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18/02/2022 | BELGIQUE | N°C.21.0276.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 février 2022, C.21.0276.F


N° C.21.0276.F
M. C.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
contre
1. J.-P. D. W.,
2. B. D. W.,
3. J. D. W.,
4. O. D. W.,
5. J. D. W.,
6. M. D. W.,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 19 février 2020 par le tribunal de première instance de Namur, statuant en degré d’appel et comme juridictio

n de renvoi ensuite de l’arrêt de la Cour du 26 février 2015.
Le 2 février 2022, l’avocat général Phili...

N° C.21.0276.F
M. C.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
contre
1. J.-P. D. W.,
2. B. D. W.,
3. J. D. W.,
4. O. D. W.,
5. J. D. W.,
6. M. D. W.,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 19 février 2020 par le tribunal de première instance de Namur, statuant en degré d’appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l’arrêt de la Cour du 26 février 2015.
Le 2 février 2022, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport et l’avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’article 3 de la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement légal de biens ruraux définit l’exploitant comme toute personne qui exploite une parcelle dans l'ensemble des biens à remembrer, soit à titre de propriétaire, d'usufruitier, d'emphytéote ou de superficiaire, soit avec le consentement de l'un de ceux-ci.
Il ne suit pas de cette disposition que l’exploitant qui n’est ni propriétaire, ni usufruitier, ni emphytéote, ni superficiaire est nécessairement le preneur d’un bail à ferme.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant aux deuxième, troisième et quatrième branches réunies :
Déduit du grief vainement allégué dans la première branche du moyen, le moyen, en ces branches, est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
D’une part, une décision se fonde sur des motifs ambigus lorsque ces motifs sont susceptibles de différentes interprétations et qu’elle est légalement justifiée dans une ou plusieurs de ces interprétations mais non dans une ou plusieurs autres.
Le moyen, qui, en cette branche, se borne à soutenir que, dans l’interprétation que l’exploitation des terres par les enfants du preneur résulte d’une cession ordinaire du bail, ces motifs ne sont pas légalement justifiés, n’indique pas en quoi cette interprétation est illégale.
D’autre part, le grief fait au jugement attaqué de ne pas indiquer quelle autre convention ou quel autre cadre juridique permet de justifier la transmission de l’exploitation est étranger à l’obligation de motivation tirée de l’article 149 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la deuxième branche :
D’une part, le grief fait au jugement attaqué de considérer, sans aucune justification, que le paiement du fermage par la société agricole ne constitue pas un indice de la fin du bail du preneur, est étranger à l’obligation de motivation tirée de l’article 149 de la Constitution.
Et la violation de l’article 23 de la loi sur les baux à ferme est déduite de la violation vainement alléguée de l’article 149.
D’autre part, l’examen du grief de contradiction dénoncé par le moyen, en cette branche, suppose l’examen des conséquences juridiques du paiement de fermages. Ce grief n’équivaut pas à une absence de motifs et est étranger à la règle de forme prescrite par l’article 149 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Examinant l’acte de remembrement du 21 décembre 1988, le jugement attaqué considère que la « confusion entre l’identification de l’exploitant des terres, ce qui est une notion de fait, et l’identité du locataire, ce qui constitue une qualification juridique », constitue « une erreur logique à la base [du] raisonnement de la demanderesse » et que « l’exploitation des parcelles litigieuses par les enfants des preneurs [originaires] peut […] s’expliquer par d’autres causes qu’une cession de bail, comme par exemple un contrat d’entreprise, un contrat saisonnier, un commodat, une occupation précaire ou toute autre convention sui generis ».
Le jugement attaqué répond ainsi, par l’affirmation du contraire, aux conclusions de la demanderesse faisant valoir que, à défaut de droit réel dans le chef de l’exploitant d’une terre agricole, sa qualité d’exploitant, au sens de l’article 3 de la loi du 22 juillet 1970, se confond avec celle de preneur d’un bail à ferme.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
En considérant que la déclaration de succession de feu M. D. W. « démontre que [les deuxième et troisième défendeurs] ont progressivement repris l’exploitation agricole qui était celle de leurs parents (notion de fait) mais sans suffire à établir que le bail dont les parents étaient titulaires envers [les auteurs de la demanderesse] leur a été cédé (question de droit) », le jugement attaqué répond, par l’affirmation du contraire, aux conclusions de la demanderesse soutenant que, dès lors que cette déclaration ne faisait état d’aucun bail à ferme le concernant, il n’en était plus titulaire.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la cinquième branche :
Dans ses conclusions, la demanderesse ne soutenait pas que les défendeurs avaient l’obligation de collaborer à l’administration de la preuve du fondement de leur exploitation des parcelles litigieuses.
Fondé sur le principe général du droit visé au moyen, qui n’est ni d’ordre public ni impératif, le moyen, qui, en cette branche, n’a pas été soumis au juge d’appel et dont celui-ci ne s’est pas saisi de sa propre initiative et n’était pas tenu de se saisir, est nouveau.
Et la violation prétendue des articles 1315 de l’ancien Code civil et 870 du Code judiciaire est tout entière déduite de la violation vainement alléguée du principe général précité.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
En conclusions, la demanderesse soutenait que l’unique objectif poursuivi par les ayants droit de feu M. D. W., en notifiant l’accord intervenu entre eux, était de spéculer sur une baisse du prix des terres en cause et de la placer ainsi dans une situation défavorable à l’égard des acquéreurs potentiels, et que, cette notification étant intervenue quatre ans et demi après le décès de M. D. W., ce qui était anormal, elle était tardive et abusive.
Après avoir relevé que « le bail [à ferme] du 29 mai 1985 fut consenti à M. D. W. à l’âge de soixante ans, c’est-à-dire à un âge proche de celui de la retraite », que, « lorsqu’[il] fut admis à la retraite, et que les loyers furent payés par la société agricole D. W. JB, cela ne suscita aucune réaction dans le chef des bailleurs », que « ni le décès de [son épouse] en 2000 ni celui de M. D. W. en 2005 n’entraînèrent dans le chef des bailleurs de demandes quant à l’identité d’éventuels héritiers auxquels le bail serait cédé », que, « en d’autres termes, ni l’admission de leurs parents à la retraite ni leur décès ne causèrent de trouble dans la jouissance des terres [par les] exploitants », et que « ce n’est qu’en 2009 que les parents de [la demanderesse] manifestèrent le souhait de vendre les terres, ce qui constitua la première initiative susceptible de mettre en péril les droits des locataires », le jugement attaqué en déduit qu’« il n’est pas anormal que les [ayants droit des preneurs originaires] n’aient notifié aux bailleurs leur intention de poursuivre le droit au bail de leurs auteurs qu’en 2009 », donnant ainsi à connaître qu’ils n’ont pas détourné leur droit de sa finalité.
Le moyen manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille trois cent trente et un euros trente et un centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix-huit février deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.21.0276.F
Date de la décision : 18/02/2022
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

L'article 3 de la loi du 22 juillet 1970 relative au remembrement légal de biens ruraux définit l'exploitant comme toute personne qui exploite une parcelle dans l'ensemble des biens à remembrer, soit à titre de propriétaire, d'usufruitier, d'emphytéote ou de superficiaire, soit avec le consentement de l'un de ceux-ci; il ne suit pas de cette disposition que l'exploitant qui n'est ni propriétaire, ni usufruitier, ni emphytéote, ni superficiaire est nécessairement le preneur d'un bail à ferme.

REMEMBREMENT DES BIENS RURAUX [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 22 juillet 1970 relative au remembrement légal de biens ruraux - 22-07-1970 - Art. 3 - 30 / No pub 1970072202


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : LEMAL MICHEL, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-02-18;c.21.0276.f ?

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