Charte canadienne des droits et libertés, art. 11a), 24(1).
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec, [1996] R.J.Q. 591, qui a accueilli un appel du ministère public contre l’arrêt des procédures ordonné par le juge Cliche de la Cour du Québec. Pourvoi rejeté.
Julio Peris, pour l’appelant.
Henri‑Pierre Labrie et Jacques Pothier, pour l’intimée.
Version française du jugement de la Cour rendu oralement par
1 Le Juge en chef — Pour les raisons exposées par le juge Otis de la Cour d’appel du Québec, [1996] R.J.Q. 591, le pourvoi est rejeté.
L’addenda suivant du juge en chef Lamer a été déposé le 27 février 1997
1 Le Juge en chef -- La décision de la Cour dans ce pourvoi a été rendue séance tenante. J’aimerais écrire un court addendum aux brefs motifs au soutien de la décision sur une question qui n’était pas en litige mais qui a été discutée devant notre Cour et qui pourrait éventuellement être soulevée dans une autre cause concernant le droit garanti par l’al. 11a) de la Charte canadienne des droits et libertés. L’objectif de mon addendum est de laisser une porte ouverte quant à la possibilité de conclure à la violation de l’al. 11a) de la Charte pour un préjudice autre que celui résultant de l’atteinte à une défense pleine et entière et ce, afin que certaines réparations en vertu du par. 24(1) de la Charte puissent être demandées.
1 La Cour a souscrit à la décision de la Cour d’appel ([1996] R.J.Q. 591) dans la présente cause. Bien que je sois entièrement d’accord avec cette décision, je voudrais ajouter un commentaire à la décision de Madame le juge Otis afin de m’assurer qu’une personne invoquant la violation de son droit protégé par l’al. 11a) de la Charte en raison d’un préjudice économique, ne sera pas limitée dans son choix des réparations demandées en vertu du par. 24(1). Je souligne que M. Delaronde a exclusivement fondé sa demande de réparation en vertu du par. 24(1) sur une atteinte à son droit à un procès juste et équitable.
1 Le juge Otis a conclu que la finalité de l’al. 11a) de la Charte consistait uniquement à protéger le droit d’un inculpé à un procès juste et équitable. En poursuivant son raisonnement, si l’inculpé n’a pas démontré qu’il a subi un préjudice à la préparation de sa défense en raison de la longueur du délai pour l’informer de l’infraction précise qu’on lui reproche, sa demande de réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte lui sera refusée. Cependant, je crois qu’un inculpé pourrait, et ce, indépendamment d’une atteinte à son droit à un procès juste et équitable, invoquer la violation de son droit protégé par l’al. 11a) lorsqu’un préjudice économique est prouvé. Avec égards, je ne pense pas que la violation de l’al. 11a) de la Charte soit exclusivement reliée à l’atteinte à un procès juste et équitable. Un inculpé a le droit d’être informé rapidement d’une dénonciation portée contre lui afin de pouvoir planifier, entre autres, des décisions importantes affectant sa vie professionnelle ou familiale. Si ces décisions ont entraîné un préjudice économique résultant directement du temps excessif mis à l’informer de l’infraction précise qu’on lui reproche, la personne devrait avoir la possibilité d’invoquer la violation du droit protégé par l’al. 11a) de la Charte et de recourir au par. 24(1) pour demander réparation devant le tribunal approprié.
1 Je donnerai deux exemples pour expliciter comment un préjudice autre que celui découlant de l’atteinte à un procès juste et équitable peut entraîner la violation du droit garanti par l’al. 11a) de la Charte. Ainsi, une personne qui, n’étant pas au courant qu’une dénonciation pèse contre elle depuis un certain temps, décide d’investir toutes ses économies dans l’achat d’un dépanneur pour le gérer avec son conjoint ou sa conjointe, pourrait encourir des dommages financiers importants si elle devait s’absenter pour subir un procès et même purger une peine d’emprisonnement. Cette personne pourrait soutenir que, si elle avait été informée plus tôt, dans un délai raisonnable, de la dénonciation portée contre elle, elle n’aurait jamais pris la décision d’investir la totalité de son argent dans ce petit commerce qui ne pouvait survivre sans sa participation active. En outre, elle pourrait plaider qu’elle n’avait pas prévu des coûts supplémentaires nécessaires pour engager, pendant la durée de son procès et de son emprisonnement le cas échéant, un employé temporaire pour accomplir la part des tâches qui lui incombait dans l’administration de son dépanneur. Pour mentionner un autre exemple, une personne qui décide de ne pas renouveler une assurance juridique lui garantissant des services d’avocat à moindre coût, car elle ne sait pas que des accusations sont portées contre elle, pourrait fort bien demander réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte. En effet, un lien de causalité pourrait être établi entre le préjudice qui découle de cette décision et le fait de ne pas avoir été informé dans un délai raisonnable de l’infraction précise qu’on lui reproche.
1 Par cet addendum, je voulais mentionner que les réparations réclamées en vertu du par. 24(1) de la Charte en raison d’une violation du droit garanti par l’al. 11a), ne devraient pas, à mon avis, être limitées au préjudice résultant de l’atteinte à un procès juste et équitable. Le fait d’avoir une dénonciation pendante contre soi peut affecter des décisions à prendre dans sa vie autres que pour la préparation d’une défense.
Date de l'import : 06/04/2012 Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1997-01-30;.1997..1.r.c.s..213
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.