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20/10/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0679.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 octobre 2022, P.22.0679.F


N° P.22.0679.F
L. K., .
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Antoine Moreau, avocat au barreau de Liège-Huy, et Amaury Gossé, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, chaussée de Charleroi, 70/6, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 avril 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite d’un arrêt de la Cour du 6 octobre 2021.
Le demandeur invoqu

e deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l...

N° P.22.0679.F
L. K., .
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Antoine Moreau, avocat au barreau de Liège-Huy, et Amaury Gossé, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, chaussée de Charleroi, 70/6, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 avril 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite d’un arrêt de la Cour du 6 octobre 2021.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 19 octobre 2022, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique :
Sur le premier moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et 149 de la Constitution, ainsi que la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au droit à un procès équitable, au respect des droits de la défense et à la motivation des décisions judiciaires.
Quant à la troisième branche :
Le moyen reproche à l’arrêt de considérer que le demandeur a eu la faculté de consulter un avocat durant le jour libre entre la convocation du 17 avril 2019 et l’audition du 19 avril 2019 au motif qu’il avait eu des contacts à deux reprises avec ses conseils les 12 et 14 avril 2019 et qu’il avait bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa comparution devant la chambre du conseil le 15 avril 2019.
Le moyen oppose à cette considération que ces contacts et cette audience sont antérieurs à la convocation reçue le 17 avril 2019, et qu’en vertu de l’article 6 de la Convention, le demandeur devait être assisté d’un avocat durant l’audition précitée en raison de la circonstance que, détenu, il se trouvait dans une situation vulnérable. Il relève en outre que les contacts et l’audience précités concernent un autre dossier, que la circonstance qu’un conseil a assisté un suspect concernant des faits ayant motivé une privation de liberté n’implique pas qu’il l’assiste également pour des faits du chef desquels l’intéressé n’est pas privé de liberté et que le demandeur a établi que l’avocat qui l’assistait dans le cadre de cet autre dossier avait mis fin à son intervention après l’audience de la chambre du conseil du 15 avril 2019.
Lorsqu’un prévenu, qui a été entendu sur convocation écrite et est présumé, en vertu de l’article 47bis, § 3, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, s’être concerté confidentiellement avec un avocat et avoir pris les mesures nécessaires pour se faire assister par lui pendant l’audition, n’a pas été assisté par un avocat durant l’audition et soutient que la convocation et l’audition n’étaient pas espacées d’un nombre suffisant de jours lui permettant d’organiser cette concertation et cette assistance, il appartient au juge de vérifier si, compte tenu des circonstances concrètes de la cause, le prévenu a pu exercer effectivement son droit d’accès à un avocat.
Les circonstances concrètes à prendre en considération comprennent, le cas échéant, le fait que lors de la réception de la convocation et pendant l’audition, le suspect se trouvait dans une position vulnérable en raison de sa privation de liberté du chef d’autres faits que ceux pour lesquels il a été convoqué.
A cet égard, la circonstance qu’un conseil ait assisté le suspect dans le cadre de l’instruction de ces autres faits n’implique pas nécessairement qu’il l’assiste également pour ceux faisant l’objet de l’audition et pour lesquels le suspect n’est pas privé de sa liberté.
Le juge apprécie souverainement si le laps de temps séparant la réception de la convocation et l’audition était, dans le cas de l’intéressé et compte tenu de son éventuelle vulnérabilité, suffisant pour solliciter une concertation auprès d’un avocat, tenir effectivement cet entretien et prévoir la présence de l’avocat pendant l’audition. La Cour vérifie si le juge ne déduit pas, de ses constatations, des conséquences sans lien avec elles ou qui ne sont susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification.
Dans ses conclusions déposées devant la cour d’appel, le demandeur a fait valoir que « l’audience [de la chambre du conseil] du 15 avril 2019 était la dernière prestation réalisée par Me […] – soit l’avocat de permanence Salduz qui [l’avait] assisté dans le cadre du dossier instruit par le juge d’instruction […] – ce dernier ayant refusé d’encore défendre [ses] intérêts ensuite de cette audience », que « cela n’a fait que renforcer la position de vulnérabilité dans laquelle se trouvait alors le [demandeur], de sorte qu’[il] n’était pas en mesure de prendre contact avec un avocat comme l’affirme le procureur fédéral en ses conclusions » et que le demandeur « avait d’ailleurs fait déposer par son conseil l’ordonnance suivante de la chambre du conseil, laquelle confirme que Me […] n’[était] plus intervenu ensuite de l’audience du 15 avril 2019 devant la chambre du conseil ».
L’arrêt considère qu’« il ressort du complément d’enquête réalisé par le ministère public que le [demandeur] disposait bien de la faculté d’avoir accès à un avocat en dépit de sa situation de détention puisqu’il apparaît qu’il a eu à deux reprises des contacts avec ses conseils les 12 et 14 avril 2019 (voir dossier de pièces versé par le ministère public en degré d’appel) et qu’il a bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa comparution devant la chambre du conseil le 15 avril 2019 », et qu’« il est également établi par les pièces ?…? qu’à la suite de la convocation écrite – avec ses droits annexés – qui lui a été adressée, le [demandeur] a disposé de plus d’un jour libre avant son audition, ce qui lui permettait d’effectuer toutes les démarches utiles pour se concerter avec un avocat préalablement à son interrogatoire par les enquêteurs ».
Ainsi, l’arrêt déduit l’existence d’une possibilité effective de concertation confidentielle avec un avocat et d’être assisté par lui lors de l’audition, de la circonstance que le demandeur avait eu des contacts à deux reprises avec ses avocats quelques jours avant la convocation et qu’il avait été assisté d’un avocat lors d’une audience de la chambre du conseil tenue l’avant-veille de cette convocation.
Toutefois, il ne vérifie pas si, compte tenu de la privation de liberté du demandeur tant au moment de la réception de la convocation que lors de l’audition, et de la vulnérabilité qui en résulte, le demandeur a été concrètement en mesure, pendant le laps de temps d’un jour libre entre la convocation reçue le 17 avril 2019 et l’audition prévue le surlendemain, d’organiser en prison la concertation confidentielle avec un avocat et l’assistance de celui-ci pendant cette audition relative à des faits pour lesquels il n’était pas privé de sa liberté.
Ainsi, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au surplus du moyen ni au second moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation sans renvoi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’ordre d’arrestation immédiate :
La cassation de la décision condamnant le demandeur entraîne l’annulation de la décision ordonnant son arrestation immédiate.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu’il statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0679.F
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Droit international public - Autres

Composition du Tribunal
Président : ROGGEN FRANCOISE
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-10-20;p.22.0679.f ?

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