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20/09/2021 | BELGIQUE | N°D.21.0005.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 septembre 2021, D.21.0005.F


N° D.21.0005.F
P. W.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
ORDRE DES MÉDECINS, dont le siège est établi à Schaerbeek, place de Jamblinne de Meux, 34, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0218.023.930,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les décisions rendues les
3 novembre 2020 et 12 jan

vier 2021 par le conseil d’appel d’expression française de l’Ordre des médecins.
Le 30 juin 2...

N° D.21.0005.F
P. W.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
ORDRE DES MÉDECINS, dont le siège est établi à Schaerbeek, place de Jamblinne de Meux, 34, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0218.023.930,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les décisions rendues les
3 novembre 2020 et 12 janvier 2021 par le conseil d’appel d’expression française de l’Ordre des médecins.
Le 30 juin 2021, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 30 juin 2021, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
En vertu de l’article 20, § 1er, alinéa 3, de l’arrêté royal n° 79 du
10 novembre 1967 relatif à l’Ordre des médecins, dans les cas de plainte, le bureau du conseil provincial chargé d’instruire l’affaire s'efforce d'amener l'accord des parties et dresse éventuellement un procès-verbal de conciliation.
Le défaut de tentative de conciliation n'a pas pour effet que la procédure et la condamnation du demandeur en résultant sont entachées de nullité.
En tant qu’il fait grief aux sentences attaquées de violer cette disposition légale, le moyen ne peut être accueilli.
Dans la mesure où il fait grief à la sentence attaquée du 12 janvier 2021 de, en déclarant établi le manquement reproché au demandeur sans qu’aucune tentative de conciliation ait été tentée, violer le droit du demandeur à un procès équitable, le moyen, qui n’indique pas en quoi ce droit serait violé, est imprécis, partant, irrecevable.
Par ailleurs, il ressort des dernières conclusions du demandeur que celui-ci demandait sa confrontation avec le plaignant, non pour les besoins de la tentative de conciliation, mais en raison de la nécessité de réunir les preuves des charges retenues et de procéder à une instruction complète de la cause.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Enfin, en tant qu’il reproche au conseil d’appel d’avoir procédé à l’audition du demandeur le 23 juin 2020 à 16h53 pour l’entendre suite à la plainte exprimée à son égard par le plaignant, le moyen, qui n’est dirigé contre aucune des décisions attaquées, est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
Il résulte des articles 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 4, § 1er, du Septième protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que du principe général du droit non bis in idem, qu’une seconde poursuite est interdite du chef de faits identiques ou substantiellement les mêmes qui, après une première poursuite, ont déjà donné lieu à une décision irrévocable de condamnation ou d’acquittement, pour autant que ces poursuites concernent une même personne.
Il est entendu par faits identiques ou substantiellement les mêmes un ensemble de circonstances de fait concrètes indissociablement liées entre elles dans le temps ou dans l’espace. Les faits en tant que tels doivent être identiques ou substantiellement les mêmes, non les infractions ou la qualification des faits.
Il relève de l’appréciation souveraine du juge du fond d’examiner si les faits dont il est saisi et ceux qui ont été précédemment jugés constituent un ensemble de circonstances de fait concrètes indissociablement liées entre elles dans le temps ou dans l’espace.
Des considérations de la décision attaquée du 12 janvier 2021 « que le grief qui est présentement fait [au demandeur] est de même nature que celui qui lui a été reproché antérieurement et pour lequel il a été sanctionné par une décision prise le 26 novembre 2019 par le [même] conseil d’appel », que, « dans les deux cas, mais à des dates différentes, la prévention porte sur le non-respect de l’information préalable et complète du patient » et qu’il s’agit « de la manifestation successive et continue du même comportement négligent », il ne ressort pas que, aux yeux du conseil d’appel, les faits ayant donné lieu à la décision du 26 novembre 2019 et ceux faisant l’objet des décisions attaquées constituent un ensemble de circonstances de fait concrètes indissociablement liées entre elles dans le temps ou dans l’espace.
Le moyen, qui invite la Cour à substituer son appréciation à celle contraire du conseil d’appel, ce qui excède ses pouvoirs, est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Après avoir énoncé que, « s’il est bien exact que, dans sa note d’observation en vue de l’audience d’enquête du 23 juin 2020, le conseil du [demandeur] demandait que soi[t] entendu […] ‘le directeur du bureau du conseil provincial de l’Ordre des médecins de Bruxelles et du Brabant wallon, devenu président du conseil provincial’ », et que « le seul reproche qui pourrait être fait à la commission d’enquête est de n’avoir pas entendu le président du bureau du conseil provincial de Bruxelles et du Brabant wallon qui aurait émis à deux reprises des commentaires désobligeants mettant en cause la probité et la compétence du [demandeur] », la décision attaquée du 12 janvier 2021 considère qu’« il n’apparaît pas toutefois que cette audition aurait été nécessaire ou même utile pour le jugement de la cause dans la mesure où le conseil d’appel n’entend pas se fonder sur les appréciations émises par le président du bureau du conseil provincial, lesquelles n’apportent rien et ne sont pas des éléments de preuve », et que « sont perçus comme suffisants pour le jugement de la cause la plainte et les pièces déposées par le plaignant en instance, les explications écrites adressées par le [demandeur] au président du conseil provincial de Bruxelles et du Brabant wallon de l’Ordre des médecins après que cette plainte lui a été communiquée [et] les travaux de la commission d’enquête mise en place le 3 mars 2020 ».
Dès lors qu’elle n’accorde pas de valeur probante aux déclarations du président du bureau du conseil provincial de Bruxelles et du Brabant wallon, en refusant l’audition de celui-ci, cette décision ne viole ni le droit du demandeur à un procès équitable ni les articles 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Par ailleurs, la décision attaquée du 12 janvier 2021 considère que « l’audition du directeur médical du […], est inutile », qu’« il est acquis en effet que le patient a, dans un premier temps, contacté cet établissement hospitalier pour se plaindre du [demandeur] et que c’est à ce moment qu’il lui a été conseillé par une dame R. de porter plainte contre lui », que « cela ne permet pas de conclure, ainsi que le [demandeur] le fait, que l’institution hospitalière est le véritable plaignant ou que la plainte est orchestrée par […] » et que « le véritable plaignant est le patient S.B. ; [que] les contours du litige qui oppose […] au [demandeur] sont sans incidence sur la plainte [du patient] ».
Ces motifs, que ne critique pas le moyen, suffisent à fonder la décision de ne pas ordonner l’audition de cette personne.
Dirigé contre la considération surabondante que cette demande d’audition est tardive, le moyen, qui ne saurait entraîner la cassation, est, dans cette mesure, dénué d’intérêt, partant, irrecevable.
Enfin, s’agissant de la demande de confrontation avec le plaignant, la décision attaquée du 12 janvier 2021 énonce que, « dans sa note d’observation en vue de l’audience d’enquête du 23 juin 2020, le conseil du [demandeur] demandait que soi[t] entendu ‘le plaignant (S.B.), en vue de connaître sa position réelle, dans la mesure où les pièces du dossier montrent qu’il a été largement influencé par les autorités médicales […], qui lui ont conseillé de déposer la plainte litigieuse’ », que, « lorsqu’il a été entendu le 23 juin 2020 par la commission d’enquête, le [demandeur], pas plus que son conseil, n’a demandé une confrontation avec le plaignant », que « la demande de confrontation formulée dans les conclusions du 27 novembre 2020 est tardive et [qu’]il n’y a pas lieu d’y faire droit », que « la version présentée par le patient S.B., [que la décision attaquée reproduit], est en effet tout à fait claire », que « celle du [demandeur, que la décision attaquée reproduit], est tout aussi claire », et que « les positions du plaignant et du [demandeur] sont donc tout à fait claires et bien connues et [qu’]il est trop tard, la polysomnographie à domicile ayant été réalisée en mai 2018, pour réaliser une confrontation que le [demandeur] n’a pas demandée lorsque le plaignant et lui-même ont été entendus par la commission d’enquête le 23 juin 2020 ».
D’une part, le moyen, qui soutient que la confrontation avec le plaignant avait été demandée dans la note d’observation du demandeur en vue de l’audience du 23 juin 2020 mais qui ne fait pas grief à ladite décision attaquée de, en considérant qu’une telle confrontation n’avait pas été demandée, violer la foi due à la note précitée, ne saurait entraîner la cassation, partant, dénué d’intérêt, est, dans cette mesure, irrecevable.
D’autre part, cette décision attaquée n’a pas uniquement égard à la circonstance que la version présentée par le plaignant est tout à fait claire mais également à celle que la version du demandeur est tout aussi claire et que, dès lors, « les positions du plaignant et du [demandeur] sont donc tout à fait claires et bien connues ».
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent vingt-deux euros huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt septembre deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : D.21.0005.F
Date de la décision : 20/09/2021
Type d'affaire : Autres - Droit international public - Droit européen

Analyses

Le défaut de tentative de conciliation par le bureau du conseil provincial chargé d’instruire l’affaire, dans les cas de plainte, n’a pas pour effet que la procédure et la condamnation en résultant sont entachées de nullité (1). (1) Voir les concl. du MP.

ART DE GUERIR - ORDRES PROFESSIONNELS - MEDECIN - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE DISCIPLINAIRE [notice1]

Est irrecevable le moyen qui n'indique pas en quoi les articles que vise le moyen auraient été violés (1). (1) Voir les concl. du MP.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE DISCIPLINAIRE - Moyen imprécis

Une seconde poursuite est interdite du chef de faits identiques ou substantiellement les mêmes qui, après une première poursuite, ont déjà donné lieu à une décision irrévocable de condamnation ou d’acquittement, pour autant que ces poursuites concernent une même personne; il est entendu par faits identiques ou substantiellement les mêmes un ensemble de circonstances de fait concrètes indissociablement liées entre elles dans le temps ou dans l’espace; les faits en tant que tels doivent être identiques ou substantiellement les mêmes, non les infractions ou la qualification des faits (1). (1) Cass. 4 juin 2019, RG P.18.0407.N, Pas. 2019, n°341.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers [notice5]

Une seconde poursuite est interdite du chef de faits identiques ou substantiellement les mêmes qui, après une première poursuite, ont déjà donné lieu à une décision irrévocable de condamnation ou d’acquittement, pour autant que ces poursuites concernent une même personne; il est entendu par faits identiques ou substantiellement les mêmes un ensemble de circonstances de fait concrètes indissociablement liées entre elles dans le temps ou dans l’espace; les faits en tant que tels doivent être identiques ou substantiellement les mêmes, non les infractions ou la qualification des faits (1). (1) Cass. 4 juin 2019, RG P.18.0407.N, Pas. 2019, n° 341.

DROITS DE L'HOMME - PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES - UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Principes - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT [notice6]

Il relève de l’appréciation souveraine du juge du fond d’examiner si les faits dont il est saisi et ceux qui ont été précédemment jugés constituent un ensemble de circonstances de fait concrètes indissociablement liées entre elles dans le temps ou dans l’espace (1). (1) Cass. 4 juin 2019, RG P.18.0407.N, Pas. 2019, n° 341.

APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND [notice9]

Est irrecevable le moyen qui invite la Cour à substituer son appréciation à celle contraire du conseil d’appel, ce qui excède ses pouvoirs.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE DISCIPLINAIRE - Appréciation souveraine par le juge du fond

Un moyen qui ne critique pas une motivation justifiant de manière indépendante une décision, ne saurait entraîner la cassation et est, à défaut d'intérêt, irrecevable (1). (1) Voir les concl. du MP; voir aussi Cass. 30 novembre 2000, RG D.00.0023.F. Pas. 2000, n°659.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE DISCIPLINAIRE - Intérêt

Est sans intérêt, partant, irrecevable le moyen qui critique un motif surabondant de la décision attaquée (1). (1) Voir les concl. du MP; voir aussi Cass. 23 mars 1973, Bull. et Pas. 1973, I, 700; Cass. 18 janvier 1974 , Bull. et Pas., 1974, I, 526.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE DISCIPLINAIRE - Intérêt


Références :

[notice1]

A.R. n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des Médecins - 79 - 10-11-1967 - Art. 20, § 1er, al. 3 - 08 / No pub 1967111040

[notice5]

Pacte international relatif aux droits civils et politiques - 19-12-1966 - Art. 14.7 - 31 / Lien DB Justel 19661219-31 ;

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 4, § 1er - 33 / Lien DB Justel 19841122-33 ;

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 12 décembre 2007 - 12-12-2007 - Art. 50 ;

Principe général du droit 'non bis in idem'

[notice6]

Pacte international relatif aux droits civils et politiques - 19-12-1966 - Art. 14.7 - 31 / Lien DB Justel 19661219-31 ;

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 4, § 1er - 33 / Lien DB Justel 19841122-33 ;

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 12 décembre 2007 - 12-12-2007 - Art. 50 ;

Principe général du droit 'non bis in idem'

[notice9]

Pacte international relatif aux droits civils et politiques - 19-12-1966 - Art. 14.7 - 31 / Lien DB Justel 19661219-31 ;

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 4, § 1er - 33 / Lien DB Justel 19841122-33 ;

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 12 décembre 2007 - 12-12-2007 - Art. 50 ;

Principe général du droit 'non bis in idem'


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-09-20;d.21.0005.f ?

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