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09/03/2022 | BELGIQUE | N°P.21.0830.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 mars 2022, P.21.0830.F


N° P.21.0830.F
LE PROCUREUR DU ROI DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
B. M., C., R., R.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 10 février 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 9 mars 2022, le c

onseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE ...

N° P.21.0830.F
LE PROCUREUR DU ROI DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
B. M., C., R., R.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 10 février 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 9 mars 2022, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution et 172, 174 et 203, § 1er, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle.
Quant à la première branche :
Le moyen reproche aux juges d’appel d’avoir déclaré recevable l’appel du défendeur, interjeté plus de quinze jours après la signification du jugement entrepris rendu par défaut à son égard, sans avoir constaté que la tardiveté de ce recours était justifiée par la force majeure.
Dans sa version applicable à la date de la signification de la décision entreprise, l’article 203, § 1er, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle prévoyait que la déclaration d’appel pour la partie défaillante devait être faite dans le délai de quinze jours à compter du jour de la signification du jugement rendu par défaut.
Ainsi, en cas de signification régulière de la décision rendue par défaut, l’appel interjeté plus de quinze jours après la signification est, sauf cas de force majeure ou erreur invincible, tardif et, partant, irrecevable, même si la signification n’a pas été faite à la personne du prévenu défaillant. Lorsque l’appel n’est pas interjeté dans le délai légal, le juge apprécie souverainement si les circonstances alléguées constituent un cas de force majeure ou une erreur invincible, la Cour se bornant à vérifier si, des circonstances qu’il a constatées, il a pu légalement déduire l'existence de la force majeure ou de l’erreur invincible.
À cet égard, l’absence d’informations concernant les formes et délai pour interjeter appel d’un jugement rendu par défaut n’implique pas nécessairement que l’appel du prévenu doive être déclaré recevable sans limite de temps. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que le juge peut tenir compte d’éléments tels le fait que l’appelant a agi ou non avec négligence, la circonstance que la décision faisant l'objet de la voie de recours était prévisible ou le fait que l'intéressé était assisté ou non d'un avocat.
Le jugement attaqué ne se borne pas à déclarer l’appel recevable. Il constate d’abord qu’il ne ressort d’aucune pièce que l’exploit de signification de la décision entreprise ait été accompagné d’une information au sujet des conditions auxquelles est subordonné l’exercice des voies de recours. Il énonce ensuite que « rien ne permet de considérer que [le défendeur] aurait, d’une manière ou d’une autre, été négligent ou qu’il devait s’attendre à ce qu’intervienne une décision de justice, [l’intéressé] n’ayant notamment jamais été entendu à propos de l’infraction qui lui est reprochée. Quant à l’assistance d’un avocat, à l’époque des faits ou de la décision intervenue, elle ne ressort d’aucun élément ».
Par ces considérations qui reviennent à admettre que le défendeur a été confronté à des circonstances indépendantes de sa volonté et que cette volonté n’a pu ni prévoir ni conjurer, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision qu’à peine de priver le défendeur du droit d’accès à un tribunal, son appel, quoique tardif, devait être déclaré recevable.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur la seconde branche :
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir déclaré l’appel du défendeur recevable, bien que tardif, au motif que le refus d’admettre ce recours priverait l’appelant du droit d’accès au tribunal. Selon le moyen, le défendeur aurait pu exercer effectivement ce droit s’il avait formé opposition. Partant, c’est en raison d’un choix de défense posé par le défendeur, que ce dernier se serait lui-même privé du droit d’accès au tribunal.
Mais aucune disposition, notamment celles visées au moyen, n’interdit au prévenu de faire le choix de la voie de recours qui lui paraît la plus favorable à ses intérêts, par exemple en ce qu’elle lui permet d’invoquer le bénéfice de la prescription de l’action publique.
A cet égard, le moyen manque en droit.
Et en tant qu’il fait grief au tribunal d’avoir implicitement eu égard au droit à un double degré de juridiction, alors que ce droit ne serait pas garanti, le moyen, qui procède d’une hypothèse, est irrecevable.
Sur le moyen pris, d’office, de la violation de l’article 68 de la loi relative à la police de la circulation routière :
Conformément à l’article 68 de la loi relative à la police de la circulation routière, dans son libellé applicable à la présente cause, l'action publique résultant d'une infraction telle que celle qui est imputée au défendeur, était prescrite après un an révolu à compter du jour où l'infraction a été commise.
Toutefois, lorsqu'un jugement par défaut n'a pas été signifié à la personne du prévenu, le délai de prescription de l'action publique est, à l'expiration du délai ordinaire d'opposition, suspendu et remplacé par le délai de prescription de la peine. Le délai suspendu ne reprend son cours qu'à la date de l'opposition recevable au jugement par défaut.
L’existence du délai extraordinaire d’opposition et l’application de la suspension de la prescription de l’action publique pendant celui-ci ne sont toutefois pas subordonnées à l’exercice, par le prévenu défaillant, de la voie de recours de l’opposition.
Le jugement entrepris a été rendu par défaut à l’égard du défendeur et il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la signification de cette décision, le 1er juillet 2015, n’a pas été faite à la personne dudit défendeur.
Partant, le tribunal n’a pu, sans violer l’article 68 précité, décider que « plus de deux ans s’étant écoulés depuis la date des faits […] sans que le cours de la prescription n’ait été suspendu d’une quelconque manière, l’action publique […] est à ce jour prescrite ».
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et, sauf l’illégalité à censurer ci-après, la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel du défendeur ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Laisse la moitié des frais à charge de l’État et réserve l’autre moitié pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, siégeant en degré d’appel, autrement composé.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt-sept euros quarante-cinq centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Sidney Berneman, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0830.F
Date de la décision : 09/03/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Lorsque l’appel n’est pas interjeté dans le délai légal, le juge apprécie souverainement si les circonstances alléguées constituent un cas de force majeure ou une erreur invincible, la Cour se bornant à vérifier si, des circonstances qu’il a constatées, il a pu légalement déduire l'existence de la force majeure ou de l’erreur invincible; à cet égard, l’absence d’informations concernant les formes et délai pour interjeter appel d’un jugement rendu par défaut n’implique pas nécessairement que l’appel du prévenu doive être déclaré recevable sans limite de temps; il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que le juge peut tenir compte d’éléments tels le fait que l’appelant a agi ou non avec négligence, la circonstance que la décision faisant l'objet de la voie de recours était prévisible ou le fait que l'intéressé était assisté ou non d'un avocat (1). (1) Voir les concl. du MP.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Appel principal. Forme. Délai - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND [notice1]

Aucune disposition, légale ou conventionnelle, n’interdit au prévenu de faire le choix de la voie de recours qui lui paraît la plus favorable à ses intérêts, par exemple en ce qu’elle lui permet d’invoquer le bénéfice de la prescription de l’action publique.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Généralités - OPPOSITION [notice3]

Lorsqu'un jugement par défaut n'a pas été signifié à la personne du prévenu, le délai de prescription de l'action publique est, à l'expiration du délai ordinaire d'opposition, suspendu et remplacé par le délai de prescription de la peine; le délai suspendu ne reprend son cours qu'à la date de l'opposition recevable au jugement par défaut mais l’existence du délai extraordinaire d’opposition et l’application de la suspension de la prescription de l’action publique pendant celui-ci ne sont toutefois pas subordonnées à l’exercice, par le prévenu défaillant, de la voie de recours de l’opposition (1). (1) Voir les concl. du MP.

PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Suspension - ACTION PUBLIQUE - OPPOSITION [notice5]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 203 - 30 / No pub 1808111701

[notice3]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187 et 199 - 30 / No pub 1808111701

[notice5]

L. du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 24, al. 1er - 01 / No pub 1878041750


Composition du Tribunal
Président : ROGGEN FRANCOISE
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : BERNEMAN SIDNEY, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-09;p.21.0830.f ?

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