N° C.20.0562.F
1. BAM GALÈRE, société à responsabilité limitée, anciennement GALERE,
société anonyme, dont le siège est établi à Chaudfontaine, rue Joseph Dupont,
73, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro
0424.078.555,
2. BAM CONTRACTORS, société à responsabilité limitée, dont le siège est
établi à Bruxelles, avenue Antoon van Oss, 1, inscrite à la banque-carrefour
des entreprises sous le numéro 0452.702.265,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre du Climat, de l'Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures, dont le cabinet est établi à Namur, rue d'Harscamp, 22,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 avril 2020 par la cour d'appel de Liège.
Le 9 juin 2021, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demanderesses présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Aux termes de l'article 2 de l'ancien Code civil, on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
En vertu de l'article 19, alinéa 1er, de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, applicable au litige, l'exécution conjointe de travaux, de fournitures ou de services pour compte de pouvoirs adjudicateurs différents peut, dans l'intérêt général, faire l'objet d'un marché unique.
L'article 19, alinéa 2, de cette loi, qui dispose que les personnes intéressées désignent l'autorité ou l'organe qui interviendra, en leur nom collectif, à l'attribution et à l'exécution du marché, est d'ordre public.
Il s'ensuit qu'en cas de marché conjoint, l'autorité désignée a seule la qualité de cocontractant de l'adjudicataire, partant, est le débiteur du prix de l'ensemble de ces travaux conjoints, sans qu'il soit permis d'y déroger.
L'arrêt constate qu'en vertu d'« une convention de marché conjoint du 29 août 2013, [la défenderesse] est désignée comme maître de l'ouvrage des travaux et chargée de la procédure de passation et d'attribution d'un marché public de travaux » à Seraing comportant dix divisions dont l'une est à la charge de la société Proximus, que, dans le cadre de l'exécution de ce marché, les demanderesses, dont l'offre a été retenue, sont « confrontées à une difficulté » nécessitant des travaux complémentaires d'un montant de 53.000 euros qu'elles facturent à la société Proximus et que, face au refus de cette dernière de payer, les demanderesses réclament ce montant à la défenderesse « en sa qualité de pouvoir adjudicateur responsable ».
Il relève que, selon l'article 15, § 1er, du cahier spécial des charges, « l'adjudicataire établit des déclarations de créances et factures distinctes en fonction de la division pour le compte de laquelle les travaux ont été réalisés [et] chaque pouvoir adjudicateur dégage toute responsabilité en cas de retard de paiement ou de non-paiement pour les travaux qui concernent un autre pouvoir adjudicateur ».
Il considère, d'une part, que « ces dispositions [...] s'imposent [aux demanderesses], s'agissant du cahier spécial des charges sur la base duquel [la société momentanée constituée par les demanderesses] a remis une offre et s'est vue adjuger le marché public », que « les factures ne peuvent être adressées dans leur ensemble [à la défenderesse] en sa qualité de pouvoir adjudicateur délégué », qu'« il s'impose à l'adjudicataire d'identifier la division à laquelle se rapportent les travaux effectués et de les facturer à l'opérateur qui en est le pouvoir adjudicateur », d'autre part, qu'« aucune disposition [...] du cahier général des charges des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et des concessions de travaux publics annexé à l'arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d'exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics ne met à la charge de [la défenderesse] le paiement de tous les travaux ».
L'arrêt, qui décide que les travaux litigieux « entraient dans le champ de la division 10 » incombant à la société Proximus dès lors qu'ils « sont une alternative au déplacement des câbles de [cette société] présents sous la voirie [...] à une profondeur insuffisante » et considère que la défenderesse se prévaut à juste titre des « dispositions du cahier spécial des charges, qui sont régulières, pour refuser son intervention », les demanderesses étant « soumises à [l']obligation de facturation directe à l'opérateur économique ou concessionnaire de la division à laquelle se rattachent les travaux dont il est poursuivi paiement », viole les dispositions légales précitées.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel et la demande en déclaration d'arrêt commun et la dit sans objet ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.