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05/10/2022 | BELGIQUE | N°P.22.1200.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 octobre 2022, P.22.1200.F


N° P.22.1200.F
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Cathy Piront, avocat au barreau de Liège-Huy, et Stamatina Arkoulis, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
A. O., M.,
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège-Huy.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30

août 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre...

N° P.22.1200.F
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Cathy Piront, avocat au barreau de Liège-Huy, et Stamatina Arkoulis, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
A. O., M.,
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège-Huy.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 août 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur l’ensemble du troisième moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 15 et 22 de la Constitution.
Il fait grief à l’arrêt de remettre le défendeur en liberté au motif que le dossier ne comprend pas la preuve que son arrestation a été réalisée de manière régulière, c’est-à-dire avec l’autorisation écrite d’accéder à son domicile, alors que ni l’article 8 de la Convention ni aucune disposition de droit national n’exigent que le consentement donné à la police par un étranger en séjour illégal pour accéder à son domicile doit être nécessairement donné par écrit, et qu’il ressort du procès-verbal de l’arrestation que le défendeur a invité les services de police à entrer chez lui.
2. L’article 8 de la Convention dispose que toute personne a droit au respect de son domicile et qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que si cette ingérence est prévue par la loi et constitue une mesure nécessaire, notamment, au point de vue de la sécurité nationale et de la sûreté publique.
Selon l’article 15 de la Constitution, le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit.
En vertu de l’article 22 de la Constitution, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
3. Les dispositions précitées n’interdisent pas de renoncer au droit à la protection du domicile, notamment en autorisant une autorité publique à y pénétrer.
Pour être valable, la renonciation à un droit fondamental doit être établie de manière non équivoque, avoir été opérée en connaissance de cause, c’est-à-dire sur la base d’un consentement éclairé, et effectuée sans contrainte.
4. L’article 2 de la loi du 7 juin 1969 fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions, visites domiciliaires ou privations de liberté, dispose, en son premier alinéa, qu’aucune privation de liberté suite à un mandat d'amener, un mandat d'arrêt, un mandat d'arrêt par défaut ou un ordre d'arrestation immédiate, au sens de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ne peut être faite dans un lieu non ouvert au public avant cinq heures du matin et après neuf heures du soir, et qu’il en va de même pour une privation de liberté faite sur le territoire belge en vertu de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen ou en vertu d'une règle de droit international conventionnel ou coutumier par laquelle la Belgique est liée.
Le deuxième alinéa, 1° à 5°, de l’article 2 prévoit plusieurs exceptions à cette interdiction. Ainsi, en vertu de l’alinéa 2, 3°, l’interdiction prévue à l’alinéa 1er ne s’applique pas en cas de réquisition ou de consentement de la personne qui a la jouissance effective du lieu ou de la personne visée à l’article 46, 2°, du Code d’instruction criminelle.

En vertu de l’article 3 de la loi du 7 juin 1969, la réquisition ou le consentement visé à l’article 2, alinéa 2, 3°, doit être donné par écrit, préalablement à la perquisition ou à la visite domiciliaire.
5. La base légale requise par l’article 8 de la Convention pour justifier l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect du domicile, réside dans ladite loi du 7 juin 1969, laquelle ne prévoit pas d’autre consentement que celui donné par écrit.
6. Soutenant que, lorsqu’un service de police pénètre dans un lieu non ouvert au public en vue de procéder à la privation de liberté administrative d’un étranger en séjour illégal dans le cadre de l’application de la loi du 15 décembre 1980, le consentement préalable de la personne ayant la jouissance effective de ce lieu ne doit pas avoir été donné par écrit, le moyen manque en droit.
Sur l’ensemble du premier moyen :
7. Le moyen invoque la violation des articles 8.17 et 8.18 du Livre 8 du Code civil.
En sa première branche, le moyen soutient que, par le motif critiqué au troisième moyen, la cour d’appel a fait mentir le dossier administratif et notamment le procès-verbal de l’arrestation du défendeur, puisque les instructions du 2 août 2022 de l’Office des étrangers à la police locale de Herstal mentionnent que « l’étranger doit donner son accord (oral) avant de pouvoir entrer dans le domicile », et que le procès-verbal établi le jour de l’arrestation (le 8 août 2022) par ce service de police indique que les policiers ont obtenu le consentement oral du défendeur avant d’entrer dans le lieu où il résidait. La deuxième branche du moyen fait valoir que les juges d’appel n’ont pas pu affirmer, sans violer la foi due au dossier administratif déposé devant eux, que « le procès-verbal d’arrestation n’est […] pas au dossier », alors que cette pièce s’y trouve bien.
8. Soutenant que l’arrêt viole la foi due à des actes qui, selon le moyen, constatent que le défendeur a consenti verbalement à ce que les policiers entrent chez lui, alors que la loi requiert que cette autorisation soit donnée par écrit, le moyen est dénué d’intérêt et, partant, irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
9. Pris de la violation des articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, et du principe du contradictoire, le moyen reproche à la cour d’appel d’avoir motivé sa décision par l’énonciation suivante : « adoptant les motifs de l’ordonnance entreprise que n’énervent pas les considérations émises par le ministère public et l’État belge en termes de conclusions ». Selon le demandeur, une telle motivation ne répond pas à ses conclusions dans lesquelles il faisait valoir, d’une part, que le procès-verbal de la police établissait que le défendeur avait verbalement consenti à ce que les policiers entrent dans son domicile et avait librement accepté de les suivre, et, d’autre part, que ni l’article 8 de la Convention ni aucune disposition légale n’exigeaient un consentement écrit du défendeur. Le moyen ajoute que l’arrêt ne pouvait pas répondre à ces moyens en se référant aux motifs de l’ordonnance dont appel, puisque le demandeur n’était pas partie à la cause devant la chambre du conseil.
10. Le principe du contradictoire signifie que le juge ne peut fonder sa conviction que sur des éléments soumis à son appréciation qui ont pu faire l’objet devant lui d’un débat contradictoire des parties.
Le moyen n’expose pas en quoi la cour d’appel a pris en compte des éléments dont les parties n’auraient pas pu débattre devant elle.
A cet égard, imprécis, le moyen est irrecevable.
11. Aucune disposition légale n’interdit à la chambre des mises en accusation de s’approprier les motifs de l’ordonnance soumise à son contrôle, la référence à ces motifs signifiant qu’elle a reconnu leur pertinence par rapport au moyens invoqués devant elle.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
12. En ayant considéré, par adoption des motifs de l’ordonnance dont appel, que le demandeur ne prouvait pas que l’arrestation du défendeur avait été effectuée légalement, c’est-à-dire avec l’autorisation écrite donnant accès à l’immeuble qu’il occupait, les juges d’appel ont répondu aux conclusions du demandeur soutenant que ladite autorisation ne devait pas avoir été donnée par écrit.
Ils ne devaient pas, pour motiver régulièrement leur décision de confirmer la décision du premier juge et d’ordonner la remise en liberté du défendeur, rencontrer les autres arguments du demandeur, devenus sans pertinence en raison de la considération précitée.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Sur l’ensemble du quatrième moyen :
13. Le moyen invoque la violation des articles 8.5 et 8.28 du Livre 8 du Code civil. Il fait grief à l’arrêt de décider que le demandeur ne prouve pas que l’arrestation du défendeur a été faite légalement, en se fondant uniquement sur les attestations produites par ce dernier, sans prendre en considération le procès-verbal rédigé par la police le jour de l’arrestation et figurant au dossier administratif, alors que, en vertu de l’article 8.28 du Code civil, le juge doit tenir compte des témoignages produits par toutes les parties.
Le moyen soutient également que, en ayant jugé sur la base de ces seules attestations produites par le défendeur, en l’occurrence une attestation de sa compagne absente au moment des faits et celle d’un enfant de quinze ans, sans avoir eu égard au procès-verbal des policiers, que la régularité de la privation de liberté n’était pas établie, la cour d’appel a méconnu la règle énoncée à l’article 8.5 du Code civil, qui énonce que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, la preuve doit être rapportée avec un degré raisonnable de certitude.
Les dispositions invoquées ne s’appliquent pas en matière répressive.
Le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
14. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de neuf euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.1200.F
Date de la décision : 05/10/2022
Type d'affaire : Droit administratif

Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, DE LA SERNA IGNACIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-10-05;p.22.1200.f ?

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