N° C.20.0418.N
DEJONCKHEERE, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. D. D.,
2. F. D.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 17 janvier 2020 par la cour d’appel de Gand.
Par ordonnance du 11 mars 2021, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. Sauf disposition contraire expressément prévue par la loi, l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable.
2. À cet égard, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause, notamment la manière dont la preuve a été obtenue, les circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise, la gravité de l’illégalité et la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé, le besoin de preuve de la part de la partie qui a commis l’illégalité et l’attitude de la partie adverse.
3. Tels qu’ils ressortent de l’arrêt, les éléments de fait sont les suivants :
- le 7 octobre 2017, les défendeurs ont acheté auprès de la demanderesse un véhicule de la marque BMW, modèle X5 ;
- un différend est survenu entre les parties quant au prix d’achat ;
- un montant de 43.500 euros était mentionné sur le bon de commande établi par la demanderesse ;
- selon la demanderesse, il s’agit d’une erreur matérielle et le prix de 53.500 euros aurait dû être mentionné ;
- pour preuve de la véracité de ses allégations, la demanderesse produit l’enregistrement d’une conversation téléphonique tenue avec le défendeur.
4. En écartant des débats cet enregistrement sonore « comme ayant été obtenu de manière illégale », au simple motif qu’il « a été effectué secrètement », que les parties « étaient déjà engagées dans un litige et qu’une discussion avait déjà eu lieu concernant le prix de vente », qu’« il semble fort que certaines déclarations aient été provoquées par [la demanderesse] afin de se procurer une preuve et avec l’intention d’utiliser cette déclaration contre [les défendeurs] », et que « la demande aurait pu être prouvée par d’autres moyens légaux », le juge d’appel n’a pas légalement justifié sa décision.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour,
statuant à l’unanimité,
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel d’Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les conseillers Antoine Lievens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du quatorze juin deux mille vingt et un par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.