échantillon de sang pour prouver, au moyen d'une analyse génétique, que l'accusé était l'auteur de la première agression. L'accusé n'avait reçu à toutes fins utiles aucune indication que ces échantillons étaient également demandés relativement à la première agression. Les juges de la majorité ont statué qu'il existe un «lien entre l'étendue d'un consentement valide et l'étendue de la connaissance qu'a l'accusé des conséquences de ce consentement» (à la p. 163). Le juge Iacobucci a fait remarquer que, pour que la renonciation soit valide, la personne qui est censée donner son consentement doit posséder suffisamment de renseignements pour donner un consentement valide. Il s'est exprimé en ces termes, aux pp. 162 et 163:

Pour que la renonciation au droit à la protection contre les saisies abusives soit réelle, la personne qui est censée donner son consentement doit disposer de tous les renseignements requis pour pouvoir renoncer réellement à ce droit. Le droit de choisir exige non seulement que la personne puisse exercer sa volonté de préférer une solution à une autre, mais aussi qu'elle possède suffisamment de renseignements pour faire un choix utile. . .

. . . [Il existe un] lien entre l'étendue d'un consentement valide et l'étendue de la connaissance qu'a l'accusé des conséquences de ce consentement.

Il a ensuite tiré les conclusions suivantes, aux pp. 164 et 165:

Il leur incombait [aux policiers] à tout le moins de dire clairement à l'intimé qu'ils considéraient son consentement comme un consentement général à l'utilisation de l'échantillon relativement à d'autres infractions dont il pourrait être soupçonné. Je ne me prononce pas sur la question de savoir s'il y aurait eu saisie si les policiers n'avaient eu l'intention d'utiliser l'échantillon pour [la première] agression d'octobre, et l'avaient ensuite pris à cette fin, qu'après avoir saisi le sang pour l'utiliser dans [la seconde] affaire. . .

Le degré de conscience qu'un accusé doit avoir des conséquences d'une renonciation au droit qui lui est garanti par l'art. 8 dépend des faits particuliers de chaque cas. Évidemment, il ne sera pas nécessaire que l'accusé ait une compréhension approfondie de chacune des répercussions possibles de son consentement. Toutefois, il devrait comprendre notamment que les policiers comptent utiliser le produit de la saisie dans une enquête portant sur une infraction différente de celle pour laquelle il est détenu.

Par conséquent, le principe général qui se dégage de l'arrêt Borden est que l'étendue d'un consentement valide peut être limitée par l'étendue de la connaissance qu'a l'accusé et par l'information qui lui est donnée quant aux conséquences du consentement. Les juges majoritaires ont explicitement laissé en suspens la question soulevée par l'appelant dans cette affaire.

HHHH. Il convient de souligner que le juge en chef Lamer (avec l'appui du juge Gonthier) et le juge McLachlin ont exprimé une opinion sur cette question dans des remarques incidentes. Comme l'a dit le juge en chef Lamer, aux pp. 153 et 154:

Bien que je ne croie pas qu'il soit nécessaire ou souhaitable d'examiner la question plus générale des conditions requises pour un consentement valide, je suis d'accord avec le juge Iacobucci pour dire que l'individu doit être informé de l'objectif visé et déjà connu des policiers lorsqu'ils lui demandent son consentement.

Toutefois, je ne voudrais pas que l'on considère que cela signifie que je souscris au principe général voulant qu'une fois qu'il est donné validement dans le contexte du droit criminel, le consentement restreint les usages qui peuvent être faits de l'échantillon ou des résultats de son analyse. Une telle approche risque d'entraîner une analyse compartimentée des enquêtes et des consentements donnés à des fouilles, perquisitions et saisies. [Je souligne.]

Dans de brefs motifs concordants, le juge McLachlin a convenu avec le Juge en chef que l'individu doit être informé de l'«objectif visé et déjà connu des policiers lorsqu'ils lui demandent son consentement» (à la p. 171), mais a confiné cette observation aux faits de l'affaire Borden. À la p. 171, elle a souligné que sert un intérêt public important le fait de permettre aux policiers de mettre la preuve obtenue relativement à une infraction en corrélation avec d'autres infractions non résolues. À cet égard, les commentaires faits par la Commission de réforme du droit, à la p. 76 de son Document de travail 34 intitulé Les méthodes d'investigation scientifiques (1984), sont pertinentes:

Nous pensons qu'il est vraisemblable, au contraire, que la destruction de certains dossiers dans de telles circonstances pourrait nuire à la police dans l'exercice de son rôle légitime qui est de détecter la criminalité et de protéger l'ensemble de la société au lieu de constituer une garantie utile et valable du droit des gens honnêtes à leur vie privée. Les copies authentiques d'empreintes digitales, par exemple, peuvent avoir une importance capitale quand l'investigation porte sur des crimes graves qui sont commis par des personnes qui, quelle que soit la raison, n'ont pas été reconnues coupables d'infractions dont elles étaient en fait coupables. Peut‑on affirmer que la conservation des copies authentiques d'empreintes digitales obtenues légalement et d'une manière raisonnable «(empiète) de façon abusive ou arbitraire sur les droits et libertés des personnes . . .»?

IIII. Néanmoins, les arrêts de notre Cour indiquent clairement que, pour que le consentement au prélèvement d'échantillons de substances corporelles soit valide, il doit reposer sur un consentement éclairé. En d'autres mots, les personnes qui donnent ce consentement doivent être au courant de leurs droits et, autant que possible, des conséquences de leur consentement. Voir Borden, précité, aux pp. 161 et 162; et R. v. Mellenthin, [1992] 3 R.C.S. 615, à la p. 624. Toutefois, si ni les policiers ni la personne qui donne son consentement ne limitent l'utilisation qui peut être faite de l'élément de preuve, alors, en règle générale, l'utilisation de cet élément de preuve ne devrait être assortie d'aucune limite ou restriction. Comme l'a expliqué le juge Iacobucci dans Borden, précité, à la p. 164, «il ne sera pas nécessaire que l'accusé ait une compréhension approfondie de chacune des répercussions possibles de son consentement» pour que le consentement soit valide.

JJJJ. J'admets que l'obligation faite aux policiers d'obtenir un consentement valide ne concerne que la divulgation des objectifs visés et déjà connus des policiers lorsque le consentement est donné. Imposer une obligation plus grande pourrait, comme l'a expliqué le Juge en chef, à la p. 154, «permettre d'interpréter l'équivalent de privilèges complexes relatifs à la preuve en fonction des fins pour lesquelles la preuve a tout d'abord été obtenue ou des renseignements qui ont été fournis au moment où le consentement a été donné». Ce point de vue est compatible avec la conclusion des juges majoritaires, à la p. 164, qu'«il ne sera pas nécessaire que l'accusé ait une compréhension approfondie de chacune des répercussions possibles de son consentement» pour que le consentement soit valide.

KKKK. En l'absence de toute restriction dont les policiers ou la partie donnant son consentement auraient assorti l'utilisation devant être faite des échantillons de cheveux ou de poils, il n'y a rien d'intrinsèquement injuste ou illégal dans le fait de permettre à des policiers de conserver des éléments de preuve recueillis dans le cadre d'une enquête donnée et de les utiliser dans une enquête subséquente qui n'était pas prévue au moment où le consentement a été donné. En l'espèce, les policiers ne pouvaient pas vraiment prévoir que, 30 mois après avoir obtenu légalement les échantillons de poils et de cheveux de l'appelant, ce dernier serait de nouveau un suspect dans une autre affaire d'homicide. De plus, au moment du prélèvement des échantillons, l'appelant a été clairement informé que, si les policiers recueillaient [traduction] «quelque élément de preuve grâce à cet échantillon de cheveux et de poils, [cet élément serait utilisé] devant les tribunaux» (je souligne). Par conséquent, il est évident que le consentement de l'appelant n'était assorti d'aucune limite et qu'il n'était pas vicié par sa méconnaissance des conséquences de ce consentement. La saisie des échantillons de cheveux et de poils en 1990 était légale et raisonnable.

LLLL. À mon avis, une fois les échantillons de cheveux et de poils prélevés par les policiers avec le consentement inconditionnel et raisonnablement éclairé de l'accusé, celui‑ci a cessé d'avoir à leur égard des attentes en matière de respect de sa vie privée. Comme l'a déclaré le juge du procès dans sa décision sur l'admissibilité de la preuve tirée des échantillons de cheveux et de poils:

[traduction] À mon avis, il est illogique et inacceptable de prétendre que la personne qui donne volontairement aux policiers un échantillon d'une substance corporelle -- qu'il s'agisse de cheveux, de poils ou de sang, en sachant parfaitement que cet échantillon sera utilisé dans le cadre d'une enquête -- continue d'avoir des attentes en matière de respect de sa vie privée en ce qui a trait au «contenu informationnel» de cet échantillon. Selon moi, il n'existait aucune attente de la sorte, réelle ou implicite . . .

Le juge du procès a examiné la question de la validité du consentement à l'utilisation des échantillons de cheveux et de poils. Il a estimé que le consentement était valide et, compte tenu de la preuve dont il disposait, il était fondé à tirer cette conclusion. Dans ces circonstances, sa décision devrait être acceptée.

MMMM. Toutefois, pour les fins du présent pourvoi, il est inutile de se demander si, après avoir consenti inconditionnellement au prélèvement des échantillons par les policiers, l'appelant a pu conserver un droit au respect de sa vie privée à l'égard de ces échantillons ou des renseignements susceptibles d'en être tirés. Les policiers ont saisi les échantillons au laboratoire de la GRC en 1993 en vertu d'un mandat de perquisition. L'appelant a plaidé que l'invalidité du consentement donné le 26 juillet 1990 saperait la légalité du mandat, mais le consentement donné en 1990 était valide à tous égards, et la validité du mandat n'a été attaquée d'aucune autre façon. Par conséquent, même si l'appelant avait encore quelque droit au respect de sa vie privée en ce qui concerne les échantillons de cheveux et de poils, ces échantillons ont été saisis en vertu d'un mandat décerné régulièrement. La validité de ce mandat n'a pas été contestée directement.

IV. Le dispositif

NNNN. En définitive, le pourvoi est rejeté.

Pourvoi rejeté.

Procureur de l'appelant: G. D. McKinnon, c.r., Vancouver.

Procureur de l'intimée: Le procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

Procureur de l'intervenant le procureur général du Canada: Le procureur général du Canada, Ottawa.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario: Le procureur général de l'Ontario, Toronto.

Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Alberta: Le procureur général de l'Alberta, Edmonton.


Synthèse
Référence neutre : [1998] 3 R.C.S. 339 ?
Date de la décision : 26/11/1998
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Preuve - Preuve de faits similaires - Norme de preuve applicable aux conclusions tirées d'une preuve de faits similaires - L'application de la norme civile porterait‑elle atteinte aux principes de justice fondamentale et au droit à la présomption d'innocence garantis par la Charte? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, 11d).

Droit constitutionnel -- Charte des droits - Fouilles, perquisitions et saisies abusives - Échantillons de substances corporelles obtenus avec le consentement de l'intéressé dans le cours d'une enquête sur un premier crime - Échantillons saisis en vertu d'un mandat et analysés dans le cadre d'une enquête sur un second crime - L'admission en preuve des échantillons de substances corporelles a‑t-elle porté atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives garanti par les art. 7 et 8 de la Charte - Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, 8.

Deux femmes ont été assassinées à deux ans et demi d'intervalle dans la même ville et dans des circonstances similaires.

L'accusé a été arrêté après le premier meurtre. Il a fourni des échantillons de cheveux et de poils pubiens aux policiers chargés de l'enquête, qui lui avaient demandé s'il était intéressé à les aider à l'éliminer comme suspect. Les échantillons devaient servir à déterminer si des cheveux ou des poils lui appartenant avaient été trouvés à l'endroit où la victime avait été découverte. L'accusé a été libéré étant donné qu'aucun échantillon ne correspondait à ceux prélevés sur le manteau de la victime. (L'utilisation des échantillons pour fins d'analyse génétique n'avait pas été envisagée à ce moment‑là.) Un policier a avisé l'accusé que si ces échantillons permettaient de recueillir quelque élément de preuve, cet élément serait utilisé devant les tribunaux.

Dans le cadre de l'enquête menée sur le second meurtre, l'accusé a refusé de fournir des échantillons de substances corporelles pour fins d'analyse génétique. Toutefois, des mégots de cigarettes fumées par l'accusé ont été ramassés après l'interrogatoire policier et soumis à des analyses génétiques. On a constaté une concordance entre ces mégots et le sperme prélevé sur la seconde victime. Les cheveux et les poils pubiens fournis par l'accusé au cours de l'enquête sur le premier meurtre ont été utilisés pour des analyses génétiques et une concordance a été constatée entre ces échantillons et les mégots de cigarette et le sperme. L'appelant a été arrêté et inculpé du meurtre au premier degré de la seconde victime, puis il a à nouveau été arrêté à l'égard du meurtre de la première victime et inculpé de meurtre au premier degré.

L'avocat de la défense a vainement demandé à deux reprises -- avant le procès ainsi qu'à la fin d'un long voir‑dire -- que les deux chefs d'accusation de meurtre contenus dans l'acte d'accusation soient séparés. L'avocat a également contesté l'admissibilité des échantillons prélevés et utilisés par les policiers pour les analyses génétiques ainsi que l'admissibilité de la preuve génétique elle‑même. La preuve a été déclarée admissible. Un jury a reconnu l'accusé coupable des deux chefs d'accusation. L'appel formé par ce dernier devant la Cour d'appel a été rejeté.

La présente affaire soulevait deux questions principales. Premièrement, pour tirer des conclusions fondées sur une preuve de faits similaires, le jury doit‑il être convaincu que la même personne a commis les actes en question selon la norme de preuve applicable en matière civile ou selon celle applicable en matière criminelle, et si la norme civile s'appliquait, y aurait‑il atteinte aux principes de justice fondamentale (art. 7) et au droit à la présomption d'innocence (al. 11d)) garantis par la Charte canadienne des droits et libertés? Deuxièmement, l'admission en preuve d'échantillons de cheveux et de poils obtenus avec le consentement de l'intéressé au cours d'une enquête policière puis utilisés dans le cadre d'une enquête distincte a‑t-elle porté atteinte au droit de l'accusé d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives garanti par les art. 7 et 8 de la Charte?

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Pour décider si une preuve de faits similaires doit être déclarée admissible, la question fondamentale qui doit être tranchée est de savoir si la valeur probante de cette preuve l'emporte sur son effet préjudiciable. Par conséquent, lorsque l'identité est un point litigieux dans une affaire et qu'il est démontré que l'accusé a commis des actes présentant des similitudes frappantes avec le crime reproché, le jury n'est pas invité à inférer des habitudes ou de la disposition de l'accusé qu'il est le genre de personne qui commettrait ce crime. Au contraire, le jury est plutôt invité à inférer du degré de particularité ou de singularité qui existe entre le crime perpétré et l'acte similaire que l'accusé est la personne même qui a commis le crime. Cette inférence n'est possible que si le haut degré de similitude entre les actes rend une coïncidence objectivement improbable. Une fois cette constatation préliminaire faite, les éléments de preuve relatifs aux faits similaires (ou au chef d'accusation, dans un acte d'accusation comportant plusieurs chefs) peuvent être admis pour prouver la perpétration d'un autre acte (ou chef d'accusation).

Plusieurs suggestions ont été faites pour aider les juges dans leur démarche concernant la preuve de faits similaires. Lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour établir l'identité, un degré élevé de similitude doit exister entre les actes puisque cette preuve doit avoir une valeur probante qui l'emporte sur son effet préjudiciable, conformément à ce qui est requis pour qu'elle soit admissible. La similitude entre les actes peut consister en une marque ou signature singulière caractérisant une série de similitudes importantes. Dans l'appréciation de la similitude des actes, le juge du procès devrait uniquement examiner la façon dont les actes ont été commis et non la preuve relative à la participation de l'accusé à chaque acte. Il est bien possible qu'il y ait des exceptions, mais, en règle générale, si le juge du procès est convaincu, lorsqu'il apprécie la similitude des actes de cette façon, qu'il existe entre les actes un degré de similitude tel qu'il est probable que ces derniers ont été commis par la même personne, la preuve de faits similaires aura ordinairement une force probante suffisante pour l'emporter sur son effet préjudiciable et elle peut être admise. Le jury sera alors en mesure d'examiner toute la preuve relative aux faits qui, prétend‑on, sont similaires pour déterminer si l'accusé est coupable d'avoir commis l'un ou l'autre des actes. Le critère d'admissibilité d'une preuve de faits similaires produite pour établir l'identité est le même, que les actes similaires allégués soient définitivement attribués à l'accusé ou qu'ils fassent l'objet d'un acte d'accusation reprochant plusieurs chefs d'accusation à l'accusé.

Lorsque les actes similaires allégués font partie d'un acte d'accusation reprochant plusieurs chefs, la question de l'admissibilité d'une preuve de faits similaires doit être prise en considération pour décider s'il convient de séparer les chefs d'accusation. Une requête sollicitant la tenue de procès distincts doit être présentée par l'accusé, lequel a alors le fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que les intérêts de la justice exigent une ordonnance en ce sens. C'est au ministère public qu'il appartient de démontrer que la preuve de faits similaires devrait être admise.

Lorsque la preuve de faits similaires produite pour établir l'identité tend à indiquer que les actes similaires ont été commis par la même personne, alors, logiquement, cette constatation rend la preuve rattachant l'accusé à chaque acte similaire pertinente à l'égard de la question de l'identité pour ce qui concerne l'infraction en cause. De même, dans un acte d'accusation comportant plusieurs chefs d'accusation, le lien entre l'accusé et un chef d'accusation sera pertinent à l'égard de la question de l'identité pour ce qui est des autres chefs d'accusation qui révèlent une similitude frappante du point de vue du mode de perpétration de ces infractions.

L'existence d'un lien entre l'accusé et les actes similaires allégués est également une condition préalable à l'admissibilité. Il n'est pas nécessaire que la preuve liant l'accusé aux actes similaires rattache les actes à l'accusé aussi. Une fois que le juge du procès a conclu que les actes similaires sont probablement le fait d'une seule et même personne, et qu'il existe des éléments de preuve rattachant l'accusé aux actes, il n'est pas nécessaire de conclure que les actes similaires ont probablement été commis par l'accusé. Le juge des faits doit trancher cette question en tenant compte de l'ensemble des éléments de preuve se rapportant aux actes. La preuve d'une simple occasion ne révélant rien d'autre que la possibilité que l'acte similaire soit le fait de l'accusé ne suffira pas pour démontrer la participation de celui‑ci à l'acte similaire allégué.

La norme de preuve qu'il convient d'appliquer à l'inférence fondamentale tirée de la preuve de faits similaires est la prépondérance des probabilités. Comme la valeur probante d'une preuve de faits similaires, en tant que preuve circonstancielle, réside dans l'improbabilité d'une coïncidence, il n'est tout simplement pas logique d'exiger qu'une des allégations soit prouvée hors de tout doute raisonnable comme condition préalable à l'examen de cette preuve par le juge des faits. Bien qu'il soit possible que, à elle seule, la preuve de faits similaires n'apporte pas une preuve hors de tout doute raisonnable, elle peut être invoquée pour aider à prouver une autre allégation hors de tout doute raisonnable. (Il y a dérogation à la règle générale selon laquelle les conclusions de fait préliminaires peuvent être tirées selon la prépondérance des probabilités dans les cas, certes rares, où l'admission de la preuve peut elle‑même avoir un effet concluant en ce qui concerne la question de la culpabilité.) La bonne approche en ce qui concerne l'examen d'une preuve de faits similaires par un jury est donc l'approche «cumulative» ou approche de la «mise en commun». Par conséquent, en règle générale, lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour établir l'identité, il faudrait donner aux jurés la directive qu'une fois qu'ils ont conclu à l'existence d'une probabilité suffisante que la même personne a commis les actes similaires allégués, ils peuvent tenir compte de tous les éléments de preuve se rapportant aux actes similaires pour décider si l'accusé est coupable de l'acte en question.

Lorsqu'une preuve de faits similaires est admise pour établir l'identité dans le cadre d'un acte d'accusation comportant plusieurs chefs, un bon exposé au jury devrait inclure les facteurs suivants:

(1) Le juge du procès devrait dire aux jurés qu'ils peuvent conclure, à la lumière de la preuve — quoique rien ne les oblige à le faire — que le mode de perpétration des infractions présente des similitudes telles qu'il est probable qu'elles ont été commises par la même personne.

(2) Le juge du procès devrait ensuite passer en revue les similitudes entre les infractions.

(3) Puis, le juge du procès devrait dire aux jurés que, s'ils concluent qu'il est probable que la même personne a commis plus d'une des infractions, alors la preuve relative à chacun de ces chefs d'accusation peut les aider à décider si l'accusé a commis les autres chefs d'accusation similaires.

(4) Le juge du procès doit dire aux jurés que, s'ils acceptent la preuve des actes similaires, cette preuve est pertinente, mais uniquement à l'égard de la fin limitée pour laquelle elle a été admise.

(5) Les jurés doivent être avertis qu'ils ne peuvent pas utiliser la preuve relative à un chef d'accusation pour inférer que l'accusé est une personne possédant une nature ou une disposition telle qu'elle a probablement commis les infractions reprochées dans les autres chefs d'accusation.

(6) Si les jurés ne concluent pas qu'il est probable que la même personne a commis les infractions similaires, ils doivent rendre leur verdict en examinant la preuve relative à chaque chef d'accusation séparément, et faire abstraction de la preuve relative aux autres chefs d'accusation.

(7) Enfin, le juge du procès doit indiquer clairement aux jurés qu'ils ne doivent déclarer l'accusé coupable d'un chef d'accusation que s'ils sont convaincus hors de tout doute raisonnable que l'accusé est coupable de l'infraction en question.

La directive qu'a donnée le juge du procès aux jurés — c'est‑à‑dire que s'ils concluaient que les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation avaient probablement été commises par la même personne, ils pouvaient utiliser la preuve relative à chaque chef pour statuer sur la culpabilité de l'accusé à l'égard des deux chefs d'accusation — ne porte atteinte ni à l'art. 7 ni à l'al. 11d) de la Charte. La directive supplémentaire indiquant aux jurés de décider si l'accusé était coupable du second meurtre et si les infractions reprochées dans les deux chefs d'accusation avaient été commises par une seule et même personne avant d'utiliser la preuve relative aux deux chefs à l'égard de l'un et l'autre chef ne peut pas avoir causé préjudice à l'accusé.

Pour que le consentement au prélèvement d'échantillons de substances corporelles soit valide, il doit reposer sur un consentement éclairé. Toutefois, si ni les policiers ni la personne qui donne son consentement ne limitent l'utilisation qui peut être faite de l'élément de preuve, alors, en règle générale, l'utilisation de cet élément de preuve ne devrait être assortie d'aucune limite ou restriction. L'obligation faite aux policiers d'obtenir un consentement valide ne concerne que la divulgation des objectifs visés et déjà connus des policiers lorsque le consentement est donné. En l'absence de toute restriction dont les policiers ou la partie donnant son consentement auraient assorti l'utilisation devant être faite des échantillons de cheveux ou de poils, il n'y a rien d'intrinsèquement injuste ou illégal dans le fait de permettre à des policiers de conserver des éléments de preuve recueillis dans le cadre d'une enquête donnée et de les utiliser dans une enquête subséquente qui n'était pas prévue au moment où le consentement a été donné. Une fois les échantillons de cheveux et de poils prélevés par les policiers avec le consentement inconditionnel et raisonnablement éclairé de l'accusé, celui‑ci a cessé d'avoir à l'égard de ces échantillons des attentes en matière de respect de sa vie privée. Il est inutile de se demander si, après avoir consenti inconditionnellement au prélèvement des échantillons par les policiers, l'accusé a pu conserver un droit au respect de sa vie privée à l'égard de ces échantillons ou des renseignements susceptibles d'en être tirés.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Arp

Références :

Jurisprudence
Arrêt critiqué: Director of Public Prosecutions c. Boardman, [1975] A.C. 421
arrêts examinés: R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145
R. c. B. (C.R.), [1990] 1 R.C.S. 717
R. c. P., [1991] 3 All E.R. 337
R. c. Carter, [1982] 1 R.C.S. 938
arrêts mentionnés: R. c. Simpson (1977), 35 C.C.C. (2d) 337
R. c. Lawson (1994), 45 B.C.A.C. 14
R. c. Doan (1996), 81 B.C.A.C. 192
R. c. Morin, [1998] 2 R.C.S. 345
Koufis c. The King, [1941] R.C.S. 481
R. c. Morris, [1983] 2 R.C.S. 190
R. c. D. (L.E.), [1989] 2 R.C.S. 111
Hoch c. The Queen (1988), 165 C.L.R. 292
R. c. Scopelliti (1981), 63 C.C.C. (2d) 481
R. c. C. (M.H.), [1991] 1 R.C.S. 763
R. c. Egger, [1993] 2 R.C.S. 451
R. c. Charemski, [1998] 1 R.C.S. 679
R. c. Barnes, [1995] 2 Cr. App. R. 491
R. c. Scarrott (1977), 65 Cr. App. R. 125
R. c. Khan (1996), 49 C.R. (4th) 160
R. c. Sweitzer, [1982] 1 R.C.S. 949
Harris c. Director of Public Prosecutions, [1952] A.C. 694
R. c. Ross, [1980] 5 W.W.R. 261
R. c. J.T.S., [1997] A.J. No. 125 (QL)
R. c. Eng (1995), 56 B.C.A.C. 18
R. c. Studer (1996), 181 A.R. 399
R. c. N. (R.S.) (1995), 31 Alta. L.R. (3d) 424
R. c. White, [1998] 2 R.C.S. 72
R. c. Bouvier (1984), 11 C.C.C. (3d) 257, conf. par [1985] 2 R.C.S. 485
R. c. Evans, [1993] 3 R.C.S. 653
Ward c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 30
R. c. Cullen (1989), 52 C.C.C. (3d) 459
R. c. Verney (1993), 87 C.C.C. (3d) 363
R. c. M. (R.A.) (1994), 94 C.C.C. (3d) 459
R. c. Merdsoy (1994), 91 C.C.C. (3d) 517
Grdic c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 810
R. c. Ollis, [1900] 2 Q.B. 758
G. (an infant) c. Coltart, [1967] 1 All E.R. 271
R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417
R. c. Mellenthin, [1992] 3 R.C.S. 615.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 7, 8, 11d), 24(2).
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 487.04 [aj. L.C. 1995, ch. 27, art. 1], 591(3)a) [abr. et rempl. L.R.C. (1985), ch. 27 (1er suppl.), art. 119].
Doctrine citée
Canada. Commission de réforme du droit. Document de travail 34. Les méthodes d'investigation scientifiques. Ottawa: La Commission, 1984.
Eggleston, Richard. Evidence, Proof and Probability, 2nd ed. London: Weidenfeld and Nicolson, 1983.
Ferguson, Gerry. CRIMJI: Canadian Criminal Jury Instructions, vol. 1, 3rd ed. Vancouver: Continuing Legal Education Society of British Columbia, 1997 (loose-leaf updated November 1997, release PB97874).
Mahoney, R. «Similar Fact Evidence and the Standard of Proof», [1993] Crim. L. Rev. 185.
McWilliams, Peter K. Canadian Criminal Evidence, 3rd ed. Aurora, Ont.: Canada Law Book, 1988 (loose-leaf updated November 1997, release 19).
Percival, Richard. Case and Comment on R. v. Brown, Wilson, McMillan and McClean, [1997] Crim. L. Rev. 502.
Smith, J. C. Case and Comment on R. v. Hurren, [1962] Crim. L. Rev. 770.

Proposition de citation de la décision: R. c. Arp, [1998] 3 R.C.S. 339 (26 novembre 1998)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1998-11-26;.1998..3.r.c.s..339 ?
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