N° P.22.1028.F
B. C.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gust Detienne, avocat au barreau de Louvain, et Pierre Lothe, avocat au barreau de Namur.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal correctionnel de Namur, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le moyen est pris, notamment, de la violation de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La demanderesse critique le jugement en ce qu’il n’admet pas le dépassement du délai raisonnable alors que plus de quatre ans séparent l’infraction commise de son jugement en degré d’appel.
Il ressort notamment des pièces de la procédure que
- la demanderesse a été poursuivie pour un excès de vitesse ;
- l’infraction a été commise le 10 avril 2018 ;
- le procès-verbal a été envoyé à la contrevenante le 20 avril 2018 ;
- la citation à comparaître au tribunal de police lui a été signifiée le 26 février 2020 ;
- le premier juge a statué le 5 juin 2020 ;
- la demanderesse a relevé appel le 6 juillet 2020 ;
- le tribunal correctionnel a examiné l’affaire le 26 avril 2022 et a rendu son jugement dans le mois.
Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause, en la considérant dans son ensemble et en ayant égard à la complexité de l’affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu’à l’enjeu du litige.
Enregistré par un appareil radar, l’excès de vitesse reproché à la demanderesse a été reconnu sans réserve par celle-ci. L’instruction de l’affaire n’a pas nécessité d’autres devoirs qu’une audition de la conductrice en infraction, et la jonction d’un extrait de son casier judiciaire ainsi que d’une copie de jugement.
Le jugement n’attribue à la prévenue aucune manœuvre dilatoire visant à retarder le déroulement du procès.
Sans doute la demanderesse n’assigne-t-elle à sa cause aucun enjeu imposant une diligence particulière aux autorités de poursuite et de jugement.
Cependant, la chronologie de la procédure fait apparaître une double période de latence puisque la citation originelle a été signifiée à la prévenue plus de vingt-deux mois après que le procès-verbal lui a été envoyé, et que le tribunal correctionnel a examiné l’affaire plus de vingt et un mois après la date de l’appel.
En réponse aux conclusions de la demanderesse soutenant que ces délais cumulés sont excessifs, le jugement énonce uniquement que le parcours du dossier tel qu’il le détaille ne révèle aucun dépassement.
Sur la base de cette énonciation, les juges d’appel n’ont pu légalement décider que le délai raisonnable n’était pas dépassé.
Le moyen est fondé.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf l’illégalité relevée ci-dessus, conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué en tant qu’il décide que la cause a été entendue dans un délai raisonnable, et en tant qu’il se prononce sur la peine ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse au quart des frais de son pourvoi et réserve le surplus pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Namur, autrement composé, siégeant en degré d’appel.
Lesdits frais taxés à la somme de cent cinquante-trois euros soixante-sept centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.