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06/05/2022 | BELGIQUE | N°C.21.0140.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mai 2022, C.21.0140.F


N° C.21.0140.F
ALPHA CREDIT, société anonyme, dont le siège est établi à Saint-Josse-ten-Noode, boulevard Saint-Lazare, 4-10, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0445.781.316,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile,
contre
1. A. E., tant en nom personnel qu’en qualité d’héritier de feu J. B.,
2. Y. V., en qualité d’héritier de feu J. B.,
3. E. V., en quali

té d’héritier de feu J. B ,
4. A. C.,
5. J. C.,
6. A. B.,
7. Y. W.,
8. E. F.,
défendeurs e...

N° C.21.0140.F
ALPHA CREDIT, société anonyme, dont le siège est établi à Saint-Josse-ten-Noode, boulevard Saint-Lazare, 4-10, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0445.781.316,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile,
contre
1. A. E., tant en nom personnel qu’en qualité d’héritier de feu J. B.,
2. Y. V., en qualité d’héritier de feu J. B.,
3. E. V., en qualité d’héritier de feu J. B ,
4. A. C.,
5. J. C.,
6. A. B.,
7. Y. W.,
8. E. F.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 24 mars 2020 par le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degré d’appel.
Le 20 avril 2022, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente quatre moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’article 1er, 20°, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, qui transpose l’article 3, n), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, dispose que le contrat de crédit lié est un contrat de crédit en vertu duquel a) le crédit en question sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou à la prestation de services particuliers, et b) ces deux contrats constituent, d’un point de vue objectif, une unité commerciale ; une unité commerciale est réputée exister lorsque le fournisseur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit au consommateur ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du fournisseur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou lorsque des biens particuliers ou la fourniture d’un service particulier sont mentionnés spécifiquement dans le contrat de crédit.
En vertu de l’article 24 de cette loi, qui transpose l’article 15 de la même directive, lorsque les biens ou les services faisant l’objet d’un contrat de crédit lié ne sont pas fournis, le consommateur a le droit d’exercer un recours à l’encontre du prêteur s’il a exercé un recours contre le fournisseur sans obtenir gain de cause comme il pouvait y prétendre conformément à la loi ou au contrat de fourniture de biens ou de prestation de services et cette exception ne peut être invoquée à l’égard du prêteur qu’à condition que le consommateur l’ait informé qu’à défaut d’obtenir satisfaction auprès du vendeur du bien ou du prestataire de services, il effectuera le paiement des versements restant dus sur un compte bloqué.
En vertu de l’article 19 de la même loi, lorsque le contrat de crédit mentionne le bien ou la prestation de service financé ou que le montant du contrat de crédit est versé directement par le prêteur au vendeur ou au prestataire de services, les obligations du consommateur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la prestation de service, sauf si le consommateur reçoit lui-même le montant du crédit et que l’identité du vendeur ou du prestataire de service n’est pas connue par le prêteur.
Il suit du libellé de cette disposition que la suspension de l’exécution par le consommateur de ses obligations envers le prêteur dépend, non de l’existence d’un contrat de crédit lié au sens de l’article 1er, 20°, précité, mais de ce que le contrat de crédit mentionne le bien ou la prestation de service financé ou de ce que son montant est versé directement par le prêteur au vendeur.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Conformément à l’article 19 de la loi précitée du 12 juin 1991, le contrat de crédit doit mentionner le bien ou la prestation de service financé.
Le juge apprécie en fait l’existence d’une telle mention.
Le jugement attaqué relève que « tous les contrats litigieux mentionnent, quelles que soient les légères divergences dans leurs libellés respectifs, que les biens financés sont des panneaux solaires, la mention ‘BNPP-F-PAT panneaux solaires’ [faisant] suffisamment référence au bien financé même si une partie de cette référence correspond également à l’intitulé d’un type de crédit proposé par [la demanderesse] », que « cette précision […] est mentionnée dans la rubrique ‘but du crédit’ des contrats concernés », que « le montant du crédit […] correspond au montant du contrat d’achat et de placement des panneaux photovoltaïques » et que « le contrat de crédit contient la mention ‘montant facturé’ en plus du ‘montant du crédit’, […] ces montants [étant] les mêmes ».
Sur la base de cette appréciation qui gît en fait, le jugement attaqué a pu, sans violer l’article 19 précité, décider que « le bien ou le service financé est mentionné au contrat de crédit ».
Et la violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen, en cette branche, est tout entière déduite de celle vainement alléguée dudit article 19.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Quant à la seconde branche :
Ainsi qu’il a été dit en réponse à la première branche du premier moyen, le régime de suspension prévu par l’article 19 précité s’applique dès que, soit le contrat de crédit mentionne le bien ou la prestation de service financé, sauf si le montant du crédit est remis au consommateur et que l’identité du vendeur ou du prestataire de service n’est pas connue du prêteur, soit le montant du crédit est versé directement par le prêteur au vendeur.
Il s’agit du seul lien requis, au sens de cette disposition, entre le contrat de crédit et le contrat de vente ou de fourniture.
Il ne s’ensuit dès lors pas que le consommateur, à qui le montant du crédit est remis, ne puisse invoquer la suspension de l’exécution de ses obligations envers le prêteur que lorsque le contrat de vente ou de fourniture prévoit que le prix doit être payé, non lors de la conclusion de ce contrat, mais au moment de la livraison du bien ou du service.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la première branche :
D’une part, il suit de la réponse à la seconde branche du moyen que l’exécution de l’obligation du consommateur de rembourser le crédit est suspendue, non tant que le prix du bien ou du service n’est pas payé au vendeur ou au fournisseur, mais tant que le bien n’a pas été livré ou le service fourni par ces derniers.
D’autre part, en vertu de l’article 1168 de l’ancien Code civil, l’obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur et incertain, en la suspendant jusqu’à ce que l’événement arrive.
Suivant l’article 1185 du même code, le terme diffère de la condition en ce qu’il ne suspend point l’engagement dont il retarde seulement l’exécution.
La livraison du bien ou la fourniture du service constitue un événement futur et incertain dès lors que sa réalisation dépend du vendeur ou du fournisseur, tiers au contrat de crédit.
Il s’ensuit que l’obligation du consommateur de rembourser le prêteur est soumise, non à un terme, mais à la condition suspensive de la livraison du bien ou de la fourniture du service.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur le double soutènement contraire, manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Le jugement attaqué constate, sans être critiqué, que « la livraison du bien ou […] la prestation de service […] n’est pas intervenue et n’interviendra jamais » et, par les considérations vainement critiquées par le troisième moyen, il décide que « l’événement affectant l’exigibilité de l’obligation de remboursement du crédit, [soit] la livraison par le fournisseur du bien vendu au consommateur et financé à l’aide du crédit [est] un événement futur et incertain », qu’« il s’agit donc d’une condition et non d’un terme » et que, vu la défaillance de la condition, les paiements au prêteur ont un « caractère indu ».
Ces considérations fondées, non sur le droit commun de la responsabilité contractuelle, mais sur les conséquences de la défaillance d’une condition suspensive, suffisent à fonder la décision du jugement attaqué que « la demande de remboursement des sommes payées est donc justifiée ».
Dirigé contre des considérations surabondantes relatives au caractère limitatif de la sanction prévue par l’article 93 de la loi précitée du 12 juin 1991 en cas de non-respect de l’article 19 de cette loi, le moyen, qui ne saurait entraîner la cassation, est dépourvu d’intérêt, partant, irrecevable.
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
Suivant l’article 1378 de l’ancien Code civil, s’il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer tant le capital que les intérêts ou les fruits du jour du payement.
Celui qui reçoit est de mauvaise foi s’il connaît le caractère indu du paiement.
Dans la mesure où il soutient que la mauvaise foi suppose une fraude ou une faute intentionnelle, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Pour le surplus, le jugement attaqué considère que la demanderesse « ne pouvait ignorer que l’article 19 [précité] avait vocation à s’appliquer », qu’« elle a reçu […] les paiements […] en parfaite connaissance de la circonstance que l’obligation de remboursement [des emprunteurs] était en réalité suspendue » puisque « les obligations du consommateur à l’égard [de la demanderesse] ne prenaient effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la prestation de service » et étaient ainsi « affectés d’une condition » et que d’ailleurs, elle « aurait dû […] avertir clairement les emprunteurs de la suspension de leur obligation de remboursement jusqu’à la livraison du bien ».
Par ces énonciations, d’où il suit qu’aux yeux du juge d’appel, la demanderesse a reçu des paiements avant la réalisation de la condition suspensive alors qu’elle savait qu’elle ne pouvait les recevoir, le jugement attaqué, qui n’était pas tenu de constater en outre que la demanderesse savait que le défaut de livraison était définitif, justifie légalement sa décision que la demanderesse était de mauvaise foi.
Et la violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen, en cette branche, est tout entière déduite de la violation vainement alléguée de l’article 1378 précité.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
L’article 1153, alinéa 1er, de l’ancien Code civil dispose que, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans les intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi.
Aux termes de l’article 1235 de ce code, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.
Conformément à l’article 1378 du même code, s’il y a eu mauvaise foi de celui qui a reçu, il est tenu de restituer tant le capital que les intérêts du jour du payement.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que, lorsque l’indu porte sur le paiement d’une somme d’argent, l’obligation de restitution consiste en une dette de somme produisant des intérêts moratoires dans les conditions de l’article 1153 précité.
Le moyen, qui repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de deux mille trois cent quarante-deux euros soixante-cinq centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du six mai deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.21.0140.F
Date de la décision : 06/05/2022
Type d'affaire : Droit commercial

Analyses

La suspension de l'exécution par le consommateur de ses obligations envers le prêteur dépend, non de l'existence d'un contrat de crédit lié au sens de l'article 1er, 20° de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, mais de ce que le contrat de crédit mentionne le bien ou la prestation de service financé ou de ce que son montant est versé directement par le prêteur au vendeur.

CREDIT A LA CONSOMMATION [notice1]

Le contrat de crédit doit mentionner le bien ou la prestation du service financé; le juge appréciation en fait l'existence d'une telle mention.

CREDIT A LA CONSOMMATION [notice2]


Références :

[notice1]

L. du 12 juin 1991 - 12-06-1991 - Art. 1, 20°, et 24 - 30 / No pub 1991011178

[notice2]

L. du 12 juin 1991 - 12-06-1991 - Art. 1er, 20° - 30 / No pub 1991011178


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : LEMAL MICHEL, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-05-06;c.21.0140.f ?

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