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05/10/2022 | BELGIQUE | N°P.21.0024.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 octobre 2022, P.21.0024.F


N° P.21.0024.F
I. S.R., R., H.,
ayant pour conseil Maître Thomas De Nys, avocat au barreau de Bruxelles, et représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
II. d.S. O.,
ayant pour conseils Maîtres Thomas Bocquet, avocat au barreau de Liège-Huy, et Sarah Temsamani, avocat au barreau de Bruxelles, et représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de

La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
prévenus,
demandeurs e...

N° P.21.0024.F
I. S.R., R., H.,
ayant pour conseil Maître Thomas De Nys, avocat au barreau de Bruxelles, et représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
II. d.S. O.,
ayant pour conseils Maîtres Thomas Bocquet, avocat au barreau de Liège-Huy, et Sarah Temsamani, avocat au barreau de Bruxelles, et représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
prévenus,
demandeurs en cassation,
les pourvois contre
1. L.E. M.,
2. B. G. O., ,
3. L. L. F.,
4. P. S.,
5. L. L. E.,
6. F.C.,
7. D. L. R. P. R. C.,
8. D.A. P.,
9. M. A.,
10. M. G.S d. R. B. R.,
11. P. V.,
12. P. I.,
13. H2 O-N-D. R.,
14. M. P.,
15. K. E.,
16. K. I.,
17. B. J.-F.,
18. S. B.,
19. B. M. et
20. L. M. R.,
21. D.V.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre l’arrêt rendu le 23 octobre 2013 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, et contre les arrêts rendus les 9 janvier 2020, 4 mars 2020 et 2 décembre 2020 par la cour d’appel de Liège, chambre pénale sociale, statuant comme juridiction de renvoi ensuite d’un arrêt de la Cour du 12 juin 2019.
Le demandeur fait valoir trois moyens et la demanderesse en invoque sept, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 19 septembre 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 5 octobre 2022, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur les pourvois de R. S. et O. d. S. contre l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, du 23 octobre 2013 :
Les demandeurs se désistent de leur pourvoi.
B. Sur le pourvoi de R. S. contre l’arrêt interlocutoire de la cour d’appel de Liège du 9 janvier 2020 :
Sur le deuxième moyen :
Dans ses « conclusions in limine litis » déposées à l’audience de la cour d’appel du 18 décembre 2019, le demandeur, qui réside en Espagne, a soutenu qu’un voyage aux fins de comparaître personnellement à l’audience l’aurait exposé au risque d’une détérioration de son état de santé. Pour ne pas courir ce danger, le demandeur a sollicité d’être autorisé « à comparaître depuis sa résidence aux audiences de la cour d’appel […] au moyen de la technique de la vidéoconférence, à organiser entre les autorités de poursuites belges et les autorités espagnoles [de son] lieu de résidence ».
Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 14.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et au droit à un procès équitable. Alors qu’il n’était pas contesté que l’état de santé du demandeur ne lui permettait pas, sans courir un risque sérieux, d’assister en personne à son procès, et que la cour d’appel n’a pas considéré que la vidéoconférence était impossible à organiser, l’arrêt attaqué rejette la demande de comparution par vidéoconférence au seul motif que le législateur ne l’a pas prévue, sans indiquer que, à la lumière des circonstances concrètes de la cause, l’absence d’audition personnelle du demandeur ne porterait pas atteinte à son droit à un procès équitable et ne violerait pas ses droits de défense. Le moyen ajoute qu’il n’est pas établi que la cour d’appel a fait tout ce que, dans de telles circonstances, on pouvait attendre d’elle pour assurer la participation personnelle du demandeur à la procédure.
En vertu de l’article 185, § 1er, du Code d’instruction criminelle, le prévenu comparaît devant le tribunal correctionnel et devant la cour d’appel en personne ou par un avocat.
En soi, la comparution du prévenu par l’intermédiaire de son avocat ne viole ni le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la Convention, ni le droit du prévenu à être présent au procès et à se défendre lui-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix, garanti par l’article 14.3, d, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le respect de ces exigences s’apprécie au cas par cas, au regard des circonstances concrètes de la cause, et à l’aune de la conduite de la procédure considérée dans son ensemble.
L’arrêt attaqué a été rendu in limine litis, c’est-à-dire avant que la cour d’appel ait instruit les faits, examiné les préventions mises à charge du demandeur et entendu toutes les parties présentes ou représentées, aux audiences des 20, 26 et 27 février 2020, 4 et 5 mars 2020, 23, 24, 25, 26, 29 et 30 juin 2020, et 7, 8, 10, 11, 14, 15, 16 et 17 septembre 2020.
Des pièces de la procédure, notamment des conclusions « additionnelles et de synthèse » du demandeur, déposées à l’audience de la cour d’appel du 15 septembre 2020, il ne ressort pas que le demandeur ait soutenu que son droit à un procès équitable et ses droits de défense auraient été violés au cours des audiences antérieures, à cause de la circonstance qu’il y a comparu par avocat et non par vidéoconférence.
En l’absence de griefs formulés par le demandeur devant les juges d’appel quant à une violation de ses droits fondamentaux en raison de sa comparution par avocat aux audiences au cours desquelles la cause a été instruite, les préventions examinées et les parties entendues, et, partant, à défaut d’examen de tels griefs par le juge du fond, la Cour ne peut vérifier, sans procéder à un examen en fait qui n’est pas en son pouvoir, si, dans le cas du demandeur et au regard des circonstances concrètes de la cause et de la procédure considérée dans son ensemble, la décision des juges d’appel de ne pas autoriser la comparution du demandeur par vidéoconférence a effectivement eu pour effet de compromettre le caractère équitable du procès et de méconnaître les droits de la défense.
Le moyen est irrecevable.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

C. Sur le pourvoi de R. S. contre l’arrêt interlocutoire de la cour d’appel de Liège du 4 mars 2020 :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
D. Sur le pourvoi de R. S. contre l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 2 décembre 2020 :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation qui, rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur, statue sur la culpabilité et sur la peine :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et 4.1 du Septième protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit non bis in idem.
Quant à la première branche :
Le moyen reproche à la cour d’appel d’avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité des poursuites soulevée par le demandeur et déduite de la violation du principe non bis in idem, au motif que les faits de la prévention I de prise d’otage « ne sont pas les mêmes » que ceux qui font l’objet de l’ordonnance de non-lieu prononcée le 17 juillet 2000 par le juge d’instruction de Digne-les-Bains (France), sans avoir constaté en outre que ces faits ne sont pas « substantiellement » les mêmes et, plus particulièrement, qu’ils ne sont pas indissociablement liés entre eux dans le temps et dans l’espace.
L’arrêt constate que le demandeur a été mis en examen en France du chef de privation de soins et d’aliments par personne ayant autorité sur mineur de 15 ans, et d’obtention en abusant de l’état de dépendance des personnes de services non rétribués ou en échange d’une rétribution sans rapport avec l’importance du travail accompli.
Les juges d’appel ont d’abord considéré que « pour que l’autorité de chose jugée empêche de nouvelles poursuites, il faut que les mêmes faits (ou des faits qui sont en substance les mêmes), indépendamment de leur qualification juridique, soient remis en cause devant un juge répressif, puisque toute décision au fond suppose que toutes les qualifications possibles aient été envisagées explicitement ou implicitement », qu’« il appartient [à la cour d’appel] de déterminer s’il y a identité des faits matériels » et qu’« [elle] doit, dès lors, examiner si ceux-ci constituent un ensemble de faits indissociablement liés dans le temps, dans l’espace ainsi que par leur objet, sans que des considérations fondées sur l’intérêt juridique protégé ne soient jugées pertinentes ».
La cour d’appel a ensuite jugé que, « à l’examen des faits qui ont fondé l’ordonnance de non-lieu française, […] ceux-ci ne peuvent être assimilés aux faits visés par la prévention I de prise d’otage », aux motifs que
- la période infractionnelle visée par la prévention I dont la cour d’appel est saisie est nécessairement plus longue que celle examinée par le juge d’instruction français, puisqu’en termes de citation elle débute en août 1975 et se prolonge jusqu’au 12 avril 2008, ce qui implique qu’elle vise inéluctablement des personnes qui étaient inconnues des autorités françaises,
- le demandeur n’a pas été mis en examen en France et n’a jamais été poursuivi du chef de l’infraction prévue par le Code pénal français qui sanctionne l’arrestation, l’enlèvement, la détention et la séquestration et retient, comme circonstance aggravante, la prise d’otage pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, favoriser la fuite ou assurer l’impunité de l’auteur ou du complice ou obtenir l’exécution d’un ordre,
- la prise d’otage suppose une relation triangulaire, impliquant l’auteur de la prise d’otage, la victime privée de liberté et une ou plusieurs autres personnes à l’égard desquelles la privation de liberté de la victime constitue une monnaie d’échange ou un moyen de pression ;
- les faits poursuivis en Belgique s’inscrivent dans cette relation triangulaire, ce qui n’est pas le cas des faits visés par l’ordonnance de non-lieu.
En outre, l’arrêt relève que
- les faits de prise d’otage faisant l’objet de la prévention I ont consisté à envoyer les enfants à Castellane et à les priver de leur liberté, sous le prétexte de les préparer à résister à un prochain évènement cataclysmique et sous la menace d’en être les victimes, dans le but de contraindre les parents à mettre leur propre force de travail à la disposition de la communauté, dans un but d’enrichissement de celle-ci,
- les enfants pris en otage ont été soumis à des traitements inhumains, susceptibles d’avoir engendré de très graves souffrances physiques ou mentales ou une douleur aigüe, constitutifs de la circonstance aggravante de tortures corporelles visée à la prévention I ; lesdits actes ont consisté à faire subir aux enfants, privés de l’affection de leurs parents et âgés de 4 à 14 ans, de très nombreuses prosternations à l’extérieur, pendant des heures et par tous les temps ; de fréquents tours d’une aire sacrée, des heures durant, pieds nus et même en hiver ; des isolements ou de longs enfermements dans des endroits sombres ou éloignés dépourvus de confort ; des gifles et des coups à l’aide d’objets (bûche ou bâton, notamment) ; des privations de nourriture pouvant durer jusqu’à deux ou trois jours.
Contrairement à ce que le moyen soutient, il ressort de ces motifs que la cour d’appel a considéré que les faits poursuivis en Belgique et en France n’étaient pas indissociablement liés dans le temps et dans l’espace et n’étaient ni identiques ni substantiellement les mêmes.
Le moyen manque en fait.
Quant aux deuxième et cinquième branches réunies :
En sa deuxième branche, le moyen fait valoir que la circonstance que l’autorité judiciaire française n’a pas mis le demandeur en examen pour arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, mais pour privation de soins et d’aliments par personne ayant autorité sur mineur de 15 ans, et pour obtention en abusant de l’état de dépendance des personnes de services non rétribués ou en échange d’une rétribution sans rapport avec l’importance du travail accompli, n’exclut pas que les faits poursuivis en France soient les mêmes ou substantiellement les mêmes que ceux visés par la prévention de prise d’otage poursuivie en Belgique, de sorte qu’en ayant fondé le rejet de l’exception tirée du principe non bis in idem sur cette différence de qualification, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
La cinquième branche du moyen fait grief à l’arrêt de relever que, dans ses conclusions, le demandeur a lui-même convenu que la qualification de prise d’otage ne pouvait pas s’identifier à celle de privation d’aliments et de soins.
Si la différence de qualification ne permet pas, à elle seule, d’écarter l’identité des faits, elle peut néanmoins figurer parmi les éléments que le juge est habilité à prendre en considération pour trancher cette question.
Fondé sur une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Quant à la troisième branche :
Le moyen soutient que le rejet de l’exception non bis in idem n’est pas légalement justifié par le constat que « la période infractionnelle visée par la prévention I dont la cour [d’appel] est saisie est nécessairement plus longue que celle examinée par le juge d’instruction français », puisque, en l’espèce, la période délictueuse des faits visés par l’ordonnance de non-lieu du 17 juillet 2000 coïncide en partie avec celle de la prévention I qui commence en août 1975 et se termine le 12 avril 2008, et que, en outre, l’arrêt attaqué ne déclare cette prévention établie que pour des faits commis jusqu’au 1er janvier 2004. Le moyen fait également valoir que le motif selon lequel cette période délictueuse « vise inéluctablement des personnes qui étaient inconnues des autorités françaises », ne peut davantage justifier en droit la décision des juges d’appel, une période délictueuse plus longue en Belgique n’impliquant pas nécessairement que les victimes concernées par la procédure française soient différentes.
Ainsi que le moyen le relève, l’arrêt réduit la période délictueuse de la prévention I.2 au 1er janvier 2004, c’est-à-dire une date postérieure à celle à laquelle a été rendue l’ordonnance de non-lieu.
Partant, les juges d’appel pouvaient prendre cet élément en considération pour apprécier si les faits étaient ou non indissociablement liés dans le temps et dans l’espace.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Après avoir relevé que « [le demandeur] et l’ASBL OKC mettent en avant l’enquête menée tant par la justice pénale française que celle d’un juge des enfants de Digne-les-Bains », et que « plusieurs parties civiles actuellement constituées (R. H.t, P. M., A. M.et P.D. A.) ont été entendues à l’occasion des perquisitions et n’ont formulé aucune récrimination contre leur mode d’éducation [mais, au contraire, ont] tous exprimé leur bonheur de se trouver à N. D.», l’arrêt précise que « ces éléments paraissent effectivement interpellants mais ne sont qu’un instantané très partiel des années 1996-1997, alors que les périodes infractionnelles des préventions I s’étendent de 1975 à 2008 et ce même si la période infractionnelle de la prévention I.2 sera réduite au 1er janvier 2004 […] ».
Il ressort de ce motif qu’en considérant que la période délictueuse de la prévention I « vise inéluctablement des personnes qui étaient inconnues des autorités françaises », l’arrêt constate que l’ordonnance de non-lieu ne vise que les faits commis à l’égard d’un nombre limité de victimes au cours des années 1996-1997, alors que, couvrant une période délictueuse qui s’étend de 1975 à 2004, la procédure menée en Belgique comprend des faits commis à l’égard de victimes dont les autorités françaises ignoraient l’existence.
Déduit d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen, à cet égard, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
Le demandeur reproche à la cour d’appel d’avoir fondé sa décision sur la relation triangulaire propre à l’infraction de prise d’otage, alors que des faits qui ne présentent pas cette caractéristique peuvent néanmoins être identiques ou substantiellement les mêmes.
La règle non bis in idem interdit que de nouvelles poursuites soient engagées, ou une condamnation prononcée, contre une personne qui a déjà été acquittée ou condamnée par une décision passée en force de chose jugée, en raison de faits identiques ou qui, en substance, sont les mêmes que ceux qui ont fait l'objet de cette décision. La notion de faits identiques ou substantiellement les mêmes vise un ensemble de circonstances concrètes concernant un même suspect qui, indépendamment de leur qualification juridique ou des éléments constitutifs de l'infraction, sont indissociablement liées entre elles dans le temps et dans l'espace.
Le juge apprécie souverainement, en fait, si les faits visés par la nouvelle poursuite sont identiques ou substantiellement les mêmes, la Cour se bornant à vérifier s’il n’a pas déduit des faits qu’il a constatés des conséquences qui seraient sans lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification.
Pour considérer que les faits soumis à leur appréciation et ceux qui ont fait l’objet de l’ordonnance de non-lieu n’étaient ni identiques ni substantiellement les mêmes, les juges d’appel ont relevé que la période durant laquelle les faits poursuivis en Belgique ont été commis est plus longue que celle qui a été prise en considération en France, que l’ordonnance de non-lieu rendue en France ne vise que les faits commis à l’égard d’un nombre limité de victimes alors que la procédure belge comprend des faits commis à l’égard de victimes au cours d’une période délictueuse qui s’étend de 1975 à 2004, que les infractions respectives n’ont pas la même nature, seuls les faits poursuivis en Belgique étant des faits de prise d’otage caractérisés par une relation triangulaire mettant en cause un preneur d’otage, une victime et une personne menacée ou mise sous pression, et que seuls les faits poursuivis en Belgique ont été accompagnés des traitements inhumains que l’arrêt décrit.
De ces constatations, les juges d’appel ont pu déduire que le principe non bis in idem ne trouvait pas à s’appliquer à la cause dont ils étaient saisis.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Pour les motifs indiqués en réponse au moyen en tant qu’il est invoqué à l’appui du pourvoi du demandeur contre l’arrêt interlocutoire de la cour d’appel de Liège du 9 janvier 2020, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur, réserve à statuer quant à la condamnation d’office visée à l’article 236 du Code pénal social :
Le demandeur se désiste, sans acquiescement, de son pourvoi.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur par le défendeur J.-F. B. :
Le demandeur se désiste, sans acquiescement, de son pourvoi.
4. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur par le défendeur O.-N.-D. R.H. du chef de la prévention G, statue sur
a. le principe de la responsabilité :
Sur le troisième moyen :
Le défendeur appelé O. R. H.dans l’arrêt attaqué s’identifie avec O.-N.-D. R.H.ci-dessus qualifié.
Pris de la violation des articles 1138, 2°, du Code judiciaire, et 202 et 203 du Code d’instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit dit principe dispositif, le moyen reproche à l’arrêt de condamner le demandeur à payer au défendeur une indemnité d’un euro à titre provisionnel au titre de réparation du dommage causé par les faits de la prévention G, alors que le défendeur n’a pas réclamé de dommages-intérêts relativement à cette prévention et n’a pas interjeté appel de la décision par laquelle les premiers juges ne lui ont pas alloué d’indemnité à cet égard.
Il ne ressort pas des pièces de la procédure que le défendeur ait sollicité devant les juges d’appel la condamnation du demandeur à lui payer une indemnité en raison des faits de la prévention G.
En décidant que le demandeur est responsable du dommage causé par cette prévention, l’arrêt statue sur choses non demandées et, ainsi, méconnaît le principe dispositif et viole l’article 1138, 2°, du Code judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner le surplus du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

b. l’étendue du dommage :
La cassation, à prononcer ci-après, de la décision statuant sur le principe de la responsabilité entraîne l’annulation de la décision non définitive rendue sur l’étendue du dommage, qui est la conséquence de la première.
5. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur par le défendeur O.-N.-D. R. H. du chef de la prévention I :

L’arrêt condamne le demandeur à payer au défendeur une somme de 20.000 euros, à titre définitif, relativement à la prévention I.
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen.
6. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions qui, rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs S.P., P.D.A., R.M. G. d. R.B., I.P., I.K., M. B., R. L. M. et V.D’. statuent sur
a. le principe de la responsabilité :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen.
b. l’étendue des dommages :
Le demandeur se désiste, sans acquiescement, de son pourvoi.
7. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs M.L.-E., G. O. B., F. L. L., E. L. L., C. F., C. D. L. R. P. R., A.M., V.P., B. S., P. M. et E. K. :
La défenderesse appelée C. F.-V. dans l’arrêt attaqué s’identifie avec C.. ci-dessus qualifiée.
Le demandeur n’invoque aucun moyen.
E. Sur le pourvoi d’O. d. S. contre les arrêts de la cour d’appel de Liège des 9 janvier 2020 et 4 mars 2020 :
La demanderesse n’invoque aucun moyen.
F. Sur le pourvoi d’O. d.S. contre l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 2 décembre 2020 :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à sa charge :
La demanderesse se désiste de son pourvoi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre la demanderesse par les défendeurs M.B. et R. L. M. :
L’arrêt condamne la demanderesse, solidairement avec R. S., à payer un euro à titre définitif à chacun des défendeurs, en réparation du dommage causé par les faux en écritures visés aux préventions A.1.c.1°.a et b, et leur usage visé à la prévention A.1.c.2°.b, en l’espèce un extrait du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire de la société coopérative à responsabilité limitée Tara (ci-après la société Tara) et un extrait du procès-verbal du conseil d’administration de cette société. L’arrêt dit le premier procès-verbal faux en ce que la demanderesse est supposée souscrire l’ensemble des nouvelles parts correspondant à une augmentation de capital de 2.850.000 anciens francs belges et libérer ces parts à concurrence d’un quart, alors que, en réalité, elle n’était qu’une associée de pure forme, qu’elle n’a pas elle-même investi les fonds dans l’entreprise et que les associés n’étaient animés d’aucune affectio societatis véritable et licite. Le second procès-verbal est déclaré contraire à la vérité au motif que la demanderesse y apparaît en qualité de présidente, alors qu’elle n’a jamais eu l’intention d’exercer ce mandat.
Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 9 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1382 de l’ancien Code civil. La demanderesse reproche à l’arrêt de constater le caractère prétendument fictif de sa participation au capital de la société Tara, de sa qualité d’associée et de son mandat de présidente du conseil d’administration, par le biais d’un raisonnement circulaire consistant à poser comme prémisse ce que l’argumentation entend prouver. En outre, elle fait grief à l’arrêt de fonder cette décision sur le fait que son mari, R. S., était le chef spirituel de la communauté, et, ainsi, de méconnaître « l’effectivité de l’exercice des libertés protégées par les articles 9 et 11 de la Convention, et notamment le principe d’autonomie des communautés religieuses, qui vise aussi leurs aspects organisationnels ».
Les conséquences que le juge tire, à titre de présomptions, des faits qu'il déclare constants sont abandonnées à sa prudence et relèvent de son appréciation souveraine, dès lors qu'il ne déduit pas de ces faits des conséquences qui seraient sans lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.
Les juges d’appel ont fondé le motif critiqué sur les éléments suivants :
- bien que son nom ne figurait pas dans les actes en tant qu’administrateur ou gérant, l’époux de la demanderesse, manifestement très impliqué dans la gestion de l’association OKC et des sociétés commerciales liées, était pourtant la personne qui prenait toutes les décisions importantes ou à laquelle on se référait ;
- le précité a admis avoir été le leader spirituel de la communauté OKC, dans laquelle il exerçait une influence et un ascendant incontestés ; il existait manifestement une véritable organisation pyramidale, où il représentait, à lui seul, « la pointe de cette pyramide » ;
- la demanderesse et sa fille étaient des femmes de paille, des symboles, placés dans l’association OKC mais aussi dans les filiales commerciales, pour rappeler la présence de R. S. et asseoir son emprise sur les sociétés ;
- la plupart des personnes détentrices de parts les tenaient de la demanderesse, qui les tenait elle-même de son époux ; ce dernier finançait les différentes personnes morales et fournissait les apports en numéraire ou la plupart de ceux-ci ;
- l’intention frauduleuse consistait aussi à placer des administrateurs dépourvus de tout pouvoir de contester les décisions ou de surveiller réellement les activités de l’association ; la demanderesse était dans l’incapacité totale d’exercer le moindre contrôle sur les autres administrateurs ou de s’opposer d’une quelconque manière à son mari ; elle n’a elle-même effectué aucune augmentation de capital de la société Tara ;
- l’augmentation de capital litigieuse, souscrite par la demanderesse, a été assurée par son époux et surtout par des dons d’adhérents ; cette dernière a précisé que « c’est son mari qui [avait] versé l’argent pour l’achat des parts de la société » et qu’elle « n’[avait] pas réellement exercé les prérogatives de présidente de [la société Tara] », mandat qu’elle n’a « jamais eu l’intention d’exercer ».
En ayant déduit de ces constatations le défaut de participation réelle de la demanderesse au capital, à la vie sociale et à la gestion de la société Tara, la cour d’appel, sans adopter le raisonnement circulaire que le moyen lui prête, a légalement justifié sa décision.
En ayant retenu le rôle de chef spirituel du mari de la demanderesse parmi les éléments dont elle a déduit l’absence de participation de celle-ci au capital, à la vie sociale et au conseil d’administration de la société, la cour d’appel n’a pas remis en cause l’effectivité de l’exercice des libertés de religion et d’association, en ce compris le « principe d’autonomie des communautés religieuses » ou « leurs aspects organisationnels », mais a seulement relevé l’influence et l’ascendant que, précisément en raison de son rôle de leader spirituel, l’intéressé exerçait sur les membres de la communauté dans le cadre de la gestion des sociétés entourant celle-ci.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 1382 de l’ancien Code civil, 193, 196 et 213 du Code pénal, 19 du Code des sociétés et 149 de la Constitution.
Quant à la première branche :
La demanderesse fait valoir que l’augmentation de capital d’une société est une prérogative de l’assemblée générale et que la décision d’y recourir est indépendante de la manière dont le capital souscrit est financé par le souscripteur. Il s’ensuit, d’après le moyen, que le motif énoncé pour justifier le caractère prétendument fictif de la souscription de la demanderesse à l’augmentation de capital de la société Tara (prévention A.1.c.1°.a), à savoir qu’elle « n’a pas elle-même investi ces fonds dans l’entreprise », ne justifie pas légalement cette décision.
La souscription au capital d’une société est une manifestation unilatérale de volonté, marquant l’adhésion de son auteur à l’institution dont il entend faire partie.
Les juges d’appel n’ont pas fondé la décision critiquée uniquement sur le constat que la demanderesse n’a pas elle-même investi les fonds dans l’entreprise. Ils ont également relevé qu’elle était une associée de pure forme et que les associés n’étaient animés d’aucune affectio societatis véritable et licite, l’arrêt précisant qu’aucune volonté de participation à une personne morale ne peut être mise en évidence chez la demanderesse, qu’elle était uniquement présente comme symbole et qu’elle ne prenait part à aucune décision.
En ayant déduit la fausseté de l’acte constatant la souscription de la demanderesse à l’augmentation de capital, non seulement de la circonstance qu’elle n’a pas elle-même investi les fonds, mais aussi du constat qu’elle était dépourvue de toute volonté d’adhésion à la société Tara, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
La demanderesse reproche à l’arrêt de justifier le caractère fictif de sa participation au capital de la société Tara, par le constat qu’elle n’a pas elle-même financé cet engagement, sans faire état de la moindre disposition légale interdisant le financement d’une augmentation de capital au moyen d’une avance ou d’un prêt. A cet égard, le moyen précise que la seule restriction légale concerne les prêts accordés par une société en vue de l'acquisition de ses parts par un tiers.
Mais, ainsi qu’il est indiqué dans la réponse à la première branche du moyen, outre la circonstance que les fonds apportés ne provenaient pas de la demanderesse mais de son mari, les juges d’appel ont également relevé chez elle l’absence d’adhésion au projet de la société et, ainsi, ont légalement justifié leur décision de dire établie l’infraction de faux en écritures et d’usage prévue par les articles 193, 196 et 213 du Code pénal.
Ils ne devaient pas, en outre, pour justifier légalement leur décision, mentionner une disposition légale telle que celle que le moyen évoque, ni tenir compte des règles du droit des sociétés régissant le financement par une société de l’acquisition de ses actions par un tiers.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
A l’appui de sa décision relative à la prévention A.1.c.1°.a (le procès-verbal de l’assemblée générale relatif à l’augmentation de capital de la société Tara), l’arrêt considère que « la dissimulation dans l’acte constitutif d’une société de l’identité de son vrai gérant est, en soi, susceptible de porter préjudice aux tiers appelés à entrer en contact avec elle ».
Selon le moyen, l’arrêt déduit ainsi la possibilité d’un préjudice pour les tiers, d’un motif qui est étranger à la prévention précitée, puisque le motif critiqué se rapporte à la détermination du véritable gérant de la société Tara et non à la question de savoir si la demanderesse a réellement eu l’intention, en participant à l’augmentation de capital, de devenir associée.
A la page 172, l’arrêt relève que la demanderesse a précisé qu’elle n’avait pas réellement exercé ses prérogatives de présidente et d’administratrice de la société.
En énonçant le motif critiqué, à l’appui de sa décision constatant le caractère fictif de la souscription de la demanderesse à l’augmentation de capital, l’arrêt ne se fonde pas sur un motif étranger à cette constatation, mais sur un trait commun à tous les engagements de la demanderesse au sein de la société Tara, qu’il s’agisse de sa qualité de présidente du conseil d’administration ou de celle d’associée, à savoir l’absence de réalité ou de sincérité de ses engagements.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la quatrième branche :
Le moyen soutient qu’en raison des illégalités dénoncées par les autres branches du moyen, les juges d’appel n’ont pas légalement décidé que le comportement de la demanderesse était constitutif d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Entièrement déduit des trois premières branches vainement invoquées, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen invoque la violation de la foi due aux actes et de l’article 149 de la Constitution.
Quant à la première branche :
Les juges d’appel ont considéré qu’en faisant apparaître la demanderesse au titre d’associée et de présidente dans les procès-verbaux de la société Tara, son époux était animé de l’intention frauduleuse de cacher sa propre intervention dans le financement et la gestion de la société et, ainsi, de mettre son patrimoine à l’abri d’une action en responsabilité civile que les tiers exerceraient contre lui. A cet égard, par motifs propres et par adoption des motifs des premiers juges, la cour d’appel a souligné qu’il en résultait un possible préjudice pour les tiers, parce que la demanderesse « n’était pas en mesure de faire face à une action en responsabilité civile, étant sans biens personnels en raison de son régime matrimonial de séparation de biens ».
Le moyen soutient que, par cette dernière considération, l’arrêt viole la foi due à l’acte d’achat de l’immeuble dont la demanderesse était copropriétaire, ainsi que celle due aux conclusions qui invoquent cette acquisition, puisque, contrairement à ce que l’arrêt énonce, ledit acte démontre que la demanderesse détenait des biens personnels et n’était pas insolvable.
Un grief de violation de la foi due à un acte consiste à désigner une pièce à laquelle la décision attaquée se réfère expressément et à reprocher à celle-ci, soit d’attribuer à cette pièce une affirmation qu’elle ne comporte pas, soit de déclarer qu’elle ne contient pas une mention qui y figure, en d’autres termes de donner de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes.
Ne se référant ni à l’acte invoqué ni aux conclusions qui en font état, le motif critiqué ne saurait violer la foi qui leur est due.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
La demanderesse soutient encore qu’en ayant ignoré ladite acquisition immobilière, la cour d’appel n’a pas répondu à ses conclusions.
L’obligation de motiver les jugements répond à une obligation de forme. La circonstance qu’un motif serait erroné ou illégal ne constitue pas une violation de l’article 149 de la Constitution.
En ayant jugé que la demanderesse était « sans biens personnels en raison de son régime matrimonial de séparation de biens », les juges d’appel ont opposé à ses conclusions une appréciation différente de sa solvabilité, et, ainsi, y ont répondu.
A cet égard également, le moyen manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
Le moyen soutient qu’il est contradictoire, d’une part, d’énoncer que l’absence d’affectio societatis dans le chef des associés n’est pas une cause de nullité de la société, et que par conséquent la société Tara n’est pas frappée de nullité, et, d’autre part, de considérer que la demanderesse, dont l’arrêt reconnaît qu’elle détenait des parts dans cette société et dans d’autres entités créées autour de la communauté, « était sans biens personnels ». Selon le moyen, l’absence de nullité de la société implique que l’augmentation de capital est opposable aux tiers et que les parts souscrites par la demanderesse font partie de son patrimoine.
Il ressort des motifs de l’arrêt que la cour d’appel a jugé que le procès-verbal susdit avait été rédigé dans l’intention frauduleuse de substituer, au véritable maître de l’affaire, une personne qui n’a pas réellement souscrit ni libéré les parts nouvelles, n’a pas adhéré au projet social et ne disposait pas de biens personnels, en l’occurrence la demanderesse.
En ayant considéré que celle-ci était « sans biens personnels », les juges d’appel ont pris en compte la situation patrimoniale de la demanderesse telle qu’elle existait avant l’opération d’augmentation de capital de la société, et non celle qui en a résulté.
Procédant d’une lecture inexacte de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Quant à la troisième branche :
Le moyen soutient qu’en raison des illégalités dénoncées par les autres branches du moyen, les juges d’appel n’ont pas légalement décidé que le comportement de la demanderesse était constitutif d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Entièrement déduit des deux premières branches vainement invoquées, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Quant aux deux premières branches réunies :
Prise de la violation des articles 1382 de l’ancien Code civil, 193 et 196 du Code pénal et 149 de la Constitution, la première branche du moyen reproche à l’arrêt de considérer que le procès-verbal d’augmentation du capital est « susceptible de tromper les tiers puisqu’il jette un trouble sur la réelle surface financière [de la demanderesse] », sans préciser en quoi l’opération serait de nature à tromper les tiers à cet égard, ni indiquer la base légale d’une prétendue obligation, pour les actionnaires d’une société, de garantir l’existence d’une « surface financière » personnelle.
Dans la deuxième branche du moyen, intitulée dans le mémoire « troisième branche », la demanderesse soutient que la cour d’appel n’a pas légalement déduit l’existence d’un risque de préjudice pour les tiers, puisque la responsabilité de l’associé d’une société est limitée à son apport au capital.
Ainsi qu’il est indiqué dans la réponse à la première branche du précédent moyen, les juges d’appel ont considéré que le procès-verbal de l’assemblée générale relatif à l’augmentation de capital de la société Tara, ainsi que le procès-verbal du conseil d’administration de cette société où la demanderesse apparaît comme présidente, étaient des faux en écritures susceptibles de porter préjudice aux tiers parce que la demanderesse « n’était pas en mesure de faire face à une action en responsabilité civile, étant sans biens personnels en raison de son régime matrimonial de séparation de biens ».
Par ce motif, l’arrêt explique que les écrits précités pouvaient nuire aux tiers dans la mesure où, en cas de mise en cause par eux de la responsabilité civile de la demanderesse, ils auraient été confrontés à une débitrice démunie de biens personnels, au lieu de pouvoir appréhender le patrimoine de son mari, véritable dirigeant et financier de la société.
Ainsi, la cour d’appel a implicitement mais certainement visé l’article 1382 de l’ancien Code civil, en vertu duquel toute personne, et donc également celle qui a participé à la constitution du capital d’une société, est responsable sur son patrimoine personnel du dommage qu’elle pourrait causer à autrui en violant une obligation déterminée édictée par une loi ou un règlement, ou en manquant à l’obligation générale de prudence et de diligence.
En ayant, par ces motifs, considéré que les faits de faux en écritures et d’usage de faux libellés aux préventions A.1.c.1°.a et b et A.1.c.2°.b ont pu causer un préjudice aux tiers parce que, en cas de mise en cause par ceux-ci de la responsabilité de la demanderesse, ils auraient été confrontés au patrimoine inexistant d’une associée fictive, au lieu de pouvoir appréhender celui du véritable dirigeant et financier de la société, les juges d’appel ont régulièrement et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Le moyen fait valoir que l’arrêt reconnaît explicitement que l’absence d’affectio societatis des associés de la société Tara n’entraîne pas la nullité de la société. Par conséquent, la cour d’appel n’a pas légalement constaté l’existence d’une faute de la demanderesse, puisque l’absence de nullité de la société implique qu’elle avait réellement la qualité d’associée, et, en outre, que ses parts, souscrites dans le cadre de l’augmentation de capital litigieuse, faisaient partie de son patrimoine personnel.
Contrairement à ce que le moyen suppose, le fait que, selon l’arrêt, l’absence d’affectio societatis des associés n’entraîne pas la nullité de la société, n’empêche pas le juge de constater que la société est composée de personnes qui, précisément en raison de l’absence de toute volonté d’adhésion au projet social, n’ont pas véritablement la qualité d’associées et, partant, ne sont pas vraiment détentrices des parts de la société.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la quatrième branche :
La demanderesse reproche à l’arrêt de considérer que le procès-verbal d’augmentation de capital peut causer un préjudice aux tiers parce que « la dissimulation dans l’acte constitutif d’une société de l’identité de son vrai gérant est, en soi, susceptible de porter préjudice aux tiers appelés à entrer en contact avec elle », alors que ledit procès-verbal ne concerne que la qualité d’associé de la société et non celle de gérant.
Réitérant le moyen invoqué par la troisième branche du deuxième moyen, le moyen est irrecevable.
Quant à la cinquième branche :
Le moyen soutient qu’en raison des illégalités dénoncées par les autres branches du moyen, les juges d’appel n’ont pas légalement décidé que le comportement de la demanderesse était constitutif d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Entièrement déduit des quatre premières branches vainement invoquées, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le cinquième moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt considère que la prévention de faux A1.c.1°.b, relative à l’apparition de la demanderesse dans le procès-verbal du conseil d’administration de la société Tara en qualité de présidente, est établie « par identité de motifs avec ce qui a été dit ci-dessus ».
Le moyen soutient que, ainsi, l’arrêt viole l’article 1382 de l’ancien Code civil et ne motive pas sa décision conformément à l’article 149 de la Constitution, puisque les motifs auxquels la décision critiquée se réfère concernent la prévention de faux A.1.c.1°.a relative à la souscription de parts dans le cadre de l’augmentation de capital et non la prévention de faux A1.c.1°.b relative au mandat de présidente du conseil d’administration.
Les motifs auxquels la cour d’appel s’est référée pour dire établie la prévention relative au mandat de présidente du conseil d’administration ne sont pas ceux sur lesquels elle s’est fondée pour déclarer établie la prévention qui se rapporte à la souscription de parts dans le cadre de l’augmentation de capital, mais les motifs que l’arrêt, aux pages 160 à 164, consacre à l’ensemble de la prévention A.1.
Ces motifs constatent que l’époux de la demanderesse est le seul véritable dirigeant des sociétés gravitant autour de la communauté.
Reposant sur une lecture inexacte de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
Le moyen reproche aux juges d’appel de ne pas avoir examiné quelle fonction la demanderesse aurait dû exercer à la place de celle de présidente du conseil d’administration qu’ils ont jugée fausse. Selon le moyen, à défaut d’une telle analyse, et en s’abstenant d’invoquer aucune disposition du droit des sociétés que la demanderesse aurait violée, l’arrêt n’établit pas légalement l’existence d’une faute au sens de l’article 1382 de l’ancien Code civil et viole l’article 149 de la Constitution.
Il ne résulte d’aucune disposition légale que, pour décider légalement que le procès-verbal du conseil d’administration d’une société est un faux en écritures parce qu’il fait apparaître comme présidente de cet organe une personne qui n’a jamais eu l’intention d’exercer ledit mandat, le juge doive mentionner la fonction que cette personne aurait dû remplir afin de ne pas enfreindre la loi pénale.
Le moyen manque en droit.
Quant à la troisième branche :
Pris de la violation de l’article 149 de la Constitution, le moyen fait grief à l’arrêt de ne pas répondre aux conclusions de la demanderesse qui soutenaient que, suivant le mode de gestion adopté dans toutes les sociétés coopératives de la communauté, les décisions n’étaient pas prises par elle dans l’exercice de son mandat de présidente mais étaient du ressort des associés actifs.
Le juge satisfait à l’obligation de motiver les jugements et arrêts, et de répondre aux conclusions d’une partie, lorsque sa décision comporte l’énonciation des éléments de fait ou de droit à l’appui desquels une demande, une défense ou une exception sont accueillies ou rejetées. Le juge n’est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
En ayant considéré que le mari de la demanderesse était le véritable dirigeant des sociétés créées autour de la communauté, l’arrêt répond, par une appréciation contraire, à l’allégation de la demanderesse que ces entités étaient animées par leurs associés.
Le moyen manque en fait.
Sur le sixième moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 12 et 14 de la Constitution, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1382 de l’ancien Code civil : la demanderesse n’a pas pu prévoir, au moment où l’augmentation de capital a eu lieu, que le procès-verbal qui en fait état était susceptible d’être qualifié de faux et de fonder une condamnation civile à sa charge.
La demanderesse ne soutient pas, et il ne ressort pas des pièces de la procédure, dont notamment ses conclusions déposées à l’audience de la cour d’appel du 17 septembre 2020, qu’elle ait invoqué devant cette juridiction que la possibilité que le procès-verbal précité soit déclaré faux constituait pour elle, lorsqu’elle a participé à l’établissement et à l’usage de cette pièce, un évènement imprévisible.
Invoqué pour la première fois devant la Cour et requérant un examen en fait qui n’est pas en son pouvoir, le moyen est irrecevable.
Sur le septième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 1382 de l’ancien Code civil et 6.1, 6.2, 9 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La demanderesse reproche à l’arrêt de justifier l’existence des faux en écritures précités, et sa condamnation civile consécutive, par un raisonnement circulaire fondé sur la fonction de leader spirituel qu’exerçait son époux. Ainsi, l’arrêt déduit, de cette circonstance, que les membres de la communauté, comme ses structures, étaient dépourvus de libre arbitre ou d’autonomie. Selon le moyen, « en assimilant le rôle de leader de R.S. à une forme de soumission et d’asservissement à son service, sans réellement le démontrer, [et] en faisant usage d’un raisonnement circulaire dans l’examen des faux », la cour d’appel s’est ingérée dans l’exercice des libertés de religion et d’association, a privé la communauté du droit de faire usage des moyens mis à sa disposition et a méconnu le droit de ses membres, dont la demanderesse, à un procès équitable et à la présomption d’innocence.
Réitérant le premier moyen dans la mesure où il invoque la violation des articles 1382 de l’ancien Code civil et 9 et 11 de la Convention, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, en tant qu’il est pris de la violation du droit à un procès équitable et de la présomption d’innocence garantis par les articles 6.1 et 6.2 de la Convention, le grief est déduit du premier moyen, vainement invoqué.
A cet égard également, le moyen est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement des pourvois des demandeurs R.S. et O. d. S. contre l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, du 23 octobre 2013 ;
Décrète le désistement du pourvoi du demandeur R. S. en tant qu’il est dirigé contre la décision de l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 2 décembre 2020 rendue sur la condamnation d’office prévue par l’article 236 du Code pénal social ;
Décrète le désistement du pourvoi du demandeur R. S. en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue par ledit arrêt du 2 décembre 2020 sur l’action civile exercée contre le demandeur par le défendeur J.-F. B. ;
Décrète le désistement du pourvoi du demandeur R.S.en tant qu’il est dirigé contre les décisions qui, rendues par l’arrêt du 2 décembre 2020 sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs S. P., P. D. A., R.M. G. d.R. B., I. P., I.K., M.B., R. L.M.et V. D’., statuent sur l’étendue des dommages ;
Décrète le désistement du pourvoi de la demanderesse O. d.S. en tant qu’il est dirigé contre la décision de l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 2 décembre 2020 qui statue sur l’action publique exercée à sa charge ;
Casse l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 2 décembre 2020 en tant qu’il statue sur l’action civile exercée contre le demandeur R. S. par le défendeur O.-N.-D.R. H. du chef de la prévention G ;
Rejette le pourvoi du demandeur R.S. pour le surplus ;
Rejette le pourvoi de la demanderesse O.d.S. pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 2 décembre 2020 partiellement cassé ;
Condamne le demandeur R. S. aux neuf dixièmes des frais de son pourvoi et laisse le surplus à charge de l’Etat ;
Condamne la demanderesse O.d. S.aux frais de son pourvoi ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de mille deux cent cinquante-quatre euros soixante centimes dont I) sur le pourvoi de R.S. : six cent vingt-sept euros trente centimes dus et II) sur le pourvoi d’O. d. S.: six cent vingt-sept euros trente centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0024.F
Date de la décision : 05/10/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, DE LA SERNA IGNACIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-10-05;p.21.0024.f ?

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