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13/02/1975 | CANADA | N°[1976]_1_R.C.S._13

Canada | Vaillancourt c. R., [1976] 1 R.C.S. 13 (13 février 1975)


Cour suprême du Canada

Vaillancourt c. R., [1976] 1 R.C.S. 13

Date: 1975-02-13

René Vaillancourt (Plaignant) Appelant;

et

Sa Majesté la Reine (Défendeur) Intimée.

1975: les 29 et 30 janvier; 1975: le 13 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

Vaillancourt c. R., [1976] 1 R.C.S. 13

Date: 1975-02-13

René Vaillancourt (Plaignant) Appelant;

et

Sa Majesté la Reine (Défendeur) Intimée.

1975: les 29 et 30 janvier; 1975: le 13 février.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1976] 1 R.C.S. 13 ?
Date de la décision : 13/02/1975
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Droit criminel - Preuve - Témoins experts - Opinion des psychiatres - Recevabilité - Examen de l’accusé à la demande de la Couronne sans avis ni ordonnance de la Cour - Code criminel, art. 465 c), 543, 608.2.

L’appelant a été arrêté le 1er février 1973 et emprisonné. A la demande de la Couronne plusieurs psychiatres ont examiné l’accusé à différentes dates, toutes bien avant l’enquête préliminaire. Ces examens ont été faits sans aucune autorisation judiciaire et il appert qu’à chaque occasion l’appelant n’était pas représenté par un avocat bien qu’il ait eu l’occasion de consulter l’avocat de service désigné en vertu du programme d’aide juridique de l’Ontario. Au procès, le juge a accepté la preuve apportée par les psychiatres qui ont témoigné en réplique pour la Couronne. La Cour d’appel a décidé, entre autres, que le juge de première instance n’avait pas commis d’erreur en acceptant ces témoignages et elle a rejeté l’appel.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

Comme l’a déclaré la Cour d’appel, bien qu’il soit souhaitable que la Couronne obtienne du tribunal une ordonnance avant l’examen psychiatrique d’un accusé et qu’elle avise l’avocat de la défense, l’omission de la Couronne de ce faire ne constitue pas en soi un motif d’exclusion de la preuve psychiatrique. Comme il n’y a pas de disposition dans le Code criminel ou ailleurs qui autoriserait un tribunal à rendre une ordonnance en vue de l’examen d’un accusé dans les circonstances de sa détention à la prison de Toronto, un tribunal ne peut que déplorer le fait qu’aucune disposition semblable n’existe et qu’aucune ordonnance judiciaire n’a donc été obtenue.

Arrêt mentionné: R. v. Lafrance (1972), 8 C.C.C. (2d) 22.

POURVOI à rencontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l‘Ontario[1] qui a rejeté un appel d’une

[Page 14]

déclaration de culpabilité pour meurtre qualifié prononcé par le juge Donnelly, siégeant avec un jury. Pourvoi rejeté.

Arthur Maloney, c.r., et Clare E. Lewis, pour l’appelant.

David Watt, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE SPENCE — Le présent pourvoi est interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario rendu le 25 janvier 1974 qui rejetait l’appel d’une déclaration de culpabilité pour meurtre qualifié prononcée le 1er octobre 1973 contre l’accusé lors de son procès devant l’honorable juge Donnelly et un jury. L’arrêt de la Cour d’appel a depuis été publié à (1974) 16 C.C.C. (2d) 137. Ce rapport judiciaire relate en détails toutes les circonstances de l’affaire, c’est pourquoi je n’ai aucune intention de les répéter ici.

Après que la Cour d’appel de l’Ontario eut entendu les arguments de l’avocat de l’accusé, elle a demandé au procureur de la Couronne de n’arguer que les moyens d’appel 1, 2 et 5 qui avaient été ainsi désignés par l’avocat de l’accusé dans son avis d’appel.

En cette Cour, après la plaidoirie de l’avocat de l’appelant (l’accusé), nous avons demandé au procureur de la Couronne de ne répliquer qu’au moyen d’appel N° 1. Ce moyen d’appel, tel qu’il apparaît dans l’avis d’appel déposé par l’appelant en cette Cour, est formulé comme suit:

[TRADUCTION] LA COUR D’APPEL DE LA PROVINCE DE L’ONTARIO A ERRÉ EN CONCLUANT QUE LE SAVANT JUGE DE PREMIÈRE INSTANCE AVAIT ACCEPTÉ À BON DROIT LA PREUVE APPORTÉE PAR LES PSYCHIATRES QUI ONT TÉMOIGNÉ EN RÉPLIQUE POUR LA COURONNE.

Le moyen d’appel N° 1 allégué devant la Cour d’appel de l’Ontario et cité dans les motifs du juge en chef de l’Ontario, se lisait comme suit:

[TRADUCTION] LE SAVANT JUGE DE PREMIÈRE INSTANCE A ERRÉ EN ACCEPTANT LA PREUVE APPORTÉE PAR LES PSYCHIATRES QUI ONT TÉMOIGNÉ EN RÉPLIQUE POUR LA COURONNE.

[Page 15]

Nous verrons qu’il s’agit exactement du même moyen d’appel.

J’ai lu attentivement les motifs pour lesquels le juge en chef Gale a rejeté ce moyen d’appel. Je suis entièrement d’accord avec lui et j’ai peu à ajouter. Cependant, il y a un aspect de cette affaire qui me préoccupe et qu’il y a lieu d’expliciter.

Après son arrestation le 1er février 1973, l’appelant a naturellement été emprisonné. Le 2 février 1973, il a comparu une première fois devant le tribunal de police à Toronto, puis une seconde fois, le 9 février 1973, pour renvoi. A chacune de ces occasions, des policiers de la Sûreté municipale de Toronto lui ont présenté un avocat qui était l’avocat de service désigné en vertu du programme d’aide juridique de l’Ontario. Il n’existe aucune autre indication que l’appelant a consulté ou retenu les services d’un autre avocat avant les examens que lui ont fait subir les psychiatres de la Couronne et que je mentionnerai plus loin. Les fonctions de l’avocat de service en vertu du programme d’aide juridique de l’Ontario sont prévues au règlement 557 (R.R.O. 1970) établi en vertu du Legal Aid Act, R.S.O. 1970, c. 239. Voici les art. 69 et 89 des règlements:

[TRADUCTION] 69. Lorsqu’une personne a été amenée en détention ou a reçu une sommation et a été accusée d’une infraction, elle peut obtenir avant de comparaître à l’accusation l’assistance d’un avocat de service qui doit,

a) l’aviser de ses droits et prendre les mesures que les circonstances exigent pour protéger ses droits, y compris la représenter dans une demande de renvoi ou d’ajournement ou de cautionnement ou lors de l’inscription d’un aveu de culpabilité et faire des observations concernant la sentence lorsqu’un plaidoyer de culpabilité a été inscrit;

89. Les rapports ordinaires avocat-client doivent exister entre un avocat et son client.

En réplique, la Couronne a convoqué les témoins-experts suivants:

Le Dr Joseph Thomas Marotta a témoigné que le 5 septembre 1973, il avait examiné l’appelant à la demande du docteur Davidson, un psychiatre qui avait témoigné pour la défense, et qu’il avait fait subir à l’appelant un électro-encéphalogramme

[Page 16]

qui n’a révélé aucun indice de comportement anormal. Il est à noter que ce témoin avait agi à la demande de la défense et je m’abstiendrai d’examiner davantage son témoignage.

Le Dr Peter Watts Rowsell a témoigné qu’il a examiné l’accusé le 9 février 1973 à la prison Don à Toronto. Cet examen lui avait été demandé par le procureur de la Couronne. Rien ne démontre que l’accusé a été avisé de l’examen ou qu’un de ses représentants a été consulté à ce sujet. Le docteur Rowsell a témoigné à titre d’expert quant à la condition mentale de l’appelant.

Le Dr David Lang Common, le psychiatre consultant de la prison de Toronto, a examiné l’appelant à cet endroit le 12 février 1973. Il a témoigné qu’il s’est présenté à l’appelant de cette façon: [TRADUCTION] «Je suis le docteur Common. Je suis le psychiatre résidant et M. Whitehead, le surintendant, m’a demandé de vous examiner», ce à quoi l’appelant a répondu [TRADUCTION] «Quoi! Dois-je voir un autre psychiatre? Je ne suis pas malade». Encore une fois, il n’y a aucune preuve que l’appelant a été avisé qu’il devait subir cet examen ou que quelqu’un a été consulté en son nom. Le docteur Common a aussi témoigné à titre d’expert quant à la condition mentale de l’appelant.

Le Dr Andrew Ian Malcolm a examiné l’appelant le 10 février 1973 à la prison Don. C’est la Couronne qui, encore une fois, avait demandé cet examen et le docteur Malcolm a immédiatement soumis son rapport au procureur de la Couronne. De nouveau, aucune preuve ne démontre que l’appelant a été avisé qu’il devait subir cet examen ou que quelqu’un a été consulté en son nom.

Tous ces examens ont eu lieu bien avant que l’appelant comparaisse à l’enquête préliminaire et ils ont été fait sans autorisation judiciaire. Puisqu’il semble que l’appelant n’était pas représenté par un avocat lorsque ces examens ont eu lieu, il n’y avait donc aucun représentant juridique avec qui le procureur de la Couronne pouvait conférer.

[Page 17]

L’avocat de l’accusé a allégué devant la Cour d’appel de l’Ontario et devant cette Cour que, dans ces circonstances, le juge de première instance n’aurait pas dû permettre aux trois derniers témoins susmentionnés de déposer et qu’une ordonnance du tribunal aurait dû être obtenue sur avis avant de procéder à ces examens.

Dans ses motifs de jugement, le juge en chef Gale a dit ceci:

[TRADUCTION] Même si cette Cour a déjà signalé qu’il serait souhaitable que la Couronne obtienne du tribunal une ordonnance avant l’examen psychiatrique d’un accusé en état d’arrestation, et lorsque l’accusé a retenu les services d’un avocat, qu’elle avise ce dernier de sa demande en vue d’un examen psychiatrique de l’accusé, l’omission par la Couronne de ce faire ne constitue pas en soi un motif d’exclusion de cette preuve.

Comme je l’ai dit, je suis en accord avec les motifs formulés par le savant juge en chef de l’Ontario, y compris celui-là.

Le savant juge en chef s’est reporté à l’arrêt rendu par le Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. Lafrance[2], où il a dit, alors qu’il s’exprimait au nom de la Cour:

[TRADUCTION] Une plainte a été formulée à l’effet qu’il n’aurait pas dû être ainsi examiné sans aviser son avocat ou sans obtenir une ordonnance de la Cour. Nous convenons qu’il aurait été préférable d’obtenir auparavant l’assentiment de son avocat ou une ordonnance de la Cour, bien qu’à cet égard nous devons souligner que le procureur de la Couronne a effectivement tenté d’obtenir la permission de l’avocat de la défense, mais ne pouvait entrer en contact avec lui, il procéda aux examens. Cependant, la preuve n’était pas inadmissible, et nous croyons qu’il ne peut être dit que le savant juge a irrégulièrement exercé son pouvoir discrétionnaire, s’il existait, en permettant le dépôt de cette preuve. Sous ce rapport, nous songeons à la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Wray, [1970] 4 C.C.C. 1, 11 D.L.R. (3d) 673, [1971] R.C.S. 272. Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

Il convient de noter que dans l’affaire Lafrance, l’examen psychiatrique auquel s’est opposé l’avocat de la défense avait été fait alors que l’accusé se trouvait à l’hôpital psychiatrique de Penetanguis-

[Page 18]

hene, et un tribunal aurait pu être compétent pour rendre une ordonnance dans ce cas-là. Dans les circonstances de la présente affaire, l’accusé était détenu à la prison de Toronto. Je n’ai trouvé aucune disposition dans le Code criminel ou ailleurs qui autoriserait un tribunal à rendre une ordonnance en vue de l’examen de l’accusé.

Il ne faut pas oublier que l’on a procédé à ces examens avant l’enquête préliminaire et il semblerait que, de l’avis du procureur de la Couronne, la bonne administration de la justice nécessitait que ces examens psychiatriques aient lieu à cette époque. L’avocat de l’appelant a invoqué les art. 465c), 543 et 608.2 du Code criminel, mais ces derniers n’entrent en jeu que plus tard, lorsque l’accusé subit son enquête préliminaire ou son procès, ou lorsqu’il est devant la Cour d’appel, et je suis d’avis qu’ils sont absolument inapplicables aux circonstances du présent pourvoi.

L’accusé a bien sûr un intérêt certain dans la question de savoir s’il doit subir un examen psychiatrique, et dans la forme et le contenu de cet examen. Il me semble que les droits et les intérêts d’un accusé seraient beaucoup mieux protégés s’il existait une disposition en vertu de laquelle la demande d’une ordonnance en vue d’un tel examen serait présentée à un fonctionnaire judiciaire et signifiée à l’accusé. Si l’avis d’une telle demande était signifié à un accusé, ce dernier serait alors en mesure de se renseigner immédiatement auprès d’un avocat et il pourrait ainsi retenir ses services ou recourir au service d’aide juridique qu’offrent les divers programmes provinciaux. A l’heure actuelle, il semble qu’un tribunal ne peut que déplorer le fait qu’aucune ordonnance judiciaire n’a été obtenue, sans avoir la possibilité d’indiquer la procédure à suivre pour obtenir une telle ordonnance. Dans les circonstances, comme je l’ai déjà mentionné, je suis d’avis que ce pourvoi ne peut pas être accueilli.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Appel rejeté.

[Page 19]

Procureurs de l’appelant: Arthur Maloney, et Clare E. Lewis, Toronto.

Procureur de l’intimé: Le Procureur général de l’Ontario, Toronto.

[1] (1974), 16 C.C.C. (2d) 137.

[2] (1972), 8 C.C.C. (2d) 22.


Parties
Demandeurs : Vaillancourt
Défendeurs : Sa Majesté la Reine
Proposition de citation de la décision: Vaillancourt c. R., [1976] 1 R.C.S. 13 (13 février 1975)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-02-13;.1976..1.r.c.s..13 ?
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