N° C.22.0095.F
1. C. V., et
2. N. B.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
MERYTHERM, société anonyme, dont le siège est établi à Esneux, allée des Artisans, 26, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0455.892.179,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 2 avril 2020 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d’appel.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
En vertu des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, celui qui, par sa faute, a causé à autrui un dommage est tenu de le réparer, ce qui implique que le préjudicié soit replacé dans la situation qui eût été la sienne si l’acte illicite n’avait pas été commis.
Lorsque le dommage consiste en la perte d’une chance d’obtenir un avantage espéré, ce dommage est certain lorsque la perte, en relation causale avec la faute, porte sur un avantage probable.
Le défaut de certitude quant à l’obtention de l’avantage en l’absence de la faute n’exclut pas son caractère probable.
Après avoir décidé que la défenderesse doit « indemniser [les demandeurs] de l’intégralité du préjudice subi par [son] occupation sans titre ni droit », le jugement attaqué relève que ces derniers « invoquent la perte de chance de vendre leur terrain à la somme de 130.000 euros ».
Il considère qu’« il n’est pas établi à suffisance que la vente se serait concrétisée en l’absence de la réalisation du chantier litigieux » dès lors que les demandeurs « ne produisent ni compromis signé, ni offre antérieure à la réalisation du chantier, ni le moindre élément permettant de démontrer qu’un projet immobilier aurait été réalisable, […] s’agissant d’un terrain situé en zone inondable ».
En exigeant que les demandeurs établissent l’obtention certaine de l’avantage en l’absence de la faute, le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision que « la perte de chance n’est pas indemnisable ».
Le moyen est fondé.
Et la cassation de la décision portant sur la perte de chance de vendre le terrain entraîne l’annulation du jugement du 7 janvier 2021 qui en est la suite.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu’il statue sur la perte de revenus des demandeurs ;
Annule le jugement du 7 janvier 2021 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé et du jugement annulé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Namur, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille vingt-deux par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.