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06/10/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0604.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 octobre 2021, P.21.0604.F


N° P.21.0604.F
I. F. P.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
II. LE PROCUREUR FEDERAL,
demandeur en cassation,
contre
1. B. M. M.,
2. L.K.,
ayant pour conseil Maître Amaury Gossé, avocat au barreau de Bruxelles,
prévenus,
défendeurs en cassation,
III. A. A.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Laurent Poisson, avocat au barreau de Charleroi,
IV. O. M., R.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Fabian Lauvaux et Fanny Hanot, avocats a

u barreau de Charleroi,
V. H.F.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Franck Dis...

N° P.21.0604.F
I. F. P.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
II. LE PROCUREUR FEDERAL,
demandeur en cassation,
contre
1. B. M. M.,
2. L.K.,
ayant pour conseil Maître Amaury Gossé, avocat au barreau de Bruxelles,
prévenus,
défendeurs en cassation,
III. A. A.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Laurent Poisson, avocat au barreau de Charleroi,
IV. O. M., R.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Fabian Lauvaux et Fanny Hanot, avocats au barreau de Charleroi,
V. H.F.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Franck Discepoli, avocat au barreau de Mons, et Jonathan De Taye, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est situé à Saint-Gilles, rue Berckmans, 109, où il est fait élection de domicile,
contre
1. C. L.,
2. M. M.,
3. D. S.,
4. L.F.,
5. G. F.,
6. B. N.,
7. D. N.,
8. C. D.,
9. V. F.,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
VI. F.P.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marino Santarelli et Eric Soccio, avocats au barreau de Mons,
contre
1. C. L.,
2. M.M.,
3. D. S.,
4. L.F.,
5. G. F.,
6. B. N.,
7. D. N.,
8. C. D.,
9. V. F.,
mieux qualifiés ci-dessus,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 9 avril 2021 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Dans des mémoires annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme, les demandeurs P. F., procureur fédéral, M. O. et F. H. invoquent, respectivement, un, trois, deux et deux moyens.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 16 septembre 2021.
A l’audience du 6 octobre 2021, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi formé par P.F. le 14 avril 2021 à la prison de Mons :
En vertu de l’article 425, § 1er, du Code d’instruction criminelle, la déclaration du pourvoi d’un prévenu, formé contre une décision de condamnation, doit être faite et signée par un avocat titulaire de l’attestation visée par cet article.
La déclaration de pourvoi a été faite par le prévenu et non par un avocat titulaire de l’attestation requise.
Le pourvoi est dès lors irrecevable.
B. Sur le pourvoi formé par P. F. le 26 avril 2021 au greffe de la cour d’appel :
Une partie ne peut, en règle, se pourvoir une seconde fois contre la même décision, même s’il n’a pas encore été statué sur le premier pourvoi au moment de la déclaration du second.
Le pourvoi est dès lors irrecevable.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au mémoire du demandeur, étranger à la recevabilité de ses pourvois.
C. Sur le pourvoi du procureur fédéral :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge de M. B. :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 34quater, 1°, du Code pénal. Le demandeur reproche à l’arrêt de rejeter, au motif que les conditions légales n’en sont pas réunies, la demande de prononciation d’une peine complémentaire de mise à disposition du tribunal de l’application des peines.
Selon le demandeur, la disposition légale invoquée doit s’interpréter en ce sens qu’elle s’applique dès que les faits à sanctionner ont été commis dans les dix ans de la condamnation initiale.
Mais la peine complémentaire que l’article 34quater, 1°, prévoit, peut être prononcée à l’égard des personnes qui, après avoir été condamnées à une peine d’au moins cinq ans pour les faits que cette disposition précise, sont à nouveau condamnées pour des faits similaires dans un délai de dix ans à compter du moment où la condamnation est passée en force de chose jugée.
C’est donc la nouvelle condamnation, et non la perpétration des nouveaux faits, qui doit intervenir avant l’expiration du délai prescrit.
Soutenant que l’intervalle de dix ans se calcule non pas entre les deux condamnations successives mais entre la première et la commission des faits ayant justifié la seconde, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge de L.K. :
Le délai de huit jours prévu à l’article 429, alinéa 3, du Code d’instruction criminelle, est un délai franc, ce qui implique que huit jours entiers doivent séparer le jour de l’introduction du mémoire en réponse, et le jour de l’audience. Celle-ci ayant été fixée au mercredi 6 octobre 2021, le dernier jour utile pour le dépôt du mémoire en réponse était le lundi 27 septembre 2021.
Remis au greffe le lendemain de cette échéance, le mémoire en réponse du défendeur ne fait pas partie des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard.
Sur le deuxième moyen :
Quant aux quatre branches réunies :
L’article 47bis, § 6, 9), du Code d’instruction criminelle prévoit qu’aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le fondement de déclarations qu’elle a faites en violation des dispositions relatives au droit à la concertation confidentielle préalable ou à l’assistance d’un avocat au cours de l’audition.
Ces droits sont méconnus lorsque l’avertissement relatif à leur existence n’a pas été donné, lorsqu’il a été donné dans des conditions telles que leur mise en œuvre s’est avérée impossible, ou lorsqu’un obstacle matériel en a empêché l’exercice.
Il ressort des pièces de la procédure que le défendeur L.K., détenu pour autre cause, s’est vu remettre, le 17 avril 2019, par l’intermédiaire du greffe de la prison, une convocation pourvue d’une annexe l’informant de ses droits, notamment celui de se concerter avec un avocat.
La décision de la cour d’appel de ne pas prendre en compte les déclarations consenties par le prévenu ensuite de cette convocation, repose en substance sur les motifs suivants :
- le défendeur a été entendu selon les formes prescrites pour l’audition d’un suspect non privé de liberté, alors qu’il l’était, mais pour autre cause ;
- la convocation et son annexe ont été déposées au greffe de la prison deux jours avant l’audition, laps de temps insuffisant pour assurer l’exercice effectif du droit ;
- le prévenu n’a pas été invité à renoncer à l’assistance d’un conseil et aucune initiative n’a été prise pour lui en trouver un ;
- l’information à donner sur les faits reprochés est trop succincte, à défaut de préciser les lieux, dates et heures de leur perpétration ;
- en cours d’audition, le prévenu ayant suggéré qu’il pouvait avoir participé à d’autres faits que ceux pour lesquels il était entendu, les enquêteurs auraient dû interrompre l’interrogatoire et procéder à une nouvelle communication des droits.
Aucun de ces motifs ne justifie légalement le refus de prise en compte décrété par la cour d’appel.
La première irrégularité n’est pas substantielle puisqu’elle n’empêche pas que le prévenu a reçu, en annexe à la convocation, la communication de ses droits relatifs notamment à la concertation confidentielle et à l’assistance d’un avocat.
En outre, dès lors que l’arrêt attaqué constate que le défendeur a reçu la convocation écrite emportant présomption que la personne suspectée avait organisé son accès à un avocat et que cette convocation a été déposée au greffe de la prison le 17 avril 2019 alors que l’audition s’est tenue le 19 avril 2019, soit plus d’un jour libre entre les deux, c’est à tort que les juges d’appel ont considéré qu’il y avait lieu d’appliquer la procédure prévue par l’article 2bis, §§ 2 et 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Les considérants relatifs à la brièveté du délai et à l’absence d’initiative compensatoire des enquêteurs ne sont pas démonstratifs d’une atteinte à la défense du suspect : l’arrêt ne constate pas que celui-ci n’aurait pas reçu la notification de son droit de demander le report de l’audition pour pouvoir consulter un avocat, ni que ce report dûment sollicité aurait été refusé.
Du seul fait que le prévenu est averti d’avoir à s’expliquer sur une infraction dont l’appellation seule est mentionnée, sans détailler les circonstances de sa perpétration, il ne se déduit pas un manquement à l’obligation d’informer succinctement la personne à interroger.
L’interruption de l’audition et la communication des droits visés au paragraphe 2 de l’article 47bis, formalités requises par le paragraphe 6, 5), de cet article, concernent l’audition d’une personne qui n’était pas initialement entendue comme suspect et dont il apparaît que des faits peuvent lui être imputés.
Il ressort des constatations de l’arrêt et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le défendeur L. K. a été entendu d’emblée comme suspect. La communication des droits attachés à cette qualité couvre l’ensemble de la déclaration consentie sous le même statut, sans qu’il ne faille répéter la formalité au cours de l’interrogatoire, à chaque suspicion de fait nouveau.
Partant, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
D. Sur le pourvoi d’A. A. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard aux mémoires qui, reçus les 23 et 27 septembre 2021 par courriers électronique et postal n’ont pas été remis au greffe de la Cour dans le délai de quinze jours au plus tard avant l’audience, prescrit par l’article 429, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’ordre d’arrestation immédiate :
En raison du rejet du pourvoi dirigé contre elle, la décision de condamnation acquiert force de chose jugée.
Le pourvoi dirigé contre le mandement d’arrestation immédiate devient sans objet.
E. Sur le pourvoi de M.O.:
Sur le premier moyen :
Le demandeur reproche à l’arrêt de ne pas motiver, de manière individualisée, la déclaration de sa culpabilité du chef d’appartenance à une association de malfaiteurs entre le 11 septembre 2015 et le 27 janvier 2018. Le moyen en déduit une violation de l’article 149 de la Constitution ainsi qu’une méconnaissance de la présomption d’innocence consacrée par l’article 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La présomption d’innocence met la preuve à charge de la partie poursuivante. Elle interdit au juge d’en opérer le renversement. Concernant avant tout l’attitude du juge appelé à connaître d’une accusation en matière pénale, elle exprime le devoir de ce magistrat de connaître de la cause de manière impartiale, sans refléter le sentiment que le suspect est a priori coupable alors que sa culpabilité n’a pas été préalablement établie.
Le fait que la motivation d’une condamnation ne soit pas suffisamment individualisée aux yeux du prévenu qui en est frappé, ne suffit pas pour établir une méconnaissance par le juge de la présomption de son innocence.
A cet égard, le moyen manque en droit.
En tant qu’il fait valoir qu’aucun élément du dossier répressif ne contredit la thèse d’une participation isolée du demandeur aux activités du groupe visé par la prévention, le moyen, mélangé de fait, est irrecevable.
Pour déclarer le demandeur coupable de détention et vente de cocaïne et de cannabis dans le cadre de l’activité d’une association, l’arrêt relève que l’importante quantité de stupéfiants dérobés ne peut s’expliquer que par la volonté de mettre ce butin en vente.
L’arrêt ajoute, sur le fondement d’une déclaration du 14 mars 2018 du demandeur, comparée avec celle, convergente, d’un autre prévenu, que le butin a été vendu en association, dans le cadre d’une organisation planifiant les vols et la livraison de leur produit chez des dealers.
L’arrêt limite la période délictueuse relative à cette prévention en énonçant qu’elle a débuté le 1er janvier 2017 pour se terminer trente jours plus tard.
Sans doute l’arrêt décide-t-il également que ces faits se sont inscrits dans le prolongement de l’association de malfaiteurs déclarée établie à charge du demandeur sous une prévention distincte, laquelle est réputée avoir été commise « entre le 11 septembre 2015 et le 27 janvier 2018 ».
Mais il n’en résulte aucun accroissement du devoir de motivation : les termes précités signifient que les faits se situent entre les deux dates indiquées et non qu’ils auraient été perpétrés continûment depuis la première date jusqu’à la seconde.
Partant, les considérations résumées ci-dessus motivent régulièrement la décision.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Dans les conclusions qu’il a déposées le 8 février 2021 au greffe de la cour d’appel, le demandeur a contesté la validité des deux perquisitions réalisées le 13 mars 2018, en soutenant qu’elles relevaient d’une recherche proactive, à défaut notamment d’indices sérieux de l’existence d’une infraction pouvant justifier l’accomplissement de ces devoirs. Le demandeur a sollicité de la cour d’appel qu’elle constate une violation de l’article 28bis, § 2, du Code d’instruction criminelle.
L’arrêt ne répond pas à cette défense. Le moyen lui en fait le reproche.
Mais le demandeur n’a imputé un caractère proactif auxdites recherches qu’en se fondant sur deux circonstances impropres à justifier une telle qualification. Il a conclu à l’insuffisance des indices de culpabilité mentionnés dans le mandat délivré pour la première perquisition. Il a soulevé l’absence d’écrit consignant le consentement donné pour la seconde. Aucune de ces deux circonstances ne définissant la proactivité policière, les juges d’appel n’étaient pas tenus de répondre à l’allégation de sa mise en œuvre.
Il ressort par ailleurs de l’arrêt que les préventions n’ont pas été déclarées établies sur la base des perquisitions critiquées. L’arrêt se réfère aux aveux du demandeur, à ses déclarations convergentes avec celles d’un autre prévenu, aux dires de la victime et au lien que les juges d’appel ont établi entre la nature des faits, leur mode opératoire et le caractère structuré de l’organisation ayant permis leur réalisation.
A cet égard également, les juges d’appel n’avaient pas à répondre à la défense invoquée, celle-ci étant devenue sans pertinence en raison de leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
F. Sur le pourvoi de F.H. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur :
Sur le premier moyen :
Le demandeur reproche à l’arrêt de déclarer les poursuites recevables nonobstant la circonstance que l’officier de police en charge de l’enquête a lui-même été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de violation du secret professionnel au cours de l’instruction préparatoire.
L’équité du procès pénal s’apprécie par rapport à l’ensemble de la procédure, en recherchant si les droits de la défense ont été respectés, en examinant si la personne poursuivie a eu la possibilité de contester l’authenticité des preuves et de s’opposer à leur utilisation, en vérifiant si les circonstances dans lesquelles les éléments à charge ont été obtenus jettent le doute sur leur crédibilité ou leur exactitude, et en évaluant l’influence de l’élément de preuve obtenu irrégulièrement sur l’issue de l’action publique.
L’arrêt relève que l’inspecteur mis en cause a entretenu une relation avec la compagne d’un des prévenus, qu’il lui a communiqué des informations relatives à l’enquête, et qu’il s’est engagé envers ledit prévenu à intercéder en sa faveur pour lui obtenir un bracelet électronique.
La cour d’appel a écarté trois procès-verbaux contenant des auditions incriminantes recueillies auprès de ce prévenu et de sa compagne, compte tenu de l’atteinte portée à leur fiabilité, mais elle a refusé de déclarer l’action publique irrecevable.
L’arrêt fonde ce refus, notamment, sur les éléments suivants :
- les reproches formulés à l’égard de l’inspecteur mis en cause, lequel a été écarté aussitôt que ses agissements furent connus, ne concernent ni les autres enquêteurs ni le juge d’instruction dont la loyauté et l’absence de parti-pris ne font l’objet d’aucun doute ;
- il n’apparaît pas que l’officier poursuivi ait manipulé, détourné ou falsifié des preuves ou qu’il ait dissimulé des éléments à décharge ;
- les auditions du demandeur ont été, pour la plupart, menées de concert par plusieurs enquêteurs et vidéo-filmées ; le demandeur a pu examiner et contester tous les devoirs d’enquête et en solliciter de nouveaux ;
- les poursuites se fondent sur des preuves dont l’obtention n’est pas le fruit des irrégularités dénoncées ;
- à l’audience de la cour d’appel, le demandeur a réitéré les aveux déjà faits devant le tribunal concernant de nombreux faits reprochés.
Il ressort de ces considérants que les violations du secret professionnel imputées à l’officier de police ne se trouvent pas à l’origine des autres actes de l’instruction préparatoire, et que le retrait des seuls procès-verbaux dont la fiabilité s’est trouvée entachée n’a pas eu d’incidence sur le libre exercice des droits de la défense.
Partant, les juges d’appel ont légalement conclu à l’absence d’atteinte irrémédiable au droit à un procès équitable, d’où il suit que leur décision de dire l’action publique recevable ne viole pas l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Il est fait grief à l’arrêt de prononcer deux peines distinctes, une pour les préventions de vols aggravés, détentions arbitraires, extorsion, infractions à la législation sur les armes et sur les stupéfiants, et une du chef de coups avec incapacité de plus de quatre mois.
Le demandeur soutient que la cour d’appel aurait dû ne prononcer qu’une peine unique pour le tout, dès lors que les coups ont été commis au cours de la même période délictueuse et que l’ensemble des faits témoignent d’un même comportement violent.
L’unité d’intention capable de fédérer plusieurs actes culpeux en un seul délit, au point que le prévenu échappera à la règle de base qui est celle du cumul limité des peines, se définit comme étant une unité de mobile, chacun des actes prenant une place déterminée dans le système conçu par l’auteur pour réaliser sa fin, même s’il n’est pas nécessaire qu’en commettant le premier fait, l’auteur ait eu la prescience des suivants.
Il en résulte que l’arrêt ne viole pas l’article 65 du Code pénal en prononçant une peine distincte pour la prévention de coups au motif qu’ils n’ont pas été portés dans le cadre d’un vol mais uniquement parce que l’auteur reprochait à la victime d’avoir voulu approcher son amie.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche à la décision attaquée de motiver la peine et son aggravation par référence à son refus, pendant l’instruction, de s’avouer coupable.
En tant qu’il est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution, alors que cette disposition est étrangère au grief suivant lequel la décision n’est pas légalement justifiée, le moyen manque en droit.
Les droits de la défense sont méconnus lorsque les juges d’appel motivent le taux ou l’aggravation de la peine par la circonstance que, devant ses juges, le prévenu a continué à nier les faits.
Toutefois, si le prévenu a le droit de choisir librement de quelle manière il entend soutenir son innocence devant le juge, celui-ci peut tenir compte, pour l’appréciation de la personnalité du prévenu et pour la détermination du taux de la peine, de la manière dont ce dernier s’est comporté au cours de l’enquête, à l’égard des témoins, des victimes ou des autres parties.
Pour apprécier la peine, le juge peut ainsi tenir compte de l’attitude du prévenu au cours de l’instruction. Cette prise en compte n’implique pas la violation des droits de la défense.

L’arrêt énonce que, tout au long de l’enquête, le demandeur a réfuté les soupçons dirigés contre lui pour ensuite, une fois acculé par les progrès de l’enquête, minimiser son rôle tout en exerçant une pression sur les autres prévenus, les témoins et les victimes et en dissimulant les éléments susceptibles de le compromettre. Selon les juges d’appel, cette attitude, jointe à la poursuite d’activités illicites en prison, jette un doute sur la volonté d’amendement exprimée aux audiences de la cour d’appel.
Cette motivation ne viole ni l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni l’article 14.3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visés au moyen.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’ordre d’arrestation immédiate :
En raison du rejet du pourvoi dirigé contre elle, la décision de condamnation acquiert force de chose jugée.
Le pourvoi dirigé contre le mandement d’arrestation immédiate devient sans objet.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par la défenderesse N. B. :
La cour d’appel s’est déclarée sans compétence pour connaître de cette action.
Pareille décision n’infligeant aucun grief au demandeur, le pourvoi est irrecevable à défaut d’intérêt.
4. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions qui, rendues sur les actions civiles exercées par F. L., F. G., N. D. et D. C., statuent sur
a. le principe de la responsabilité :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
b. l’étendue des dommages :
L’arrêt alloue des indemnités provisionnelles, réserve à statuer quant au surplus et ajourne sine die l’examen des suites de la cause.
Pareilles décisions ne sont pas définitives au sens de l’article 420, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, et sont étrangères aux cas visés par le second alinéa de cet article.
Prématuré, le pourvoi est irrecevable.
5. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées par L.C., M. M., S. D. et F. V. :
Le demandeur n’invoque aucun moyen spécifique.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur l’action publique exercée à charge de L.K. ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les frais du pourvoi du procureur fédéral pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Condamne chacun des autres demandeurs aux frais de son ou de ses pourvois ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Lesdits frais taxés à la somme de :
Mille deux cent trente-neuf euros et trente centimes dont I) sur les pourvois de P. F. : trois cent-dix euros et quarante-quatre centimes dus ; sur le pourvoi du procureur fédéral : quatre cent soixante-trois euros et vingt centimes réservés ; III) sur le pourvoi d’A. A.: cent cinquante et un euros et nonante-deux centimes dus ; IV) sur le pourvoi de M. O.: cent cinquante-huit euros et cinquante centimes dus et V) sur le pourvoi de F. H. : cent cinquante-cinq euros et vingt-deux centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0604.F
Date de la décision : 06/10/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

La peine complémentaire que l’article 34quater, 1°, du Code pénal prévoit, peut être prononcée à l’égard des personnes qui, après avoir été condamnées à une peine d’au moins cinq ans pour les faits que cette disposition précise, sont à nouveau condamnées pour des faits similaires dans un délai de dix ans à compter du moment où la condamnation est passée en force de chose jugée; c’est donc la nouvelle condamnation, et non la perpétration des nouveaux faits, qui doit intervenir avant l’expiration du délai prescrit (1). (1) Voir les concl. du MP.

PEINE - PEINES PRIVATIVES DE LIBERTE [notice1]

L’article 47bis, § 6, 9), du Code d’instruction criminelle prévoit qu’aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le fondement de déclarations qu’elle a faites en violation des dispositions relatives au droit à la concertation confidentielle préalable ou à l’assistance d’un avocat au cours de l’audition; ces droits sont méconnus lorsque l’avertissement relatif à leur existence n’a pas été donné, lorsqu’il a été donné dans des conditions telles que leur mise en œuvre s’est avérée impossible, ou lorsqu’un obstacle matériel en a empêché l’exercice (1). (1) Voir les concl. du MP.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - AVOCAT - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice2]

Lorsqu’un suspect a été entendu selon les formes prescrites pour l’audition d’un suspect non privé de liberté, alors qu’il l’était, mais pour autre cause, cette irrégularité n’est pas substantielle puisqu’elle n’empêche pas que le prévenu a reçu, en annexe à la convocation, la communication de ses droits relatifs notamment à la concertation confidentielle et à l’assistance d’un avocat (1). (1) Voir les concl. du MP.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - AVOCAT - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice5]

Lorsque le suspect a reçu la convocation écrite emportant présomption qu’il a organisé son accès à un avocat et que cette convocation a été déposée au greffe de la prison le 17 avril 2019 alors que l’audition s’est tenue le 19 avril 2019, soit plus d’un jour libre entre les deux, il n’y a pas lieu d’appliquer la procédure prévue par l’article 2bis, §§ 2 et 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive (1). (1) Voir les concl. du MP.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - AVOCAT - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice8]

Du seul fait que le prévenu est averti d’avoir à s’expliquer sur une infraction dont l’appellation seule est mentionnée, sans détailler les circonstances de sa perpétration, il ne se déduit pas un manquement à l’obligation d’informer succinctement la personne à interroger (1). (1) Voir les concl. du MP.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice11]

L’interruption de l’audition et la communication des droits visés au paragraphe 2 de l’article 47bis du Code d’instruction criminelle, formalités requises par le paragraphe 6, 5), de cet article, concernent l’audition d’une personne qui n’était pas initialement entendue comme suspect et dont il apparaît que des faits peuvent lui être imputés (1). (1) Voir les concl. du MP.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - AVOCAT - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice13]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 34quater, 1° - 01 / No pub 1867060850

[notice2]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis, § 6, 9) - 30 / No pub 1808111701

[notice5]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis - 30 / No pub 1808111701 ;

L. du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive - 20-07-1990 - Art. 24bis/1 - 35 / No pub 1990099963

[notice8]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis - 30 / No pub 1808111701 ;

L. du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive - 20-07-1990 - Art. 2bis, § 2 et 3, et 24bis/1 - 35 / No pub 1990099963

[notice11]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis, § 2 - 30 / No pub 1808111701

[notice13]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis, § 2 et 6, 5) - 30 / No pub 1808111701


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-06;p.21.0604.f ?

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