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18/03/2022 | BELGIQUE | N°C.20.0291.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mars 2022, C.20.0291.F


N° C.20.0291.F
AG INSURANCE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Émile Jacqmain, 53, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.494.849,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. O. L., et
2. A. S. P.,
représentés par Maître Michèle Grégoire, avocat à l

a Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est f...

N° C.20.0291.F
AG INSURANCE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Émile Jacqmain, 53, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.494.849,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. O. L., et
2. A. S. P.,
représentés par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
3. P. A.,
4. SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE POUR L’ASSURANCE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE ARCHITECTES-COOPÉRATIVE, en abrégé AR-CO, société coopérative, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue Tasson-Snel, 22, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0406.067.338,
5. BUREAU D’ÉTUDE M., société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Braine-le-Château, Grand’Place, 5, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0423.823.979,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
6. M. D.,
7. D. D.,
8. B. D.,
9. B. D.,
10. M. D.,
11. COMMUNE D’AUDERGHEM, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Auderghem, rue Émile Idiers, 12,
12. M. V.,
13. C. D.,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 9 janvier 2020 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Ariane Jacquemin a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Après avoir constaté que le treizième défendeur avait souscrit auprès de la demanderesse une police d’assurance couvrant les risques liés à l’exercice d’une activité de rénovation des bâtiments et que « l’exercice de cette activité par [celui-ci] était illicite, faute d’accès à la profession », l’arrêt relève :
- que ce défendeur s’est inscrit au registre de commerce le 10 avril 1995 pour « la pose de cloisons mobiles et de faux-plafonds, de chape d’isolation thermique et acoustique et de placement d’échafaudage, de [rejointoiement] et nettoyage de façade », qu’entre cette date « et l’entrée en vigueur du système de la banque-carrefour des entreprises, [il] ne s’est pas inscrit auprès du registre de commerce pour de nouvelles autres activités », qu’au 1er janvier 2008, il était inscrit à la banque-carrefour des entreprises « pour l’activité [45.250] du code Nacebel [de 2003, soit] pour [d’] ‘autres activités de construction spécialisées’ [comprenant] notamment […] la réalisation de fondations, y compris le battage de pieux, les travaux de ferraillage et de coffrage, activités [englobant] les travaux de reprise en sous-œuvre d’un immeuble existant », « [que] la mention [de ce] code Nacebel […] ne signifie pas nécessairement que l’entreprise exerce toutes les activités comprises dans cette catégorie, [dont celle] de montage et de démontage d’échafaudages, [qu’elle] signifie uniquement que l’entreprise en exerce certaines [et que] l’inscription [du défendeur dans cette catégorie] renvoie probablement à son ancienne inscription au registre de commerce pour […] ses activités dans le domaine des échafaudages » ;
- qu’il « a fait état de trois références antérieures concernant l’exécution de travaux de reprise en sous-sol » ;
- que « le défaut d’accès à la profession d’un entrepreneur peut résulter de la simple omission de l’accomplissement des formalités administratives requises pour l’obtenir et ne démontre pas, en soi, l’incompétence d’un entrepreneur » ;
- qu’« il n’est […] pas établi que [ce défendeur], eu égard à son expérience professionnelle, devait avoir conscience de son incompétence en ce qui concerne les travaux demandés » ;
- que « les conditions particulières de la police d’assurance […] visent [la] rénovation de bâtiments et mentionnent le code Nacebel 452110, [qui] correspond […] à la construction de maisons individuelles, comprenant la réalisation du gros œuvre, [qu’]il n’existe pas de classe spécifique pour la rénovation de bâtiments existants, [que] rien ne permet de supposer que la mention ‘rénovation de bâtiments’ exclut nécessairement des travaux d’agrandissement dans le sous-sol de ceux-ci, [que], si la réalisation de fondations est reprise dans la catégorie [45.250], cela ne signifie pas que les travaux de gros œuvre visés dans le code 452110 ne comprennent pas la réalisation des fondations nécessaires pour construire ces maisons [et que ce défendeur], en concluant une police visant ‘la rénovation de bâtiments’, sans préciser que cette rénovation impliquait la réalisation de travaux de fondations dans le sous-sol […], n’a pas procédé à une déclaration inexacte ou incomplète du risque assuré » ;
- « surabondamment, [la demanderesse] n’établit ni le caractère intentionnel de l’omission qu’elle dénonce ni qu’elle pourrait être reprochée [à ce défendeur car] il n’est pas établi qu’[il] ait lui-même renseigné [ce] code Nacebel […], il semble même que ce ne soit pas lui [et] il n’est pas non plus établi qu’un entrepreneur normalement prudent et diligent est censé connaître le détail des codes Nacebel » ;
- ce défendeur « a conclu le contrat d’entreprise litigieux le 5 janvier 2010 et ce n’est que le 12 janvier qu’il a produit le contrat d’assurances couvrant ses activités : le contrat d’entreprise litigieux a […] été conclu indépendamment de l’assurance couvrant [ses] activités ».
Par l’ensemble de ces énonciations, l’arrêt donne à connaître qu’il n’est pas établi que le treizième défendeur avait conscience d’exercer une activité illicite et, partant, qu’il n’a pas contracté avec la demanderesse dans le but de couvrir les risques liés à l’exercice d’une activité illicite.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
L’objet d’une obligation est la prestation promise par le débiteur ; celui du contrat d’assurance est la couverture d’un risque déterminé moyennant un prix ; cet objet doit être licite.
L’objet d’une obligation est illicite lorsqu’elle tend au maintien d’une situation contraire à l’ordre public ou à l’obtention d’un avantage illicite.
Il s'ensuit que le contrat d'assurance couvrant la responsabilité de l'assuré qui exerce une activité réglementée sans satisfaire aux conditions d'accès à
celle-ci n'a un objet illicite que si la couverture de ce risque tend au maintien d'une situation contraire à l'ordre public ou à l'obtention d'un avantage illicite.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement que le contrat d'assurance a un objet illicite dès qu'il couvre la responsabilité d'un assuré en raison de l'exercice d'une activité illicite, manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Il n’est pas contradictoire de considérer, d’une part, que « les chances que [le treizième défendeur] dispose des capacités professionnelles requises pour une activité pour laquelle il ne s’est jamais officiellement inscrit, ni au registre de commerce, ni, plus tard, à la banque-carrefour des entreprises, sont nulles », d’autre part, qu’« il n’est pas établi que [ce défendeur], eu égard à son expérience professionnelle, devait avoir conscience de son incompétence en ce qui concerne les travaux demandés et qu’il a commis une faute lourde en acceptant d’exécuter ceux-ci ».
Et la violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen est tout entière déduite de cette contradiction vainement alléguée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
L’arrêt, qui constate que la onzième défenderesse n’a pas « fait d’appel incident en ce qui concerne sa demande originaire formée contre [la demanderesse], que le premier juge a rejetée », ne justifie pas légalement sa décision de condamner la demanderesse, in solidum avec les troisième, quatrième et cinquième défendeurs, à payer à la onzième défenderesse les montants de 58.390,78 euros et 2.944 euros.
Le moyen est fondé.
Et la cassation de la condamnation de la demanderesse à indemniser la onzième défenderesse entraîne celle de la condamnation de la demanderesse à garantir les troisième, quatrième et cinquième défendeurs de la condamnation prononcée à leur charge au profit de la onzième défenderesse qui excéderait leur part contributive respective, en raison du lien fait par l’arrêt entre ces décisions.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il condamne la demanderesse à payer à la onzième défenderesse le montant de 58.390,78 euros, majoré des intérêts au taux légal depuis le 11 janvier 2011, et celui de 2.944 euros, majoré des intérêts judiciaires, en tant qu’il la condamne à garantir les troisième, quatrième et cinquième défendeurs pour toute condamnation prononcée à leur charge au profit de la onzième défenderesse qui excéderait leur part contributive respective et en tant qu’il statue sur les dépens entre la demanderesse et la onzième défenderesse ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse aux deux tiers des dépens ; en réserve le surplus pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Liège.
Les dépens taxés à la somme de deux mille trois cent douze euros quarante-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix-huit mars deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0291.F
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Droit civil - Droit commercial

Analyses

L’objet d’une obligation est illicite lorsqu’elle tend au maintien d’une situation contraire à l’ordre public ou à l’obtention d’un avantage illicite.

CONVENTION - ELEMENTS CONSTITUTIFS - Objet [notice1]

Un contrat d’assurance couvrant la responsabilité de l’assuré qui exerce une activité règlementée sans satisfaire aux conditions d’accès à celle-ci n’a un objet illicite que si la couverture tend au maintien d’une situation contraire à l’ordre public ou à l’obtention d’un avantage illicite.

ASSURANCES - ASSURANCES TERRESTRES [notice2]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 2 et 1128 - 30 / No pub 1804032150 ;

L. du 4 avril 2014 relative aux assurances, entrée en vigueur le 1er novembre 2014 - 04-04-2014 - Art. 91 - 23 / No pub 2014011239

[notice2]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 2 et 1128 - 30 / No pub 1804032150 ;

L. du 4 avril 2014 relative aux assurances, entrée en vigueur le 1er novembre 2014 - 04-04-2014 - Art. 91 - 23 / No pub 2014011239


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : LEMAL MICHEL, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-18;c.20.0291.f ?

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