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09/06/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0298.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 juin 2021, P.21.0298.F


N° P.21.0298.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
B. L.,
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Pierre Monville et Mona Giacometti, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapp

ort.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
Le défendeur s’est vu pours...

N° P.21.0298.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
B. L.,
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Pierre Monville et Mona Giacometti, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
Le défendeur s’est vu poursuivre du chef d’abus de biens sociaux, délit prévu et puni par l’article 492bis du Code pénal.
Il ressort des constatations de l’arrêt que, docteur en médecine, le défendeur a travaillé pour un hôpital sous le couvert d’un statut d’indépendant. Le 7 août 2003, il a créé une société à laquelle il a cédé les droits et les obligations découlant de la convention le liant à l’hôpital. La mise en société de ses revenus n’obéissait qu’à des raisons fiscales. Pendant dix ans, il s’est fait rémunérer par des prélèvements passés en compte courant associé, mais sans payer d’impôt, créant ainsi un arriéré fiscal important.
L’infraction reprochée au défendeur consiste à avoir fait supporter par la société, depuis sa création aux fins précisées ci-dessus jusqu’à la fin de l’année 2014, un prêt et des dépenses privées pour un montant égal à celui du compte courant arrêté au dernier jour de la période délictueuse.
L’arrêt attaqué acquitte le défendeur de cette infraction, au titre d’un doute quant à l’existence de son élément moral, étant la connaissance que l’agent doit avoir du caractère significativement préjudiciable de l’usage qu’il a fait des fonds de la personne morale.
Ce doute, la cour d’appel l’a déduit, d’une part, de la circonstance que le défendeur est à l’origine de tous les revenus de la société ainsi que l’unique bénéficiaire des gains réalisés par celle-ci et, d’autre part, de la circonstance que c’est le défendeur qui, poursuivi par le fisc, supporte en fin de compte le poids de la dette d’impôt générée par sa gestion désordonnée de la société.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la fin de non-recevoir opposée à la première branche du deuxième moyen et déduite de ce que la critique qu’elle élève se heurte à l’appréciation souveraine des juges du fond :
Le moyen ne postule pas la censure d’une appréciation en fait. Il sollicite que la Cour vérifie si, des éléments de fait constatés par le juge du fond, celui-ci a pu déduire la conséquence qu’il en tire.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le deuxième moyen :
Quant aux deux premières branches réunies :
L’article 492bis du Code pénal, dont le moyen accuse la violation, sanctionne notamment le dirigeant d’une personne morale qui, frauduleusement, utilise les biens sociaux non dans l’intérêt de cette personne morale mais dans son propre intérêt.
L’intention frauduleuse caractérisant ce délit consiste à agir à des fins contraires à l’intérêt social, en étant conscient que l’usage fait des actifs de la personne morale infligera à celle-ci un préjudice significatif.
L’arrêt constate que le défendeur a manifestement géré la société de manière déplorable, et qu’il lui a causé un dommage, puisqu’en asséchant sa trésorerie, il a exposé la société à se voir taxée sur des revenus qu’elle n’avait pas, invitée à payer des intérêts et des majorations, frappée par des saisies-arrêts et des contraintes exécutées d’office.
De la circonstance qu’après coup, le gérant, producteur et bénéficiaire des rémunérations mises en société, s’est vu chargé de la dette d’impôt y afférente, il ne se déduit pas qu’une atteinte préjudiciable n’ait pas été portée au patrimoine distinct de la personne morale, ni que le défendeur ait pu en ignorer la réalité.
Les juges d’appel n’ont, dès lors, pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner les premier et troisième moyens, ni le surplus du deuxième, lesquels ne sauraient entraîner la cassation dans des termes autres que ceux libellés ci-dessous.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il acquitte le défendeur ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf juin deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0298.F
Date de la décision : 09/06/2021
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'article 492bis du Code pénal sanctionne notamment le dirigeant d'une personne morale qui, frauduleusement, utilise les biens sociaux non dans l'intérêt de cette personne morale mais dans son propre intérêt; l'intention frauduleuse caractérisant ce délit consiste à agir à des fins contraires à l'intérêt social, en étant conscient que l'usage fait des actifs de la personne morale infligera à celle-ci un préjudice significatif (1). (1) Voir Cass. 18 mars 2020, RG P.19.1299.F, Pas. 2020, n° 200, avec concl. MP.

ABUS DE CONFIANCE - Notion [notice1]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 492bis - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-09;p.21.0298.f ?

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