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22/04/2022 | BELGIQUE | N°C.21.0438.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 avril 2022, C.21.0438.F


N° C.21.0438.F
SOFIDO, société anonyme, dont le siège est établi à Uccle, avenue Winston Churchill, 149, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0416.137.621,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. S. C., et
2. S. G.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue

de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le ...

N° C.21.0438.F
SOFIDO, société anonyme, dont le siège est établi à Uccle, avenue Winston Churchill, 149, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0416.137.621,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. S. C., et
2. S. G.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 5 mars 2021 par le tribunal de première instance du Luxembourg, statuant en degré d’appel.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le principe général du droit Fraus omnia corrumpit prohibe toute tromperie ou déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain.
En vertu de l’article 47 de la loi du 4 novembre 1969 portant les règles particulières aux baux à ferme, en cas de vente d’un bien rural loué, le preneur jouit du droit de préemption.
Suivant l’article 50, alinéa 3, de la loi, lorsque le bien loué ne constitue qu’une partie de la propriété mise en vente, le droit de préemption s’applique au bien loué et le propriétaire est tenu de faire une offre distincte pour ce bien.
Toute tromperie ou déloyauté dans l'établissement de l’offre en vue d'empêcher le preneur d'exercer son droit de préemption suffit à caractériser la fraude, quels que soient les mobiles qui sous-tendent cette intention du bailleur.
Dans la mesure où il repose sur le soutènement contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Pour le surplus, le moyen, en cette branche, qui fait grief au jugement attaqué de déduire du rapport d’expertise l’existence d’une fraude alors que ce rapport l’estimait seulement possible et non certaine, s’érige contre l’appréciation par le juge du fond des éléments de ce rapport, partant, est étranger à la charge de la preuve.
Enfin, après avoir relevé que « les terres soumises à la vente par [la demanderesse] concernaient 207 hectares 70 ares tandis que seule la moitié de ces terres étaient soumises à bail », que la demanderesse « a entendu se libérer » de l’ensemble qui a « fait l’objet de la même négociation avec les [candidats acquéreurs] » en sorte que « l’opération immobilière doit bien être considérée dans sa globalité », le jugement attaqué considère, sur la base du rapport d’expertise qu’il estime « complet et didactique (méthodologie et points de comparaison expliqués et justifiés) », que « le phénomène de glissement de prix entre la valeur des biens loués et ceux qui ne le sont pas est établi » dès lors que « la valeur d’un bien libre d’occupation de même qualité voire de qualité supérieure a été fixée à un prix inférieur à celui fixé pour un bien faisant l’objet d’un bail à ferme », que « cette différence de prix ne s’explique donc ni par la qualité des terres ni par leur emplacement » et que « l’explication de ce glissement réside dans le phénomène d’osmose inverse possible qui révèle ainsi la volonté d’empêcher les preneurs de faire usage de leur droit de préemption », ce qui « suffit à justifier la fraude aux droits des preneurs » sans qu’il soit « requis de rechercher une quelconque intention méchante [des] vendeurs ou un mobile à cette opération ».
Ces considérations d’où il résulte qu’aux yeux du juge d’appel, la demanderesse a voulu empêcher l’exercice par les défendeurs de leur droit de préemption en majorant artificiellement le prix afférant aux biens loués par rapport à ceux qui ne l’étaient pas, et permettre ainsi la vente de la totalité des biens aux candidats acquéreurs, permettent à la Cour d’exercer son contrôle.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Après avoir rappelé que « le rapport de l’expert conclut […] : ‘mon avis définitif est que le prix offert à la vente par notification du 14 avril 2015 pour les terres litigieuses « C. » est assez proche du prix du marché et que, bien qu’une osmose inverse soit possible à travers l’analyse récapitulative des actes de vente […], elle ne touche manifestement que très faiblement ce prix offert à la vente […] pour les terres [des défendeurs]’ », le jugement attaqué considère que « l’opération immobilière doit […] être considérée dans sa globalité, [la demanderesse ayant] entendu se libérer des plus de 200 hectares et ces biens [ayant] fait l’objet de la même négociation avec les [candidats acquéreurs] » et que, « si l’expert ne retient pas une différence significative entre les prix des terres offertes à la vente, c’est bien l’ensemble des actes qui doit être pris en considération pour évaluer le phénomène d’osmose inverse ».
Par ces énonciations, le jugement attaqué répond, en leur opposant sa propre appréciation, aux conclusions de la demanderesse qui soutenait que la vente des terrains loués à ferme aux défendeurs relevait d’une opération immobilière normale compte tenu de la faible différence de prix de cette vente par rapport au prix estimé par l’expert.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent quarante-quatre euros cinquante centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-deux avril deux mille vingt-deux par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.21.0438.F
Date de la décision : 22/04/2022
Type d'affaire : Autres - Droit civil

Analyses

Toute tromperie ou déloyauté dans l'établissement de cette offre en vue d'empêcher le preneur d'exercer son droit de préemption suffit à caractériser la fraude, quels que soient les mobiles qui sous-tendent l'intention du bailleur (1). (1) Voir également Cass. 21 avril 2016, RG C.14.0407.N, Pas. 2016, n° 272.

FRAUDE - LOUAGE DE CHOSES - BAIL A FERME - Droit de préemption [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 4 novembre 1969 modifiant la législation sur le bail à ferme et sur le droit de préemption en faveur des preneurs de biens ruraux - 04-11-1969 - Art. 47 et 50, al. 3 - 30 / No pub 1969110401


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : LEMAL MICHEL, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-04-22;c.21.0438.f ?

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