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06/04/2022 | BELGIQUE | N°P.21.1664.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 avril 2022, P.21.1664.F


N° P.21.1664.F
I. D. B.
prévenu,
ayant pour conseil Maître Aurélie Verheylesonne, avocat au barreau de Bruxelles,
II. H. S.,
prévenu,
III. A. A.,
prévenu,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Martins et Justine Doigni, avocats au barreau de Bruxelles,
demandeurs en cassation,
les trois pourvois contre
Maître Jean de CHAFFOY de COURCELLES, avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée Time Events Belgium, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue des Arts, 24/9,
partie ci

vile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un...

N° P.21.1664.F
I. D. B.
prévenu,
ayant pour conseil Maître Aurélie Verheylesonne, avocat au barreau de Bruxelles,
II. H. S.,
prévenu,
III. A. A.,
prévenu,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Martins et Justine Doigni, avocats au barreau de Bruxelles,
demandeurs en cassation,
les trois pourvois contre
Maître Jean de CHAFFOY de COURCELLES, avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée Time Events Belgium, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue des Arts, 24/9,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 novembre 2021 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Dans deux mémoires annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme, les premier et troisième demandeurs invoquent, respectivement, trois et deux moyens.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de B. D. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 21 et 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, et 10 et 11 de la Constitution.
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir appliqué la cause de suspension de la prescription instituée par l’article 3 de l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020 portant des dispositions diverses relatives à la procédure pénale et à l’exécution des peines et des mesures prévues dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19.
Le grief est déduit de ce que la suspension prévue par cette disposition réglementaire est applicable à tous les justiciables. D’après le moyen, il aurait fallu, pour respecter les principes d’égalité et de non-discrimination, ne suspendre le cours de la prescription qu’à l’égard des parties dont la procédure est retardée à cause de la pandémie et non à l’égard des parties dont la cause n’est jugée tardivement que pour des raisons étrangères à la crise sanitaire.
Le moyen repose donc sur l’affirmation que la cause n’a jamais été remise que pour des raisons étrangères à la pandémie.
Du rapport au Roi précédant l’arrêté royal précité, il ressort que la suspension des délais de prescription a été décrétée pour garantir le bon fonctionnement des instances judiciaires, tout en protégeant le personnel et les justiciables contre les risques d’infection par le virus, et afin de garantir la continuité du processus judiciaire. Le rapport fait état de ce que les instances judiciaires se voient contraintes, par la pandémie, de limiter leurs activités aux affaires les plus urgentes et les plus importantes.
S’il est exact qu’à deux reprises, la cause fut remise pour répondre aux convenances d’avocats retenus ailleurs et souhaitant plaider personnellement, il ressort également des pièces de la procédure, tantôt que l’état de santé d’un des prévenus ne lui permettait pas d’assister aux débats, tantôt que la cause a été remise en raison de l’encombrement du rôle, tantôt qu’aucun procès-verbal d’audience n’a été établi de sorte que le motif de la remise est inconnu, tantôt que le siège ne pouvait pas être valablement constitué en raison de la maladie de deux de ses membres.
Les remises pour cause d’encombrement du rôle peuvent résulter du choix que la cour d’appel a effectué, dans le contexte de la pandémie, de se concentrer sur les affaires les plus importantes ou les plus urgentes inscrites à son rôle.
L’encombrement du rôle peut lui-même être la conséquence d’une réorganisation des audiences suspendues à la suite de la pandémie, ainsi qu’il ressort du courriel adressé par le greffier aux parties le 10 juin 2020.
De même, les remises dont le motif n’apparaît pas ou qui se réfèrent à l’état de santé du prévenu ou à une maladie des juges, ne sont pas nécessairement étrangères à la crise sanitaire.
Partant, l’affirmation suivant laquelle seules des raisons étrangères à la pandémie ont motivé les différentes remises, ne trouve pas d’appui dans les pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, et elle exigerait dès lors, pour son examen, une vérification en fait, laquelle échappe à son pouvoir.
Le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
En vertu de l’article 43bis, alinéa 1er, du Code pénal, la confiscation spéciale des avantages patrimoniaux tirés d’une infraction peut être ordonnée par le juge, mais seulement dans la mesure où elle est requise par écrit par le procureur du Roi.
A l’audience du tribunal correctionnel du 22 mai 2014, le procureur du Roi a déposé un réquisitoire tendant à la confiscation, à charge de B. D., d’une somme de 47.708,82 euros, laquelle représente le gain réalisé en omettant de déclarer des prestations de vente pour un montant de 227.184,90 euros et en éludant ainsi le payement de la taxe sur la valeur ajoutée de 21 pourcents due sur ces prestations (préventions C.3 et C.4).
Le jugement dont appel a dit n’y avoir lieu de faire droit à cette réquisition.
Réformant le jugement notamment sur ce point, l’arrêt ordonne la confiscation spéciale d’une somme de 23.854,41 euros au titre d’avantages patrimoniaux obtenus grâce aux préventions dûment visées dans le réquisitoire susdit.
Toutefois, l’arrêt condamne également le demandeur à la confiscation de 40.459,82 euros, somme constituant le fruit des détournements énumérés sous la prévention B.5 d’abus de biens sociaux.
Cette confiscation supplémentaire ne s’identifie pas à celle requise par le procureur du Roi contre B. D. dans l’écrit déposé à l’audience du tribunal du 22 mai 2014, et elle ne trouve pas sa cause dans une autre réquisition que le ministère public aurait déposée devant les juges du fond.
En ordonnant la confiscation d’un bien visé à l’article 42, 3°, du Code pénal, alors qu’il n’apparaît pas, des pièces de la procédure, que cette peine ait été requise par le ministère public à charge du demandeur, que ce soit en première instance ou en degré d’appel, l’arrêt viole l’article 43bis dudit code.
Le moyen est fondé.
Sur le troisième moyen :
Quant à la seconde branche :
A l’audience de la cour d’appel du 21 septembre 2021, le défendeur, partie civile, a déposé des conclusions sollicitant l’attribution prioritaire des fonds saisis par le procureur du Roi en cause de B. D., logés dans ses comptes personnels, et susceptibles de constituer le fruit d’abus de biens sociaux ou de détournements d’actifs commis au préjudice de la société à responsabilité limitée Time Events Belgium.
L’arrêt ordonne la confiscation, dans le chef de B. D., d’une somme de 40.459,82 euros au titre des détournements déclarés établis à sa charge sous la prévention B.5.
La cour d’appel a également condamné le demandeur, solidairement avec deux autres prévenus, à payer au défendeur une somme égale au total des détournements faisant l’objet de ladite prévention, sous déduction des sommes restituées par application de l’article 43bis, alinéa 2, du Code pénal.
Ainsi que le moyen le fait valoir, l’arrêt ne se prononce pas sur l’attribution, à la partie civile, des fonds confisqués, en manière telle que le demandeur ne pourra pas faire réduire à due concurrence l’indemnisation due à celle-ci.
Faute de répondre auxdites conclusions sur ce point, l’arrêt n’est, à cet égard, pas régulièrement motivé.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner la première branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi, ni la question préjudicielle attachée subsidiairement à cette branche.
Le contrôle d’office
Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf l’illégalité et l’irrégularité à censurer ci-après, conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par le défendeur :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
Toutefois, en raison du lien pouvant exister entre les deux décisions, la cassation, à prononcer ci-après, sur la seconde branche du troisième moyen, de la décision omettant de statuer sur la demande d’attribution des fonds confisqués à la partie civile, entraîne l’annulation de la décision qui, rendue sur l’action civile exercée par cette même partie, statue sur le montant de son dommage.
B. Sur le pourvoi de S. H. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par le défendeur :
Il n’apparaît pas des pièces de la procédure que le pourvoi ait été signifié à la partie contre laquelle il est dirigé.
Le pourvoi est irrecevable.
C. Sur le pourvoi d’A. A. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 21 et 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, et 10 et 11 de la Constitution.
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir appliqué la suspension de la prescription prévue par l’article 3 de l’arrêté royal n° 3 du 9 avril 2020.
Le moyen repose sur l’affirmation que la cause n’a jamais été remise que pour des raisons étrangères à la pandémie.
Comme indiqué en réponse au moyen identique invoqué par le demandeur B. D., cette affirmation ne trouve pas d’appui dans les pièces de la procédure et exigerait dès lors, pour son examen, une vérification en fait, laquelle échappe au pouvoir de la Cour.
Le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Le jugement dont appel avait condamné le demandeur à des peines d’emprisonnement, d’amende et d’interdiction professionnelle, aucune confiscation n’étant ordonnée à sa charge.
L’arrêt confirme ce jugement sous les émendations suivantes : la durée de l’emprisonnement et de l’interdiction est réduite et ces deux peines sont assorties d’un sursis pendant cinq ans ; la confiscation spéciale d’une somme de 40.459,82 euros est, en outre, ordonnée à charge du demandeur.
De ce dispositif, il résulte que la peine de confiscation infligée au demandeur est une peine ferme.
L’arrêt énonce cependant, dans sa motivation, que cette confiscation sera assortie d’un sursis, par application de l’ancien article 8, § 1er, de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation.
Les juges d’appel n’ont pu, sans se contredire, annoncer l’octroi d’un sursis pour, ensuite, ne pas l’accorder.
Pris notamment de la violation de l’article 149 de la Constitution, le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche du moyen, laquelle ne saurait entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi.
L’illégalité entachant la décision relative au sursis susceptible d’être attaché à la peine accessoire, entraîne l’annulation de la décision qui détermine le choix et le degré de cette peine, en raison du lien existant entre son taux et ladite mesure.
La déclaration de culpabilité et les autres peines, principale et accessoire, n’encourant pas elles-mêmes la censure, la cassation sera limitée à la seule peine accessoire de confiscation prononcée à charge du demandeur.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf l’irrégularité relevée ci-dessus, conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par le défendeur :
Le demandeur n’invoque aucun moyen spécifique.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué, en tant qu’il ordonne la confiscation spéciale de la somme de 40.459,82 euros à charge de chacun des demandeurs B. D. et A. A., en tant qu’il omet de statuer sur la demande du défendeur tendant à se voir attribuer les fonds saisis en cause de B. D., et en tant qu’il statue sur l’action civile exercée contre ce dernier par le défendeur ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne le deuxième demandeur aux frais de son pourvoi ;
Condamne les premier et troisième demandeurs, respectivement, aux deux tiers et aux trois quarts des frais de leur pourvoi, et réserve le surplus pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Liège.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre cent quarante-deux euros quatre-vingt-six centimes dont I) sur le pourvoi de B. D. : cent quarante-sept euros soixante-deux centimes, II) sur le pourvoi de S. H. : cent quarante-sept euros soixante-deux centimes dus et III) sur le pourvoi d’A. A. : cent quarante-sept euros soixante-deux centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six avril deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1664.F
Date de la décision : 06/04/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

En vertu de l'article 43bis, alinéa 1er, du Code pénal, la confiscation spéciale des avantages patrimoniaux tirés d'une infraction peut être ordonnée par le juge, mais seulement dans la mesure où elle est requise par écrit par le procureur du Roi; lorsqu'il n'apparaît pas des pièces de la procédure que la confiscation d'un bien visé à l'article 42, 3°, du Code pénal ait été requise par le ministère public, que ce soit en première instance ou en degré d'appel, le juge d'appel ne peut ordonner cette confiscation (1). (1) Cass. 23 octobre 2018, RG P.18.0052.N, Pas. 2018, n° 576.

PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation [notice1]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 42, 3°, et 43bis, al. 1er - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-04-06;p.21.1664.f ?

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