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16/05/2022 | BELGIQUE | N°F.19.0116.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mai 2022, F.19.0116.F


N° F.19.0116.F
L. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devan

t la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er mars 2019 par la cour d...

N° F.19.0116.F
L. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er mars 2019 par la cour d’appel de Liège.
Le 29 avril 2022, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le 29 avril 2022, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les faits de la cause et les antécédents de la procédure
Tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, les faits de la cause peuvent être résumés comme suit :
Depuis le 1er octobre 2013, le demandeur est identifié à la taxe sur la valeur ajoutée pour une activité professionnelle de vente de véhicules d’occasion et d’épaves ; il acquiert notamment des véhicules déclassés, c’est-à-dire en perte totale, auprès d’entreprises d’assurances et les revend à des tiers comme épaves ou « pour pièces ».
En 2015, le demandeur a fait l’objet d’un contrôle qui a donné lieu à un relevé de régularisation en raison d’infractions aux règles de déduction de la taxe et au régime de la marge bénéficiaire ; l’agent taxateur a exclu du régime de la marge bénéficiaire les factures mentionnant les termes « voitures vendues pour pièces » ou celles qui seraient relatives à des épaves.
L’arrêt attaqué fait droit à cette thèse.
III. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
IV. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, alinéa 1er, de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.
Suivant le considérant 51 de la directive, il convient d’arrêter un régime communautaire de taxation applicable dans le domaine des biens d’occasion, des objets d’art, d’antiquité et de collection, visant à éviter les doubles impositions et les distorsions de concurrence entre assujettis.
L’article 311 de cette directive définit, en son paragraphe 1er,
point 1, les biens d’occasion comme les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l’état ou après réparation, autres que des objets d’art, de collection ou d’antiquité et autres que des métaux précieux ou des pierres précieuses tels qu’ils sont définis par les États membres, et, au point 5, l’assujetti-revendeur comme tout assujetti qui, dans le cadre de son activité économique, achète ou affecte aux besoins de son entreprise ou importe, en vue de leur revente, des biens d’occasion.
L’article 313 prévoit, en son paragraphe 1er, que les États membres appliquent aux livraisons de biens d’occasion effectuées par des assujettis-revendeurs un régime particulier d’imposition de la marge bénéficiaire réalisée par l’assujetti-revendeur aux conditions prévues, dont celle que les biens aient été livrés à l’assujetti-revendeur par l’une des personnes énumérées à l’article 314 de la directive.
L’article 58, § 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée et l’article 1er de l’arrêté royal n° 53 du 23 décembre 1995 relatif au régime particulier d’imposition de la marge bénéficiaire applicable aux biens d’occasion, objets d’art, de collection ou d’antiquité, transposent ces dispositions.
L’arrêt attaqué considère que c’est « à tort que [le demandeur] se prévaut de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 18 janvier 2017 (Sjelle Autogenbrug I/S c. Skatteministeriet) pour soutenir que ses véhicules vendus ‘pour pièces’ ne seraient pas exclus de ce régime » dès lors que « l’espèce concernée était […] relative à des pièces préalablement prélevées par l’assujetti avant d’être revendues en tant que telles, et non à des véhicules revendus ‘pour pièces’, sans aucune individualisation de ces dernières ».
L’arrêt attaqué relève que, si, selon l’arrêt précité, « la notion de ‘biens d’occasion’ n’exclut pas ‘les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l’état ou après réparation, provenant d’un autre bien dans lequel ils étaient incorporés en tant que parties constitutives’ » et si « la qualification de ‘biens d’occasion’ requiert uniquement que le bien usagé ait conservé les fonctionnalités qu’il possédait à l’état neuf et qu’il puisse, de ce fait, être réutilisé tel quel ou après réparation », le demandeur « ne faisait nullement le commerce de pièces d’occasion mais bien de voitures, en dépit de la mention sur certaines de ses factures que celles-ci étaient ‘vendue(s) pour pièces’ ». Il en déduit que « c’est donc à propos des biens vendus, à savoir des véhicules automobiles, qu’il y a lieu de vérifier s’ils ont conservé les fonctionnalités qu’ils possédaient à l’état neuf, et qu’ils puissent, de ce fait, être réutilisés tels quels ou après réparation ».
Il considère, d’une part, que « cela n’est manifestement pas le cas des véhicules vendus par [le demandeur] ‘pour pièces’ dès lors qu’une telle mention atteste objectivement que le véhicule n’est en principe plus susceptible d’être réutilisé en tant que tel » et que « ce sont bien les circonstances objectives dans lesquelles l’opération de revente est intervenue qui doivent être prises en compte », d’autre part, que, « quant aux autres véhicules, si ceux-ci ont été réduits à l’état d’épave, on n’aperçoit pas comment ils pourraient être qualifiés de ‘biens d’occasion’ dès lors qu’ils ne peuvent être utilisés à nouveau en ayant conservé les caractéristiques qu’ils possédaient à l’état neuf, leur emploi ne pouvant plus se limiter qu’à la valorisation de quelques pièces et des matériaux qui les composent ».
Dès lors qu’est soulevée une question d’interprétation de l’article 311,
paragraphe 1er, point 1, de la directive précitée, il y a lieu de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle libellée au dispositif du présent arrêt.
Par ces motifs,
La Cour
Sursoit à statuer jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne ait répondu à la question préjudicielle suivante :
L’article 311, paragraphe 1er, point 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doit-il être interprété en ce sens que des véhicules automobiles hors d’usage acquis par une entreprise de vente de véhicules d’occasion et d’épaves auprès de personnes visées à l’article 314 de la directive, destinés à être vendus « pour pièces » sans que les pièces en aient été détachées, constituent des biens d’occasion au sens de cette disposition ?
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section
Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et
Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du seize mai deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : F.19.0116.F
Date de la décision : 16/05/2022
Type d'affaire : Droit fiscal - Droit européen

Analyses

Lorsque se pose la question de savoir si des véhicules automobiles hors d'usage acquis par une entreprise de vente de véhicules d'occasion et d'épaves auprès de personnes visées à l'article 314 de la directive, destinés à être vendus « pour pièces » sans que les pièces en aient été détachées, constituent des biens d'occasion au sens de l'article 311, paragraphe 1er, point 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, la Cour pose une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (1). (1) Voir les concl. du MP.

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, MARCHANDISE MAXIME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-05-16;f.19.0116.f ?

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