N° C.20.0073.F
1. M.-L. D., et
2. A. C.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
J. B.,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 11 juin 2019 par la cour d’appel de Mons.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Quant au second rameau :
Aux termes de l’article 82, alinéa 1er, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, applicable au litige, si le failli est déclaré excusable, il ne peut plus être poursuivi par ses créanciers.
Les dettes pour lesquelles le failli ne peut plus être poursuivi sont celles qui existent au jour de l’ouverture de la faillite.
Aux termes de l’article 2011 de l’ancien Code civil, celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
En vertu de l’article 2028, alinéa 1er, de ce code, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal.
L’article 2029 du même code dispose que la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.
Conformément à l’article 2032, la caution, même avant d’avoir payé, peut agir contre le débiteur pour être par lui indemnisée, lorsqu’elle est poursuivie en justice pour le payement, lorsque le débiteur a fait faillite ou est en déconfiture et lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme sous lequel elle avait été contractée.
Il s’ensuit que, si le droit de recours de la caution à l’égard du débiteur principal ne devient, en règle, exigible que lorsqu’elle satisfait à l’obligation de ce dernier, ce droit existe dès la naissance de l’engagement de la caution.
Il en résulte que le droit de recours né d’un engagement antérieur à la déclaration de faillite du débiteur principal ne peut plus être exercé contre ce dernier déclaré excusable, lors même que l’exécution par la caution de son engagement est postérieure à la déclaration de faillite.
L’arrêt constate que, par un acte du 21 octobre 1993, la défenderesse et son défunt mari « ont affecté leur immeuble d’habitation privé […] en garantie de l’ouverture de crédit de 5.000.000 francs consentie à leur fille et à leur gendre, [les demandeurs], dans le cadre des activités commerciales de leur fille », que celle-ci « a été déclarée en faillite sur aveu le 22 mai 2006 [et que] cette faillite fut clôturée par un jugement du tribunal de commerce de Tournai le 20 juin 2011 [la déclarant] excusable », que, par un arrêt du 17 septembre 2013, la cour d’appel de Mons a « dit pour droit que, en tant que [la défenderesse] est engagée en qualité d’affectante hypothécaire, […] il n’y avait pas lieu à accorder la décharge prévue par l’article 80 de la loi sur les faillites [et que], pour ce qui excède cet engagement, [elle est] déchargée de son engagement en qualité de codébiteur solidaire et indivisible de [la demanderesse] », et que l’immeuble de la défenderesse a été vendu au bénéfice de la banque en 2014.
Il relève, sans être critiqué, que la demanderesse « exerce un recours propre valablement fondé sur l’article 2028 du Code civil » en vue d’obtenir le remboursement de ce qu’elle a payé, et non un recours subrogatoire.
L’arrêt, qui considère que « la créance de la caution contre le débiteur principal ne naît qu’au moment du paiement » et que « la créance de [la défenderesse] n’est née que bien après la clôture de la faillite, soit lorsque le créancier a décidé de poursuivre l’exécution de sa garantie et que sa créance a effectivement été prélevée sur le prix de vente de l’immeuble », et que, même si la « créance [de la défenderesse] trouvait son fondement dans […] l’acte d’ouverture de crédit du 21 octobre 1993, […] elle ne se trouvait pas encore, même en germe, dans le patrimoine de [la défenderesse] avant le défaut de paiement [des demandeurs], la clôture de la faillite, la décision d’exécution du créancier et le paiement finalement fait à son profit » et « ne constituait au mieux qu’une simple prévision », ne justifie pas légalement sa décision que, « lorsque la caution exerce son recours personnel postérieurement à la clôture de la faillite, celui-ci ne saurait être tenu en échec par la déclaration d’excusabilité ».
Le moyen, en ce rameau, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.