N° P.22.1086.F
D. N.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Deborah Albelice, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 août 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 292 du Code judiciaire, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à l’indépendance et à l’impartialité du juge.
Le demandeur reproche à l’arrêt d’avoir été rendu par une juridiction partiale en apparence dans la mesure où « un des magistrats ayant rendu l’arrêt attaqué a [précédemment] connu de la cause en ce qu’il a statué sur la détention préventive de plusieurs coïnculpés comme président de la chambre du conseil ».
L’article 292 du Code judiciaire prohibe, au titre du cumul des fonctions judiciaires, l’exercice de deux fonctions différentes dans la même cause.
S’agissant du contrôle de la détention préventive, la cause d’un inculpé n’est, pour l’application de cette disposition légale, pas la même que celle de ses coïnculpés, les faits qui leur sont reprochés fussent-ils les mêmes.
Le moyen, qui repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 23, 4°, et 30, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Le demandeur reproche à la chambre des mises en accusation de ne pas avoir fait état des raisons pour lesquelles une libération moyennant le versement d’une caution ne s’indiquerait pas en l’espèce, alors qu’il l’avait sollicitée dans ses conclusions d’appel.
L’arrêt énonce qu’« il existe un risque de soustraction à l’action de la justice, vu la gravité des faits et les peines encourues, si ceux-ci devaient être déclarés établis ». Il précise qu’« une mise en liberté provisoire, fût-ce moyennant le respect de conditions, ne s’indique pas dès lors que celle-ci ne présente aucune garantie pour la sécurité publique au stade actuel de la procédure ».
Par ces motifs, la chambre des mises en accusation a répondu aux conclusions du demandeur et a régulièrement motivé sa décision que des modalités alternatives à la détention en prison ne pouvaient rencontrer les nécessités de la sécurité publique.
Le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 5.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 23, 4°, et 30, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Le demandeur reproche à la chambre des mises en accusation de s’être limitée à énoncer quelques critères permettant d’apprécier s’il y a eu dépassement ou non du délai raisonnable sans procéder concrètement à leur examen au regard des circonstances de la cause. À l’appui de ce moyen, le demandeur invoque un retard anormal dans le traitement de la cause.
Pour s’assurer que la durée de la détention préventive demeure raisonnable, le juge vérifie, sur la base des données concrètes de la cause et au terme d’une appréciation actualisée, précise et personnalisée, la durée tant effective que relative de la détention, le degré de complexité de l’instruction, la manière dont celle-ci fut conduite, le comportement de l’inculpé et celui des autorités compétentes.
Après avoir rappelé ces critères, la chambre des mises en accusation a d’abord décidé que la complexité de la cause et la diligence des autorités judiciaires revêtent un caractère réel, de sorte que les actes accomplis par des coïnculpés et la nécessité d’y apporter une réponse peuvent être pris en considération à l’égard de tous dans l’appréciation du caractère raisonnable de la durée des poursuites, la cause étant indivisible. Elle a ensuite énoncé que, « sauf lorsque les aléas procéduraux induisent un dépassement anormal du délai raisonnable de la mesure privative de liberté, le fait que certains coïnculpés ont sollicité un aménagement procédural afin de préparer au mieux la défense de leurs intérêts respectifs ne peut conduire systématiquement au constat d’une telle violation ». Elle a conclu qu’au terme d’un examen individualisé, précis et actualisé, « le délai [d’examen de la cause] sera postposé de trente-neuf jours, soit du 1er août au 9 septembre 2022 », et qu’« au stade actuel de la procédure, cette extension n’est pas déraisonnable ».
Par ces considérations, qui opposent aux conclusions du demandeur une appréciation différente, la chambre des mises en accusation a régulièrement motivé et légalement justifié sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient Christian Storck, président de section, président, Michel Lemal, président de section, Sabine Geubel, Steven Van Overbeke et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du seize août deux mille vingt-deux par Christian Storck, président de section, en présence de Henri Vanderlinden, avocat général, avec l’assistance de Lutgarde Body, greffier.