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16/05/2022 | BELGIQUE | N°S.21.0038.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mai 2022, S.21.0038.F


N° S.21.0038.F
H. N. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ASTRAZENECA UK LIMITED, société de droit étranger, dont le siège est établi à Cambridge (Royaume-Uni), Cambridge Biomedical Campus, Francis Crick Avenue, 1,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où

il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation e...

N° S.21.0038.F
H. N. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ASTRAZENECA UK LIMITED, société de droit étranger, dont le siège est établi à Cambridge (Royaume-Uni), Cambridge Biomedical Campus, Francis Crick Avenue, 1,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 25 avril 2022, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Disposition légale violée
Article 19, point 2), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, tel qu’il était applicable avant son abrogation par le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale
Décision et motifs critiqués
L'arrêt déclare [la cour du travail] sans juridiction pour connaître des demandes formées contre la défenderesse par les motifs qu’il indique sub III. B. 1. 1 « quant à l’application du règlement n° 44/2001 », considérés ici comme intégralement reproduits, et plus particulièrement par les motifs suivants :
« 9. Suivant l’article 19 du règlement (CE) n° 44/2001, ‘un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait : 1) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou 2) dans un autre État membre : a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou b) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur’ ;
Il n'est pas contesté que [la défenderesse] est l'établissement, ayant son domicile au Royaume-Uni, qui a embauché [le demandeur] ;
En application de l'article 19, point 1), du règlement susvisé, seules les juridictions du Royaume-Uni seraient compétentes pour connaître du litige ;
Se pose la question si [la défenderesse] pourrait cependant être attraite devant les juridictions belges sur la base de l'article 19, point 2), a), dudit règlement, ce qui supposerait que la Belgique ait été le lieu où il accomplissait habituellement son travail, ou le dernier lieu où il ait accompli son travail ;
La notion de ‘lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail’ visée à l'article 19, point 2), a), de ce règlement doit être interprétée, selon la Cour de justice de l'Union européenne, ‘comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur’ […]. La Cour de justice précise que, pour déterminer ce lieu, ‘il appartient à la juridiction nationale de se référer à un faisceau d'indices’ […] ;
La Cour de justice avait précédemment décidé que ‘le critère pertinent à prendre en considération pour déterminer le lieu de travail habituel […] est, en principe, l'endroit où le travailleur a accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur’ […]. Le critère est donc ‘quantitatif’ ;
Au vu des indices qui sont soumis à la cour [du travail], il n'apparaît pas que la Belgique ait été le lieu où [le demandeur] accomplissait habituellement son travail ni même le dernier lieu d'accomplissement habituel de son travail ;
En effet,
- la détermination du lieu habituel d'accomplissement du travail étant une question de fait, il n'y a pas lieu de se cantonner aux seuls éléments figurant dans les écrits émanant d'une partie, ou même échangés entre elles, ni de donner à ces écrits une portée qu'ils n'ont pas nécessairement eue en pratique ;
Ainsi, le seul fait d'un ‘détachement’ de janvier 2007 à août 2012 à Bruxelles, pas plus que son affectation, à partir du 1er septembre 2012 et jusqu'au 31 août 2013 (à tout le moins) à Londres, ne suffisent à considérer que, durant ces périodes, [le demandeur] ait accompli habituellement, en l'un puis l'autre pays, son travail ;
Par ailleurs, la terminologie employée dans des documents internes de l'employeur quant au pays d'origine et au pays d'accueil est, dans le cas [du demandeur], en toute hypothèse [non pertinente] puisqu'il est indiqué que la Belgique serait à la fois le pays d'accueil et le pays d'origine de celui-ci, ce qui n'a aucun sens par rapport à une situation de détachement, et ne permet dès lors aucune déduction quant à un ‘lieu de travail habituel’ ;
- de même, le fait que [le demandeur] ait été domicilié en Belgique est un élément relevant de sa vie privée et n'a, en tant que tel, aucune incidence quant à la proportion de ses prestations de travail exécutées en Belgique ;
- [la défenderesse et la société anonyme AstraZeneca] indiquent, sans être [contredites] sur ce point, que le bureau qui avait été attribué [au demandeur] en Belgique était situé sur le site ’AstraZeneca’ de Zaventem (site dénommé ‘ISMO’), lequel regroupait, outre des membres du personnel administratif, des travailleurs occupés dans le cadre de fonctions internationales (et non de fonctions ‘belges’), dont faisait partie [le demandeur] en sa qualité de ‘Area Vice President (Europe 1)’ ;
Ni l'existence de ce bureau ni les ‘accessoires’ matériels (badge d'accès, téléphone, secrétariat...) liés à ce bureau ne donnent, en tant que tels, d'indication quant au temps de travail presté par l'intéressé en Belgique ;
- [le demandeur] lui-même évaluait [...] qu'en 2012, il presterait environ cent vingt jours à Bruxelles, septante à quatre-vingts jours à Londres et le reste du temps dans d'autres pays d'Europe, tandis que, pour 2013, il estimait qu'il effectuerait cent vingt jours jours de prestations à Londres, quatre-vingts jours à Bruxelles et le reste du temps dans d'autres pays ;
Le ‘calendrier’ établi en vue de sa déclaration fiscale mentionne, pour l'année 2012, un nombre inférieur de jours de travail à Bruxelles, tandis que sont mentionnés des jours de travail au Danemark, en France, etc. ainsi qu'à Singapour ;
- les notes de frais engagés par [le demandeur] durant son occupation professionnelle, suivant des calculs non contestés comme tels, montrent que, pour l'année 2013, il a passé environ septante pour cent des jours au cours desquels il a effectivement travaillé en dehors du territoire de la Belgique ;
- c'est l'occupation professionnelle [du demandeur] dans plusieurs États membres qui a justifié l'établissement de déclarations ‘A1’ à l'Office national de sécurité sociale […] ;
L'assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés en Belgique étant possible dès que le travailleur y réalise au moins vingt-cinq pour cent de son temps de travail, il ne se déduit pas de cet assujettissement que [le demandeur] ait accompli la plus importante partie de son travail en Belgique ;
Le questionnaire émanant de l'Office national de sécurité sociale (‘Questionnaire occupation simultanée’) complété pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2013 confirme que son occupation en Belgique ne représente qu'environ trente pour cent de ‘l'activité en pourcentage’, tandis que son occupation au Royaume-Uni en représente vingt et que les ‘autres pays européens’ l'occupent pour cinquante pour cent de son activité professionnelle ;
- les déclarations de trois de ses anciens collègues [...] ne mènent pas à une autre appréciation quant à un lieu habituel de prestations puisqu'il y est essentiellement confirmé l'existence d'un bureau ä Bruxelles, ainsi que sa présence lorsqu'il n'était pas dans un autre pays, sans l'indication d'aucun élément concret qui permettrait de déterminer une proportion des prestations effectuées en Belgique et à l'étranger ;
- aucune des parties ne démontre, concrètement, que la situation [du demandeur], de ce point de vue, ait été différente durant les précédentes années de son occupation ;
10. Il apparaît des indices relevés ci-avant que [le demandeur] n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, en manière telle qu'en application de l'article 19, point 2), b), du règlement (CE) n° 44/2001, son employeur peut être attrait ‘devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur’, à savoir les juridictions du Royaume-Uni et non les juridictions belges ».
Griefs
1. Les articles 18 à 21 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, également dénommé « Règlement Bruxelles I », élaborent un régime de détermination de la juridiction nationale compétente propre à la matière des contrats de travail.
En vertu de l'article 19, point 2), de ce règlement, un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un État membre peut être attrait dans un autre État membre a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou b) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur.
Le critère du lieu d'embauche, prévu à l'article 19, point 2), b), du règlement ne peut être utilisé que dans les seules hypothèses où aucun lieu habituel de travail ne peut être identifié.
2. Suivant la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, il faut entendre par « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail » au sens de l'article 19, point 2), a), du règlement (CE) n° 44/2001, « le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte principalement de ses obligations à l'égard de son employeur ». Cette interprétation répond à la double préoccupation de permettre au travailleur, partie socialement la plus faible, d'intenter à moindre frais une action judiciaire contre son employeur […] et de donner compétence au juge le plus apte à trancher la contestation relative au contrat de travail.
Pour localiser ce lieu, le juge national doit prendre en compte l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce afin de déterminer, suivant une méthode indiciaire, l'État avec lequel l'activité professionnelle présente le rattachement le plus fort.
S'agissant d'un travailleur qui accomplit simultanément ses prestations dans plusieurs États, il convient de rechercher le « lieu où le salarié a établi le centre effectif de ses activités professionnelles ». Parmi les indices pertinents, le juge peut avoir égard :
- au fait que l'exécution des tâches soit réalisée ou organisée à partir d'un bureau situé dans un État où le travailleur établit sa résidence ou encore où il revient après chaque déplacement professionnel ;
- au fait qu'au moment de la survenance du litige, le travailleur accomplit son travail exclusivement sur le territoire d'un État ;
- au fait que le travailleur passe la majorité de son temps de travail dans un État.
Il s'ensuit que le critère temporel ou quantitatif fondé sur la durée respective du temps de travail effectué dans les différents États contractants en cause n'est qu'un élément parmi d'autres permettant de localiser le lieu de travail habituel.
3. Après avoir énoncé que la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail » visée à l'article 19, point 2), a), du règlement (CE) n° 44/2001 doit être interprétée, selon la Cour de justice de l'Union européenne, « comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations ä l'égard de son employeur », l'arrêt indique que « le critère pertinent à prendre en considération pour déterminer le lieu de travail habituel est en principe l'endroit où le travailleur a accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur » et que le critère est donc « quantitatif ».
L'arrêt relève ensuite
- qu'il n'y a pas lieu de se cantonner aux seuls éléments figurant dans les écrits ;
- que le fait que le demandeur ait été domicilié en Belgique est sans incidence quant à la proportion de ses prestations de travail exécutées en Belgique ;
- que ni l'existence d'un bureau en Belgique ni les accessoires matériels liés à ce bureau ne donnent d'indication quant au temps de travail presté par [le demandeur] en Belgique ;
- que le demandeur lui-même évaluait qu'en 2012, il presterait environ cent vingt jours à Bruxelles, septante à quatre-vingts jours à Londres et le reste du temps dans d'autres pays d'Europe, tandis que, pour 2013, il estimait qu'il effectuerait cent vingt jours de prestations à Londres, quatre-vingts à Bruxelles et le reste du temps dans d'autres pays ;
- que le calendrier établi en vue de sa déclaration fiscale mentionne pour l'année 2012 un nombre inférieur de jours de travail à Bruxelles ;
- que les notes de frais montrent que, pour l'année 2013, il a passé environ septante pour cent des jours au cours desquels il a effectivement travaillé en dehors du territoire de la Belgique ;
- que c'est l'occupation professionnelle du demandeur dans plusieurs États membres qui a justifié l'établissement de déclarations « A1 » à l'Office national de sécurité sociale ;
- qu'il ne se déduit pas de l'assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés en Belgique que le demandeur ait accompli la plus importante partie de son travail en Belgique ;
- que le questionnaire émanant de l'Office national de sécurité sociale complété pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2013 confirme que son occupation en Belgique ne représente qu'environ trente pour cent de « l'activité en pourcentage », tandis que son occupation au Royaume-Uni en représente vingt et que les autres pays européens l'occupent pour cinquante pour cent de son activité professionnelle ;
- que les déclarations de trois de ses anciens collègues, non conformes à la prescription de l'article 961/2 du Code judiciaire, ne mènent pas à une autre appréciation quant à un lieu habituel de prestations.
L'arrêt en déduit qu'« au vu des indices qui sont soumis à la cour [du travail], il n'apparaît pas que la Belgique ait été le lieu où [le demandeur] accomplissait habituellement son travail ni même le dernier lieu d'accomplissement habituel de son travail ».
En se fondant sur le seul critère temporel ou quantitatif pour déterminer le lieu de travail habituel, l’arrêt, qui relève que le demandeur n'a pas accompli la majeure partie de son temps de travail en Belgique, tout en constatant que des éléments contractuels établissent Bruxelles comme lieu d'occupation habituel du demandeur, que c'est à Bruxelles que se trouvait son seul bureau à partir duquel il organisait ses activités et où il retournait après chaque voyage professionnel à l'étranger, et qu'il existait un lien de rattachement particulièrement étroit avec la Belgique où il était domicilié, viole la notion légale de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail » et, partant, l'article 19, point 2), a), du règlement (CE) n° 44/2001 visé au moyen.
Il ne justifie dès lors pas légalement sa décision de faire application du critère du lieu d'embauche prévu à l'article 19, point 2), b), de ce règlement (violation de l'article 19, point 2), a) et b), du règlement (CE) n° 44/2001 visé au moyen).
4. À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour considérerait qu’il y a un doute sur la portée de l’article 19, point 2), a), du règlement n° 44/2001, le demandeur l’invite, avant dire droit, à poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« L’article 19, point 2), a), du règlement (CE) n° 44/2001 doit-il, au regard de la nécessité de déterminer le lieu avec lequel le litige présente le lien de rattachement le plus significatif aux fins tant de désigner le juge le mieux placé pour statuer que d’assurer une protection adéquate au travailleur en tant que partie contractante la plus faible et d’éviter la multiplication des tribunaux compétents, être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où le travailleur exerce ses activités dans plus d’un État contractant, le seul critère pertinent à prendre en considération pour déterminer le lieu de travail habituel est le lieu où le travailleur a accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur » ?
III. La décision de la Cour
En matière de contrats individuels de travail, l’article 19 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose qu’un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un État membre peut être attrait : 1) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile, ou 2) dans un autre État membre : a) devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou b) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.
S’agissant d’un contrat de travail exécuté sur le territoire de plusieurs États membres, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, d’une part, que la notion de lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens dudit article 19, point 2), a), doit être interprétée comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte de fait de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur, d’autre part, que le juge doit, pour déterminer ce lieu, avoir égard à un faisceau d’indices permettant de s’assurer qu’il est celui avec lequel le litige présente le lien de rattachement le plus significatif.
L’arrêt considère que « le critère pertinent à prendre en considération pour déterminer le lieu de travail habituel […] est, en principe, l’endroit où le travailleur a accompli la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur » et que « le critère est donc ‘quantitatif’ ».
L’arrêt, qui, pour décider qu’« au vu des indices soumis à la cour [du travail], il n’apparaît pas que la Belgique [ait été] le lieu où [le demandeur] accomplissait habituellement son travail ni même […] le dernier lieu d’accomplissement habituel de son travail », examine les indices soumis à la cour du travail sur la base de ce seul critère, en comparant la durée du temps de travail accompli en Belgique et ailleurs par le demandeur durant les périodes litigieuses et en écartant d’autres indices aux motifs qu’ils n’ont « aucune incidence quant à la proportion de ses prestations de travail exécutées en Belgique », ne donnent pas « d’indication quant au temps de travail [accompli] par l’intéressé en Belgique » ou n’indiquent « aucun élément concret qui permettrait de déterminer une proportion des prestations effectuées en Belgique et à l’étranger », viole l’article 19, point 2), a), du règlement n° 44/2001.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il déclare la cour du travail sans juridiction pour connaître des demandes du demandeur contre la défenderesse et qu’il statue sur les dépens entre ces parties ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du seize mai deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.21.0038.F
Date de la décision : 16/05/2022
Type d'affaire : Autres

Analyses

Lorsque le contrat de travail est exécuté sur le territoire de plusieurs États membres, la notion de lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de l'article 19, point 2), a), du Règlement (CE) n°44/2001 doit être interprétée comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur; le juge doit, pour déterminer ce lieu, avoir égard à un faisceau d'indices permettant de s'assurer qu'il est celui avec lequel le litige présente le lien de rattachement le plus significatif (1). (1) Voir les concl. du MP.

COMPETENCE ET RESSORT - MATIERE CIVILE - Droit social (règles particulières) [notice1]


Références :

[notice1]

Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale - 22-12-2000 - Art. 19, point 2


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, MARCHANDISE MAXIME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-05-16;s.21.0038.f ?

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