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09/06/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0028.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 juin 2021, P.21.0028.F


N° P.21.0028.F
1. H. M.,
prévenu et partie civile,
2. D.M.H., société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Weiswampach (Grand-Duché de Luxembourg), Am Hock, 2
partie civile,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d'Eupen,
contre
1. W. R.,
prévenu et partie civile,
2. F. S.,
partie civile,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Rédigés en allemand, les pourvois sont dirigés contre un jugement rendu dans cette langue le 25 novembre 2020 par le tribunal correctio

nnel d'Eupen, statuant en degré d'appel.
Les demandeurs invoquent cinq moyens dans un mémoire commun ann...

N° P.21.0028.F
1. H. M.,
prévenu et partie civile,
2. D.M.H., société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Weiswampach (Grand-Duché de Luxembourg), Am Hock, 2
partie civile,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d'Eupen,
contre
1. W. R.,
prévenu et partie civile,
2. F. S.,
partie civile,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Rédigés en allemand, les pourvois sont dirigés contre un jugement rendu dans cette langue le 25 novembre 2020 par le tribunal correctionnel d'Eupen, statuant en degré d'appel.
Les demandeurs invoquent cinq moyens dans un mémoire commun annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Par ordonnance du 19 janvier 2021, le premier président de la Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l'audience.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi de M. H., prévenu :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique exercée à sa charge :
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur est, notamment, poursuivi du chef de délit de fuite.
Le moyen fait grief au jugement de considérer qu'eu égard aux traces constatées sur les véhicules accidentés et à la déclaration du demandeur à la police, il est établi que les deux véhicules se sont touchés et que le demandeur s'en est rendu compte.
Selon le moyen, les juges d'appel ont ainsi violé la foi due au dossier répressif et, notamment, aux procès-verbaux 1860/2019 et 1705/2019, dès lors que ni l'un ni l'autre ne relate que le demandeur aurait déclaré avoir ressenti un heurt au moment du dépassement.
Dans la mesure où il vise le dossier répressif, le grief est irrecevable à défaut de précision.
Pour énoncer la considération critiquée, le jugement renvoie aux déclarations faites par le prévenu à la police mais il ne se réfère pas à l'un des procès-verbaux désignés par le demandeur comme étant l'acte contenant la déclaration que les juges d'appel auraient mal lue. Le tribunal n'a pu, dès lors, violer la foi due aux pièces invoquées.
Le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Devant le tribunal correctionnel, le demandeur avait sollicité, à titre subsidiaire, le bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation, au motif que l'inscription au casier judiciaire d'une peine du chef de coups ou blessures volontaires entraînerait, pour lui, la perte du permis de chasse dont il est titulaire, ce qui constituerait une peine disproportionnée. Il a également demandé, à titre subsidiaire, qu'une déchéance du droit de conduire soit limitée aux véhicules de la catégorie B dès lors que, en tant que gérant d'une scierie faisant commerce avec des producteurs de bois étrangers, il doit pouvoir se déplacer, sous peine de mettre en danger l'emploi de ses collaborateurs.
Pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 195 du Code d'instruction criminelle et 3, alinéa 4, de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, le moyen reproche au jugement de ne pas motiver le rejet de ces demandes.
En vertu de l'article 3, alinéa 4, précité, la décision ordonnant ou refusant la suspension doit être motivée conformément aux dispositions de l'article 195 du Code d'instruction criminelle.
Conformément à cette dernière disposition, la décision de condamnation doit indiquer, d'une manière qui peut être succincte mais doit être précise, les raisons du choix que le juge fait de telle peine ou mesure parmi celles que la loi lui permet de prononcer. Il justifie en outre le degré de chacune des peines prononcées.
Le juge ne doit répondre qu'aux véritables moyens, c'est-à-dire à l'énonciation par une partie d'un fait, d'un acte ou d'un texte d'où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d'une demande, d'une défense ou d'une exception. Il n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
Le jugement énonce que, pour la prévention de coups ou blessures volontaires et les infractions au code de la route, le demandeur doit être sanctionné par une amende beaucoup plus sévère que celle infligée par le premier juge, compte tenu de son comportement incontrôlé et de sa dangereuse brutalité.
Il considère, par ailleurs, que le délit de fuite constitue une atteinte à ce point grave à la possibilité de procéder aux constatations de l'accident et de réclamer éventuellement des dommages et intérêts qu'il y a lieu de sanctionner cette infraction par une amende et une déchéance du droit de conduire sévères.
Par ces considérations, les juges d'appel ont donné à connaître les raisons qui les ont amenés à rejeter la demande de suspension du prononcé et celle relative à la limitation de la déchéance du droit de conduire, sans qu'ils soient tenus de répondre à chacun des arguments invoqués à l'appui de ces demandes.
Ainsi, les juges d'appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen invoque la violation de l'article 33 de la loi relative à la police de la circulation routière.
Le demandeur soutient que le jugement ne pouvait déduire l'élément moral du délit de fuite, à savoir la volonté de se soustraire aux constatations utiles, du seul fait de ne pas s'être arrêté.
Sur la base d'une appréciation en fait qu'il n'appartient pas à la Cour de censurer, les juges d'appel ont énoncé que, eu égard aux traces constatées sur les véhicules accidentés et à la déclaration du demandeur faite à la police, il y a lieu de considérer que les véhicules se sont touchés lors du dépassement et que le demandeur s'en est rendu compte. Il ajoute que, dès lors que le demandeur ne s'est pas arrêté sur les lieux de l'accident et qu'il n'a pas convenu avec le défendeur de s'arrêter ensemble un peu plus loin, il ne peut qu'en être conclu que l'omission de s'arrêter résulte de la volonté du demandeur de se soustraire aux constatations utiles.
Par ces considérations, le jugement ne se borne pas à déduire, dans le chef du demandeur, l'existence de l'élément moral du seul fait de son éloignement du lieu de l'accident.
Le moyen manque en fait.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par le défendeur :
Sur le premier moyen :
Quant à la seconde branche :

Le moyen reproche au jugement attaqué de décider que l'entière responsabilité du dommage subi par le défendeur à la suite des coups qui lui ont été portés par le demandeur incombe à ce dernier. Il soutient que, ce faisant, les juges d'appel ont commis un excès de pouvoir dès lors que le défendeur n'avait pas interjeté appel contre le jugement entrepris qui a décidé d'un partage de responsabilité.
Commet un excès de pouvoir le juge qui statue sur une question litigieuse dont il n'est pas saisi dès lors qu'elle a été définitivement jugée dans la même cause et entre les mêmes parties.
Par ailleurs, sur le seul appel du prévenu contre un jugement déterminant sa part de responsabilité dans le dommage subi par la partie civile, le juge d'appel ne peut aggraver cette part.
Le tribunal de police, qui a reconnu le demandeur coupable de coups ou blessures volontaires à l'égard du défendeur, a décidé que ce dernier devait supporter un quart de son dommage en raison de sa propre faute.
Il n'apparaît pas de la procédure que le défendeur ait interjeté appel de cette décision.
En statuant sur une question litigieuse tranchée par un jugement non frappé d'appel, le tribunal correctionnel a méconnu sa saisine et, partant, commis un excès de pouvoir.
Le moyen est fondé.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par la défenderesse :
Le demandeur n'invoque aucun moyen.

B. Sur les pourvois de M. H. et de la société D.M.H., parties civiles :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le jugement attaqué déclare le tribunal sans compétence pour connaître des actions civiles exercées par les demandeurs contre R. W.
Cette décision prend appui sur l'acquittement du défendeur, prononcé par les juges d'appel alors que ceux-ci n'étaient pas saisis d'un appel interjeté par R. W. contre sa condamnation, non plus que d'un appel du ministère public contre celle-ci.
D'où il suit que la décision d'incompétence procède de l'excès de pouvoir dénoncé par le moyen.
Le moyen est fondé.
Il n'y a pas lieu d'examiner le cinquième moyen ni la seconde branche du deuxième, lesquels ne sauraient entraîner une cassation plus étendue que celle à prononcer ci-après.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Casse le jugement attaqué en tant qu'il statue, d'une part, sur l'action civile exercée par R.W. contre M. H. et, d'autre part, sur les actions civiles exercées par M.H. et la société D.M.H. contre R. W. ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne M. H. à la moitié des frais de son pourvoi et réserve l'autre moitié desdits frais, ainsi que les frais du pourvoi de la société D.M.H., pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel d'Eupen, siégeant en degré d'appel, autrement composé.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent vingt-quatre euros soixante-deux centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf juin deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0028.F
Date de la décision : 09/06/2021
Type d'affaire : Autres - Droit pénal - Droit civil

Analyses

Commet un excès de pouvoir le juge qui statue sur une question litigieuse dont il n’est pas saisi dès lors qu’elle a été définitivement jugée dans la même cause et entre les mêmes parties (1). (1) Cass. 26 juin 1992, RG 7861, Pas. 1992, n° 571.

EXCES DE POUVOIR - Notion [notice1]

Sur le seul appel du prévenu contre un jugement déterminant sa part de responsabilité dans le dommage subi par la partie civile, le juge d’appel ne peut aggraver cette part (1). (1) Voir Cass. 3 mars 2009, RG P.08.1842.N, Pas. 2009, n° 168.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Effets. Compétence du juge - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - OBLIGATION DE REPARER - Victime coresponsable [notice2]

Lorsqu’elle statue sur une question litigieuse tranchée par un jugement non frappé d’appel, la juridiction d’appel méconnaît sa saisine et, partant, commet un excès de pouvoir.

EXCES DE POUVOIR - Conséquence - APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Effets. Compétence du juge [notice4]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 19 - 01 / No pub 1967101052

[notice2]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 199 et 202 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 19 - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-09;p.21.0028.f ?

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