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06/10/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0757.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 octobre 2021, P.21.0757.F


N° P.21.0757.F
D.B.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Juliette Moreau, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Anderlecht, rue de la Justice, 15, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des

conclusions au greffe le 28 septembre 2021.
A l’audience du 6 octobre 2021, le président chev...

N° P.21.0757.F
D.B.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Juliette Moreau, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Anderlecht, rue de la Justice, 15, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe le 28 septembre 2021.
A l’audience du 6 octobre 2021, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 54 à 57bis du Code pénal et 187 du Code d’instruction criminelle. Le demandeur soutient que l’arrêt le déclare illégalement en état de récidive, dès lors que l’antécédent fondant celle-ci est un jugement rendu par défaut ayant fait l’objet, pendant le délai extraordinaire du recours, d’une opposition déclarée recevable.
A l’expiration du délai ordinaire d’opposition et pour autant qu’aucun recours n’ait été exercé, la décision de condamnation rendue par défaut passe en force de chose jugée sous la condition résolutoire d’une éventuelle opposition formée dans le délai extraordinaire.
L’opposition déclarée recevable met de plein droit le jugement par défaut à néant et replace l’opposant dans la même situation que si la décision n’avait pas été prononcée. L’effet extinctif du recours opère ex tunc et non ex nunc, la décision entreprise étant censée n’avoir jamais existé.
Il en résulte que c’est au moment où l’infraction nouvelle est jugée, et non au moment où elle est commise, qu’il faut se placer pour apprécier le point de savoir si la condamnation par défaut invoquée au titre de premier terme de la récidive a le caractère d’antécédent judiciaire pouvant servir de base à celle-ci.
Le demandeur s’est vu poursuivre du chef de plusieurs vols dont certains ont été commis les 3, 5, 6 et 11 octobre 2019, soit avant l’expiration d’un délai de cinq ans depuis qu’il a subi ou prescrit la peine d’un an d’emprisonnement qui lui avait été infligée par un jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles du 23 mai 2019.
Il résulte des pièces de la procédure que la condamnation appelée à former la base de la récidive a été prononcée par défaut, qu’elle a été signifiée à parquet le 16 juillet 2019, et qu’elle a été frappée d’opposition le 17 octobre 2019 par déclaration du prévenu au greffe de la prison.
Lorsque le demandeur a commis les nouveaux faits, le jugement précité, qu’aucun recours n’avait alors entrepris, pouvait servir de fondement à la récidive bien qu’il fût affecté d’une condition résolutoire, étant l’opposition éventuelle faite dans le délai extraordinaire accordé par l’article 187, § 1er, du Code d’instruction criminelle.
L’arrêt attaqué constate que ladite opposition a été faite et déclarée recevable par un jugement du 30 octobre 2019.
Par cette opposition déclarée recevable, la condamnation par défaut a été annulée avec effet rétroactif et ne peut plus servir de fondement à la récidive.
L’arrêt retient néanmoins celle-ci au motif que la condition résolutoire d’une opposition jugée recevable ne s’est réalisée qu’après la commission des nouvelles infractions.
Déniant ainsi au recours son effet extinctif rétroactif, les juges d’appel ont violé les dispositions légales invoquées par le demandeur.
Le moyen est fondé.
La récidive légale n’est pas un élément des préventions formant l’objet de l’action publique, mais seulement une circonstance personnelle propre à l’auteur des infractions, ne pouvant influencer que la peine, de sorte que l’illégalité ne s’étend qu’à l’ensemble de la sanction réprimant les infractions ainsi qu’à la contribution au Fonds spécial pour l’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence. En revanche, elle est sans incidence sur la déclaration de culpabilité relative à ces infractions.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris, notamment, de la violation des articles 27 et 28 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.
Le demandeur soutient que la norme européenne invoquée interdit de sanctionner pénalement un ressortissant européen du chef de séjour illégal, et qu’il appartient dès lors aux juridictions nationales de refuser d’appliquer les peines comminées pour la sanction de ce délit par l’article 75 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Il ne résulte pas des articles 40, § 4, de la loi du 15 décembre 1980, et 7.1 de la directive 2004/38/CE, que le séjour d’un citoyen de l’Union européenne dans un autre Etat membre que le sien pour une période de plus de trois mois soit garanti de manière inconditionnelle. Ce séjour est, au contraire, subordonné aux conditions que l’étranger détienne une carte d’identité ou un passeport valable et qu’il justifie soit d’un emploi ou à tout le moins d’une chance réelle d’en obtenir un, soit de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’aide sociale du pays d’accueil, soit de son inscription dans un établissement d’enseignement pour y suivre des études.
L’Etat membre d’accueil peut, aux termes de l’article 8.1 de la directive, imposer aux citoyens de l’Union de se faire enregistrer auprès des autorités compétentes.
Les Etats membres peuvent également, en vertu de l’article 36 de la directive, déterminer le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales qui en assurent la transposition. Peut donc être sanctionnée, selon le régime déterminé par le pays hôte, la violation des dispositions stipulant les conditions auxquelles un citoyen de l’Union européenne est autorisé à séjourner, pendant plus de trois mois, sur le territoire de ce pays.
Laissant aux Etats membres le choix du régime de ces sanctions tout en précisant qu’elles doivent être effectives et proportionnées, la directive n’exclut pas qu’elles puissent être de nature pénale.
L’article 27 de la directive, dont le moyen accuse la violation, définit les conditions auxquelles les Etats membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union.
Le citoyen que cet article protège contre les restrictions, est celui qui bénéficie de la liberté à protéger, soit celle que la directive garantit sous les conditions qu’elle précise.
Il ressort des constatations de l’arrêt que le séjour du demandeur n’entre pas dans le champ d’application de la directive puisqu’il s’agit d’un séjour clandestin, donc non enregistré, ayant duré plus de cinq ans, sans que l’étranger ait jamais justifié d’un emploi, ou de ressources suffisantes ou d’une inscription dans un institut d’enseignement.
Aucune des dispositions invoquées par le demandeur n’interdit de sanctionner pénalement le citoyen de l’Union dont le séjour de longue durée ne répond pas aux conditions que la règle de droit européen, transposée dans le droit national, met à l’ouverture de ce droit.
Les peines édictées par l’article 75 de la loi du 15 décembre 1980 n’ont pas pour effet de porter atteinte au séjour de plus de trois mois prévu par l’article 7.1 de la directive, mais d’assurer l’effectivité des conditions prescrites pour l’exercice de ce droit.
Quant à l’article 28 de la directive, également visé par le moyen, il concerne les conditions auxquelles une décision d’éloignement peut être prise à l’encontre d’un citoyen de l’Union.
La peine d’emprisonnement infligée au demandeur du chef de séjour illégal ne constitue pas une décision d’éloignement, de sorte que les juges d’appel ne sauraient avoir violé l’article 28 précité.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche à l’arrêt de ne pas procéder à un contrôle de proportionnalité, dans la détermination du taux de la peine à infliger du chef de séjour illégal, entre la nécessité pour l’ordre et la sécurité publique de sanctionner ce comportement et le droit à la liberté de circulation de tout citoyen de l’Union.
Il n’apparaît pas, des pièces de la procédure, que le demandeur ait invité les juges du fond à procéder au contrôle qu’il leur reproche d’avoir négligé.
Invoqué pour la première fois devant la Cour, le moyen est irrecevable.
L’obligation, prévue par l’article 27 de la directive, de respecter le principe de proportionnalité concerne les restrictions à envisager, pour des raisons d’ordre public, au séjour dont le droit s’exerce dans le respect des conditions qui en règlent l’ouverture, et non au séjour qui n’entre pas dans le champ d’application de la directive.
Procédant d’une confusion entre le séjour protégé et celui qui ne l’est pas, le moyen manque, à cet égard, en droit.
Le contrôle d’office
Sauf l’illégalité à censurer ci-après, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué, en tant que, déclarant le demandeur en état de récidive légale précaire, il statue sur la peine encourue du chef des préventions A.1 de la cause I, A.2, B.3 et B.4 de la cause II, A, B.1 à B.6, C.1 à C.6 et D.1 à D.3 de la cause III, et sur la contribution au Fonds spécial pour l’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à la moitié des frais de son pourvoi et réserve l’autre moitié pour qu’il soit statué sur celle-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle, autrement composée.
Les dits frais taxés à la somme de deux cent cinquante-huit euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0757.F
Date de la décision : 06/10/2021
Type d'affaire : Autres - Droit pénal - Droit administratif - Droit européen

Analyses

A l’expiration du délai ordinaire d’opposition et pour autant qu’aucun recours n’ait été exercé, la décision de condamnation rendue par défaut passe en force de chose jugée sous la condition résolutoire d’une éventuelle opposition formée dans le délai extraordinaire (1). (1) Voir les concl. du MP.

OPPOSITION - JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE REPRESSIVE - Action publique [notice1]

L’opposition déclarée recevable met de plein droit le jugement par défaut à néant et replace l’opposant dans la même situation que si la décision n’avait pas été prononcée; l’effet extinctif du recours opère ex tunc et non ex nunc, la décision entreprise étant censée n’avoir jamais existé (1). (1) Voir les concl. du MP.

OPPOSITION [notice3]

C’est au moment où l’infraction nouvelle est jugée, et non au moment où elle est commise, qu’il faut se placer pour apprécier le point de savoir si la condamnation par défaut invoquée au titre de premier terme de la récidive a le caractère d’antécédent judiciaire pouvant servir de base à celle-ci (1). (1) Voir les concl. du MP.

RECIDIVE [notice4]

Il ne résulte pas des articles 40, § 4, de la loi du 15 décembre 1980, et 7.1 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, que le séjour d’un citoyen de l’Union européenne dans un autre Etat membre que le sien pour une période de plus de trois mois soit garanti de manière inconditionnelle; ce séjour est, au contraire, subordonné aux conditions que l’étranger détienne une carte d’identité ou un passeport valable et qu’il justifie soit d’un emploi ou à tout le moins d’une chance réelle d’en obtenir un, soit de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’aide sociale du pays d’accueil, soit de son inscription dans un établissement d’enseignement pour y suivre des études (1). (1) Voir les concl. du MP.

ETRANGERS - UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Principes [notice5]

Les Etats membres peuvent, en vertu de l’article 36 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, déterminer le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales qui en assurent la transposition; peut donc être sanctionnée, selon le régime déterminé par le pays hôte, la violation des dispositions stipulant les conditions auxquelles un citoyen de l’Union européenne est autorisé à séjourner, pendant plus de trois mois, sur le territoire de ce pays; aucune des dispositions de la loi du 15 décembre 1980 ou de la directive 2004/38/CE n’interdit de sanctionner pénalement le citoyen de l’Union dont le séjour de longue durée ne répond pas aux conditions que la règle de droit européen, transposée dans le droit national, met à l’ouverture de ce droit (1). (1) Voir les concl. du MP.

ETRANGERS - UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Principes [notice7]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187 - 30 / No pub 1808111701

[notice3]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 54 à 57bis - 01 / No pub 1867060850

[notice5]

Directive 2004/38/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 - 29-04-2004 - Art. 7.1 - 74 ;

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 40, § 4 - 30 / No pub 1980121550

[notice7]

Directive 2004/38/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 - 29-04-2004 - Art. 36 - 74


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-06;p.21.0757.f ?

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