N° P.21.1389.F
B. L.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Luc Balaes, avocat au barreau de Liège-Huy,
contre
R. H., G.,
personne à l’égard de laquelle l’action publique est engagée,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 octobre 2021 par la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation.
La demanderesse fait valoir un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 19 octobre 2022, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
A l’audience du 16 novembre 2022, la demanderesse a déposé deux notes de plaidoirie.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
La demanderesse s’est constituée partie civile du chef de faux et d’usage de faux le 28 septembre 2017. Elle reprochait au défendeur d’avoir fait usage, devant les tribunaux saisis d’un litige civil les opposant, d’un acte notarié qu’elle qualifie de faux.
Le moyen reproche à l’arrêt de décider que la prescription de l’action publique était acquise au moment où cette action a été mise en mouvement par la demanderesse, dès lors qu’à supposer les faits établis, le faux allégué était à tout le moins connu de celle-ci depuis le 16 mars 2012, date du prononcé d’un jugement qui a rejeté sa requête civile, laquelle requête faisait valoir la fausseté de l’acte susvisé.
Selon la demanderesse, au contraire, ce faux a continué à engendrer l’effet utile qu’en attendait le défendeur, dès lors qu’il a donné lieu au prononcé de plusieurs décisions judiciaires postérieures à la date indiquée par les juges d’appel, notamment une décision du juge des saisies du 23 mai 2013 statuant sur les astreintes dues par la demanderesse en exécution d’un jugement du 3 janvier 2008, un arrêt de la cour d’appel de Mons du 25 septembre 2015 réservant à statuer sur le recours contre la décision précitée du 23 mai 2013 et la décision du tribunal de première instance de Mons, du 15 février 2017, statuant sur l’appel interjeté contre le jugement du 3 janvier 2008.
La loi n’ayant pas défini l’usage de faux, il appartient au juge du fond d’apprécier en fait ce qui constitue cet usage et, notamment, de vérifier si celui-ci continue à tromper autrui ou à lui nuire, et à produire ainsi l’effet voulu par le faussaire.
La Cour vérifie toutefois si le juge a pu, de ses constatations, légalement déduire que le faux a cessé ou a continué d’engendrer l’effet utile recherché.
Aux conclusions de la demanderesse, qui faisaient valoir que l’usage du faux avait notamment engendré les décisions judiciaires susvisées et que la procédure civile n’étant pas close, cette infraction perdurait, les juges d’appel ont opposé une appréciation différente.
Après avoir énoncé qu’il ne pouvait y avoir usage continué du faux que lorsque les effets utiles que l’écrit continuait de produire en étaient le résultat, les juges d’appel ont considéré que dans le cadre du litige civil opposant les parties, l’usage de l’éventuel faux avait cessé à la date du 1er décembre 2010, soit celle de la signification par la demanderesse de la requête civile qui démontrait que la fraude alléguée avait été découverte, ou, à tout le moins, le 16 mars 2012, soit la date à laquelle le tribunal avait rejeté cette requête.
De la considération suivant laquelle, la fraude ayant été éventée, le document tenu pour faux avait cessé de nuire ou de tromper la demanderesse, les juges d’appel ont pu légalement déduire que l’usage de cet acte avait cessé. Ils ont dès lors légalement constaté l’extinction de l’action publique, en fixant le point de départ de la prescription au moment où il était établi que la demanderesse avait pris conscience de la fraude qu’elle alléguait ou, à tout le moins, à celui où il avait été statué sur cette allégation par le juge civil.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Et en tant qu’il revient à critiquer cette appréciation des juges d’appel ou qu’il requiert un examen des éléments de fait de la cause, pour lequel la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
Enfin, en tant qu’il soutient que l’instruction révèle l’existence de charges suffisantes de la prévention d’usage de faux reprochée au défendeur, le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt, en raison de la décision de la chambre des mises en accusation constatant légalement la prescription de l’action publique.
Et la Cour est sans pouvoir pour statuer sur les demandes formulées par la demanderesse dans les notes déposées à l’audience.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de deux cent cinquante-deux euros douze centimes dont quarante-deux euros quarante et un centimes dus et deux cent neuf euros septante et un centimes payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.