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12/05/1994 | CANADA | N°[1994]_2_R.C.S._229

Canada | R. c. Jones, [1994] 2 R.C.S. 229 (12 mai 1994)


R. c. Jones, [1994] 2 R.C.S. 229

Scott Jones Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. Jones

No du greffe: 23157.

1993: 12 octobre; 1994: 12 mai.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1992), 16 B.C.A.C. 161, 28 W.A.C. 161, 75 C.C.C. (3d) 327, 11 C.R.R. (2d) 65, qui a rejeté l'appel interjet

é par l'accusé contre la peine de détention pour une période indéterminée imposée par le juge Spencer (1988), 6 W.C...

R. c. Jones, [1994] 2 R.C.S. 229

Scott Jones Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. Jones

No du greffe: 23157.

1993: 12 octobre; 1994: 12 mai.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1992), 16 B.C.A.C. 161, 28 W.A.C. 161, 75 C.C.C. (3d) 327, 11 C.R.R. (2d) 65, qui a rejeté l'appel interjeté par l'accusé contre la peine de détention pour une période indéterminée imposée par le juge Spencer (1988), 6 W.C.B. (2d) 208. Pourvoi rejeté, le juge en chef Lamer et les juges Sopinka, Cory et Major sont dissidents.

Richard P. Anderson, c.r., et G. D. McKinnon, pour l'appelant.

Alexander Budlovsky, pour l'intimée.

Version française des motifs du juge en chef Lamer et des juges Sopinka, Cory et Major rendus par

Le juge en chef Lamer (dissident) —

I. Historique

Le 28 mai 1982, l'appelant a été reconnu coupable d'avoir commis des infractions de viol, de grossière indécence et de tentative de viol contre trois fillettes âgées de 10, 12 et 13 ans. Condamné à cinq ans de prison, il a suivi pendant deux ans un programme pour délinquants sexuels au Centre psychiatrique régional, puis il a été mis en liberté surveillée en 1985.

Le 7 novembre 1986, alors qu'il était en liberté conditionnelle, l'appelant a fait l'objet de trois chefs d'agression sexuelle armée et de trois chefs de séquestration. Ses victimes étaient âgées de 9, 14 et 26 ans. Les agressions contre la fillette de neuf ans ont eu lieu un jour à peine après qu'on eut demandé à l'appelant une photographie aux fins de l'enquête qui se déroulait relativement à l'une des autres infractions.

Avant le choix du mode de procès, la cour a, à la demande de l'avocat de l'appelant, rendu une ordonnance conformément à l'al. 465(1)c) du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34 (devenu l'al. 537(1)b), L.R.C. (1985), ch. C‑46, pour être ensuite abrogé par L.C. 1991, ch. 43, art. 9 (que nous appellerons l'al. 537(1)b) dans les présents motifs)). Cet alinéa habilite la cour à renvoyer le prévenu à la garde qu'elle prescrit pour observation lorsqu'il y a une preuve ou des motifs de croire que le prévenu peut être atteint d'une maladie mentale. L'avocat de l'appelant a demandé l'ordonnance pour les motifs suivants: afin de déterminer si l'accusé était apte à subir son procès, s'il était sain d'esprit au moment de l'infraction, et afin d'obtenir des renseignements sur l'accusé en vue de déterminer la peine à lui imposer. L'ordonnance elle‑même ne faisait état d'aucun but particulier. Elle se bornait à renvoyer l'accusé sous garde pour observation parce qu'il y avait, selon le juge, des motifs de croire qu'il pouvait avoir été atteint d'une maladie mentale.

Le 18 novembre 1986, l'appelant a été renvoyé sous garde pour observation psychiatrique et a été examiné par deux psychiatres et un psychologue au Forensic Psychiatric Institute. Le juge du procès a tiré comme conclusion de fait que l'accusé avait été averti que tout ce qu'il dirait aux psychiatres pourrait être utilisé contre lui et être inclus dans un rapport destiné à la cour. Toutefois, on ne lui a pas dit expressément qu'à un moment donné, au cours de la détention de trente jours, l'examen avait été réorienté de manière à inclure une opinion sur la question de savoir s'il était un délinquant dangereux. On ne l'a pas informé non plus que ce qu'il dirait lors de l'examen pourrait également servir à déterminer s'il était un délinquant dangereux. Un psychiatre a expliqué à l'appelant qu'il avait le droit de ne pas répondre aux questions et de consulter un avocat avant de répondre à quelque question que ce soit. L'appelant a indiqué qu'il comprenait les mises en garde, s'est montré très coopératif et a indiqué qu'il n'était pas nécessaire de consulter un avocat.

Au cours de la première entrevue, le psychiatre a commencé à s'inquiéter de la possibilité de futurs actes de violence de la part de l'appelant. La portée de l'examen a donc été élargie de manière à déterminer si l'appelant était un délinquant dangereux. En fait, le juge du procès a conclu que l'accusé n'avait pas été délibérément induit en erreur. Il s'agissait plutôt d'un cas où l'avocat de la défense avait demandé un examen limité de l'accusé et où le psychiatre, constatant qu'il y avait des motifs de craindre que l'accusé ne récidive, a poursuivi l'enquête sans en informer expressément Jones et sans consulter son avocat à ce sujet.

L'appelant a plaidé coupable relativement à un chef d'agression sexuelle et à un chef d'agression sexuelle armée. À la suite de sa déclaration de culpabilité, une enquête a été tenue pour déterminer s'il y avait lieu de le condamner à titre de délinquant dangereux. Le juge du procès a tenu un voir‑dire afin de décider de l'admissibilité de la preuve émanant des deux psychiatres et du psychologue du Forensic Psychiatric Institute. L'avocat de l'appelant a contesté l'admissibilité de cette preuve pour le motif qu'il y aurait violation des droits garantis à l'accusé par l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés si les résultats des examens psychiatriques préalables au procès étaient admis dans des procédures visant à déterminer si l'accusé était un délinquant dangereux, sans le consentement de ce dernier et sans qu'on ne l'ait informé, au moment des entrevues, que tout ce qu'il dirait pourrait être utilisé dans ces procédures.

II. Juridictions inférieures

Le 29 avril 1988, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique (le juge Spencer) a conclu que l'appelant était un délinquant dangereux: (1988), 6 W.C.B. (2d) 208. Le 29 juillet 1992, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (les juges Toy, Legg et Hinds) a rejeté l'appel: (1992), 16 B.C.A.C. 161, 28 W.A.C. 161, 75 C.C.C. (3d) 327, 11 C.R.R. (2d) 65. Le 10 décembre 1992, la Cour suprême du Canada (les juges La Forest, Sopinka et Cory) a accordé l'autorisation de pourvoi, [1992] 3 R.C.S. vi, lequel a été entendu le 12 octobre 1993.

A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique

En premier lieu, le juge du procès a tiré comme conclusion de fait que l'appelant n'avait pas été délibérément induit en erreur:

[traduction] . . . il s'agit simplement d'un cas où la défense a demandé un examen limité de l'accusé et où le Dr Lohrasbe, constatant qu'il y avait des motifs de craindre que l'accusé ne récidive, a poursuivi l'enquête sans en informer expressément Jones et sans consulter son avocat à ce sujet.

Les indices du risque dont j'ai été saisi lors du témoignage des psychiatres, à l'occasion du voir‑dire, se dégagent dans le cours normal d'un examen consensuel effectué conformément à l'al. 465c).

En deuxième lieu, le juge du procès a rejeté l'argument de la défense selon lequel l'art. 7 de la Charte interdit que l'accusé qui subit, préalablement au procès, un examen psychiatrique pour déterminer s'il est apte à subir son procès ou s'il était sain d'esprit au moment de l'infraction reprochée voie produire contre lui, sans son consentement, dans des procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux, le contenu des entrevues qu'il a accordées au cours de l'examen, à moins d'avoir été averti à ce moment‑là de la possibilité que ces entrevues soient utilisées dans lesdites procédures.

[traduction] . . . à mon avis, la Charte des droits et libertés ne me permet pas, en tant que juge du procès, de prescrire des restrictions à l'usage que, sous prétexte de protéger un droit constitutionnel garanti par l'art. 7, on peut faire d'éléments de preuve légitimement obtenus en vertu de l'al. 456c) (sic) du Code criminel lors d'un examen psychiatrique préalable au procès. Mon rôle consiste à déterminer quel droit est garanti par l'art. 7 et non pas à en créer un comme si je remplissais une fonction législative. L'unique droit dont je puisse constater l'existence est celui visé à l'al. 11c), c'est‑à‑dire le droit de ne pas s'incriminer. Dans cette disposition, ce droit est limité aux inculpés. On aurait pu trouver à l'art. 7 un droit plus général reconnu également aux personnes qui, techniquement, ne sont plus inculpées, n'était‑ce du fait que les plus hautes instances ont, dans l'arrêt R. c. Wilband, nié l'existence d'un tel droit en droit criminel canadien.

. . . j'ai également trouvé l'arrêt Thomson Newspapers c. The Director of Investigation and Research (1986), 30 C.C.C. (3d) 145, que la Cour d'appel de l'Ontario a rendu l'année dernière, c'est‑à‑dire en 1986 et non pas en 1987. D'après cet arrêt, les seuls droits à la protection contre l'auto‑incrimination que l'on connaisse en droit canadien sont ceux énoncés à l'al. 11c) et à l'art. 13 de la Charte. Il va sans dire que l'art. 13 ne s'applique pas en l'espèce. Mais cela me renforce dans mon opinion que l'art. 7 n'énonce pas de droit distinct. Je souligne également l'approbation de la Cour suprême du Canada qui, dans l'arrêt Big M Drug Mart (1985), 18 C.C.C. (3d) 385, a dit que la Charte elle‑même n'a pas été adoptée en l'absence de tout contexte. Appliquant cette affirmation en l'espèce, je conclus que l'art. 7 et l'al. 11c) de la Charte ont été adoptés dans le contexte de l'arrêt R. c. Wilband qui avait déjà nié l'existence de tout droit de ne pas s'incriminer, sauf en ce qui concernait les inculpés qui s'adressaient à des personnes en autorité.

Le juge du procès a conclu:

[traduction] Je souligne en dernier lieu que la Charte ne me confère que des pouvoirs limités. Il m'est permis soit de déclarer inconstitutionnel un texte législatif — ce qu'on ne me demande pas de faire en l'espèce —, soit d'écarter des éléments de preuve en vertu du par. 24(2) lorsqu'ils ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte, mais, encore là, seulement si le requérant prouve, selon la prépondérance des probabilités, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. À mon avis, comme je l'ai déjà indiqué, aucun droit de l'accusé n'a été violé en l'espèce. Ce qui arrive plutôt c'est que des éléments de preuve qui n'ont pas été obtenus illégalement et qui ont une grande pertinence relativement à une question très importante, tant pour l'accusé que pour l'intérêt public, sont légalement produits en preuve. On demande de les écarter en imposant une restriction à l'al. 465c) du Code criminel, puis en déclarant qu'il y a eu violation de cette restriction. Je dois refuser de le faire. S'il est jugé nécessaire de limiter la portée de l'al. 465c) du Code, c'est au législateur et non pas au juge du procès qu'il appartient d'y voir.

Sur la foi de la totalité de la preuve produite devant lui (y compris celle recueillie au cours de l'observation effectuée en vertu de l'ordonnance de renvoi fondée sur l'al. 537(1)b)), le juge du procès a conclu à l'existence d'un risque que l'appelant commette des infractions analogues contre des fillettes ou des femmes de petite taille. Il a décidé que l'appelant ne pouvait s'empêcher de commettre des agressions. Il l'a, en conséquence, déclaré délinquant dangereux au sens des sous‑al. 688a)(i) et (ii) (maintenant les sous‑al. 753a)(i) et (ii)) et de l'al. 688b) (maintenant l'al. 753b)) du Code criminel et lui a infligé une peine de durée indéterminée.

B. Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1992), 75 C.C.C. (3d) 327

Le juge Legg de la Cour d'appel a examiné s'il y avait une limite au droit de garder le silence, dont jouissait l'appelant aux termes de l'art. 7 de la Charte, compte tenu des circonstances suivantes: (1) l'ordonnance fondée sur l'al. 537(1)b) ne visait pas qu'à déterminer si l'appelant était atteint d'une maladie mentale au moment de la perpétration des infractions dont il a été accusé ou s'il était apte à subir son procès, mais elle visait aussi à déterminer simplement s'il était atteint d'une maladie mentale, (2) l'appelant a bénéficié de l'assistance d'un avocat, (3) sur le conseil de son avocat, l'appelant a accepté de subir les examens psychiatriques, (4) l'appelant savait que ce qu'il dirait n'était pas sous le sceau de la confidentialité et pourrait être inclus dans un rapport adressé à la cour, (5) l'appelant a parlé franchement et ouvertement aux médecins, sans invoquer son droit de garder le silence, et (6) les médecins n'ont eu recours à aucun subterfuge pour amener l'appelant à s'ouvrir à eux.

Le juge Legg a conclu, aux pp. 338 et 339, que le droit de garder le silence, dont jouissait l'appelant en vertu de l'art. 7, n'était pas limité. Il a cité le passage suivant des motifs du juge McLachlin dans l'arrêt R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151, à la p. 180:

Par l'intermédiaire de l'art. 7, la Charte tente de restreindre le pouvoir de l'État sur la personne détenue. Elle tente donc d'établir un équilibre entre les intérêts de la personne détenue et ceux de l'État. D'une part, l'art. 7 cherche à protéger la personne visée par le processus judiciaire contre l'emploi inéquitable des ressources supérieures de l'État. D'autre part, il conserve à l'État son pouvoir de porter atteinte aux droits d'un individu à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne pourvu qu'il respecte les principes de justice fondamentale. Cet équilibre est crucial . . .

Le droit de garder le silence conféré par l'art. 7 reflète ces valeurs. Bien qu'assujetti au pouvoir supérieur de l'État au moment de la détention, le suspect conserve le droit de choisir de faire ou non une déclaration aux policiers. À cette fin, la Charte exige que le suspect soit avisé de son droit à l'assistance d'un avocat et qu'il puisse y avoir recours sans délai. Si le suspect choisit de faire une déclaration, il peut le faire. Mais si le suspect choisit de ne pas en faire, l'État ne peut utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix.

En l'espèce, l'État avait le pouvoir de limiter la liberté de l'appelant en le détenant aux fins de déterminer s'il était atteint d'une maladie mentale. Cette atteinte à la liberté de l'appelant a eu lieu avec son consentement. De plus, même si les médecins étaient des [traduction] «mandataires de l'État», il ne s'agissait pas d'agents secrets et ils n'ont pas eu recours à la ruse pour amener l'appelant à parler. Au contraire, ils l'ont averti que ce qu'il dirait pourrait être utilisé contre lui et l'appelant a choisi de leur parler. L'«équilibre crucial» évoqué dans l'arrêt Hebert a donc été maintenu entre le droit de l'appelant à la protection contre l'emploi inéquitable des ressources supérieures de l'État et l'obligation de l'État de respecter les principes de justice fondamentale.

La Cour d'appel a conclu qu'il n'y avait pas eu de violation des droits garantis à l'appelant par l'art. 7, et a rejeté l'appel.

III. Les dispositions législatives pertinentes

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46

537. (1) Un juge de paix agissant en vertu de la présente partie peut:

. . .

b) dans une ordonnance par écrit adressée à un prévenu:

. . .

(ii) . . . le renvoyer à la garde qu'il prescrit pour observation pendant trente jours au plus,

lorsque, suivant son opinion, appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire que . . .

(iii) le prévenu peut être atteint d'une maladie mentale,

. . .

(3) Le juge de paix, qui, compte tenu des observations faites à la suite de l'ordonnance rendue conformément à l'alinéa (1)b), a des raisons suffisantes de douter de la capacité du prévenu, pour cause d'aliénation mentale, de mener sa défense, doit ordonner que cette question soit tranchée dès l'enquête préliminaire.

(4) Le juge de paix qui ordonne qu'une question soit tranchée conformément au paragraphe (3) doit se conformer à l'article 615 dans la mesure où il peut s'appliquer.

672.11 Le tribunal qui a compétence à l'égard d'un accusé peut rendre une ordonnance portant évaluation de l'état mental de l'accusé s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une preuve concernant son état mental est nécessaire pour:

a) déterminer l'aptitude de l'accusé à subir son procès;

b) déterminer si l'accusé était atteint de troubles mentaux de nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle en application du paragraphe 16(1) au moment de la perpétration de l'infraction reprochée;

672.21 (1) Au présent article, «déclaration protégée» s'entend de la déclaration faite par l'accusé dans le cadre de l'évaluation ou du traitement prévu par une décision à la personne désignée dans l'ordonnance d'évaluation ou la décision ou à un préposé de cette personne.

(2) Les déclarations protégées ou la mention d'une déclaration protégée faite par l'accusé ne sont pas admissibles en preuve sans le consentement de l'accusé dans toute procédure devant un tribunal, une cour, un organisme ou une personne qui a compétence pour ordonner la production d'éléments de preuve.

(3) Par dérogation au paragraphe (2), une preuve d'une déclaration protégée est admissible pour:

a) déterminer l'aptitude de l'accusé à subir son procès;

b) rendre une décision ou une ordonnance de placement à l'égard de l'accusé;

c) déterminer si l'accusé est un accusé dangereux atteint de troubles mentaux au sens de l'article 672.65;

686. (1) Lors de l'audition d'un appel d'une déclaration de culpabilité ou d'un verdict d'inaptitude à subir son procès ou de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, la cour d'appel:

. . .

b) peut rejeter l'appel:

. . .

(iii) bien qu'elle estime que, pour un motif mentionné au sous‑alinéa a)(ii) [décision erronée sur une question de droit], l'appel pourrait être décidé en faveur de l'appelant, elle est d'avis qu'aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave ne s'est produit;

753. Sur demande faite, en vertu de la présente partie, postérieurement à la déclaration de culpabilité mais avant le prononcé de la sentence, le tribunal, convaincu . . .

. . .

peut déclarer qu'il s'agit là d'un délinquant dangereux et lui imposer, au lieu de toute autre peine qui pourrait être imposée pour l'infraction dont il vient d'être déclaré coupable, une peine de détention dans un pénitencier pour une période indéterminée.

755. (1) Lors de l'audition d'une demande en vertu de la présente partie, le tribunal entend la preuve d'au moins deux psychiatres et toute autre preuve qu'il considère pertinente y compris la preuve de tout psychologue ou criminologue appelé comme témoin par la poursuite ou par le délinquant.

756. (1) Le tribunal à qui une demande est faite en vertu de la présente partie peut, dans une ordonnance écrite:

a) soit ordonner au délinquant que vise la demande de se présenter pour observation devant la personne et aux lieu et date indiqués;

b) soit renvoyer le délinquant à la garde qu'il prescrit pour observation pour une période maximale de trente jours,

lorsque, suivant son opinion appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le délinquant y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire qu'il serait possible d'obtenir par suite de cette observation, des preuves pouvant s'avérer utiles à l'examen d'une telle demande.

759. (1) Les personnes condamnées à la détention dans un pénitencier pour une période indéterminée sous l'autorité de la présente partie peuvent interjeter appel d'une telle condamnation à la cour d'appel sur toute question de droit ou de fait ou toute question mixte de droit et de fait.

. . .

(3) Sur un appel d'une sentence de détention dans un pénitencier pour une période indéterminée, la cour d'appel peut:

a) casser cette sentence et imposer toute sentence qui aurait pu être imposée pour l'infraction dont l'appelant a été déclaré coupable, ou ordonner une nouvelle audition;

b) rejeter l'appel.

. . .

(7) Les dispositions de la partie XXI relatives à la procédure sur appel s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, aux appels prévus par le présent article.

Charte canadienne des droits et libertés

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

IV. Analyse

A. Introduction

L'appelant ne s'en prend à aucun article particulier du Code. Il se plaint de ce qu'on a porté atteinte à ses droits garantis par l'art. 7 de la Charte en ne lui disant pas que les examens pourraient servir aux fins de procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux, et de ce qu'on a porté atteinte à ses droits garantis par l'al. 10b) en ne l'informant pas de son droit à l'assistance d'un avocat, dès que la portée de l'examen eut été élargie de manière à comprendre la question de sa dangerosité future. Vu la conclusion que je tire en l'espèce, j'estime qu'il n'est nécessaire d'analyser que la question de l'art. 7.

L'argument de l'appelant, fondé sur l'art. 7, veut essentiellement que les éléments de preuve obtenus grâce à l'observation ordonnée en vertu de l'art. 537 n'auraient pas dû être utilisés, du moins sans une mise en garde explicite, aux fins de procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux. Comme on s'en rendra compte, je crois que la mise en garde n'est pas pertinente en ce qui concerne la présente affaire et que la question en litige est celle de l'admissibilité des éléments de preuve obtenus au moyen de l'observation ordonnée en vertu de l'al. 537(1)b).

L'article 755 (auparavant l'art. 690), reproduit ci‑dessus, concerne l'admissibilité de la preuve dans des procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, et prévoit que «le tribunal entend la preuve d'au moins deux psychiatres et toute autre preuve qu'il considère pertinente . . .». À mon avis, bien que l'art. 755 n'ait pas été contesté directement, il faut se demander si, en l'espèce, il a été interprété et appliqué d'une manière contraire à l'art. 7 de la Charte (plus précisément au droit, garanti par l'art. 7, de ne pas s'incriminer).

Suivant l'arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, devant un texte législatif qui admet plusieurs interprétations, notre Cour ne devrait pas en retenir une qui rendrait ce texte incompatible avec la Charte et, partant, inopérant. Une loi attributive d'un pouvoir discrétionnaire imprécis doit donc être interprétée comme n'autorisant pas une atteinte aux droits garantis par la Charte.

Il est possible de donner à l'art. 755 deux interprétations opposées. Selon la première (ci‑après l'«interprétation large»), cet article rend admissible, aux fins de procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, la preuve recueillie au cours d'une observation psychiatrique ordonnée en vertu de l'al. 537(1)b). Selon la deuxième (ci‑après l'«interprétation stricte»), cet article rend inadmissible aux mêmes fins la preuve recueillie au cours d'une observation psychiatrique ordonnée en vertu de l'al. 537(1)(b).

Si l'une de ces interprétations entraînait une violation de la Charte et l'autre pas, alors, il y aurait lieu évidemment de retenir la dernière. Je passe donc maintenant à l'analyse fondée sur la Charte.

B. L'article 7 de la Charte

(1) Vie, liberté et sécurité de la personne

Aux termes de l'art. 7 de la Charte, chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Il est clair que l'emprisonnement et la menace imminente d'emprisonnement portent tous les deux atteinte à la liberté (Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486, et R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636). Par conséquent, une personne ne peut être emprisonnée ou exposée à une menace imminente d'emprisonnement qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale (à moins que l'emprisonnement ou la menace d'emprisonnement ne soient justifiés au sens de l'article premier de la Charte).

(2) Principes de justice fondamentale

Comme je l'ai affirmé dans Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., aux pp. 512 et 513:

L'expression «principes de justice fondamentale» constitue non pas un droit, mais un modificatif du droit de ne pas se voir porter atteinte à sa vie, à sa liberté et à la sécurité de sa personne; son rôle est d'établir les paramètres de ce droit.

Les articles 8 à 14 visent des atteintes spécifiques au «droit» à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, qui contreviennent aux principes de justice fondamentale et qui, en tant que telles, violent l'art. 7. Ils constituent donc des illustrations du sens, en droit pénal ou criminel, de l'expression «principes de justice fondamentale»; ils représentent des principes reconnus, en vertu de la common law, des conventions internationales et de l'enchâssement même dans la Charte, comme des éléments essentiels d'un système d'administration de la justice fondé sur la foi en la dignité et la valeur de la personne humaine et en la primauté du droit.

En conséquence, les principes de justice fondamentale se trouvent dans les préceptes fondamentaux non seulement de notre processus judiciaire, mais aussi des autres composantes de notre système juridique.

. . .

La question de savoir si un principe donné peut être considéré comme un principe de justice fondamentale au sens de l'art. 7 dépendra de l'analyse de la nature, des sources, de la raison d'être et du rôle essentiel de ce principe dans le processus judiciaire et dans notre système juridique à l'époque en cause.

La présente analyse porte sur deux principes de justice fondamentale. Le premier est le principe interdisant de reconnaître coupable une personne qui était aliénée au moment de l'infraction et d'engager des procédures contre un accusé qui, pour cause d'aliénation mentale, est inapte à mener sa défense. Le second est le principe interdisant l'auto‑incrimination. En l'espèce, l'accusé, afin de pouvoir bénéficier de la protection du premier principe, a dû se soumettre à une observation psychiatrique pendant un certain temps. Les résultats de cette observation ont ensuite servi à l'incriminer dans des procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux.

Je considère qu'il est évident que le premier principe est un principe de justice fondamentale. Comme je l'ai affirmé dans l'arrêt R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933, à la p. 977, «l'un des préceptes fondamentaux de notre système juridique [est] qu'une personne aliénée au moment de l'infraction ne doit pas être déclarée coupable». Un autre précepte fondamental de notre système juridique est que la personne qui est incapable mentalement de saisir la nature de l'action intentée contre elle ne devrait pas être tenue de subir un procès.

Il n'est peut‑être pas aussi évident que le principe interdisant l'auto‑incrimination constitue un principe de justice fondamentale. Donc, avant d'appliquer ces principes à la présente affaire, je vais commencer par examiner la définition, la raison d'être et le statut actuel du principe interdisant l'auto‑incrimination (je m'abstiendrai de faire l'historique de ce principe puisque le juge Wilson l'a déjà fait de façon détaillée dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425).

Deux points sont toutefois à souligner au départ. En premier lieu, l'art. 7 s'applique en l'espèce en raison de la restriction importante de la liberté qu'entraîne nécessairement la législation relative aux délinquants dangereux. L'enjeu, du point de vue du délinquant, est une peine de détention de durée indéterminée dans un pénitencier. Qu'elles soient considérées comme faisant partie du processus de détermination de la peine ou comme des procédures distinctes comportant de nouvelles conséquences pénales, les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux sont de celles où s'applique le droit à la liberté garanti par l'art. 7. La question est de savoir ce qu'exigent les principes de justice fondamentale dans ce contexte, et non pas s'ils s'appliquent.

En deuxième lieu, la question en l'espèce n'est pas de savoir si l'une ou l'autre des garanties expressément mentionnées dans la Charte, qui découlent du principe général interdisant l'auto‑incrimination, se trouve limitée par l'utilisation de la preuve dans des cas comme celui qui nous occupe. Il faut plutôt se demander si, dans ces circonstances, l'utilisation de la preuve contrevient aux principes de justice fondamentale.

(i) Définition

Sous sa forme la plus générale, le principe interdisant l'auto‑incrimination peut s'énoncer ainsi:

[traduction] . . . l'individu est souverain et [. . .] selon les règles régissant les conflits entre le gouvernement et un particulier, celui‑ci [. . .] ne doit pas être obligé par son opposant de causer sa propre défaite . . .

(Wigmore on Evidence, vol. 8 (McNaughton rev. 1961), {SS} 2251, à la p. 318.)

En d'autres termes, nemo tenetur seipsum accusare et nemo tenetur seipsum prodere et nemo tenetur armare adversarum contra se — aucune personne n'est tenue de s'accuser ou de se trahir elle‑même ni d'armer son ennemi contre elle.

Toute action de l'État qui contraint une personne à produire une preuve contre elle‑même dans des procédures l'opposant à l'État viole le principe interdisant l'auto‑incrimination. La contrainte, devrait‑on le souligner, signifie refuser la possibilité de donner un consentement libre et éclairé.

Comme le fait remarquer David Paciocco dans Charter Principles and Proof in Criminal Cases (1987), à la p. 539, [traduction] «[u]ne grande confusion règne au sujet de la terminologie relative aux problèmes d'auto‑incrimination. On a donc la lourde responsabilité de définir avec la plus grande précision possible ce qu'on veut dire . . .». De même, comme le souligne Alan Mewett dans «Law Enforcement and the Conflict of Values» (1970), 12 Crim. L.Q. 179, à la p. 186, [traduction] «[a]ucune expression n'est peut-être employée de façon plus imprécise et avec une plus grande ignorance de sa signification juridique et sociale que le privilège de ne pas s'incriminer . . .».

Il convient donc de préciser ici que je fais une distinction entre le principe interdisant l'auto‑incrimination et le privilège de ne pas s'incriminer. Le principe est tel que défini plus haut. Quant au privilège, il correspond à la règle stricte et traditionnelle de common law qui ne concerne que la preuve testimoniale au procès. La confusion qui règne au sujet de questions comme le silence, la non‑contraignabilité et l'auto‑incrimination découle en grande partie, je crois, de l'omission de distinguer ces deux niveaux de protection contre l'auto‑incrimination. Le principe est un principe directeur général de droit criminel, dont il est possible de tirer des règles particulières (par exemple, des règles concernant la non‑contraignabilité de l'accusé et l'admissibilité des confessions). Le privilège n'est qu'une des règles tirées du principe. Lorsqu'on limite la protection contre l'auto‑incrimination au privilège de ne pas s'incriminer, la raison d'être des diverses règles de common law qui protègent contre l'auto‑incrimination disparaît et il devient impossible de rendre, dans chaque cas qui se présente, une décision fondée sur des principes. D'où l'importance de se rappeler tout au long des présents motifs que c'est le principe interdisant l'auto‑incrimination et non pas le privilège que je demande de considérer comme principe de justice fondamentale.

Dans ce contexte, le mot «incriminer» n'est pas nécessairement synonyme de «tendant à prouver la culpabilité relativement à une infraction criminelle». Il se dégage de l'historique des différents aspects du principe interdisant l'auto‑incrimination que le terme «incriminer» ne connaissait aucune restriction de ce genre dans ce contexte. Il englobait, par exemple, la preuve tendant à exposer l'individu à une peine ou à une confiscation: voir R. Cross et C. Tapper, Cross on Evidence (7e éd. 1990), aux pp. 418 et suiv. Est particulièrement pertinente en l'espèce l'assertion de Wigmore selon laquelle le principe s'applique dans des procédures visant à faire augmenter la peine infligée à la suite d'une déclaration de culpabilité: voir Wigmore on Evidence, op. cit., {SS} 2257d), à la p. 342. Même si les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux sont considérées comme un aspect de la détermination de la peine, l'application des principes interdisant l'auto‑incrimination n'est pas pour autant exclue.

(ii) Raison d'être

La raison d'être contemporaine du principe interdisant l'auto‑incrimination se dégage des deux objets fondamentaux du principe qu'a reconnus notre Cour, à savoir: (1) la protection contre les confessions indignes de foi, et (2) la protection contre les abus de pouvoir de l'État. Le juge Wilson, dissidente, a expliqué ce dernier objet dans l'arrêt Thomson Newspapers, précité, à la p. 480:

Mon étude des origines historiques du droit de ne pas être contraint de témoigner et du droit à la protection contre l'auto‑incrimination ainsi que mon examen des raisons de principe avancées pour justifier leur maintien à l'époque moderne m'amènent à conclure que leur préservation tient au souci de veiller à ce que l'État respecte la vie privée, l'autonomie personnelle et la dignité de ses citoyens. L'État ne saurait déranger un particulier sans justification et ne peut compter sur ce dernier pour fournir cette justification de sa propre bouche. S'il en était autrement, notre système de justice se trouverait à glisser inévitablement vers la création d'un régime policier.

C'est la préoccupation relative à l'abus de pouvoir de l'État qui est au c{oe}ur du principe interdisant l'auto‑incrimination.

(iii) La situation actuelle

Notre Cour a reconnu implicitement que le principe interdisant l'auto‑incrimination est un principe de justice fondamentale. C'est ce que je retire de la multitude de règles, de droits et de privilèges qui peuvent être considérés comme émanant du principe interdisant l'auto‑incrimination, ainsi que de la jurisprudence portant sur l'art. 7, les al. 10b) et 11c), l'art. 13 et le par. 24(2) de la Charte.

Comme le souligne Michael Hor, dans «The Privilege against Self‑Incrimination and Fairness to the Accused», [1993] Singapore J. Legal Stud. 35, à la p. 35:

[traduction] Sur le plan conceptuel, il semblerait que, s'il existe dans le processus pénal un principe directeur quelconque, c'est celui du droit de l'accusé de résister à toute tentative de le contraindre à prêter son concours aux poursuites intentées contre lui. Ce droit concrétise l'idéal de common law d'un procès équitable assuré par un processus contradictoire ou accusatoire. Les parties à des poursuites criminelles sont considérées comme des concurrents et le procès comme un concours. La poursuite doit se servir de ses propres ressources pour recueillir les éléments de preuve sans que l'accusé ne soit contraint de l'aider contre son gré, et il ne reste plus à l'accusé qu'à se défendre si la poursuite réussit à monter une preuve contre lui. C'est ce même droit, estime‑t‑on, qui sous‑tend certains principes clés de justice criminelle, comme la règle du caractère volontaire en matière de confessions, le pouvoir discrétionnaire d'écarter des éléments de preuve irrégulièrement obtenus et la présomption d'innocence.

Examinons les règles, les droits et les privilèges suivants qui peuvent être considérés comme émanant du principe interdisant l'auto‑incrimination, ainsi que la jurisprudence suivante portant sur l'art. 7, les al. 10b) et 11c), l'art. 13 et le par. 24(2) de la Charte.

a) La règle des confessions

Selon la règle des confessions, la confession que les autorités obtiennent d'une manière irrégulière d'un détenu est inadmissible en preuve. Il s'agit d'une règle dont l'évolution et le contenu ont été minutieusement examinés dans les motifs que le juge McLachlin a rédigés dans l'affaire R. c. Hebert, précitée, aux pp. 165 à 173, et il n'est pas nécessaire de refaire cet examen ici. Qu'il suffise donc de reprendre la conclusion que le juge McLachlin tire à la p. 173, selon laquelle:

. . . l'un des thèmes dominants dans la jurisprudence sur les confessions est l'idée qu'une personne assujettie au pouvoir de l'État en matière criminelle a le droit de décider librement de faire ou non une déclaration aux policiers. Cette idée s'accompagne d'un souci correspondant de préserver l'intégrité du processus judiciaire et la considération dont il jouit. Ce thème n'a pas toujours été dominant. On ne peut cependant en nier l'importance. Il existe toujours, tant dans la jurisprudence canadienne que dans les règles régissant les droits des suspects dans les autres pays.

De toute évidence, la règle des confessions reposait (et repose encore) sur le principe interdisant l'auto‑incrimination.

b) Le privilège de ne pas s'incriminer

Le privilège de ne pas s'incriminer empêchait de contraindre un témoin à déposer contre lui‑même au procès. L'évolution et le contenu de ce privilège ont également fait l'objet d'un examen minutieux de la part du juge McLachlin dans l'arrêt Hebert, aux pp. 173 à 175, si bien que nous n'avons pas à les réexaminer en l'espèce. Qu'il suffise de souligner qu'il s'agit d'un privilège qui reposait manifestement (et qui repose encore) sur le principe interdisant l'auto‑incrimination.

c) Le droit de garder le silence

Traditionnellement, le privilège de ne pas s'incriminer ne jouait qu'à l'égard de la contrainte à témoigner et dans le contexte du procès (Marcoux c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 763). Toutefois, dans l'arrêt Hebert, le juge McLachlin fait remarquer, à la p. 174, que certaines règles et certains droits et privilèges dérivés du principe ne devraient pas être limités au contexte du procès: «[l]a protection accordée par un système juridique qui confère à l'accusé le droit de ne pas s'incriminer au procès mais qui ne lui offre aucune protection à l'égard des déclarations faites antérieurement au procès serait illusoire».

Dans l'arrêt Hebert, notre Cour a élargi la portée des règles, droits et privilèges dérivés du principe interdisant l'auto‑incrimination, en concluant que l'art. 7 de la Charte confère le droit de garder le silence. Le lien entre le droit de garder le silence et le principe interdisant l'auto‑incrimination se dégage nettement des motifs du juge McLachlin, à la p. 175: «on peut [. . .] présumer que la portée du droit de garder le silence réside dans l'idée qu'une personne dont la liberté est compromise par le processus criminel ne peut être tenue de témoigner contre elle‑même [c.‑à‑d., le principe interdisant l'auto‑incrimination] mais qu'elle a plutôt le droit de choisir de s'exprimer ou de garder le silence».

Deux exemples devraient suffire à illustrer le contenu du droit de garder le silence. Premièrement, notre Cour a statué qu'il y a atteinte à ce droit si on place dans la cellule d'un suspect qui a refusé expressément de parler à la police un agent de police banalisé chargé de lui extorquer des aveux (Hebert). Deuxièmement, notre Cour a aussi décidé qu'il y a atteinte à ce droit si on place dans la cellule de l'accusé, pour lui arracher des aveux, un ami de ce dernier à qui la police a demandé de visiter l'accusé et à qui elle a facilité cette visite (R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595).

Une règle générale se dégage de la façon dont notre Cour a abordé le droit de garder le silence: si l'État agit de manière à ce que le consentement ne soit pas volontaire ou éclairé, alors il y a restriction du droit du particulier de garder le silence. C'est là une règle qui repose manifestement sur le principe interdisant l'auto‑incrimination.

d)La jurisprudence relative aux al. 10b) et 11c) et à l'art. 13 de la Charte

L'alinéa 11c) et l'art. 13 de la Charte accordent expressément une protection contre l'auto‑incrimination:

11. Tout inculpé a le droit:

. . .

c) de ne pas être contraint de témoigner contre lui‑même dans toute poursuite intentée contre lui pour l'infraction qu'on lui reproche;

13. Chacun a droit à ce qu'aucun témoignage incriminant qu'il donne ne soit utilisé pour l'incriminer dans d'autres procédures, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.

Quant à l'al. 10b), il le fait implicitement:

10. Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention:

. . .

b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit;

L'analyse fondée sur l'objet que notre Cour a faite de ces dispositions traduit encore une fois la reconnaissance implicite que le principe interdisant l'auto‑incrimination est un principe de justice fondamentale.

Dans l'arrêt R. c. Amway Corp., [1989] 1 R.C.S. 21, à la p. 40, le juge Sopinka écrit que l'al. 11c) vise «à protéger l'individu contre toute atteinte à sa dignité et à sa vie privée, inhérente à une pratique qui permet à la poursuite d'obliger la personne inculpée à témoigner elle‑même». Dans l'arrêt Dubois c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 350, à la p. 358, j'ai écrit ce qui suit:

L'article 13, tout comme l'al. 11c), constitue la reconnaissance du principe selon lequel

[traduction] . . . l'individu est souverain et que selon les règles régissant les conflits entre le gouvernement et un individu, celui‑ci ne doit être inquiété que pour un motif valable et ne doit pas être obligé par son opposant de causer sa propre défaite.

(Wigmore on Evidence, vol. 8 (McNaughton rev. 1961), par. 2251, à la p. 318.)

Le juge Wilson écrit, dans l'arrêt Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383, à la p. 394, que le «droit [à l'assistance d'un avocat] enchâssé à l'al. 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés vise manifestement à promouvoir le principe de l'équité dans le processus décisionnel». J'ai ensuite écrit, dans l'arrêt R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, à la p. 284, que «l'un des principes fondamentaux d'un procès équitable [est] le droit de ne pas avoir à témoigner contre soi‑même». On peut conclure que l'al. 10b) a pour objet de favoriser l'exercice du droit de ne pas s'incriminer. Ou encore, comme le juge L'Heureux‑Dubé (dissidente) l'a dit plus directement dans l'arrêt R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, à la p. 539:

Le droit à l'assistance d'un avocat vise principalement à empêcher un accusé ou une personne détenue de s'incriminer. Ce droit vise donc surtout à prévenir les aveux faits par ignorance ou obtenus par contrainte. Dans de telles circonstances, la personne accusée fabriquerait des éléments de preuve contre elle‑même. C'est là un résultat que, par souci d'équité, le droit à l'assistance d'un avocat cherche à éviter.

D'après notre Cour, l'objet fondamental des al. 10b) et 11c) et de l'art. 13 est donc la protection contre l'auto‑incrimination.

e) La jurisprudence relative au par. 24(2) de la Charte

Notre Cour a mis au point une méthode pour déterminer si les éléments de preuve obtenus illégalement à la suite d'une violation de la Charte peuvent être admis en vertu du par. 24(2) de la Charte (Collins, précité, R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3, et R. c. Black, [1989] 2 R.C.S. 138). Les éléments de preuve susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice sont généralement inadmissibles en vertu du par. 24(2). Les éléments de preuve qui tendent à déconsidérer l'administration de la justice sont ceux qui rendent le procès inéquitable. Des éléments de preuve rendent le procès inéquitable s'ils sont obtenus à la suite d'une violation de la Charte, en mobilisant l'accusé contre lui‑même (c'est‑à‑dire en utilisant des éléments de preuve qui n'auraient pu être obtenus sans la participation de l'accusé à la constitution de la preuve); «[p]uisque ces éléments de preuve n'existaient pas avant la violation, leur utilisation rendrait le procès inéquitable et constituerait une attaque contre l'un des principes fondamentaux d'un procès équitable, savoir le droit de ne pas avoir à témoigner contre soi‑même» (Collins, à la p. 284).

Notre Cour a déjà invoqué des motifs d'auto‑incrimination pour écarter en vertu du par. 24(2) une preuve obtenue au moyen d'une séance d'identification (Ross) ainsi que des déclarations inculpatoires (par exemple, dans les arrêts Black et Broyles, précités, et dans l'arrêt R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190).

Or, la méthode employée aux fins du par. 24(2) semble procéder, du moins en partie, du principe interdisant l'auto‑incrimination. Étant donné que le procès équitable constitue un principe de justice fondamentale et que le droit de ne pas s'incriminer représente un précepte fondamental d'un procès équitable, on peut conclure que notre Cour a reconnu (implicitement à tout le moins) que le droit de ne pas s'incriminer est un principe de justice fondamentale.

f) La jurisprudence relative à l'art. 7 de la Charte

Avant l'arrêt Thomson Newspapers, on croyait généralement que l'al. 11c) et l'art. 13 de la Charte énonçaient exhaustivement les protections contre l'auto‑incrimination. J'ai toutefois souligné, à la p. 442 de l'arrêt Thomson Newspapers, que «[j]e partage [. . .] l'avis de tous mes collègues que les énumérations précisées à l'al. 11c) et à l'art. 13 de la Charte ne couvrent pas nécessairement la totalité de la protection accordée par l'art. 7 et n'empêchent pas de conférer une teneur résiduelle à l'art. 7». Nous n'avons cependant pu tomber d'accord ni sur la nature et la portée de la teneur résiduelle de l'art. 7, ni sur les moyens à prendre pour déterminer cette nature et cette portée.

L'arrêt Hebert peut néanmoins être d'un certain secours. Le juge McLachlin y fait remarquer, à la p. 174, que «[l]a protection accordée par un système juridique qui confère à l'accusé le droit de ne pas s'incriminer au procès mais qui ne lui offre aucune protection à l'égard des déclarations faites antérieurement au procès serait illusoire». Il semble raisonnable de conclure que cet élargissement de la protection repose sur le principe interdisant l'auto‑incrimination.

Ainsi, bien qu'elle n'ait pas précisé la teneur résiduelle en matière d'auto‑incrimination de l'art. 7, il semble raisonnable de conclure que notre Cour a voulu qu'elle soit déterminée cas par cas, en fonction du principe interdisant l'auto‑incrimination.

En définitive, je conclus donc que le principe interdisant l'auto‑incrimination est un principe de justice fondamentale et que notre Cour l'a, implicitement du moins, reconnu comme tel.

Avant de passer à l'application à la présente affaire de cette analyse fondée sur la Charte, je dois aborder la question des restrictions apportées au principe interdisant l'auto‑incrimination. Une grande confusion et un grand désaccord règnent au sujet de cette question (voir, par exemple, le conflit dans l'arrêt Thomson Newspapers). Une multitude de points importants est soulevée. Le principe joue‑t‑il dans le cas d'une preuve auto‑incriminante fournie volontairement? S'applique‑t‑il à la preuve auto‑incriminante donnée par une personne qui n'est pas détenue par l'État? Sa protection s'étend‑elle à la preuve auto‑incriminante dérivée? Vise‑t‑il la preuve utilisée pour établir l'existence d'une déclaration antérieure incompatible?

Je crois qu'il convient de répondre à ces questions en fonction de la raison d'être fondamentale du principe et dans le contexte de l'analyse fondée sur l'art. 7. Cependant, il n'est pas nécessaire d'y répondre en l'espèce puisqu'il est question ici d'une preuve testimoniale obtenue de force d'une personne détenue par l'État, à des fins d'auto‑incrimination (caractéristiques qui font que cette preuve relève directement de la raison d'être et, partant, du principe).

(3) Application à la présente affaire

(i) Vie, liberté et sécurité de la personne

Tant selon l'interprétation large que selon l'interprétation stricte, l'art. 755 du Code criminel limite le droit à la liberté que l'art. 7 garantit à l'accusé. Si on conclut, sur la foi d'éléments de preuve produits en vertu de l'art. 755, que l'accusé est un délinquant dangereux, celui‑ci peut se voir infliger une peine de détention dans un pénitencier pour une période indéterminée. Il faut quand même se demander si ces restrictions apportées au droit à la liberté sont conformes aux principes de justice fondamentale.

(ii) Principes de justice fondamentale

Les restrictions apportées au droit à la liberté suivant l'interprétation large de l'art. 755 du Code criminel ne sont pas conformes aux principes de justice fondamentale. L'interprétation large de cet article permet d'utiliser contre l'accusé, aux fins de le condamner comme délinquant dangereux, la preuve obtenue de lui au cours d'une observation psychiatrique ordonnée afin d'empêcher qu'une personne qui est aliénée ou inapte à subir son procès ne soit déclarée coupable ou subisse un procès inéquitable. Cela permet donc l'auto‑incrimination.

(iii) Conclusion

Lorsque l'État oblige un accusé à se soumettre à une observation psychiatrique afin de déterminer s'il était aliéné au moment de l'infraction ou s'il est, pour cause d'aliénation mentale, inapte à mener sa défense, et qu'il se sert ensuite des résultats de cette observation dans des procédures visant à déterminer si l'accusé est un délinquant dangereux, cela revient à exiger d'un détenu qu'il témoigne contre lui‑même. Il y a donc restriction au droit à la liberté garanti par l'art. 7, qui, à moins d'être justifiée au sens de l'article premier, ferait en sorte que l'interprétation large de l'art. 755 violerait la Charte. Voilà qui m'amène à la question de savoir si la restriction que soulève cette interprétation est justifiée au sens de l'article premier.

Il est sans importance, aux fins de cet exercice d'interprétation législative, que ce soit l'accusé qui, en l'espèce, a demandé l'ordonnance de renvoi sous garde pour observation. L'accusé a sollicité cette ordonnance à d'autres fins que la tenue de procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux. De plus, l'article n'exige pas le consentement de l'accusé, de sorte qu'une ordonnance de renvoi pour observation peut être rendue en vertu de cet article contre le gré de l'accusé. Cela suffit pour constituer une restriction au droit à la liberté garanti par l'art. 7.

Je rejette la proposition selon laquelle l'arrêt Wilband c. The Queen, [1967] R.C.S. 14, qu'a rendu notre Cour avant l'entrée en vigueur de la Charte, nous contraint à conclure que le principe interdisant l'auto‑incrimination ne saurait s'appliquer dans des procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. L'arrêt Wilband établit que la règle relative aux confessions ne s'applique pas à de telles procédures et que, de toute façon, les psychiatres qui examinent le délinquant ne sont pas des personnes en autorité. La première de ces conclusions a été ainsi motivée par la Cour: [traduction] «La règle relative aux confessions [. . .] a été conçue en vue de s'appliquer aux procédures qui, d'une manière générale, mettent en cause la culpabilité ou l'innocence d'une personne accusée d'une infraction. Elle n'a pas été établie pour s'appliquer à des procédures liées à la détermination d'une peine» (le juge Fauteux, à la p. 20). En faisant cette distinction entre la détermination de la culpabilité et l'imposition d'une peine, la Cour s'est fondée notamment sur son arrêt antérieur Brusch c. The Queen, [1953] 1 R.C.S. 373.

Dans l'affaire Wilband, il était question d'examens psychiatriques effectués aux fins des procédures visant à déterminer si le délinquant était dangereux, ce qui ressort plus clairement des motifs de la Cour d'appel que du bref arrêt de notre Cour: voir (1965), 51 W.W.R. 251 (C.A.C.‑B.). La situation était donc différente des présentes circonstances où des éléments de preuve obtenus de l'accusé avant le procès et pour une autre fin ont par la suite été utilisés contre lui lors des procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux. Il s'ensuit donc que l'arrêt Wilband peut se distinguer aisément de la présente affaire.

Dans la mesure où l'arrêt Wilband est invoqué à l'appui de la proposition plus large voulant qu'à la suite d'une déclaration de culpabilité les garanties en matière de procédure et de preuve ne s'appliquent pas dans le cadre des procédures de détermination de la peine, l'arrêt de notre Cour R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368, commande le rejet d'un tel élargissement. Il y a été statué en effet que les faits contestés sur lesquels le ministère public s'appuie relativement à la peine à infliger doivent être établis selon la norme habituellement applicable en matière criminelle, celle de la preuve hors de tout doute raisonnable. Comme l'affirme le juge Dickson (plus tard Juge en chef), aux pp. 413 à 415:

La détermination de la sentence fait partie d'un processus décisionnel du droit criminel. Sir James Fitzjames Stephen a écrit en 1863 que [traduction] «la sentence constitue l'essence même de la procédure. Elle est au procès ce que le boulet est à la poudre» (cité par Olah dans «Sentencing: The Last Frontier of The Criminal Law» (1980), 16 C.R. (3d) 97, à la p. 98). Cet énoncé est encore vrai de nos jours.

. . .

Il ne faut pas oublier non plus que l'aveu de culpabilité comporte en soi l'aveu des éléments juridiques essentiels de l'infraction en question, mais rien de plus. La poursuite doit prouver toutes les circonstances aggravantes qu'elle invoque et qui ne sont pas visées par cet aveu. Si ces circonstances ne sont pas contestées, la procédure peut être très peu formaliste. Si elles le sont, la question doit se régler selon les principes juridiques ordinaires qui régissent les procédures en matière criminelle, notamment le principe portant que tout doute pertinent doit profiter à l'accusé.

Pour moi, les faits qui justifient la peine ne sont pas moins importants que ceux qui justifient la déclaration de culpabilité; les deux devraient être soumis à la même norme de preuve. L'infraction et la peine sont inextricablement liées. [traduction] «Il semble bien établi que le processus de sentence n'est qu'une phase du procès» (Olah, précité, à la p. 107). L'accusé n'est pas soudainement privé, dès sa déclaration de culpabilité, de tous les droits dont il dispose en matière de procédure lors du procès: il a le droit d'être représenté par un avocat, de citer des témoins et de contre‑interroger les témoins de la poursuite, ainsi que de témoigner lui‑même et de plaider auprès du tribunal.

L'arrêt Wilband, indépendamment de toute reconsidération qui peut s'imposer en vertu de la Charte, peut se distinguer facilement de la présente affaire et l'arrêt Gardiner est venu en restreindre la portée. Plus précisément, le ministère public ne saurait invoquer l'arrêt Wilband à l'appui de la notion selon laquelle le principe interdisant l'auto‑incrimination ne saurait s'appliquer en l'espèce parce que les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux font partie du processus de détermination de la peine.

Je ne crois pas non plus que les motifs de la Cour à la majorité dans l'affaire R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309 soient déterminants en l'espèce. Je souligne qu'il y a peut‑être lieu de réexaminer à la lumière de notre arrêt subséquent R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541, l'opinion exprimée par notre Cour à la majorité dans l'arrêt Lyons, selon laquelle une personne qui fait face à des procédures visant à déterminer si elle est un délinquant dangereux n'est pas un «inculpé» au sens de l'art. 11 de la Charte. Dans l'arrêt Wigglesworth, la Cour a statué à la majorité que les garanties de l'art. 11 s'appliquent aux procédures qui entraînent de «véritables conséquences pénales»: voir, par exemple, les motifs du juge Wilson, à la p. 561. Une peine d'emprisonnement dans un pénitencier pour une période indéterminée semblerait constituer une telle conséquence. Il n'est toutefois pas nécessaire de reconsidérer cet aspect de l'arrêt Lyons aux fins de la présente affaire, parce que le résultat auquel j'arrive concorde parfaitement avec l'opinion de la majorité dans l'affaire Lyons.

La Cour à la majorité, dans l'affaire Lyons, a nettement reconnu le rôle que l'art. 7 pouvait jouer dans ce genre de procédures ainsi que l'ampleur des restrictions qui peuvent être apportées à la liberté du délinquant dans ces procédures. Le juge La Forest dit, par exemple, à la p. 354:

La conclusion que l'appelant ne peut pas se prévaloir du droit, garanti par l'al. 11f), de bénéficier d'un procès avec jury n'apporte toutefois pas de solution définitive à la question de savoir s'il a droit à ce que ce soit un jury qui décide s'il est dangereux ou, d'une manière plus générale, si les formalités de la procédure suffisent du point de vue constitutionnel pour sauvegarder sa liberté. Ces questions sembleraient relever d'une enquête fondée sur l'art. 7, car l'art. 11, loin de limiter la portée de l'art. 7, sert simplement à illustrer et peut‑être à préciser ses applications possibles . . .

Il me semble que, dans le contexte de l'art. 7, la nature et la qualité des garanties en matière de procédure qu'il faut accorder à l'individu ne sauraient être fonction d'une logique stérile ni d'une classification formaliste du type d'instance dont il s'agit. On doit plutôt mettre l'accent sur le caractère pratique de l'instance et sur l'effet qu'elle risque d'avoir sur la liberté individuelle.

De plus, les juges formant la majorité dans l'affaire Lyons se sont expressément abstenus de fonder leur conclusion que l'art. 7 n'exigeait pas de soumettre à la décision d'un jury les questions soulevées dans le cadre de procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux, sur la distinction, invoquée dans les arrêts Wilband et Brusch, entre les procédures qui visent à déterminer la culpabilité et celles qui visent à déterminer la peine. Comme l'affirme le juge La Forest, à la p. 362:

À d'autres égards, cependant, la jurisprudence postérieure à l'arrêt Brusch a donné à la partie XXI une interprétation qu'il conviendrait peut‑être jusqu'à un certain point de réexaminer en cette Cour. Compte tenu de l'analyse qui précède, il se pourrait bien que la logique qui a permis de conclure que les demandes fondées sur la partie XXI font partie du processus de détermination de la peine ne puisse maintenant servir à justifier la réduction des droits en matière de procédure qui paraît en avoir découlé.

Bref, les arrêts Lyons et Gardiner limitent sensiblement la portée des conclusions fondées uniquement sur une distinction entre les procédures qui visent à déterminer la culpabilité et celles qui visent à déterminer la peine. Toute conclusion de cette nature reviendrait, pour reprendre les termes du juge La Forest, à justifier la «réduction» des droits en fonction d'une «logique stérile» et d'une «classification formaliste».

C. L'article premier de la Charte

L'article premier de la Charte prévoit certaines restrictions aux droits et libertés énoncés dans celle‑ci:

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Le critère applicable pour déterminer ce qui constitue des limites dont la justification puisse se démontrer a été formulé par notre Cour dans l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, puis résumé dans l'arrêt Swain, précité, aux pp. 980 et 981:

1. L'objectif de la disposition attaquée doit être suffisamment important pour justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution; il doit se rapporter à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique, pour qu'on puisse le qualifier de suffisamment important.

2. S'il est reconnu qu'un objectif est suffisamment important, les moyens choisis pour atteindre l'objectif doivent respecter un critère de proportionnalité; c'est‑à‑dire qu'ils doivent:

a) avoir un «lien rationnel» avec l'objectif et n'être ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondés sur des considérations irrationnelles;

b) porter «le moins possible» atteinte au droit ou à la liberté en question;

c) être de nature à ce que leurs effets sur la restriction des droits et libertés soient proportionnels à l'objectif.

L'article 755 vise à protéger la société contre les délinquants dangereux. Bien que cette protection représente une préoccupation urgente et réelle dans notre société et qu'elle soit suffisamment importante pour justifier la restriction d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution, l'interprétation large de l'art. 755 ne satisfait pas aux volets «lien rationnel» et «atteinte minimale» du critère de l'arrêt Oakes.

Le volet «lien rationnel» dudit critère exige que les moyens aient un «lien rationnel» avec l'objectif et qu'ils ne soient ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondés sur des considérations irrationnelles. L'admission, lors d'une audience visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, des résultats d'un examen psychiatrique obligatoire ordonné en vertu de l'al. 537(1)b) me semble, à première vue, avoir un lien rationnel avec l'objectif de protection de la société contre les délinquants dangereux; elle aide à déceler et à incarcérer les délinquants dangereux. Elle est toutefois inéquitable alors qu'il n'est pas nécessaire qu'elle le soit. Plus précisément, les moyens choisis pour atteindre l'objectif sont inéquitables en l'espèce. Pour bénéficier de la protection contre l'incarcération ou un procès inéquitable que les principes de justice fondamentale assurent aux personnes atteintes d'une maladie mentale, l'accusé ne devrait pas être contraint à s'incriminer pour les fins de procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux. Pourtant, selon l'interprétation large de l'art. 755, l'accusé, pour bénéficier de cette protection, est obligé de s'exposer à une auto‑incrimination qui pourrait entraîner une peine de durée indéterminée s'il était condamné à titre de délinquant dangereux. Cela est inéquitable. Bien entendu, il pourrait en être autrement si c'était après la déclaration de culpabilité qu'était ordonnée l'observation psychiatrique obligatoire aux fins de procédures visant à déterminer si le contrevenant est un délinquant dangereux.

Il y a lieu de souligner ici que l'analyse utilisée pour décider si des éléments de preuve recueillis en vertu de l'al. 537(1)b) sont admissibles dans des procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, peut également servir à statuer sur l'admissibilité de tels éléments de preuve dans d'autres procédures (par ex., des poursuites ultérieures). En règle générale, pour bénéficier de la protection contre une déclaration de culpabilité ou un procès inéquitable que les principes de justice fondamentale assurent aux personnes atteintes d'une maladie mentale, l'accusé ne devrait pas être contraint à s'incriminer dans d'autres procédures.

De plus, en l'espèce, il y a davantage qu'une atteinte minimale à l'art. 7. L'objectif de protection de la société contre les délinquants dangereux peut être atteint en ordonnant l'observation en vertu de l'art. 756 du Code criminel plutôt qu'en vertu de l'al. 537(1)b). L'article 756 comporte des garanties pour le délinquant et porte donc moins atteinte que l'al. 537(1)b) aux droits conférés par l'art. 7. Par exemple, l'al. 537(1)b) autorise un juge de paix à renvoyer le prévenu sous garde lorsqu'il existe des éléments de preuve indiquant que ce dernier peut être atteint d'une maladie mentale. Aux termes de l'art. 756, par contre, le juge de paix peut renvoyer le délinquant sous garde seulement (sauf dans des circonstances particulières) lorsqu'il y a des motifs de croire qu'il serait possible d'obtenir, à la suite de l'observation, des éléments de preuve pouvant s'avérer utiles aux procédures visant à déterminer s'il s'agit d'un délinquant dangereux. Qui plus est, une ordonnance de renvoi ne peut être rendue en vertu de l'art. 756 qu'une fois que le délinquant a été déclaré coupable, tandis que l'ordonnance de renvoi fondée sur l'al. 537(1)b) peut être rendue avant.

En conséquence, l'art. 755, interprété largement, ne satisfait pas au critère de l'arrêt Oakes et cette interprétation doit être rejetée.

La présomption de constitutionnalité en matière d'interprétation législative exige que l'art. 755 ne soit pas interprété comme rendant admissibles, dans des procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, les éléments de preuve recueillis au cours d'une observation psychiatrique ordonnée en vertu de l'al. 537(1)b).

Il y a lieu de souligner ici que les nouvelles dispositions du Code criminel (les art. 672.11 et 672.21) qui sont venu remplacer l'al. 537(1)b) confirment cette interprétation de l'art. 755. Dans ces nouvelles dispositions, le Parlement a manifestement rendu inadmissibles, dans des procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, les éléments de preuve recueillis au cours d'une observation psychiatrique obligatoire du genre ordonné en vertu de l'ancien al. 537(1)b).

Je conclus qu'en l'espèce les éléments de preuve obtenus par les psychiatres et le psychologue au cours de l'observation ordonnée en vertu de l'al. 537(1)b) n'étaient pas admissibles dans les procédures visant à déterminer si l'accusé était un délinquant dangereux.

D. Le sous‑alinéa 686(1)b)(iii) du Code criminel

Je dois maintenant examiner s'il y a lieu d'appliquer la disposition réparatrice du sous‑al. 686(1)b)(iii) du Code criminel.

L'article 759 du Code criminel prévoit ceci:

759. (1) Les personnes condamnées à la détention dans un pénitencier pour une période indéterminée sous l'autorité de la présente partie peuvent interjeter appel d'une telle condamnation à la cour d'appel sur toute question de droit ou de fait ou toute question mixte de droit et de fait.

. . .

(7) Les dispositions de la partie XXI relatives à la procédure sur appel s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, aux appels prévus par le présent article.

L'article 686 ne figure pas parmi les dispositions de la partie XXI relatives à la procédure sur appel. Le sous‑alinéa 686(1)b)(iii) ne s'applique pas aux appels fondés sur la partie XXIV du Code criminel. Donc, il n'est même pas possible en l'espèce d'appliquer la disposition réparatrice.

Me fondant sur l'al. 759(3)a), j'ordonnerai la tenue d'une nouvelle audience pour déterminer la peine. J'espère que les parties conviendront de ne pas contraindre les victimes de l'appelant à témoigner à cette nouvelle audience. Leur témoignage n'a pas été contesté au cours de la présente instance et il serait probablement extrêmement pénible pour elles d'être obligées de revivre encore une fois les agressions sexuelles qu'elles ont subies.

E. La portée de la présente décision

Le dernier point à aborder en l'espèce est celui de la portée du présent arrêt. En premier lieu, il importe de souligner que l'analyse qui précède ne vise que la preuve psychiatrique et psychologique recueillie grâce à une observation ordonnée par un tribunal.

En deuxième lieu, il importe de souligner qu'on ne doit pas considérer le présent arrêt comme statuant implicitement sur l'une ou l'autre des nouvelles dispositions du Code criminel (plus particulièrement l'al. 672.21(3)c)). De prime abord, l'al. 672.21(3)c) semble rendre admissibles, aux fins de déterminer si l'accusé est un délinquant dangereux, les déclarations qu'il a faites dans le cadre de l'évaluation ou du traitement prévu par une décision. Cet alinéa ne rend toutefois pas admissibles aux mêmes fins des déclarations qu'il a faites au cours d'une observation psychiatrique qu'il a été contraint de subir. Il les rend plutôt admissibles pour déterminer si l'accusé est un accusé dangereux atteint de troubles mentaux. C'est l'art. 672.65 (non encore en vigueur) qui traite ensuite des accusés dangereux atteints de troubles mentaux. Quant aux délinquants dangereux, ce sont toujours les art. 753 et suivants qui s'appliquent à eux. Aux termes du par. 672.21(2), les déclarations faites pendant une observation psychiatrique forcée sont en fait inadmissibles aux fins de procédures visant à déterminer si l'accusé est un délinquant dangereux, parce que de telles procédures ne sont pas visées par la disposition dérogatoire de l'art. 672.21. Le fait que l'interprétation large de l'art. 755 du Code criminel n'élimine pas l'obstacle de l'article premier de la Charte ne doit toutefois pas être considéré comme ayant une incidence quelconque sur la constitutionnalité de l'al. 672.21(3)c) du Code criminel. Les arguments fondés sur l'article premier que l'on pourra invoquer à l'appui de l'al. 672.21(3)c) seront différents de ceux avancés au soutien de l'art. 755, et notre Cour n'en a pas été saisie en l'espèce.

V. Dispositif

Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience pour déterminer la peine.

Version française du jugement des juges La Forest, L'Heureux-Dubé, Gonthier, McLachlin et Iacobucci rendu par

Le juge Gonthier — Se pose en l'espèce la question de l'admissibilité, dans le cadre de procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux, d'une preuve psychiatrique recueillie au cours d'un examen psychiatrique préalable au procès, effectué conformément à une ordonnance fondée sur l'al. 465(1)c) du Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34 (devenu plus tard l'al. 537(1)b), L.R.C. (1985), ch. C-46, puis abrogé par L.C. 1991, ch. 43, art. 9). J'ai pris connaissance des motifs du juge en chef Lamer, mais, en toute déférence, je n'y souscris pas et je rejeterais le pourvoi.

I. Les faits

Scott Jones avait des antécédents d'agressions sexuelles. Le 28 mai 1982, il a été reconnu coupable d'avoir commis des infractions de viol, de tentative de viol et de grossière indécence contre des fillettes âgées de 10, 12 et 13 ans. Quand des policiers ont cherché à l'arrêter relativement à ces incidents, Jones les a affrontés avec un fusil chargé, ce qui lui a valu une déclaration de culpabilité de possession d'une arme à une fin dangereuse pour la paix publique. Jones a été condamné à cinq ans de prison pour les incidents en question.

Le 25 novembre 1985, Jones a obtenu sa libération conditionnelle. Le 24 octobre 1986, il a agressé sexuellement une femme de 26 ans, qu'il a contrainte de monter dans sa voiture où il l'a séquestrée. On a reproché à Jones d'avoir commis une agression sexuelle contre une jeune fille de 14 ans le 26 octobre 1986. Le 5 novembre, un jour après avoir été interrogé relativement aux agressions sexuelles précédentes, il en a commis une nouvelle sur une fillette de neuf ans en la menaçant avec un couteau. Le 7 novembre, Jones a fait l'objet de trois chefs d'agression sexuelle armée (portés en vertu de l'art. 246.2 du Code criminel) et de trois chefs de séquestration (portés en vertu du par. 247(2) du Code).

Le 18 novembre 1986, l'avocat de l'appelant a demandé qu'il soit renvoyé pour observation afin de déterminer s'il était atteint d'une maladie mentale. L'avocat de l'appelant a notamment demandé l'ordonnance afin de déterminer si l'appelant était apte à subir son procès et s'il était sain d'esprit au moment de la perpétration des infractions reprochées, ainsi que pour obtenir sur lui des renseignements en vue de déterminer la peine à lui imposer. L'appelant a donc été renvoyé pour observation conformément au sous‑al. 465(1)c)(iii) du Code. Une ordonnance de détention pendant 30 jours a été rendue [traduction] «pour fins d'observation médicale ou psychiatrique, ou les deux à la fois».

Deux psychiatres et un psychologue ont examiné l'appelant au Forensic Psychiatric Institute. Avant le premier examen, le Dr Lohrasbe a prévenu l'appelant qu'aucun de leurs entretiens ne serait confidentiel et que tous les renseignements fournis pourraient être utilisés contre lui dans le cadre des poursuites. Un second psychiatre, le Dr Semrau, a également examiné l'appelant et l'a averti que l'entrevue n'était pas confidentielle et qu'elle pourrait être utilisée contre lui en cour. De plus, il a informé l'appelant de son droit de consulter un avocat. Quant au psychologue, le Dr La Torre, il a averti l'appelant, avant de l'interviewer, que tout ce qu'il dirait pourrait servir devant les tribunaux.

D'après le juge du procès, l'appelant avait certes été suffisamment averti que ses discussions avec les psychiatres pourraient être utilisées contre lui, mais on ne l'avait pas expressément prévenu que la preuve qu'ils recueilleraient pourrait servir à déterminer s'il était un délinquant dangereux.

Au cours de son évaluation de la santé mentale de l'appelant, le Dr Lohrasbe a commencé à s'inquiéter de la possibilité de futurs actes de violence de la part de l'appelant. C'est M. Jones lui‑même qui a suscité cette inquiétude en disant pendant l'examen qu'il risquait de faire de nouvelles victimes. Quoiqu'il ait considéré les répercussions de l'utilisation de cette preuve au moment de déterminer si l'appelant était un délinquant dangereux, le Dr Lohrasbe n'a pas fondamentalement modifié sa façon de procéder aux entrevues. Bien qu'il ait appliqué un test d'intelligence légèrement différent (c'est‑à‑dire une version plus généralement acceptée), la portée du test était identique à celle du test visant à déterminer l'état de santé mentale de Jones.

L'appelant a plaidé coupable relativement à un chef d'agression sexuelle et à un chef d'agression sexuelle armée. Pendant les procédures qui ont été engagées par la suite en vue de déterminer si l'appelant était un délinquant dangereux, le juge du procès a tenu un voir‑dire dans le cadre duquel l'appelant a contesté l'admissibilité de la preuve émanant des trois médecins du Forensic Psychiatric Institute, pour le motif que l'admission de cette preuve porterait atteinte aux droits que lui garantissait l'art. 7 de la Charte. Le juge du procès a conclu à l'admissibilité de cette preuve, malgré le fait que l'appelant n'avait reçu aucune mise en garde supplémentaire sur la possibilité que ces témoignages de psychiatre soient utilisés dans des procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux.

Le Dr Lohrasbe a conclu que l'appelant était extrêmement dangereux et, selon lui, rien ne permettait de croire que cet état psychologique changerait dans un avenir prévisible. Il a jugé que d'autres jeunes femmes seraient en danger si on relâchait l'appelant dans la collectivité. Le Dr La Torre en est venu à la conclusion que l'appelant ressentait une grande hostilité envers les femmes et que le fait qu'il ne s'en rendait pas bien compte créait un risque énorme de récidive. Le Dr Semrau, de son côté, a décelé dans la propension de l'appelant à l'agression sexuelle un mode de comportement fort dangereux qui risquait fort de se reproduire à l'avenir.

Les deux médecins qui ont témoigné pour le compte de l'appelant ont reconnu que ses problèmes étaient profondément enracinés. Ils étaient toutefois d'avis que les traitements qu'il suivrait pendant la période normale de détention pourraient empêcher toute récidive de sa part. Le juge du procès a conclu que l'appelant était dangereux au sens du Code.

II. Les juridictions inférieures

A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique

Le juge Spencer a tiré trois conclusions cruciales dans sa décision sur la question de l'admissibilité de la preuve des psychiatres aux fins d'une procédure visant à déterminer si l'appelant était un délinquant dangereux. Il a d'abord conclu que la portée de l'examen effectué n'a pas changé sensiblement par suite des soupçons des médecins concernant les tendances «dangereuses» de l'appelant et qu'il n'y a eu aucune tentative d'induire l'appelant en erreur concernant cette portée:

[traduction] Le Dr La Torre a témoigné que les tests psychologiques qu'il avait fait subir auraient été les mêmes de toute façon, sauf que le test d'intelligence aurait été différent en l'absence de la directive d'examiner si l'accusé était dangereux. Le test psychologique ou plutôt le test d'intelligence auquel on a procédé, qu'on appelle le WAS Revised Test, a révélé chez l'accusé un quotient intellectuel de 86, ce qui le situait dans la moyenne inférieure.

Le Dr Semrau est allé voir l'accusé à la demande du Dr Lohrasbe qui voulait obtenir l'avis d'un autre médecin. Cette demande a été faite, semble-t-il, non pas parce que le Dr Lohrasbe avait commencé à soupçonner que l'accusé présentait un risque de récidive, mais plutôt en raison de la gravité des accusations portées contre l'accusé, soit, à l'époque, trois accusations d'agression sexuelle et peut‑être certaines autres liées à ces agressions.

. . .

Les indices du risque dont j'ai été saisi lors du témoignage des psychiatres, à l'occasion du voir‑dire, se dégagent dans le cours normal d'un examen consensuel effectué conformément à l'al. 465c).

Le juge du procès a ensuite examiné l'argument de l'appelant invoquant une atteinte aux droits que lui garantissait l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, en raison de l'omission des médecins de le prévenir de la possibilité que son témoignage psychiatrique soit utilisé contre lui lors de procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux. Le juge Spencer a admis la distinction, faite dans les arrêts R. c. Langevin (1984), 11 C.C.C. (3d) 336 (C.A. Ont.), et Wilband c. The Queen, [1967] R.C.S. 14, entre l'utilisation d'une telle preuve aux fins de déterminer la culpabilité et son utilisation pour déterminer la peine à imposer:

[traduction] L'unique droit dont je puisse constater l'existence est celui visé à l'al. 11c), c'est‑à‑dire le droit de ne pas s'incriminer. Dans cette disposition, ce droit est limité aux inculpés. On aurait pu trouver à l'art. 7 un droit plus général reconnu également aux personnes qui, techniquement, ne sont plus inculpées, n'était‑ce du fait que les plus hautes instances ont, dans l'arrêt R. c. Wilband, nié l'existence d'un tel droit en droit criminel canadien.

Dans son jugement, le juge du procès a conclu que l'appelant était un délinquant dangereux au sens des sous‑al. 688a)(i) et (ii), et il lui a infligé une peine de durée indéterminée. Ce verdict se fondait sur l'examen de l'ensemble de la preuve produite devant le juge, y compris celle des psychiatres recueillie dans le cadre de l'évaluation, préalable au procès, de la santé mentale de l'appelant.

B. Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1992), 75 C.C.C. (3d) 327

Le juge Legg commence ses motifs en confirmant que c'est en fonction de la preuve produite que le juge Spencer a conclu que l'examen psychiatrique faisait simplement partie du processus visant à déterminer si l'appelant était atteint d'une maladie mentale, et qu'il ne s'agissait pas d'une mesure distincte prise à son insu (à la p. 336):

[traduction] D'après mon interprétation de l'ensemble de la preuve du Dr Lohrasbe, je conclus que son enquête sur le danger potentiel que présentait l'appelant faisait partie de l'évaluation qu'on lui avait ordonné d'effectuer afin de déterminer si l'appelant était atteint d'une maladie mentale. Comme il l'a dit dans l'extrait de son témoignage que je viens de citer, cette évaluation portait sur les raisons qui poussaient à commettre ces agressions.

La Cour d'appel a ensuite examiné les arrêts de notre Cour R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151, et R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595, afin de déterminer s'il y avait eu violation des droits que l'art. 7 de la Charte garantissait à l'appelant. Elle a affirmé que le présent litige diffère sensiblement de ces deux affaires, et ce, à deux égards importants. Premièrement, l'appelant a consenti aux examens et il comprenait que les conclusions tirées pourraient servir de preuve contre lui. Deuxièmement, les psychiatres n'ont eu recours à aucun subterfuge pour tenter de faire parler l'accusé. La cour a conclu, à la p. 337, que:

[traduction] Aux termes de l'ordonnance rendue en vertu de l'art. 537 du Code criminel, les médecins devaient déterminer si l'appelant était atteint d'une maladie mentale. De par son texte même, l'ordonnance ne les obligeait pas à s'en tenir à l'évaluation de la santé mentale de l'appelant au moment de la perpétration des infractions dont il était accusé, ou à l'évaluation de son aptitude à subir son procès. Elle permettait, voire recherchait, une évaluation visant à déterminer si l'appelant était atteint d'une maladie mentale.

L'appelant bénéficiait de l'assistance d'un avocat et c'est sur son conseil qu'il a accepté de subir un examen psychiatrique afin de déterminer s'il souffrait d'une maladie mentale et s'il était apte à subir son procès. L'appelant savait que ce qu'il pourrait dire ne serait pas sous le sceau de la confidentialité et pourrait être inclus dans un rapport adressé à la cour. Il a parlé franchement et ouvertement aux médecins de l'institut médico-légal. Il n'a pas invoqué son droit de garder le silence. Les médecins n'ont eu recours à aucun subterfuge pour l'amener à s'ouvrir à eux.

Compte tenu de ces distinctions, la Cour d'appel a conclu qu'il n'y avait pas eu de violation des droits garantis à l'appelant par l'art. 7 de la Charte et que le juge du procès avait eu raison d'admettre la preuve en question.

Le juge Legg a ensuite procédé à l'analyse de l'argument (que l'appelant avançait pour la première fois devant la Cour d'appel) invoquant une violation des droits garantis à l'appelant par l'al. 10b) de la Charte, en raison de l'omission des médecins de lui donner la possibilité de consulter un avocat après que la portée des examens eut été élargie de manière à comprendre une évaluation du danger qu'il pouvait présenter. Le juge Legg a fait une distinction d'avec l'arrêt de notre Cour R. c. Black, [1989] 2 R.C.S. 138, en affirmant que l'appelant en l'espèce était au courant des infractions pour lesquelles il était détenu. Citant à l'appui les arrêts R. c. Vandale, C.A.C.‑B., Victoria CA18/84, 31 octobre 1984 (inédit), et R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, la cour a conclu que le ministère public n'était nullement tenu de donner avis à l'appelant des différentes peines dont il était passible.

La Cour d'appel a refusé d'appliquer l'arrêt de la Cour suprême des États‑Unis Estelle c. Smith, 451 U.S. 454 (1981), en soulignant que cet arrêt et la présente affaire différaient sous un aspect important. Dans cet arrêt, les avocats de la défense n'avaient pas été avisés de l'examen psychiatrique. En l'espèce, l'avocat de l'appelant a, en fait, demandé l'examen et il savait que le rapport du psychiatre pourrait être utilisé contre son client. Le juge Legg a donc conclu à l'absence de toute violation des droits garantis à l'appelant par l'al. 10b).

III. Les dispositions législatives pertinentes

Charte canadienne des droits et libertés

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

10. Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention:

. . .

b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit; . . .

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46

537. (1) Un juge de paix agissant en vertu de la présente partie peut:

. . .

b) dans une ordonnance par écrit adressée à un prévenu:

(i) soit lui ordonner de se présenter pour observation devant la personne indiquée et aux lieu et date indiqués,

(ii) soit le renvoyer à la garde qu'il prescrit pour observation pendant trente jours au plus,

lorsque, suivant son opinion, appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire que . . .

(iii) le prévenu peut être atteint d'une maladie mentale,

. . .

(3) Le juge de paix, qui, compte tenu des observations faites à la suite de l'ordonnance rendue conformément à l'alinéa (1)b), a des raisons suffisantes de douter de la capacité du prévenu, pour cause d'aliénation mentale, de mener sa défense, doit ordonner que cette question soit tranchée dès l'enquête préliminaire.

(4) Le juge de paix qui ordonne qu'une question soit tranchée conformément au paragraphe (3) doit se conformer à l'article 615 dans la mesure où il peut s'appliquer.

753. Sur demande faite, en vertu de la présente partie, postérieurement à la déclaration de culpabilité mais avant le prononcé de la sentence, le tribunal, convaincu que, selon le cas:

a) l'infraction commise constitue un sévice grave à la personne, aux termes de l'alinéa a) de la définition de cette expression à l'article 752, et que le délinquant qui l'a commise constitue un danger pour la vie, la sécurité ou le bien‑être physique ou mental de qui que ce soit, en vertu de preuves établissant, selon le cas:

(i) que, par la répétition de ses actes, notamment celui qui est à l'origine de l'infraction dont il est déclaré coupable, le délinquant démontre qu'il est incapable de contrôler ses actes et permet de croire qu'il causera vraisemblablement la mort de quelque autre personne ou causera des sévices ou des dommages psychologiques graves à d'autres personnes,

(ii) que, par la répétition continuelle de ses actes d'agression, notamment celui qui est à l'origine de l'infraction dont il est déclaré coupable, le délinquant démontre une indifférence marquée quant aux conséquences raisonnablement prévisibles que ses actes peuvent avoir sur autrui,

(iii) un comportement, chez ce délinquant, associé à la perpétration de l'infraction dont il vient d'être déclaré coupable, d'une nature si brutale que l'on ne peut s'empêcher de conclure qu'il y a peu de chance pour qu'à l'avenir ce comportement soit inhibé par les normes ordinaires de restriction du comportement;

b) l'infraction commise constitue un sévice grave à la personne, aux termes de l'alinéa b) de la définition de cette expression à l'article 752, et que la conduite antérieure du délinquant dans le domaine sexuel, y compris lors de la perpétration de l'infraction dont il a été déclaré coupable, démontre son incapacité à contrôler ses impulsions sexuelles et laisse prévoir que vraisemblablement il causera à l'avenir de ce fait des sévices ou autres maux à d'autres personnes,

peut déclarer qu'il s'agit là d'un délinquant dangereux et lui imposer, au lieu de toute autre peine qui pourrait être imposée pour l'infraction dont il vient d'être déclaré coupable, une peine de détention dans un pénitencier pour une période indéterminée.

755. (1) Lors de l'audition d'une demande en vertu de la présente partie, le tribunal entend la preuve d'au moins deux psychiatres et toute autre preuve qu'il considère pertinente y compris la preuve de tout psychologue ou criminologue appelé comme témoin par la poursuite ou par le délinquant.

756. (1) Le tribunal à qui une demande est faite en vertu de la présente partie peut, dans une ordonnance écrite:

a) soit ordonner au délinquant que vise la demande de se présenter pour observation devant la personne et aux lieu et date indiqués;

b) soit renvoyer le délinquant à la garde qu'il prescrit pour observation pour une période maximale de trente jours,

lorsque, suivant son opinion appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le délinquant y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire qu'il serait possible d'obtenir par suite de cette observation, des preuves pouvant s'avérer utiles à l'examen d'une telle demande.

IV. Analyse

L'appelant soutient que les droits que lui garantit la Charte ont été violés de deux façons. Premièrement, l'omission de l'aviser expressément que les résultats des examens psychiatriques pourraient être utilisés au cours des procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux constituait une atteinte aux droits que lui garantissait l'art. 7. Deuxièmement, son droit, aux termes de l'al. 10b), à l'assistance d'un avocat a été violé du fait qu'on ne l'a pas avisé que la portée de l'examen psychiatrique était élargie de manière à inclure des observations sur sa dangerosité future.

L'article 755 du Code criminel traite de la preuve qui peut être produite dans le cadre de procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. On y lit: «Lors de l'audition d'une demande en vertu de la présente partie, le tribunal entend la preuve d'au moins deux psychiatres et toute autre preuve qu'il considère pertinente y compris la preuve de tout psychologue ou criminologue appelé comme témoin par la poursuite ou par le délinquant». Le juge en chef Lamer donnerait à cette disposition une interprétation atténuée de manière à écarter tout élément de preuve recueilli au cours des évaluations psychiatriques préalables au procès, auxquelles l'accusé a consenti. En toute déférence, je ne saurais souscrire à ce point de vue.

A. L'article 7

Depuis l'avènement de la Charte, notre Cour n'a jamais examiné la question de l'admissibilité des résultats d'observations psychiatriques préalables au procès, dans des procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. La Cour a toutefois abordé, dans l'arrêt Wilband c. The Queen, précité, celle de l'utilisation d'aveux non volontaires faits au cours d'observations psychiatriques dans le cadre de procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. Dans l'affaire Wilband, l'avocat avait fait valoir qu'une telle preuve devrait être inadmissible en raison de la règle du ouï‑dire et parce que son admission violerait la règle relative aux confessions.

Les faits de l'arrêt Wilband présentent une ressemblance frappante avec ceux de la présente affaire. Frank Wilband avait commis un certain nombre d'agressions sexuelles sur des fillettes. Se fondant en partie sur le témoignage de deux psychiatres qui l'avaient examiné, le juge du procès conclu que Wilband était un délinquant sexuel dangereux. L'avocat de Wilband a soutenu qu'on n'avait pas prouvé que les examens avaient été subis volontairement, de sorte que la règle du ouï‑dire et la règle relative aux confessions avaient toutes deux été violées, rendant ainsi le témoignage des psychiatres inadmissible lors de l'audience visant à déterminer si Wilband était un délinquant dangereux.

Dans l'arrêt Wilband, notre Cour a fait la distinction suivante, que je tiens pour tout aussi valable depuis l'avènement de la Charte qu'elle l'était à l'époque. Le juge Fauteux, plus tard Juge en chef, affirme, au nom de la Cour à l'unanimité, aux pp. 19 et 20:

[traduction] La question sur laquelle porte de telles procédures [visant à déterminer s'il s'agit d'un délinquant sexuel dangereux], auxquelles on ne peut avoir recours que si l'accusé a été déclaré coupable d'une infraction sexuelle [. . .] est de savoir non pas si l'accusé devrait être reconnu coupable d'une autre infraction, mais uniquement de savoir si son état ou sa condition font de lui un délinquant sexuel dangereux au sens de l'al. 659b) du Code criminel. L'existence d'un tel état ou d'une telle condition ne constitue pas une infraction. [. . .] De fait, il se dégage nettement du par. 661(3) du Code criminel que le but visé par le législateur en adoptant ces dispositions spéciales n'est pas de créer une infraction mais bien de permettre à la cour, dans les cas où un délinquant sexuel est jugé dangereux, de lui imposer une peine au lieu ou en sus de celle qui a été infligée, ou qui aurait pu l'être, pour l'infraction sexuelle dont il a été déclaré coupable. Ces procédures visent non pas à prononcer une déclaration de culpabilité d'une infraction, mais à déterminer la peine à imposer à la suite de la déclaration de culpabilité. La règle relative aux confessions, qui exclut les déclarations incriminantes dont on n'a pas prouvé formellement le caractère volontaire, a été conçue en vue de s'appliquer aux procédures qui, d'une manière générale, mettent en cause la culpabilité ou l'innocence d'une personne accusée d'une infraction. Elle n'a pas été établie pour s'appliquer à des procédures liées à la détermination d'une peine. [Je souligne.]

La Cour a conclu que ni la règle du ouï‑dire ni la règle relative aux confessions n'avait été violée étant donné que la culpabilité de l'accusé avait été établie. Les procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant sexuel dangereux ont été assimilées à une forme de détermination de la peine, à laquelle une telle protection ne s'appliquait généralement pas.

Les tribunaux ont retenu le même point de vue, depuis l'avènement de la Charte. Par exemple, dans l'arrêt R. c. Langevin, précité, aux pp. 355 et 356, la Cour d'appel de l'Ontario statue ceci:

[traduction] La procédure prévue à la partie XXI du Code a pour objet de déterminer si la personne reconnue coupable d'une infraction est un «délinquant dangereux» et de déterminer la peine appropriée. Une fois déclaré coupable (ou acquitté), le délinquant n'est plus un «inculpé». Les procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux ont trait non pas à «l'infraction qu'on lui reproche», mais bien à la question de sa dangerosité future.

La Cour d'appel de l'Ontario a conclu que ni l'art. 7 ni l'al. 11c) ne garantissait le droit d'être prévenu de la possibilité que des déclarations faites pendant un examen psychiatrique initial soient utilisées au cours de procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. Le juge du procès a suivi l'arrêt Langevin en l'espèce.

Dans le cas qui nous occupe, la réponse à la question de l'art. 7 dépend de celle de savoir si la distinction faite dans l'arrêt Wilband entre des procédures comportant le risque d'être déclaré coupable d'une infraction et des procédures de détermination de la peine est toujours valide. Le juge en chef Lamer écarterait cette distinction. Il affirme, à la p. 247:

La présente analyse porte sur deux principes de justice fondamentale. Le premier est le principe interdisant de reconnaître coupable une personne qui était aliénée au moment de l'infraction et d'engager des procédures contre un accusé qui, pour cause d'aliénation mentale, est inapte à mener sa défense. Le second est le principe interdisant l'auto‑incrimination. En l'espèce, l'accusé, afin de pouvoir bénéficier de la protection du premier principe, a dû se soumettre à une observation psychiatrique pendant un certain temps. Les résultats de cette observation ont ensuite servi à l'incriminer dans des procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux.

Sauf le respect que je lui dois, je ne puis convenir avec le juge en chef Lamer que les résultats de l'observation psychiatrique servent à «incriminer» l'accusé lors des procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux. Il n'en est rien. Rendu au stade des procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux, l'accusé a déjà été reconnu coupable de l'infraction qui lui était reprochée. Il a, en fait, déjà été «incriminé» et, partant, transformé d'«inculpé» en «délinquant». Les procédures prévues à l'art. 753 concernent la détermination de la peine et ne constituent pas une accusation distincte portée contre le délinquant. Conclure qu'une personne est un délinquant dangereux ne constitue pas une conclusion distincte de culpabilité pas plus qu'une peine particulière n'engendre une culpabilité distincte.

La distinction entre les procédures de détermination de la peine et celles visant à établir la culpabilité a été renforcée par notre Cour dans l'arrêt R. c. Lyons, précité, où le juge La Forest, s'exprimant au nom de la majorité, a conclu que les dispositions relatives aux délinquants dangereux, contenues dans les art. 687 à 695 du Code criminel, ne violaient pas les art. 7, 9, 11 ou 12 de la Charte.

Traitant de la question de savoir si l'al. 11f) de la Charte exige que soit entendue par un jury une demande d'attribution de statut de délinquant dangereux, le juge La Forest a fait les observations suivantes, à la p. 353:

Rien ne semblerait justifier une révision de la conclusion de cette Cour [dans l'arrêt Wilband c. The Queen] que l'attribution d'une «étiquette» ne constitue pas l'imputation d'une infraction. Je ne crois pas non plus que l'art. 11 de la Charte justifie une conclusion différente. Comme je l'ai fait observer dans l'arrêt Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500, on doit prêter à l'expression «Tout inculpé», au début de l'article, un sens fixe qui soit en harmonie avec les différents alinéas de cet article. Il me paraît évident qu'aux fins de l'art. 11 il ne siérait pas du tout de conclure qu'une personne reconnue coupable d'une infraction se voit inculper d'une autre infraction lorsqu'elle fait l'objet d'une demande fondée sur la partie XXI. Comment peut‑on prétendre que le droit d'être présumé innocent tant qu'on n'est pas déclaré coupable (al. 11d)) et le droit d'être mis en liberté sous caution (al. 11e)), par exemple, pourraient jouer dans le contexte de la procédure spéciale prévue à la partie XXI pour des cas où il y a déjà eu déclaration de culpabilité? [Souligné dans l'original.]

Le juge Sopinka a tout récemment cité et approuvé ces observations, au nom de la Cour à la majorité, dans l'arrêt R. c. Potvin, [1993] 2 R.C.S. 880, à la p. 908. Il s'agit toutefois d'une opinion qui n'a pas reçu l'appui du juge Lamer (maintenant Juge en chef) dans les motifs de dissidence qu'il a rédigés dans l'affaire Lyons. Celui‑ci affirme, aux pp. 373 et 374:

Suivant la partie XXI, si la cour estime que le délinquant est dangereux, alors, plutôt que de lui imposer une peine d'une durée déterminée dans les limites prévues pour l'infraction dont il a été déclaré coupable, elle peut lui infliger une peine de détention dans un pénitencier pour une période indéterminée. Du moment qu'elle décide qu'il s'agit d'un délinquant dangereux, la cour est autorisée à imposer une peine plus lourde. Le statut de délinquant dangereux constitue donc, selon moi, une infraction aux fins de l'art. 11 et le délinquant est inculpé dès qu'une demande est présentée en vertu de la partie XXI.

Notre Cour a rejeté, à la nette majorité, cette qualification d'infraction distincte aux fins de l'al. 11 attribuée aux procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. Même si elle a reconnu, dans l'arrêt Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486, que les droits énoncés aux art. 8 à 14 de la Charte illustrent les droits prévus à l'art. 7 plutôt que d'en constituer une liste exhaustive, notre Cour a écarté, dans l'arrêt Lyons, la proposition selon laquelle les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux pouvaient être qualifiées de nouveau procès au cours duquel l'accusé devait se voir accorder la même protection procédurale que celle offerte lors de l'audience initiale. Je ne vois aucune raison d'adopter en l'espèce un raisonnement contraire à celui suivi dans l'arrêt Lyons.

De plus, je ne crois pas, comme le laisse entendre le juge en chef Lamer, qu'il y ait «peut‑être lieu de réexaminer [l'arrêt Lyons] à la lumière de notre arrêt subséquent R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541» (p. 261). Il s'agissait, dans cette affaire, de déterminer si une «infraction majeure ressortissant au service» au sens de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, ch. R-9, constituait une «infraction» au sens de l'art. 11 de la Charte. En décidant si la protection de l'art. 11 pouvait être invoquée à l'égard d'une question de discipline privée, le juge Wilson s'est demandée si la discipline entraînait de véritables conséquences pénales. Elle a conclu que la peine d'un an de prison constituait une véritable conséquence pénale. Ainsi, l'agent accusé d'une infraction majeure ressortissant au service bénéficierait de la protection de l'art. 11 pendant l'audience visant à déterminer sa culpabilité, en raison des véritables conséquences pénales auxquelles il se trouve exposé en dernière analyse.

Le juge Wilson ne dit nulle part que, puisque la partie intéressée est exposée à de véritables conséquences pénales au stade de la détermination de la peine, les procédures de détermination de la peine entraînent l'application de la pleine protection de l'art. 11. Toutes les procédures de détermination de la peine comportent de véritables conséquences pénales. Peu importe que la personne reconnue coupable soit exposée à une peine d'emprisonnement de dix ans ou à une peine de durée indéterminée, comme dans le cas des procédures visant à déterminer si on est en présence d'un délinquant dangereux, l'audience tenue aux fins de déterminer la peine comporte pour elle de véritables conséquences pénales. Ces conséquences pénales découlent du fait qu'elle a été reconnue coupable d'un crime grave dans le cadre de procédures au cours desquelles elle pouvait bénéficier de la pleine protection de l'art. 11. Suivant la logique du juge en chef Lamer, il faudrait conclure que l'existence de véritables conséquences pénales au stade de la détermination de la peine suffit pour qu'on puisse invoquer la pleine protection de la Charte pendant ces procédures, bien que la partie intéressée ait déjà été reconnue coupable d'une infraction. En toute déférence, je ne crois pas que la jurisprudence existante appuie ce point de vue. L'arrêt Lyons demeure incontesté pour ce qui est d'affirmer que la personne qui fait face à des procédures visant à déterminer si elle est un délinquant dangereux ne se trouve pas accusée d'une infraction distincte, pas plus que des procédures de détermination de la peine ne constituent une infraction distincte.

Le juge La Forest a entrepris d'analyser le droit à un procès devant un jury dans le contexte des droits garantis par l'art. 7, en insistant sur l'aspect fonctionnel des procédures en question et sur l'incidence qu'elles peuvent avoir sur la liberté de l'individu. Il a conclu, à la p. 361, que l'art. 7 ne commandait pas un procès devant jury dans le cas des procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux:

Il suffit toutefois de dire qu'en l'espèce rien n'exige une décision par un jury. Le délinquant a déjà été reconnu coupable d'une infraction à l'issue d'un procès dans le cadre duquel il aurait pu choisir d'invoquer son droit à un jury. De plus, la procédure dont il a fait l'objet à la suite de la déclaration de culpabilité est moins lourde de conséquences pour sa liberté que ne l'est la détermination initiale. Ce point de vue s'impose d'ailleurs en vertu des mêmes considérations qui ont amené cette Cour, dans l'arrêt Brusch, précité, à décider que les procédures en question font partie du processus de détermination de la peine.

Là encore, l'opinion de la majorité différait de celle du juge Lamer qui a conclu, à la p. 375, qu'«on ne saurait affirmer que la partie XXI fait simplement partie intégrante du processus de détermination de la peine relativement aux sévices graves à la personne».

Le juge La Forest a aussi abordé la question de savoir s'il y a eu violation des droits que l'art. 7 garantissait à l'accusé, du fait qu'il n'a pas été informé, avant de plaider coupable, de l'intention du ministère public de présenter une demande en vertu de la partie XXI. Encore une fois, la Cour a conclu, aux pp. 371 et 372, à l'absence de toute violation de ces droits:

On n'a jamais allégué, ni en cette Cour ni devant les tribunaux d'instance inférieure (où cette question n'a même pas été débattue), que l'appelant ne s'est pas rendu compte des conséquences possibles de son plaidoyer; en fait, la partie XXI elle‑même indique que les dispositions relatives aux délinquants dangereux peuvent être invoquées si l'accusé a commis des «sévices graves à la personne». On n'allègue pas non plus, par exemple, que l'accusé a été injustement pris au dépourvu par la demande, ni qu'il n'a pas été représenté par un avocat compétent, ni que l'avocat l'a incité à plaider coupable contre son gré, etc. . . . [Souligné dans l'original.]

Il faut alors se demander si les conclusions de l'arrêt Lyons relatives au droit à un procès devant jury ou à un préavis des accusations portées devraient s'appliquer à l'utilisation d'évaluations psychiatriques préalables au procès, au cours de procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. Je crois non seulement que cette application est compatible avec nos arrêts Brusch c. The Queen, [1953] 1 R.C.S. 373, ainsi que Wilband et Lyons, précités, mais encore qu'elle est appuyée par la position que notre Cour a adoptée plus récemment dans les arrêts R. c. Hebert et R. c. Broyles, précités.

L'arrêt R. c. Hebert a confirmé que l'accusé bénéficie de la protection de l'art. 7 pendant la période antérieure au procès. Dans cette affaire, l'accusé avait clairement affirmé qu'il ne voulait pas parler à la police. On a alors eu recours à un subterfuge en plaçant, dans la cellule de l'accusé, un agent de police banalisé qui l'a amené à faire des déclarations incriminantes. J'ai partagé l'avis du juge McLachlin (s'exprimant au nom de la majorité) que la protection de l'art. 7 s'appliquait également aux enquêtes préalables au procès et que la conduite policière avait effectivement privé l'accusé de son droit de garder le silence.

Je tire de l'analyse du juge McLachlin, dans l'arrêt Hebert, trois conclusions de portée différente. Selon celle de portée étroite, la police ne pouvait recourir à un subterfuge pour obtenir des confessions d'un accusé. Selon celle de portée plus large, l'application de l'art. 7 pour protéger les déclarations préalables au procès était nécessaire pour assurer l'équité du procès. Selon celle ayant la portée la plus large, les droits garantis par l'art. 7 comportent un équilibre contextuel entre les intérêts de l'individu et ceux de l'État.

Suivant la conclusion de portée étroite de l'arrêt Hebert, la police ne pouvait avoir recours à un subterfuge pour arracher à l'accusé des déclarations qu'il n'aurait pas faites par ailleurs. Le juge McLachlin affirme, à la p. 180:

La portée du droit de garder le silence doit être définie de façon suffisamment générale pour que la personne détenue conserve le droit de choisir de parler ou non aux autorités ou de garder le silence, sans égard au fait qu'elle soit assujettie au pouvoir supérieur de l'État. Selon cette conception, le droit doit être de portée suffisamment large pour exclure les artifices qui priveraient réellement le suspect de son choix.

Il est évident que l'État n'a pas le droit de recourir à un subterfuge pour amener l'accusé à faire des déclarations contre son gré. Le consentement doit être donné librement après que l'accusé s'est vu offrir la possibilité de consulter un avocat. Cependant, la Cour a reconnu, dans les arrêts Hebert et Broyles, que les déclarations qu'un accusé fait volontairement à un fonctionnaire de l'État ne portent pas atteinte au droit de garder le silence que lui garantit l'art. 7.

En l'espèce, trois conclusions importantes ont été tirées à cet égard. Premièrement, l'appelant a non seulement consenti à l'évaluation de sa santé mentale, mais encore il l'a demandée. La demande d'évaluation psychiatrique visait non seulement à recueillir des éléments de preuve relatifs à l'aptitude de l'appelant à subir son procès et à sa santé mentale au moment de l'infraction, mais aussi à obtenir des renseignements sur lui en vue de la peine à imposer. L'avocat de l'appelant l'a reconnu en affirmant: [traduction] «Je tiens à ce que ce soit clair et mon souci à ce moment‑là était d'obtenir sur ce jeune homme des renseignements aux fins de la détermination de la peine».

Deuxièmement, les médecins n'ont pas trompé l'accusé quant à la nature des tests qu'ils lui faisaient subir. Ils n'ont pas commencé par une analyse de sa santé mentale pour ensuite modifier, à son insu, leur méthode d'évaluation de manière à évaluer sa dangerosité. Le juge du procès a conclu que les médecins ont procédé à la même analyse de la santé mentale de l'accusé que celle à laquelle ils auraient procédé s'ils ne l'avaient pas soupçonné d'être dangereux: [traduction] «Les indices du risque dont j'ai été saisi lors du témoignage des psychiatres, à l'occasion du voir‑dire, se dégagent dans le cours normal d'un examen consensuel effectué conformément à l'al. 465c)».

Troisièmement, l'appelant a, sur le conseil de son avocat, consenti librement aux tests en question. On l'a amplement prévenu que ses déclarations pourraient être utilisées contre lui en cour. Malgré ces mises en garde, et sur le conseil de son avocat, l'appelant a participé librement aux tests. Contrairement à ce qui s'était passé dans l'affaire Hebert, on n'a eu recours à aucun subterfuge pour lui arracher des déclarations. Comme l'a conclu la Cour d'appel, à la p. 337:

[traduction] L'appelant bénéficiait de l'assistance d'un avocat et c'est sur son conseil qu'il a accepté de subir un examen psychiatrique afin de déterminer s'il souffrait d'une maladie mentale et s'il était apte à subir son procès. L'appelant savait que ce qu'il pourrait dire ne serait pas sous le sceau de la confidentialité et pourrait être inclus dans un rapport adressé à la cour. Il a parlé franchement et ouvertement aux médecins de l'institut médico-légal. Il n'a pas invoqué son droit de garder le silence. Les médecins n'ont eu recours à aucun subterfuge pour l'amener à s'ouvrir à eux.

Il est évident que les faits de la présente affaire n'appellent pas l'application de l'arrêt Hebert.

La conclusion légèrement plus générale qu'il faut tirer de l'arrêt Hebert est que la protection de l'art. 7 doit s'appliquer au cours de la période préalable au procès afin d'assurer l'équité du procès lui‑même. Sur ce point, le juge McLachlin a conclu, à la p. 174:

D'un point de vue pratique, le rapport entre le privilège de ne pas s'incriminer et le droit de garder le silence à l'étape de l'enquête est tout aussi clair. La protection accordée par un système juridique qui confère à l'accusé le droit de ne pas s'incriminer au procès mais qui ne lui offre aucune protection à l'égard des déclarations faites antérieurement au procès serait illusoire.

La pleine protection de l'art. 7 au cours de la phase préalable au procès est essentielle pour éviter que l'accusé soit déclaré coupable par suite de déclarations qu'il a involontairement faites contre son intérêt. Cette logique peut difficilement s'appliquer à la phase postérieure au procès. Puisque la culpabilité a alors déjà été établie de façon concluante, je ne crois pas que la logique de l'arrêt Hebert s'applique. Comme notre Cour l'a statué dans l'arrêt Lyons, la protection offerte par les art. 7 à 14 a une portée plus limitée dans le cadre de la détermination de la peine. Une fois la culpabilité établie, nos principes de justice fondamentale exigent que l'on s'attache à déterminer la peine la plus appropriée pour le coupable. Tenir pour acquis que la protection accordée par l'art. 7, après le procès, devrait être identique à celle accordée avant et pendant le procès, c'est faire abstraction d'un fait intermédiaire plutôt crucial: l'accusé a été reconnu coupable d'un crime. La culpabilité étant établie, la cour tient davantage compte des intérêts de la société en décidant de la peine appropriée pour le coupable. La preuve produite au procès est recevable à cette fin. Selon moi, il devrait en être de même de la preuve émanant de l'évaluation psychiatrique.

Si je comprends bien le raisonnement du juge en chef Lamer, il insiste sur le compromis que l'accusé doit faire éventuellement en décidant s'il demandera un examen psychiatrique pour déterminer sa santé mentale au moment de l'infraction et son aptitude à subir son procès. Le juge en chef Lamer soutient que l'accusé devrait pouvoir demander un examen psychiatrique sans craindre qu'il ne soit utilisé ultérieurement contre lui au stade des procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux. Toutefois, cette logique s'appliquerait tout autant au témoignage de l'accusé relativement à son état mental lors de la perpétration de l'infraction.

Supposons qu'un tribunal se trouve devant une situation de fait analogue à celle de l'arrêt R. c. Chaulk, [1990] 3 R.C.S. 1303. L'accusé se présente à la barre pour étayer le moyen de défense de l'aliénation mentale lors de la perpétration de l'infraction. Il témoigne qu'il devait tuer la victime (et d'autres personnes comme elle) à cause de la menace qu'elle représentait pour le monde et pour sa propre sécurité personnelle. Cependant, si on conclut que ce dernier savait que ses actes étaient moralement répréhensibles, son moyen de défense sera rejeté. Or, selon le raisonnement du juge en chef Lamer, ce témoignage ne devrait pas être pris en considération au cours des procédures visant à déterminer s'il s'agit d'un délinquant dangereux parce que l'accusé l'a fait dans le but de bénéficier d'une déclaration qu'il était aliéné au moment de l'infraction. J'estime qu'il serait contraire à nos principes de justice fondamentale que l'accusé puisse, au cours de l'instance, témoigner au sujet de son besoin compulsif de commettre un homicide, mais que ce même témoignage ne puisse être pris en considération au moment de lui infliger une peine. Je ne vois aucune différence entre ce témoignage et tout autre que l'accusé pourrait faire dans l'espoir d'échapper à un verdict de culpabilité, mais qui pourrait servir à déterminer la peine appropriée. De même, je conclus qu'il serait contraire à nos principes de justice fondamentale de faire abstraction d'une preuve psychiatrique qui a été légalement recueillie en vertu de l'al. 537(1)b) du Code et qui est pertinente aux fins d'apprécier la dangerosité du délinquant, au stade de la détermination de la peine.

La dernière conclusion à tirer de l'arrêt Hebert veut que l'art. 7 établisse un équilibre contextuel entre les intérêts de l'individu et ceux de l'État. Le juge McLachlin affirme, aux pp. 179 et 180:

L'article 7 et les garanties procédurales plus spécifiques qui suivent visent généralement le juste équilibre entre les droits respectifs de l'individu et de l'État dans les procédures judiciaires où la vie, la liberté ou la sécurité de l'accusé est compromise. L'article 7 garantit le droit de l'individu à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Mais il reconnaît que ces droits ne sont pas absolus. Dans certaines circonstances, l'État peut à juste titre priver une personne de ces droits. Mais cela doit se faire en conformité avec les principes de justice fondamentale.

. . .

Par l'intermédiaire de l'art. 7, la Charte tente de restreindre le pouvoir de l'État sur la personne détenue. Elle tente donc d'établir un équilibre entre les intérêts de la personne détenue et ceux de l'État. D'une part, l'art. 7 cherche à protéger la personne visée par le processus judiciaire contre l'emploi inéquitable des ressources supérieures de l'État. D'autre part, il conserve à l'État son pouvoir de porter atteinte aux droits d'un individu à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne pourvu qu'il respecte les principes de justice fondamentale. Cet équilibre est crucial.

Cette approche contextuelle est conforme à notre façon générale d'aborder l'interprétation de la Charte. Comme l'a dit le juge Cory dans l'arrêt R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, à la p. 226:

Il est désormais clair que la Charte doit être interprétée en fonction du contexte dans lequel une revendication prend naissance. Le contexte est important à la fois pour délimiter la signification et la portée des droits garantis par la Charte et pour déterminer l'équilibre qu'il faut établir entre les droits individuels et les intérêts de la société.

L'équilibre entre les intérêts de l'État et ceux de l'individu s'établit différemment selon qu'il s'agit de procédures de détermination de la peine comme celles prévues dans les dispositions relatives aux délinquants dangereux, ou qu'on en est rendu à une étape préalable au procès ou au procès lui‑même.

Je répète que la partie qui en est rendue aux procédures visant à déterminer si elle est un délinquant dangereux a déjà été reconnue coupable de l'infraction. Dans les cas où il existe un risque sérieux de récidive, le Parlement a jugé bon de prévoir une peine de durée indéterminée pour les délinquants qui présentent un danger pour le public. L'article 753 vise à protéger la société contre les délinquants qui constituent «un danger pour la vie, la sécurité ou le bien‑être physique ou mental de qui que ce soit». Comme le fait remarquer le juge La Forest, aux pp. 328 et 329 de l'arrêt Lyons:

Il faut se rappeler que l'appelant n'a pas été appréhendé à cause de ses actes criminels antérieurs (pour lesquels il a déjà été puni) ni à cause de craintes ou de soupçons quant à sa propension au crime, pour être ensuite soumis à une procédure visant à déterminer s'il valait mieux pour la société qu'il soit incarcéré indéfiniment. Il a plutôt été arrêté et poursuivi pour un crime violent très grave et soumis à une procédure destinée à déterminer la peine qu'il convenait de lui infliger dans les circonstances.

. . .

D'où l'importance de reconnaître la nature précise des objectifs pénologiques de la partie XXI. Il est clair que la détention pour une période indéterminée répond à des fins à la fois punitives et préventives. L'une et l'autre constituent des buts légitimes de la sanction pénale. De fait, lorsque la société incarcère un voleur pendant dix ans, par exemple, il est évident que le but visé est double: punir l'auteur du crime et empêcher la récidive pendant cette période. Toutefois, la détention préventive dans le contexte de la partie XXI représente simplement un jugement que l'importance relative des objectifs de réinsertion sociale, de dissuasion et de châtiment peut diminuer sensiblement dans un cas particulier et celle de la prévention s'accroître proportionnellement.

Comme c'est toujours le cas en matière de détermination de la peine, l'intérêt public en matière de sécurité ainsi que l'intérêt général à ce que soit fixée la peine la plus appropriée pour le délinquant en question exigent que l'on dispose de la plus grande gamme possible de renseignements pour faire une évaluation exacte du danger que présente le délinquant.

Dans le cas de procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux, il est d'autant plus important que la cour ait accès à la plus grande gamme possible de renseignements afin de déterminer s'il existe un risque sérieux pour la sécurité publique. Dans l'affirmative, le processus de détermination de la peine à infliger à un délinquant dangereux permet au système de justice de fixer plus exactement la peine que devra effectivement purger le délinquant en fonction de la menace qu'il représente pour la société. L'objet prépondérant est non pas de punir le délinquant, mais de prévenir l'accomplissement de futurs actes de violence par l'imposition d'une peine de durée indéterminée. La peine de durée indéterminée n'est pas illimitée. Si, en l'espèce, les psychiatres témoignant pour le compte de l'accusé ont raison de conclure que M. Jones sera apte à retrouver sa liberté dans dix ans, alors il sera libéré à ce moment‑là. Le délinquant ne sera incarcéré que pendant le temps où il présente un risque sérieux pour la sécurité de la société. En attendant, on souhaite qu'il reçoive un traitement qui l'aidera à maîtriser sa conduite. Mettre en liberté un délinquant dangereux alors qu'il demeure incapable de se maîtriser n'est dans l'intérêt ni du délinquant ni de la société.

La préoccupation relative aux intérêts de la société n'est ni nouvelle ni limitée aux procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. Elle a toujours existé dans notre système général de détermination de la peine. Le rapport déposé en 1969 par le Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle, intitulé Justice pénale et correction: un lien à forger, énonce, à la p. 15, trois moyens auxquels le processus de justice criminelle peut recourir pour protéger la société:

Le processus de la justice criminelle ne peut protéger la société qu'au moyen

a)de l'effet de dissuasion, tant général que particulier, des interdictions et sanctions décrétées par le droit criminel;

b)des mesures de correction conçues pour assurer la réinsertion sociale du délinquant;

c)du contrôle plus ou moins sévère qu'il exerce sur le délinquant, y compris la ségrégation d'un délinquant dangereux jusqu'au moment où il peut être libéré sans danger ou, lorsqu'il est impossible de le libérer sans danger, la ségrégation à vie. [Je souligne.]

La nécessité de tenir compte des intérêts de la société au stade de la détermination de la peine a été soulignée par la Commission de réforme du droit du Canada, à la p. 3 de son document de travail no 3 intitulé Les principes de la détermination de la peine et du prononcé de la sentence (1974):

Ainsi, il existe deux raisons qui justifient une première intervention du droit pénal et du sentencing: le bien commun et le sens de la justice, lequel exige le redressement d'un tort. En d'autres termes, l'intervention étatique destinée à priver le délinquant de son bien ou de sa liberté peut tirer sa justification de la théorie selon laquelle le préjudice causé doit être réparé. Toutefois, il semble qu'à titre de justification préliminaire, il faudrait démontrer que l'intervention étatique servirait le bien commun, autrement on pourrait dire que l'individu devrait se voir imposer une sanction, même si celle‑ci semble n'avoir aucune utilité.

À la page 166 de son rapport intitulé Réformer la sentence: une approche canadienne (1987), la Commission canadienne sur la détermination de la peine décrit ainsi l'objet fondamental de la détermination de la peine:

Il est reconnu et établi qu'une société libre et démocratique ne peut jouir de la paix et de la sécurité que par l'application des principes de justice fondamentale. Conformément au but général du droit pénal qui est de préserver une société juste, pacifique et sûre, le but essentiel de la sentence consiste à préserver l'autorité de la loi et à en promouvoir le respect par l'imposition de sanctions justes.

À l'étape de la détermination de la peine, l'accent est mis davantage sur les intérêts de la société et la protection procédurale accordée au délinquant est définie plus restrictivement. Pour pouvoir faire l'évaluation exacte du délinquant qui est nécessaire pour fixer une peine appropriée, le juge chargé de déterminer la peine doit disposer de la plus grande gamme possible de renseignements.

En refusant à la cour la possibilité de prendre connaissance des constatations antérieures des psychiatres, on pourrait entraver la détermination efficace du véritable risque que présente le délinquant. Même s'il est vrai qu'aux termes de l'art. 756 la cour peut renvoyer le délinquant pour observation aux fins de recueillir des éléments de preuve sur son statut de délinquant dangereux, le délinquant peut tenter de dissimuler certains aspects de son caractère, voire même refuser de répondre aux questions des psychiatres. Par conséquent, il y a vraiment un danger que la preuve écartée, qui émane de l'évaluation psychiatrique préalable au procès, ne se manifeste pas postérieurement au procès. Cela crée un risque important qu'un délinquant ne soit pas qualifié de dangereux malgré l'existence, au stade préalable au procès, d'une preuve psychiatrique claire qu'il constitue un danger sérieux pour la société. Bien qu'une telle exclusion puisse être acceptable au moment où la culpabilité de l'accusé n'est pas encore établie, elle ne saurait se justifier par la suite. Écarter une preuve psychiatrique claire de la dangerosité de l'accusé reviendrait à demander à d'autres jeunes filles, dans la collectivité, d'assumer le risque que ces renseignements n'apparaissent pas lors de l'évaluation psychiatrique postérieure au procès. La mise en liberté de Scott Jones, pendant qu'il continue de représenter une menace manifeste pour leur sécurité, n'est pas un risque qu'elles devraient être forcées d'assumer.

Cela ne veut pas dire qu'aucune protection n'est accordée au délinquant à l'étape de la détermination de la peine. Comme le fait remarquer le juge en chef Lamer, notre Cour a statué dans l'arrêt R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368, que le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable les faits contestés, lors de l'audience tenue pour déterminer la peine à imposer. Toutefois, en déterminant quels faits sont admissibles au stade de la détermination de la peine, la Cour a confirmé de nouveau, dans l'arrêt Gardiner, le principe généralement reçu selon lequel les juges devraient avoir accès aux renseignements les plus complets possibles concernant les antécédents de l'accusé. Comme l'affirme le juge Dickson, à la p. 414:

Tout le monde sait que les règles strictes qui régissent le procès ne s'appliquent pas à l'audience relative à la sentence et il n'est pas souhaitable d'imposer la rigueur et le formalisme qui caractérisent normalement notre système de procédures contradictoires. La règle interdisant le ouï‑dire ne s'applique pas aux audiences relatives aux sentences. On peut recevoir des éléments de preuve par ouï‑dire s'ils sont crédibles et fiables. Jusqu'ici, le juge a joui d'une grande latitude pour choisir les sources et le genre de preuves sur lesquelles il peut fonder sa sentence. Il doit disposer des renseignements les plus complets possibles sur les antécédents de l'accusé pour déterminer la sentence en fonction de l'accusé plutôt qu'en fonction de l'infraction. [Je souligne.]

Lorsqu'on dispose d'une preuve psychiatrique qui a été légalement obtenue en exécution d'une ordonnance fondée sur l'al. 537(1)b) et qui est pertinente pour apprécier la dangerosité du délinquant, cette preuve devrait être admise à l'étape de la détermination de la peine. La protection offerte par l'art. 7 ne disparaît pas lors de cette détermination. Cependant, elle ne va pas jusqu'à permettre que soit écartée une preuve cruciale que des psychiatres ont légalement obtenue lors de l'évaluation préalable au procès et qui peut montrer si le délinquant pourrait être considéré comme dangereux. Du moment qu'il s'agit de déterminer la peine à imposer, une importance accrue doit être accordée aux besoins de la société. Ceci peut ne pas paraître idéal du point de vue du délinquant. Le juge en chef Lamer a toutefois fait remarquer dans R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114, à la p. 142, que: «. . . la Constitution ne garantit pas toujours la situation «idéale»». De même, comme le souligne le juge La Forest à la p. 362 de l'arrêt Lyons, précité, l'art. 7 ne donne pas à l'accusé le droit de bénéficier des «procédures les plus favorables que l'on puisse imaginer».

B. L'alinéa 10b)

Devant la Cour d'appel, l'avocat de l'appelant a avancé l'argument supplémentaire voulant que les droits que l'al. 10b) garantissait à son client aient été violés de deux façons au cours des examens psychiatriques. En premier lieu, la mise en garde que lui avaient faite les médecins ne précisait pas la portée véritable du risque auquel il était exposé, compte tenu de la possibilité que ses déclarations soient utilisées dans le cadre de procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux. En deuxième lieu, l'avocat fait valoir qu'il aurait fallu accorder à l'appelant une seconde possibilité d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat lorsqu'il est apparu que l'examen était réorienté de manière à déterminer si l'appelant était dangereux.

Quant au premier point, l'appelant s'appuie sur l'arrêt de notre Cour Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383. Dans l'affaire Clarkson, l'accusée avait fait une déclaration incriminante alors qu'elle était très ivre et perturbée, et avant d'avoir consulté un avocat. Le principe énoncé dans cet arrêt n'est tout simplement pas applicable aux faits de la présente affaire. Monsieur Jones a été averti que tout ce qu'il dirait pendant l'examen psychiatrique pourrait être utilisé en cour contre lui. Sur le conseil de son avocat, il a consenti librement à l'interrogatoire. Comme le souligne le Dr Lohrasbe dans son rapport: [traduction] «Monsieur Jones connaît exactement les accusations portées contre lui, les plaidoyers possibles et leurs conséquences éventuelles. Il est au courant de différents aspects du processus judiciaire et comprend notamment le rôle des gens qui sont présents en cour. Il est parfaitement en mesure de communiquer avec son avocat».

Les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux s'insèrent dans le processus de détermination de la peine. Il est du devoir de l'avocat d'informer l'accusé de la peine à laquelle il sera exposé s'il est déclaré coupable d'avoir commis un crime donné. Compte tenu des antécédents de l'appelant, l'avocat aurait dû savoir que le ministère public engagerait vraisemblablement des procédures visant à déterminer si l'appelant était un délinquant dangereux. Puisque, dans l'arrêt Lyons, nous avons dit que les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux font partie du processus de détermination de la peine, il n'incombe nullement au ministère public de signifier à l'accusé, avant qu'il n'inscrive son plaidoyer, son intention d'engager de telles procédures. Si le ministère public n'est pas tenu avant le procès de donner avis du recours à ces procédures, je vois mal pourquoi il aurait fallu s'attendre à ce que les médecins avertissent l'accusé de la possibilité que soient engagées des procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux. Il suffisait qu'ils l'informent de la possibilité générale que la cour puisse se servir de ses déclarations. Comme l'a indiqué la Cour d'appel, à la p. 342:

[traduction] En l'espèce, l'appelant savait que de graves accusations pesaient sur lui. Il était représenté par un avocat qui avait accepté qu'il soit interrogé par les médecins. À mon avis, ces derniers n'avaient aucune obligation de le mettre au courant d'un choix en matière de détermination de la peine qui était encore à faire, non pas par eux, mais par le procureur général.

Il ne s'agit pas d'un cas analogue à l'affaire Estelle c. Smith, précitée, où l'avocat de l'accusé ignorait qu'on lui faisait subir des tests. Ici, l'accusé a demandé à subir les tests et il a été informé que ses déclarations pourraient être utilisées contre lui. Étant donné que les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux s'inscrivent dans le processus de détermination de la peine qui suit le verdict de culpabilité, cette mise en garde générale était suffisante.

L'appelant fait valoir en outre qu'il avait le droit de consulter de nouveau son avocat après que [traduction] «la décision du Dr Lohrasbe d'apprécier la dangerosité future de l'appelant [eut] changé le risque auquel il était exposé, en ce sens qu'il devenait passible d'une peine de durée indéterminée plutôt que d'une peine maximale de 14 ans de prison» (mémoire de l'appelant, à la p. 24). Il cite l'arrêt R. c. Black, précité, à l'appui de la proposition selon laquelle l'accusé doit être informé une seconde fois de son droit à l'assistance d'un avocat lorsque les circonstances donnent lieu à une infraction différente qui n'a rien à voir avec l'autre ou d'une infraction beaucoup plus grave.

Cette position présente deux difficultés. D'abord, le juge du procès a constaté que l'orientation des tests n'avait pas changé par suite des craintes du Dr Lohrasbe que l'accusé ne soit dangereux. Il ne faut pas oublier qu'il n'appartient pas aux psychiatres de déterminer si un accusé est un délinquant dangereux, s'il est apte à subir son procès ou s'il était atteint d'une maladie mentale au moment de l'infraction. Cela est le propre des tribunaux. Comme l'a dit le juge Ewaschuk dans Re Moore and The Queen (1984), 10 C.C.C. (3d) 306, aux pp. 310 et 311:

[traduction] J'accepte l'argument selon lequel le témoignage d'un psychiatre, d'un psychologue ou d'un criminologue présente parfois un caractère hautement spéculatif, et, dans certains cas, un profane serait tout aussi bien placé pour prédire la dangerosité future. En dernière analyse, toutefois, c'est le tribunal et non pas les témoins experts qui doit en être convaincu. Mais cela ne veut pas dire que des experts ne peuvent pas aider le tribunal, surtout sur la question de savoir si le délinquant souffre actuellement de troubles psychiques, comme par exemple la psychopathie, qui peuvent indiquer la probabilité d'une conduite dangereuse future.

Le rôle du psychiatre se limite à faire des observations relatives à la santé mentale de l'accusé, lesquelles pourront se révéler utiles à plusieurs étapes du processus judiciaire. Il n'est guère étonnant que les observations faites à la suite de l'ordonnance initiale enjoignant de déterminer la santé mentale de l'accusé se soient révélées également utiles pour apprécier sa dangerosité. Les psychiatres n'ont toutefois pas entrepris une analyse distincte ou différente afin d'obtenir des renseignements plus complets sur la dangerosité de l'accusé.

La seconde difficulté que présente la position de l'appelant tient à son recours à l'arrêt Black, dans lequel le juge Wilson a dit qu'il faut accorder, une seconde fois, le droit de consulter un avocat à l'accusé qui se voit inculpé d'une infraction sensiblement différente ou plus grave. Cet arrêt ne présente tout simplement aucune analogie avec la présente affaire. L'accusé n'a pas été inculpé d'une infraction différente ni d'une infraction plus grave. Comme en a décidé la Cour dans l'arrêt Lyons, les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux ne constituent pas une nouvelle infraction. Vu l'absence d'une obligation supplémentaire d'avertir de la possibilité que ces procédures soient engagées ou que la preuve recueillie au cours de l'examen y soit utilisée, je conclus qu'il n'y a pas eu de violation des droits que l'al. 10b) garantissait à l'appelant.

Étant donné ma conclusion à l'inexistence d'une violation de l'art. 7 ou de l'al. 10b) de la Charte, je n'ai pas à traiter de l'article premier ou du par. 24(2). J'aimerais néanmoins aborder brièvement la question du par. 24(2).

Le juge en chef Lamer affirme que le par. 24(2) ne rend pas recevable la preuve psychiatrique obtenue préalablement au procès, étant donné que l'utilisation de cette preuve rendrait le procès inéquitable. Comme je l'ai indiqué précédemment, je ne puis en toute déférence souscrire à l'avis du juge en chef Lamer pour qui les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux s'apparentent à un nouveau procès destiné à établir la culpabilité relative à une seconde infraction. S'il en était ainsi, notre arrêt Black, précité, pourrait être utile. Cependant, le processus de détermination de la peine ne commence qu'après que le procès est terminé et que la culpabilité a été établie. Exclure la preuve psychiatrique qui a été obtenue au cours de l'évaluation préalable au procès et qui tend à établir la dangerosité reviendrait à refuser au tribunal l'accès à une preuve importante dont il pourrait se servir pour fixer la peine la mieux adaptée possible, alors que sa réception pourrait aider le tribunal à fixer la peine la plus appropriée, eu égard aux intérêts tant du délinquant que de la société.

C. L'alinéa 537(1)b) du Code

Reste à trancher la question de savoir si l'enquête préalable au procès menée par les psychiatres était de celles qu'autorise l'al. 537(1)b) du Code criminel. Aux termes de l'al. 537(1)b), l'accusé peut être renvoyé sous garde pour observation lorsqu'il y a des motifs de croire qu'il peut être atteint d'une maladie mentale. Comme je l'ai déjà indiqué, les médecins du Forensic Psychiatric Institute ont fait subir des tests à Scott Jones afin de déterminer s'il était atteint d'une telle maladie. Les observations qui ressortent de ces tests peuvent être utiles pour évaluer son état mental lors de la perpétration de l'infraction, son aptitude à subir son procès et sa propension à commettre des infractions à l'avenir. Il est impossible de limiter théoriquement à une fin donnée l'utilisation d'observations. Comme les examens qu'a subis Scott Jones visaient à évaluer sa santé mentale, ils relevaient de l'ordonnance que le juge du procès a rendue en vertu de l'al. 537(1)b). L'article 755 s'applique à la preuve ainsi obtenue, laquelle doit être présentée à la cour saisie de la demande d'attribution du statut de délinquant dangereux si elle la tient pour pertinente. Pour les motifs que j'ai exposés, cette preuve est recevable en vertu de la Charte et il n'y a aucune raison de donner à l'art. 755 l'interprétation atténuée que lui donnerait le juge en chef Lamer.

V. Dispositif

Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté, le juge en chef Lamer et les juges Sopinka, Cory et Major sont dissidents.

Procureurs de l'appelant: Richard P. Anderson et G. D. McKinnon, Vancouver.

Procureur de l'intimée: Le ministère du Procureur général, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : [1994] 2 R.C.S. 229 ?
Date de la décision : 12/05/1994
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Délinquants dangereux - Infractions d'ordre sexuel - Demande par l'avocat de la défense d'une évaluation psychiatrique afin de déterminer si l'accusé était atteint d'une maladie mentale - Accusé plaidant par la suite coupable relativement à un chef d'agression sexuelle - Juge du procès concluant que l'accusé est un délinquant dangereux sur la foi d'évaluations psychiatriques préalables au procès - L'admission en preuve des résultats des examens psychiatriques préalables au procès a‑t‑elle violé le droit de l'accusé de ne pas s'incriminer? - Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 537(1)b), 755.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Justice fondamentale - Droit de ne pas s'incriminer - Demande par l'avocat de la défense d'une évaluation psychiatrique afin de déterminer si l'accusé était atteint d'une maladie mentale - Accusé plaidant par la suite coupable relativement à un chef d'agression sexuelle - Juge du procès concluant que l'accusé est un délinquant dangereux sur la foi d'évaluations psychiatriques préalables au procès - L'admission en preuve des résultats des examens psychiatriques préalables au procès a‑t‑elle violé le droit de l'accusé de ne pas s'incriminer? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 7.

Droit constitutionnel - Charte des droits - Droit à l'assistance d'un avocat - Demande par l'avocat de la défense d'une évaluation psychiatrique afin de déterminer si l'accusé était atteint d'une maladie mentale - Accusé plaidant par la suite coupable relativement à un chef d'agression sexuelle - Juge du procès concluant que l'accusé est un délinquant dangereux sur la foi d'évaluations psychiatriques préalables au procès - Le droit de l'accusé à l'assistance d'un avocat a‑t‑il été violé du fait qu'on ne l'a pas avisé que l'examen psychiatrique pourrait inclure des observations sur sa dangerosité future? - Charte canadienne des droits et libertés, art. 10b).

En 1982, l'accusé a été reconnu coupable d'avoir commis des infractions de viol, de grossière indécence et de tentative de viol contre trois fillettes et il a été condamné à cinq ans de prison. En 1986, alors qu'il était en liberté conditionnelle, il a fait l'objet de trois chefs d'agression sexuelle armée et de trois chefs de séquestration. Son avocat a obtenu que soit rendue, conformément à l'al. 537(1)b) du Code criminel, une ordonnance renvoyant l'accusé sous garde pour observation afin d'évaluer son état mental. L'accusé a été examiné par deux psychiatres et un psychologue. Il a été averti que tout ce qu'il dirait aux psychiatres pourrait être utilisé contre lui et être inclus dans un rapport destiné à la cour. Toutefois, on ne lui a pas dit expressément que ce qu'il dirait lors de l'examen pourrait servir à déterminer s'il était un délinquant dangereux. Un psychiatre a expliqué à l'accusé qu'il avait le droit de ne pas répondre aux questions et de consulter un avocat avant de répondre à quelque question que ce soit. L'accusé a plaidé coupable relativement à un chef d'agression sexuelle et à un chef d'agression sexuelle armée. Pendant les procédures qui ont été engagées par la suite en vue de déterminer si l'accusé était un délinquant dangereux, le juge du procès a tenu un voir‑dire portant sur l'admissibilité de la preuve émanant des deux psychiatres et du psychologue. Il a rejeté l'argument de l'avocat de la défense selon lequel l'admission de cette preuve porterait atteinte aux droits que garantissait à l'accusé l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge du procès a déclaré l'accusé délinquant dangereux et lui a infligé une peine de durée indéterminée. La Cour d'appel a confirmé cette décision.

Arrêt (le juge en chef Lamer et les juges Sopinka, Cory et Major sont dissidents): Le pourvoi est rejeté.

Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier, McLachlin et Iacobucci: Lorsqu'on dispose d'une preuve psychiatrique qui a été légalement obtenue en exécution d'une ordonnance fondée sur l'al. 537(1)b) du Code et qui est pertinente pour apprécier la dangerosité du délinquant, cette preuve devrait être admise à l'étape de la détermination de la peine. Les résultats de l'observation psychiatrique ne servent pas à «incriminer» l'accusé lors des procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux, puisqu'il a déjà été reconnu coupable de l'infraction qui lui était reprochée. Une fois la culpabilité établie, la cour tient davantage compte des intérêts de la société en décidant de la peine appropriée pour le coupable. Comme c'est toujours le cas en matière de détermination de la peine, l'intérêt public en matière de sécurité ainsi que l'intérêt général à ce que soit fixée la peine la plus appropriée pour le délinquant en question exigent que l'on dispose de la plus grande gamme possible de renseignements pour faire une évaluation exacte du danger que présente le délinquant. Le processus de détermination de la peine à infliger à un délinquant dangereux permet au système de justice de fixer plus exactement la peine que devra effectivement purger le délinquant en fonction de la menace qu'il représente pour la société. L'objet prépondérant est non pas de punir le délinquant, mais de prévenir l'accomplissement de futurs actes de violence par l'imposition d'une peine de durée indéterminée. La peine de durée indéterminée n'est pas illimitée: le délinquant ne sera incarcéré que pendant le temps où il présente un risque sérieux pour la sécurité de la société. En refusant à la cour la possibilité de prendre connaissance des constatations antérieures des psychiatres, on pourrait entraver la détermination efficace du véritable risque que présente le délinquant. Même s'il est vrai qu'aux termes de l'art. 756 la cour peut renvoyer le délinquant pour observation aux fins de recueillir des éléments de preuve sur son statut de délinquant dangereux, le délinquant peut tenter de dissimuler certains aspects de son caractère ou refuser de répondre aux questions des psychiatres. Par conséquent, il y a vraiment un danger que la preuve écartée, qui émane de l'évaluation psychiatrique préalable au procès, ne se manifeste pas postérieurement au procès. Bien qu'une telle exclusion puisse être acceptable au moment où la culpabilité de l'accusé n'est pas encore établie, elle ne saurait se justifier par la suite.

Les droits que l'al. 10b) de la Charte garantissait à l'accusé n'ont pas été violés au cours des examens psychiatriques. Les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux s'insèrent dans le processus de détermination de la peine et il est du devoir de l'avocat d'informer l'accusé de la peine à laquelle il sera exposé s'il est déclaré coupable d'avoir commis un crime donné. Compte tenu des antécédents de l'accusé, l'avocat aurait dû savoir que le ministère public engagerait vraisemblablement des procédures visant à déterminer si l'accusé était un délinquant dangereux. L'accusé a demandé à subir les tests et il a été informé que ses déclarations pourraient être utilisées contre lui. Cette mise en garde générale était suffisante. De plus, l'accusé n'avait pas droit à une seconde possibilité d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat.

Comme les examens qu'a subis l'accusé visaient à évaluer sa santé mentale, ils relevaient de l'ordonnance que le juge du procès a rendue en vertu de l'al. 537(1)b). L'article 755 s'applique à la preuve ainsi obtenue, laquelle doit être présentée à la cour saisie de la demande d'attribution du statut de délinquant dangereux si elle la tient pour pertinente. Cette preuve est recevable en vertu de la Charte et il n'y a aucune raison de donner à l'art. 755 une interprétation atténuée.

Le juge en chef Lamer et les juges Sopinka, Cory et Major (dissidents): L'article 7 de la Charte s'applique en l'espèce en raison de la restriction importante de la liberté qu'entraînent nécessairement les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux. Notre Cour a reconnu implicitement que le principe interdisant l'auto‑incrimination est un principe de justice fondamentale. Dans ce contexte, le mot «incriminer» n'est pas nécessairement synonyme de «tendant à prouver la culpabilité relativement à une infraction criminelle». Même si les procédures visant à déterminer si un délinquant est dangereux sont considérées comme faisant partie du processus de la détermination de la peine plutôt que comme une procédure distincte entraînant de nouvelles conséquences pénales, l'application du principe interdisant l'auto‑incrimination n'est pas pour autant exclue.

Aux termes de l'art. 755 du Code, dans des procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, «le tribunal entend la preuve d'au moins deux psychiatres et toute autre preuve qu'il considère pertinente». L'interprétation large de cet article permet d'utiliser, aux fins des procédures visant à déterminer si l'accusé est un délinquant dangereux, la preuve obtenue de lui au cours d'une observation psychiatrique ordonnée pour déterminer s'il est ou s'il était atteint d'une maladie mentale. Cela permet l'auto‑incrimination, ce qui n'est donc pas conforme aux principes de justice fondamentale. Il est sans importance que ce soit l'accusé qui, en l'espèce, a demandé l'ordonnance de renvoi sous garde pour observation. L'accusé a sollicité cette ordonnance à d'autres fins que la tenue de procédures visant à déterminer s'il était un délinquant dangereux. De plus, l'art. 537 n'exige pas le consentement de l'accusé, de sorte qu'une ordonnance de renvoi pour observation peut être rendue en vertu de cet article contre le gré de l'accusé. Cela suffit pour constituer une restriction au droit à la liberté garanti par l'art. 7.

La restriction du droit à la liberté que soulève l'interprétation large de l'art. 755 n'est pas justifiée au sens de l'article premier de la Charte. Bien que l'objectif de l'art. 755, qui est de protéger la société contre les délinquants dangereux, représente une préoccupation urgente et réelle dans notre société et qu'il soit suffisamment important pour justifier la restriction d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution, les moyens choisis pour atteindre cet objectif sont inéquitables en l'espèce. Pour bénéficier de la protection contre l'incarcération ou un procès inéquitable que les principes de justice fondamentale assurent aux personnes atteintes d'une maladie mentale, l'accusé ne devrait pas être contraint à s'incriminer pour les fins de procédures visant à déterminer s'il est un délinquant dangereux. De plus, en l'espèce, il y a davantage qu'une atteinte minimale à l'art. 7, puisqu'une observation peut être ordonnée en vertu de l'art. 756 du Code, qui comporte des garanties pour le délinquant et porte donc moins atteinte que l'al. 537(1)b) aux droits conférés par l'art. 7. Une ordonnance de renvoi ne peut être rendue en vertu de l'art. 756 qu'une fois que le délinquant a été déclaré coupable, tandis que l'ordonnance de renvoi fondée sur l'al. 537(1)b) peut être rendue avant. La présomption de constitutionnalité en matière d'interprétation législative exige que l'art. 755 ne soit pas interprété comme rendant admissibles, dans des procédures visant à déterminer si une personne est un délinquant dangereux, les éléments de preuve recueillis au cours d'une observation psychiatrique ordonnée en vertu de l'al. 537(1)b).


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Jones

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Gonthier
Arrêts examinés: R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151
R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309
distinction d'avec les arrêts: Estelle c. Smith, 451 U.S. 454 (1981)
Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383
R. c. Black, [1989] 2 R.C.S. 138
arrêts mentionnés: R. c. Langevin (1984), 11 C.C.C. (3d) 336
Wilband c. The Queen, [1967] R.C.S. 14
R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595
R. c. Vandale, C.A.C.‑B., Victoria CA18/84, 31 octobre 1984
R. c. Potvin, [1993] 2 R.C.S. 880
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486
R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541
Brusch c. La Reine, [1953] 1 R.C.S. 373
R. c. Chaulk, [1990] 3 R.C.S. 1303
R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154
R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368
R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114
Re Moore and The Queen (1984), 10 C.C.C. (3d) 306.
Citée par le juge en chef Lamer (dissident)
R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151
Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486
R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636
R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933
Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425
Marcoux c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 763
R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595
R. c. Amway Corp., [1989] 1 R.C.S. 21
Dubois c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 350
Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383
R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265
R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495
R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3
R. c. Black, [1989] 2 R.C.S. 138
R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190
Wilband c. The Queen, [1967] R.C.S. 14, conf. (1965), 51 W.W.R. 251 (C.A.C.‑B.)
Brusch c. The Queen, [1953] 1 R.C.S. 373
R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368
R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309
R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 7, 10b), 11c), 13, 24(2).
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 537(1)b) [abr. 1991, ch. 43, art. 9 (ann., numéro 3)], (3) [idem], (4) [idem], 672.11 [ad. idem, art. 4], 672.21 [idem], 672.65 [idem (non encore en vigueur)], 686(1)b)(iii) [mod. 1991, ch. 43, art. 9 (ann., numéro 8)], 753, 755, 756(1), 759(1), (3), (7).
Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C‑34, art. 465(1)c) [mod. ch. 2 (2e suppl.), art. 6
mod. 1972, ch. 13, art. 38
abr. & rempl. 1974‑75‑76, ch. 93, art. 58(1)], 688 [abr. & rempl. 1976‑77, ch. 53, art. 14], 690 [idem].
Doctrine citée
Canada. Commission canadienne sur la détermination de la peine. Réformer la sentence: une approche canadienne. Ottawa: Ministre des Approvisionnements et Services, 1987.
Canada. Commission de réforme du droit. Document de travail 3. Les principes de la détermination de la peine et du prononcé de la sentence. Ottawa: Information Canada, 1974.
Canada. Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle. Justice pénale et correction: un lien à forger. Ottawa: Imprimeur de la Reine, 1969.
Cross, Rupert, Sir, and Colin Tapper. Cross on Evidence, 7th ed. London: Butterworths, 1990.
Hor, Michael. «The Privilege against Self‑Incrimination and Fairness to the Accused», [1993] Singapore J. Legal Stud. 35.
Mewett, Alan W. «Law Enforcement and the Conflict of Values» (1970), 12 Crim. L.Q. 179.
Paciocco, David M. Charter Principles and Proof in Criminal Cases. Toronto: Carswell, 1987.
Wigmore, John Henry. Evidence in Trials at Common Law, vol. 8. Revised by John T. McNaughton. Boston: Little, Brown & Co., 1961.

Proposition de citation de la décision: R. c. Jones, [1994] 2 R.C.S. 229 (12 mai 1994)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1994-05-12;.1994..2.r.c.s..229 ?
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