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29/06/1972 | CANADA | N°[1973]_R.C.S._55

Canada | Netupsky c. Craig, [1973] R.C.S. 55 (29 juin 1972)


Cour suprême du Canada

Netupsky c. Craig, [1973] R.C.S. 55

Date: 1972-06-29

Boris Netupsky et Netupsky Engineering Company Limited (Demandeurs) Appelants;

et

James B. Craig et Michael W. Kohler (Défendeurs) Intimés.

1972: les 23 et 24 mars; 1972: le 29 juin.

Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Hall, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario[1], accueillant un appel d’un jugement du Juge Haines. Appel rejeté.

Boris Netupsky, demandeur, app

elant, luimême.

C.L. Dubin, c.r., pour les défendeurs, intimés.

Le jugement de la Cour a été rendu par

[Page 57]

LE JUGE...

Cour suprême du Canada

Netupsky c. Craig, [1973] R.C.S. 55

Date: 1972-06-29

Boris Netupsky et Netupsky Engineering Company Limited (Demandeurs) Appelants;

et

James B. Craig et Michael W. Kohler (Défendeurs) Intimés.

1972: les 23 et 24 mars; 1972: le 29 juin.

Présents: Les Juges Judson, Ritchie, Hall, Spence et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario[1], accueillant un appel d’un jugement du Juge Haines. Appel rejeté.

Boris Netupsky, demandeur, appelant, luimême.

C.L. Dubin, c.r., pour les défendeurs, intimés.

Le jugement de la Cour a été rendu par

[Page 57]

LE JUGE RITCHIE — Le présent pourvoi est à rencontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (M. le Juge en chef Gale étant dissident en partie), qui accueillait un appel du jugement rendu par M. le Juge Haines et ordonnant aux défendeurs de verser au présent appelant la somme de $250,000 et les dépens à l’égard d’un prétendu libelle publié dans les lettre adressée par les défendeurs au Directeur des Services des bâtiments municipaux de la ville d’Ottawa, le 10 mai 1966.

Les circonstances qui ont donné naissance au présent pourvoi ont été narrées au long et avec exactitude dans les motifs du jugement rendus par M. le Juge d’appel Schroeder au nom de la majorité de la Cour d’appel et, vu que ces motifs figurent maintenant à 14 D.L.R. (3d) 387, à la p. 390, j’estime suffisant en l’espèce de résumer dans leur ordre chronologique les faits qui ont directement incité les intimés à publier la lettre contenant le libelle allégué.

L’appelant, Boris Netupsky, est un ingénieur professionnel de Vancouver (C.-B.) et le président de l’appelante Netupsky Engineering Co. Ltd., dont il était l’actionnaire majoritaire.

Un architecte du nom de Gerald Hamilton, qui exerçait sa profession à Vancouver (C.B.), avait conçu l’idée originale d’une structure qui combinerait un stade extérieur et une piste de patinage intérieure, et dont la construction exigerait nécessairement une grande quantité d’acier de charpente. Estimant que l’avis d’un ingénieur-constructeur était indispensable à la réalisation de son projet, il consulta Netupsky et tous deux travaillèrent en collaboration en vue de l’érection du stade-aréna en question.

En mai 1965, la ville d’Ottawa a annoncé un concours de dessin architectural en vue de la construction d’un stade extérieur et d’une aréna intérieure comme «projet du Centenaire». Hamilton, en collaboration avec Netupsky, décida de présenter ses plans à ce concours et, en juillet, il fut annoncé qu’il en était sorti vainqueur et que la ville d’Ottawa était prête à mettre le projet à exécution. A cette fin, Hamilton s’est associé aux intimés, comme architectes de l’ouvrage, et il a

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demandé à Netupsky de préparer de nouveaux plans de charpente métallique; ces plans furent dûment soumis et servirent de base à l’appel d’offres relatif à l’acier devant entrer dans la construction.

Dominion Bridge Company Limited s’est vu adjuger les travaux de la charpente d’acier prévus au contrat, mais avec le temps, on a constaté que le coût de l’acier serait beaucoup plus élevé que prévu et que le prix global de l’entreprise, fondé sur les plans soumis, serait sensiblement plus élevé que les disponibilités budgétaires de la ville. On a donc modifié les dessins originaux de façon à réduire le coût global de l’acier requis et, lorsqu’on demanda à Netupsky d’approuver les changements proposés, il refusa de le faire sous prétexte qu’ils rendaient invalide son plan initial et il déclara que si on allait de l’avant avec le nouveau plan, il faudrait conclure avec lui une nouvelle entente quant à ses honoraires. A ce sujet, il a écrit à Gerald Hamilton, le 8 mars 1966, ce qui suit:

[TRADUCTION] Nous vous informons que nous ne sommes pas disposés à remanier ou reviser le dessin remanié de la superstructure d’acier qui nous est soumis, sans entente mutuellement satisfaisante quant à nos honoraires pour ces travaux, aussi bien que pour un nouveau calcul de l’infrastructure et des éléments de béton précontraint.

En fin de compte, il n’est intervenu aucune «entente mutuellement satisfaisante» avec Netupsky et comme le temps était un facteur d’importance primordiale, la construction projetée étant un «projet du Centenaire», les intimés se sont sentis obligés de retenir les services d’un autre ingénieur-constructeur (M. Adjeleian) pour dresser les plans que Netupsky avait refusé de compléter et, dans l’ensemble, pour agir en qualité d’ingénieur-conseil. Lorsque Hamilton a informé les appelants que la compagnie Dominion Bridge avait déjà commencé à ériger la superstructure conformément aux plans remaniés dont elle avait, de concert avec M. Adjeleian, assumé l’entière responsabilité, M. Netupsky a réagi violemment, comme en fait foi le télégramme fort provocant qu’il a envoyé au (TRADUCTION) «Directeur de

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la Planification et des Travaux, Ville d’Ottawa, Ontario», le 4 mai 1966, et dont voici les termes:

[TRADUCTION] Objet Centre municipal d’Ottawa au parc Landsdowne STOP Vu les renseignements maintenant mis à ma disposition par l’architecte relativement à un remaniement projeté de la superstructure en acier par la Dominion Bridge, et vu aussi la preuve qu’on ne se conforme pas à certaines autres exigences prévues dans les plans de ma firme, j’attire immédiatement votre attention sur ma déclaration à l’architecte que, étant donné que je suis l’ingénieur dont il a retenu les services par contrat et que je détiens une licence de l’Association des ingénieurs professionnels de l’Ontario pour dresser les plans d’une telle construction, j’estime que non seulement cette façon de procéder rend invalide le modèle original de la structure globale élaboré dans les plans de ma firme, mais qu’elle fait aussi de l’ouvrage entier une construction non économique et peu sûre STOP Si vous me le demandez je serai heureux de me rendre à Ottawa à mes frais pour répondre à toute question que vous pourriez avoir à poser.

Netupsky a envoyé un télégramme identique à l’Inspecteur de la construction de la ville et au Conseil municipal. Dès la réception du télégramme, le Directeur des Services des bâtiments municipaux de la ville d’Ottawa, de qui relevait directement le projet du centre municipal, écrivit aux intimés une lettre qui se lisait en partie comme suit:

[TRADUCTION] Je joins à ma lettre copie d’un télégramme reçu de Boris Netupsky, Ing. P., Netupsky Engineering Co. Ltd., votre ingénieur-constructeur consultant pour le Centre municipal d’Ottawa. Pouvez-vous fournir un rapport à ce sujet dans les 48 heures, et en particulier sur les remarques concernant la sûreté de la construction.

C’est en réponse à cette lettre de la ville et à la lumière des termes fort provocants et préjudiciables dont les appelants se sont servis pour critiquer la procédure adoptée par les intimés que Kohler écrivit en son nom et en celui de son associé, l’intimé Craig, la lettre contenant le libelle allégué. La lettre est reproduite en entier dans les motifs du juge d’appel Schroeder, à 14 D.L.R. (3d), à la p. 398, et ce sont les termes suivants de cette lettre qui constituent le prétendu libelle dont il fait état dans la déclaration:

[TRADUCTION] Lorsqu’elle a vérifié les plans de Netupsky, la compagnie Dominion Bridge a proposé

[Page 60]

certaines modifications visant à accroître la sécurité du bâtiment et à réduire les frais. En tant qu’architectes conscients de notre responsabilité en matière de sécurité, nous avons décidé d’accepter l’avis des ingénieurs très expérimentés de Dominion Bridge plutôt que celui de Boris Netupsky. Cette mesure a reçu l’assentiment de M. John Adjeleian, l’ingénieur-constructeur d’Ottawa que nous avons engagé pour surveiller les travaux de construction. Nous avons donc cessé de consulter M. Netupsky depuis la mifévrier.

M. Netupsky est mécontent que nous ne le consultions plus et il essaie de nous forcer à le payer pour un travail qu’il n’a pas exécuté à notre satisfaction. Nous vous donnons la ferme assurance que ses allégations selon lesquelles les remaniements de structure que nous avons effectués «font de l’ouvrage entier une construction non économique et peu sûre» sont complètement fausses, sans fondement, contraires à la vérité et diffamatoires.

Afin d’examiner la signification qu’il convient de donner à ces mots, je crois bon de citer le dernier alinéa de la lettre:

[TRADUCTION] À l’appui de cette déclaration, nous joignons une lettre de la compagnie Dominion Bridge, en date du 9 mai, où il est affirmé au nom de la compagnie que les plans ont été vérifiés par elle et qu’ils sont entièrement satisfaisants; nous joignons aussi une lettre de John Adjeleian où il dit avoir vérifié et continuer à vérifier tout ce qui a trait à la sécurité des éléments en béton. Soyez assurés que cette construction a été conçue et sera érigée en conformité des règlements de construction et des principes solides de la technique de la construction, et qu’elle sera parfaitement sûre.

Les intimés ont invoqué en défense l’immunité relative et les commentaires loyaux, mais la question que pose le présent appel a trait presque uniquement à la nature et aux effets du moyen de défense fondé sur l’immunité relative, à l’égard duquel je fais miens les alinéas suivants des motifs de M. le Juge d’appel Schroeder, à la p. 407:

[TRADUCTION] Le défendeur n’a pas invoqué la justification comme moyen de défense, mais il s’est fondé principalement sur l’exception d’immunité relative. C’est au juge de première instance qu’il incombait de se prononcer et de statuer sur la question de savoir si les prétendus propos diffamatoires n’avaient absolument aucun rapport avec l’obligation ou l’intérêt à la source de l’occasion d’immunité relative et y étaient étrangers. Si les propos ne sont pas

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sans rapport aucun avec semblable obligation ou intérêt ou n’y sont pas tout à fait étrangers, on présume qu’ils ont été publiés de bonne foi — présomption qui doit prévaloir à moins que le demandeur fournisse une preuve intrinsèque ou extrinsèque qu’ils ont été publiés par malice.

Il est admis de part et d’autre que les déclarations faites par le défendeur aux autorités municipales portaient sur un sujet dans lequel les défendeurs et la ville avaient un intérêt légitime et commun et, de ce fait, qu’elles étaient protégées à titre de déclarations faites dans des circonstances permettant d’invoquer l’immunité relative. Le fait que les défendeurs ont fait les déclarations dans le cours de leurs propres affaires de telle façon que leur propre intérêt était en jeu, rend d’autant plus appropriés et solides les motifs d’invoquer l’immunité. Plus précisément, ils répondaient à une attaque injustifiée et gratuite contre leur intégrité et leur compétence professionnelles, attaque qu’ils avaient le droit de repousser par un démenti et une explication. Cette situation fournit un fondement plus solide et plus approprié à l’exception d’immunité et donne aux défendeurs beaucoup plus de latitude que n’en donne la base sur laquelle le savant juge de première instance l’a placée.

(J’ai mis des mots en italique)

J’adopte aussi l’avis exprimé par M. le Juge Schroeder lorsqu’il dit dans ses motifs, à la p. 404:

[TRADUCTION] Je suis respectueusement d’avis que l’omission de dire au jury que lorsque les propos sont proférés ou écrits lors d’une occasion justifiant l’immunité relative, la bonne foi du défendeur et la conviction honnête qu’il a de la véracité de ses déclarations sont présumées, et que c’est alors au demandeur qu’il incombe de réfuter cette présomption, constitue une grave absence de directive équivalant à une directive erronée:... La façon dont cette partie de l’exposé a été présentée au jury équivalait à une directive portant que le défendeur avait le fardeau de convaincre les jurés sur ce point et que s’il n’y parvenait pas, il pouvait être tenu des dommages-intérêts. D’après les circonstances de l’affaire, il était essentiel d’instruire correctement le jury sur ce point, pour ne pas que toute leur attitude à l’égard de la détermination de cette question hautement importante repose sur une base erronée.

Le règlement du présent appel, à mon avis, a pour pivot la question de savoir s’il y avait une preuve intrinsèque ou extrinsèque que les intimés ont écrit par malice la lettre incriminée. Il y a peu de doute que, s’il est prouvé que la personne qui

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a fait les déclarations savait que celles-ci étaient contraires à la vérité, il faut conclure qu’elles ont été faites avec malice, mais il faut lire cet énoncé à la lumière des propos de Lord Atkinson dans Adam v. Ward[2], à la p. 339, lorsqu’il dit:

[TRADUCTION]… une personne qui donne des renseignements dans des circonstances justifiant l’immunité relative, n’est pas tenue de n’employer que les termes raionnablement nécessaires pour protéger l’intérêt ou pour s’acquitter de l’obligation qui servent de fondement à son immunité; mais [que], au contraire, elle sera protégée, même si elle s’exprime dans des termes violents ou excessivement forts, si, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, elle peut avoir cru honnêtement et pour des motifs raisonnables que les mots qu’elle a écrits ou prononcés étaient vrais et nécessaires à sa justification, même si en réalité tel est n’est pas le cas.

M. le Juge Schroeder s’est dit d’avis qu’il n’y avait aucune preuve de malice à présenter au jury et que l’action devait être rejetée pour ce motif; mais M. le Juge en chef Gale, dans sa dissidence, bien qu’il ait été à tous autres égards d’accord avec M. le Juge Schroeder, a exprimé l’avis que certains éléments de preuve intrinsèque auraient pu amener un jury à conclure que deux phrases de la lettre incriminée contenaient des déclarations fausses à la connaissance de l’intimé, et il aurait, par conséquent, ordonné la tenue d’un nouveau procès afin de donner à un nouveau jury, correctement instruit, l’occasion de trancher la question.

Les phrases qui ont provoqué la dissidence de M. le Juge en chef Gale sont les suivantes:

[TRADUCTION] Lorsqu’elle a vérifié les plans de Netupsky, la compagnie Dominion Bridge a proposé certaines modifications visant à accroître la sécurité du bâtiment et à réduire les frais. En tant qu’architectes conscients de notre responsabilité en matière de sécurité, nous avons décidé d’accepter l’avis des ingénieurs très expérimentés de Dominion Bridge plutôt que celui de Boris Netupsky.

Le savant juge dissident a exprimé l’avis que le jury pourrait raisonnablement interpréter ces deux phrases comme signifiant, et étant destinées à signifier, que Dominion Bridge Co. Ltd. avait laissé entendre que des modifications aux

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plans de Netupsky s’imposaient pour accroître la sécurité du bâtiment qui, autrement, pourrait ne pas être sûr, et que l’intimé avait accepté ces suggestions et décidé d’abandonner ou de remanier considérablement le plan de Netupsky, et que tout cela pourrait être interprété comme signifiant que le plan de Netupsky prouvait son incompétence.

Toute appréciation du langage utilisé par l’intimé dans la lettre incriminée doit se faire en fonction du télégramme de l’appelant au directeur de la planification et des travaux de la ville d’Ottawa; cette communication, rédigée dans des termes fort provocants, a été distribuée de façon à causer le plus de tort possible aux intimés, et c’est évidemment elle qui a poussé Kohler à écrire la lettre incriminée. A ce propos, je trouve spécialement appropriés les termes employés par Lord Shaw dans l’arrêt Adam v. Ward, précité, à la p. 347:

[TRADUCTION] En outre, il faut se rappeler, en ce qui a trait à toute la question de la réfutation d’une fausse accusation, qu’il n’est pas nécessaire de la soumettre à un examen trop minutieux.

Il faut lire dans leur contexte les phrases citées par le Juge en chef Gale et, à mon avis, entrent dans ce contexte les lettres de la compagnie Dominion Bridge et de l’ingénieur-constructeur que les intimés ont jointes à leur lettre pour appuyer celle-ci, comme ils l’ont expressément déclaré.

Dans sa lettre, la compagnie Dominion Bridge disait:

[TRADUCTION] Ces six derniers mois, nous nous sommes employés à vérifier les plans de la charpente métallique et à réclamer des modifications partout où celles-ci nous paraissaient souhaitables du point de vue de la sécurité et de l’économie.

Et la lettre de M. Adjeleian (l’ingénieur-constructeur) se lit en partie comme suit:

[TRADUCTION] Nous vous confirmons que ma firme, à titre de firme d’ingénieurs‑constructeurs responsable de la supervision de l’ouvrage précité, a soigneusement vérifié et continue à vérifier le bétonage, y compris les fondations, pour s’assurer qu’il convient aux exigences de la construction, qu’il est conforme aux codes et qu’il satisfait aux normes de sécurité. Nous vous avons proposé certaines modifications qui, à notre avis, assureront la sécurité de la construction.

[Page 64]

Il est vrai que les termes employés dans la lettre dont se plaignent les appelants et que le Juge en chef Gale a cités ne reprennent pas textuellement les renseignements fournis par la compagnie Dominion Bridge et par l’ingénieur-constructeur, mais dans les circonstances, il me paraît néanmoins qu’ils ne constituent pas une preuve de malice mais, au contraire, qu’ils étaient amplement justifiés. Dominion Bridge avait dit:

[TRADUCTION]… nous nous sommes employés à vérifier les plans de la charpente métallique et à réclamer des modifications partout où celles-ci nous paraissaient souhaitables du point de vue de la sécurité et de l’économie.

et la lettre incriminée disait:

[TRADUCTION] Lorsqu’elle a vérifié les plans de Netupsky, la compagnie Dominion Bridge a proposé certaines modifications visant à accroître la sécurité du bâtiment et à réduire les frais.

La phraséologie différente des deux déclarations ne comporte pas, à mon avis, un changement de sens. Lorsqu’il s’est servi des termes contenus dans l’alinéa précité de la lettre, Kohler n’a fait aucune déclaration sans avoir des motifs raisonnables de croire qu’il disait la vérité, savoir, que les modifications proposées par Dominion Bridge étaient exécutées dans le but d’accroître la sécurité de la construction et d’en réduire le coût. Sa déclaration se fondait sur la lettre de Dominion Bridge elle-même et sur celle de l’ingénieur‑constructeur surveillant. Avec le plus grand respect pour l’opinion du Juge en chef Gale, je ne crois pas que les phrases qu’il cite puissent raisonnablement s’interpréter de façon à prouver une malice intrinsèque dans les circonstances de la présente affaire.

Pour tous ces motifs, de même que pour ceux que M. le Juge Schroeder a énoncés, je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

Procureurs des demandeurs, appelants: Scott & Aylen, Ottawa.

Procureurs des défendeurs, intimés: Gowling & Henderson, Ottawa.

[1] [1971] 1 O.R. 51, 14 D.L.R. (3d) 387.

[2] [1917] A.C. 309.


Synthèse
Référence neutre : [1973] R.C.S. 55 ?
Date de la décision : 29/06/1972
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Libelle et diffammation - Allégation de libelle - Aucune preuve de malice de la part des défendeurs - Immunité relative.

La Cour d’appel a accueilli un appel du jugement de première instance, ordonnant aux défendeurs de verser au présent appelant la somme de $250,000 et les dépens à l’égard d’un prétendu libelle dans une lettre écrite au Directeur des Services des bâtiments municipaux de la ville d’Ottawa. Les défendeurs ont invoqué principalement l’exception d’immunité relative.

L’appelant N est un ingénieur professionnel. L’architecte H, en collaboration avec N, décida de présenter des plans à un concours de dessin architectural en vue de la construction du centre municipal d’Ottawa. H est sorti vainqueur du concours et s’est associé aux intimés comme architectes de l’ouvrage. Il a demandé à N de préparer de nouveaux plans de charpente métallique; ces plans furent dûment soumis et servirent de base à l’appel d’offres relatif à l’acier devant entrer dans la construction.

D Co. s’est vu adjuger les travaux de la charpente d’acier prévus au contrat. D Co. a modifié les dessins originaux et, lorsqu’on demanda à N d’approuver les changements proposés, il refusa de le faire sous prétexte qu’ils rendaient invalide son plan initial et il déclara que si on allait de l’avant avec le nouveau plan, il faudrait conclure avec lui une nouvelle entente quant à ses honoraires. Il n’est intervenu aucune entente de cette nature, et, vu que l’affaire pressait, les intimés se sont sentis obligés de retenir les services d’un autre ingénieur-constructeur (A) pour dresser les plans que N avait refusé de compléter et, dans l’ensemble, pour agir en qualité d’ingénieur-conseil.

Lorsque H a informé N que D Co. avait déjà commencé à ériger la superstructure conformément aux plans remaniés dont elle avait, de concert avec A, assumé l’entière responsabilité, N a envoyé au «Di-

[Page 56]

recteur de la Planification et des Travaux» un télégramme dans lequel il attira l’attention sur sa déclaration à l’architecte «que non seulement cette façon de procéder rend invalide le modèle original de la structure globale élaboré dans les plans de ma firme, mais elle fait aussi de l’ouvrage entier une construction non économique et peu sûre».

Dès la réception du télégramme, le directeur écrivit aux intimés leur demandant un rapport à ce sujet. En réponse, le second intimé écrivit en son nom et en celui de son associé, la lettre contenant le libelle allégué. Dans cette lettre, il est dit, entre autres, que «Lorsque [D Co.] a vérifié les plans de [N], la compagnie a proposé certaines modifications visant à accroître la sécurité du bâtiment et à réduire les frais. En temps qu’architectes conscients de notre responsabilité en matière de sécurité, nous avons décidé d’accepter l’avis des ingénieurs très expérimentés de [D Co.] plutôt que celui de [N]».

Arrêt: L’appel doit être rejeté.

Le règlement du présent appel a pour pivot la question de savoir s’il y avait une preuve intrinsèque ou extrinsèque que les intimés ont écrit par malice la lettre incriminée. La Cour se dit d’accord avec la Cour d’appel que si les prétendus propos difïammatoires n’avaient absolument aucun rapport avec l’obligation ou l’intérêt à la source de l’occasion d’immunité relative et n’y étaient pas étrangers, on présume qu’ils ont été publiés de bonne foi — présomption qui doit prévaloir à moins que le demandeur fournisse une preuve intrinsèque ou extrinsèque qu’ils ont été publiés par malice. Le fait que les défendeurs ont fait les déclarations dans le cours de leurs propres affaires de telle façon que leur propre intérêt était en jeu, constitue le motif d’invoquer l’immunité.

C’est avec raison que la majorité de la Cour d’appel s’est dit d’avis qu’il n’y avait aucune preuve de malice à présenter au jury et que l’action devait être rejetée pour ce motif.


Parties
Demandeurs : Netupsky
Défendeurs : Craig
Proposition de citation de la décision: Netupsky c. Craig, [1973] R.C.S. 55 (29 juin 1972)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-06-29;.1973..r.c.s..55 ?
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