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03/06/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0463.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 juin 2021, C.20.0463.F


N° C.20.0463.F
M. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
A. G. K.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu l

e 6 décembre 2019 par la cour d’appel de Liège.
Le 19 mai 2021, l’avocat général Philippe de Koster...

N° C.20.0463.F
M. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
A. G. K.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 6 décembre 2019 par la cour d’appel de Liège.
Le 19 mai 2021, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 2, étant l’article 6 renuméroté par la loi du 18 juin 2018, tel qu’il était applicable au jour de la prononciation de l’arrêt, et 6, tel qu’il était appliqué et interprété avant l’entrée en vigueur du Code de droit international privé, du Code civil ;
- article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu’il était applicable au moment du mariage des parties, le ... ... 2000 ;
- articles 1466 à 1469 du Code civil, tels qu’ils étaient applicables avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 2018 modifiant le Code civil et diverses autres dispositions en matière de droit des régimes matrimoniaux et modifiant la loi du 31 juillet 2017 modifiant le Code civil en ce qui concerne les successions et les libéralités et modifiant diverses autres dispositions en cette matière, et, en outre, tels qu’ils étaient applicables au jour de la prononciation de l’arrêt ;
- articles 20 et 21 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé ;
- articles 43, 63, 66 et 67 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger ;
- articles 5, 51, 52 et 53 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 fixant l’organisation judiciaire et la compétence des juridictions de la République du Niger ;
- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ;
- principe général du droit, qui s’infère notamment des articles 774 et 1138, 3°, du Code judiciaire, suivant lequel le juge est tenu, tout en respectant les droits de la défense, de déterminer la norme juridique applicable à la demande portée devant lui et d’appliquer cette norme ;
- principe général du droit, qui s’infère notamment des articles 3 du Code civil, tel qu’il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004, et 5 du Code judiciaire, suivant lequel le juge a l’obligation de rechercher et de déterminer d’office la portée du droit étranger applicable au litige en tenant compte de l’interprétation qui lui est donnée dans le pays d’origine et en recueillant, le cas échéant, les informations nécessaires dans le respect des droits de la défense, et ne peut écarter définitivement le droit applicable au motif qu’il ne peut en déterminer le contenu ;
- en tant que de besoin, coutume Djerma islamisée, applicable en République du Niger, en tant qu’elle prévoit qu’en cas de dissolution du lien conjugal par divorce ou par répudiation, c’est le régime de la séparation des biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple (selon le certificat de coutume n° 1 joint à la requête).
Décisions et motifs critiqués

Après avoir constaté que les parties, qui avaient alors toutes deux la nationalité de la République du Niger, se sont mariées à Niamey, au Niger, le ... ... 2000, l’arrêt, par confirmation du jugement entrepris, « dit pour droit que la liquidation [de leur] régime matrimonial […] devra se faire selon les règles du droit belge applicables aux époux mariés sans contrat de mariage », par les motifs suivants :
« Le Code de droit international privé, entré en vigueur le 1er octobre 2004, prévoit, en son article 127, § 1er, qu'il détermine le droit applicable aux actes et aux faits juridiques qui sont survenus après son entrée en vigueur ;
C'est dès lors à juste titre que [le demandeur] dit qu'il ne peut être fait application de l'article 15 du Code de droit international privé, les parties s'étant mariées le ... ... 2000 ;
Il y a donc lieu d'appliquer les dispositions légales de règlement des conflits de lois en vigueur avant l'entrée en vigueur du Code de droit international privé ;
La loi applicable au régime secondaire détermine l'ensemble des questions de droit relatives à la composition du patrimoine des époux, à sa gestion et aux modalités de sa liquidation […] ;
Le régime d'époux mariés sans contrat est soumis à leur loi nationale commune […] ;
La loi applicable est celle de la nationalité des époux au jour du mariage […]. Une nationalité commune acquise après le mariage est sans incidence sur la loi applicable au régime […] ;
En l'espèce, c'est théoriquement la loi nigérienne qui est applicable au régime matrimonial des parties et à sa liquidation ;
Il résulte de l'extrait de l’acte de mariage des parties qu'elles se sont mariées selon la ‘loi ou coutume musulmane’ et moyennant une dot de cinquante mille francs ;
Aux termes de l'article 63 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et la compétence des juridictions en République du Niger (disposition reprise de l'article 51 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 fixant l'organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger) :
‘Sous réserve du respect des conventions internationales régulièrement ratifiées, des dispositions législatives ou des règles fondamentales concernant l'ordre public ou la liberté des personnes, les juridictions appliquent la coutume des parties :
1. dans les affaires concernant leur capacité à contracter et agir en justice, l'état des personnes, la famille, le mariage, le divorce, la filiation, les successions, donations et testaments ;
2. dans celles qui concernent la propriété ou la possession immobilière et les droits qui en découlent, sauf lorsque le litige portera sur un terrain immatriculé ou dont l'acquisition ou le transfert aura été constaté par un mode de preuve établi par la loi’ ;
Comme déjà le premier juge, la cour [d’appel] ne dispose d'aucune information quant au contenu de la coutume musulmane applicable aux effets patrimoniaux du mariage des parties ;
Le ‘certificat de coutume n° 1’ établi par un juge du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, certifiant que les parties ont été mariées conformément à la coutume Djerma islamisée, produit par [le demandeur], impliquant que, ‘en cas de dissolution du lien conjugal (par divorce ou répudiation), c'est le régime de la séparation de biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple’, n'est pas pertinent, ne permettant pas de déterminer la teneur exacte des règles à appliquer par le notaire à la liquidation du régime matrimonial des parties, outre qu'il fait référence à la coutume Djerma islamisée, alors que l'extrait de l’acte de mariage des parties mentionne uniquement : ‘loi ou coutume musulmane’ ;
[Le demandeur] produit également un extrait du Code civil du Niger reprenant les dispositions relatives au contrat de mariage et aux droits respectifs des époux, lesquelles ne sont pas plus pertinentes, puisque les parties n'ont pas conclu de contrat de mariage et qu'il y a lieu, en application de la loi organique mentionnée ci-avant, d'appliquer la coutume des parties ;
En ce qui concerne le régime de la séparation de biens et le régime dotal, c'est à juste titre que le premier juge a mentionné que ‘le tribunal ne peut concevoir que le seul concept de « séparation de biens » et la seule mention d'une dot puissent lui suffire à résoudre, selon une interprétation conforme à celle que lui donnerait un juge nigérien, toutes les questions susceptibles de se poser dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des parties ayant été mariées pendant près de dix-huit ans’ ;
La possibilité invoquée par [le demandeur] de faire appel à des avocats nigériens pour déterminer le contenu exact du droit applicable ne permettra pas de résoudre la question, la cour [d’appel] constatant une contrariété dans les avis juridiques remis par les avocats nigériens contactés par les parties ;
Un notaire belge - et à sa suite le premier juge - ne serait pas en mesure de liquider le régime matrimonial des parties en appliquant le droit coutumier nigérien, celui-ci étant indéterminable, s'agissant d'une coutume qui n'est pas connue de manière formelle et est évolutive, devant être constatée par le juge nigérien à travers ce qui lui en est dit par les assesseurs qui l'assistent dans sa tâche ;
Cela résulte de l'article 43 de la loi organique mentionnée ci-avant : ‘pour le jugement des affaires prévues aux articles 66 et suivants de la présente loi, le président ou le juge d'instance doit s'adjoindre deux assesseurs représentant la coutume des parties’, l'article 66 de la même loi précisant : ‘en cas de conflit de coutumes, il est statué 1. selon la coutume de la femme si celle-ci est nigérienne ; dans le cas contraire, selon la coutume de l'époux dans les questions intéressant le mariage et le divorce ou l'attribution de la garde de l'enfant et le sort de l'épouse en cas de rupture de mariage par divorce, répudiation ou décès de l'un des conjoints’ ;
[…] Selon un arrêt de la Cour de cassation du 12 décembre 1985, le juge qui se trouve dans l'impossibilité de déterminer le sens et la portée du droit étranger applique légalement le droit belge à titre provisoire (Cass., 12 décembre 1985, Pas., 1986, I, 478) : ‘s'il appartient au juge, saisi d'une demande fondée sur une disposition de droit étranger, de déterminer le sens et la portée de ce droit, le cas échéant après avoir recueilli à ce sujet les informations nécessaires, en respectant les droits de la défense, il est toutefois fait exception à cette règle lorsque l'urgence oblige le juge belge à statuer avant d'avoir pu recueillir lesdites informations ; en pareil cas, il applique légalement la loi belge à titre provisoire’ ;
Si les mesures relatives à la personne et aux biens d'époux et d'enfants de nationalité étrangère doivent être prises, en règle, conformément à la loi du statut personnel, il est toutefois fait exception à cette règle, non seulement quand l'ordre public international belge s'oppose à l'application en Belgique du droit étranger, mais aussi lorsque l'urgence oblige le juge belge à statuer avant d'avoir pu recueillir les informations nécessaires à l'application de ce droit ; en pareil cas, le juge applique légalement la loi belge à titre provisoire ;
En l'espèce, à défaut pour la cour [d’appel] de pouvoir déterminer le contenu de la coutume musulmane nigérienne qui régit les effets du régime matrimonial des parties, ce qui est contraire à l'ordre public belge, et dès lors qu'il y a urgence à pouvoir entamer les opérations de liquidation du régime matrimonial des parties, il y a lieu de faire application du droit belge, plus particulièrement des règles applicables aux époux mariés sans contrat de mariage, les parties n'en ayant pas conclu ».
Griefs
Première branche
1. Après avoir constaté que les parties se sont mariées sans avoir conclu de contrat de mariage à Niamey, au Niger, le ... ... 2000, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, alors qu'elles avaient toutes deux la nationalité de la République du Niger, l'arrêt décide à juste titre, conformément à l'article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était applicable le ... ... 2000, qu'il y a lieu d'appliquer à leur régime matrimonial la loi de leur nationalité commune au jour du mariage, soit la loi de la République du Niger, et qu'il ne peut être fait application de l'article 15 du Code de droit international privé. L'arrêt n'est critiqué sur aucun de ces deux points, sauf en tant qu'il émet la réserve que la loi de la République du Niger n'est applicable « qu'en principe ».
2. Le juge a l'obligation de rechercher et de déterminer d'office la portée du droit étranger applicable au litige, en tenant compte de l'interprétation qui lui est donnée dans le pays d'origine, et en recueillant, le cas échéant, les informations nécessaires, dans le respect des droits de la défense.
Lorsqu'il détermine le contenu du droit étranger, le juge doit avoir égard à l'ensemble des sources formelles du droit reconnues dans l'ordre juridique étranger, dont la jurisprudence et la doctrine, ainsi que la coutume et les usages.
Si le juge peut requérir la collaboration des parties et des tiers pour rechercher le contenu du droit étranger applicable en vertu des règles belges de conflit de lois, il ne peut l'écarter définitivement au motif qu'il ne peut en déterminer le contenu. La loi belge du for ne peut suppléer la loi étrangère normalement applicable qu'à la double condition que la loi étrangère ne puisse s'appliquer immédiatement et que la suppléance de la loi du for ne soit que provisoire. Si le juge applique la loi belge à titre définitif, il viole tant la règle belge de conflit de lois que la loi étrangère normalement applicable, de même que le principe général du droit selon lequel le juge est tenu, tout en respectant les droits de la défense, de déterminer la norme juridique applicable à la demande portée devant lui et d'appliquer celle-ci, et le principe général du droit selon lequel le juge a l'obligation de rechercher et de déterminer d'office la portée du droit étranger applicable au litige, en tenant compte de l'interprétation qui lui est donnée dans le pays d'origine.
3. Il n'est pas fait exception aux règles exposées sous 2 lorsque le droit étranger normalement applicable en vertu de la règle belge de conflit de lois est un droit coutumier dont le juge local doit déterminer le contenu en s'adjoignant des assesseurs « représentant la coutume » : le juge belge peut en effet ordonner aux parties de produire en pareille hypothèse un certificat de coutume établi par les autorités coutumières habilitées selon le droit local à déterminer et attester le contenu évolutif du droit coutumier.
4. L'exception d'ordre public international permet au juge d'écarter l'application du droit étranger normalement applicable en vertu de la règle belge de conflit de lois.
Il convient de distinguer l'ordre public interne et l'ordre public international (de droit privé). Une disposition est d'ordre public interne dès lors qu'elle touche aux intérêts essentiels de l'État ou de la collectivité et fixe les bases juridiques sur lesquelles repose l'ordre économique ou moral de la société. Une loi d'ordre public interne n'est d'ordre public international privé que si, par les dispositions de cette loi, le législateur a entendu consacrer un principe qu'il considère comme essentiel à l'ordre moral, politique ou économique établi en Belgique et qui, pour ce motif, doit nécessairement, à ses yeux, exclure l'application en Belgique de toute règle contraire ou différente d'un droit étranger. Le juge ne doit vérifier la compatibilité avec l'ordre public international que des seuls effets juridiques susceptibles d'être produits sur le territoire belge par la règle de droit étranger déclarée applicable.
La notion d'ordre public, tant interne qu'international, se déduit de l'article 6 du Code civil, devenu l’article 2 dans la nouvelle numérotation issue de la loi du 18 juin 2018. L'exception d'ordre public international a été consacrée par l'article 21 du Code de droit international privé.
L'article 20 de ce code se réfère également à la notion d'ordre public, en lien avec les règles spéciales d'applicabilité (dites aussi lois d'application immédiate) :
« Les dispositions de la présente loi ne portent pas atteinte à l'application des règles impératives ou d'ordre public du droit belge qui entendent régir une situation internationale quel que soit le droit désigné par les règles de conflit de lois, en vertu de la loi ou en raison de leur but manifeste.
Lors de l'application, en vertu de la présente loi, du droit d'un État, il peut être donné effet aux dispositions impératives ou d'ordre public du droit d'un autre État avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier État, ces dispositions sont applicables quel que soit le droit désigné par les règles de conflit de lois. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions, il est tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application ».
La circonstance que le contenu du droit coutumier étranger normalement applicable en vertu de la règle belge de conflit de lois soit évolutif et doive être constaté par le juge étranger « à travers ce qui lui en est dit par les assesseurs qui l'assistent dans sa tâche » ne suffit à rendre ce droit coutumier contraire ni à l'ordre public interne belge ni à l'ordre public international (de droit privé).
Il est admis que le juge appelé à statuer dans l'urgence et au provisoire, avant d'avoir pu recueillir les informations relatives au contenu de la loi étrangère désignée par la règle de conflit, peut substituer la loi du for à la loi étrangère. Toutefois, cette substitution ne peut avoir lieu qu'à titre provisoire. Si l'application par le juge ou par le notaire de mesures urgentes et provisoires nécessaires à la conservation du patrimoine des ex-époux ou à la collecte des preuves ou, le cas échéant, l'allocation de provisions ou d'avances sur la part future des conjoints dans les biens à partager peuvent requérir l'application provisoire de la loi belge, en revanche, la liquidation et le partage du régime matrimonial comme tels ne présentent pas un caractère d'urgence justifiant l'éviction définitive de la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois. Ni l'ordre public interne, ni l'exception d'ordre public international, ni les règles relatives aux lois d'application immédiate ne justifient l'éviction définitive de la loi étrangère applicable à la liquidation et au partage des biens des ex-époux.
5. Tels qu'ils étaient en vigueur au jour de la prononciation de l'arrêt, les articles 63 et 66 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 imposent l'application du droit coutumier pour toutes les affaires concernant la famille, le mariage et le divorce (y compris la liquidation et le partage éventuel des biens des ex-époux) et précisent qu'en cas de conflit de coutumes, il s'agit de la coutume de la femme si celle-ci est nigérienne.
Si la coutume peut parfois être « islamisée » par les assesseurs désignés par l'article 43 de la même loi organique, celle-ci n'autorise toutefois pas l'éviction pure et simple du droit coutumier au profit de la loi musulmane ou « charia ».
Au jour du mariage des parties, le ... ... 2000, la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 prévoyait des dispositions identiques :
- article 5, dernier alinéa : « en matière coutumière, des assesseurs avec voix consultative complètent la Cour suprême, le tribunal de première instance et la justice de paix » ;
- article 51 : « sous réserve du respect des dispositions législatives ou des règles fondamentales concernant l'ordre public ou la liberté des personnes, les juridictions appliquent la coutume des parties : 1. dans les affaires concernant leur capacité à contracter et agir en justice, l'état des personnes, la famille, le mariage, le divorce, la filiation, les successions, donations et testaments » ;
- l’article 52 règle les conflits de coutumes en prévoyant que, dans les affaires de mariage et de divorce, il est statué selon la coutume de la femme si celle-ci est nigérienne.
La coutume Djerma islamisée prévoit qu'en cas de dissolution du lien conjugal (par divorce ou par répudiation), c'est le régime de la séparation de biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple.
Premier rameau
Il résulte de la combinaison des règles rappelées supra, sous 2 à 5, que l'arrêt n'a pu légalement dire « pour droit que la liquidation du régime matrimonial des parties devra se faire selon les règles du droit belge applicables aux parties mariées sans contrat de mariage » et que ce « dire pour droit » n'est pas légalement justifié par les motifs que « le ‘certificat de coutume n° 1’ établi par un juge du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, certifiant que les parties ont été mariées conformément à la coutume Djerma islamisée […] et impliquant que, ‘en cas de dissolution du lien conjugal (par divorce ou répudiation), c'est le régime de la séparation de biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple’, n'est pas pertinent, ne permettant pas de déterminer la teneur exacte des règles à appliquer par le notaire à la liquidation du régime matrimonial des parties » ; « qu'en ce qui concerne le régime de la séparation de biens et le régime dotal, c'est à juste titre que le premier juge mentionne que ‘le tribunal ne peut concevoir que le seul concept de « séparation de biens » et la seule mention d'une dot puissent lui suffire à résoudre, selon une interprétation conforme à celle que lui donnerait un juge nigérien, toutes les questions susceptibles de se poser dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des parties ayant été mariées pendant près de dix-huit ans’ » ; que la cour d'appel « constate une contrariété dans les avis juridiques remis par les avocats nigériens contactés par les parties » ; que « le droit coutumier nigérien [est] indéterminable, s'agissant d'une coutume qui n'est pas connue de manière formelle et est évolutive, devant être constatée par le juge nigérien à travers ce qui lui en est dit par les assesseurs qui l'assistent dans sa tâche », ainsi que cela résulte de l'article 43 de la loi organique déjà mentionnée ; que la cour d'appel ne peut « déterminer le contenu de la coutume musulmane nigérienne qui régit les effets du régime matrimonial des parties, ce qui est contraire à l'ordre public belge », et « qu'il y a urgence à pouvoir entamer les opérations de liquidation du régime matrimonial des parties ».
En écartant par ces motifs, à titre définitif et non provisoire, l'application de la loi étrangère que la cour d’appel a cependant déclarée « théoriquement » applicable en vertu de la règle de conflit de lois en vigueur au jour du mariage des parties, l'arrêt viole la règle belge de conflit de lois (violation de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était applicable au moment du mariage des parties, le ... ... 2000, avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé), la loi étrangère applicable en vertu de cette règle de conflit de lois (violation des articles 43, 63 et 66 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et 5, 51 et 52 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962, et, en tant que de besoin, de la coutume Djerma islamisée visée en tête du moyen, les dispositions précitées de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 et la coutume Djerma islamisée étant applicables au litige en vertu de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était en vigueur avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004) ainsi que le principe général du droit, qui s'infère notamment des articles 774 et 1138, 3°, du Code judiciaire, selon lequel le juge est tenu, tout en respectant les droits de la défense, de déterminer la norme juridique applicable à la demande portée devant lui et d'appliquer celle-ci, et le principe général du droit, qui s'infère notamment des articles 3 du Code civil, tel qu'il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, et 5 du Code judiciaire, selon lequel le juge a l'obligation de rechercher et de déterminer d'office la portée du droit étranger applicable au litige, en tenant compte de l'interprétation qui lui est donnée dans le pays d'origine et en recueillant, le cas échéant, les informations nécessaires, dans le respect des droits de la défense, et ne peut écarter définitivement le droit applicable au motif qu'il ne peut en déterminer le contenu.
Deuxième rameau
Il résulte des principes exposés supra, sous 4, que la décision de dire « pour droit que la liquidation du régime matrimonial des parties devra se faire selon les règles du droit belge applicables aux parties mariées sans contrat de mariage » n'est pas légalement justifiée par le motif que la cour d'appel ne peut « déterminer le contenu de la coutume musulmane nigérienne qui régit les effets du régime matrimonial des parties, ce qui est contraire à l'ordre public belge ». En se fondant sur le motif précité, l'arrêt viole la notion d'ordre public interne, fondée sur l'article 6 du Code civil, devenu l’article 2 à la suite de la nouvelle numérotation issue de la loi du 18 juin 2018, et l'exception d'ordre public international (de droit privé) qui, avant l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, se déduisait du même article 6 du Code civil et est aujourd'hui consacrée par l'article 21 du Code de droit international privé (violation des articles 2, étant l'article 6 renuméroté par la loi du 18 juin 2018, en vigueur au jour de la prononciation de l'arrêt, et 6, tel qu'il était d'application et interprété avant l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, du Code civil, et, en tant que de besoin, 3, alinéa 3, de ce code, tel qu'il était en vigueur avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004, 20 et 21 du Code de droit international privé).
Troisième rameau
Tels qu'ils étaient en vigueur au jour de la prononciation de l'arrêt, les articles 63 et 66 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 imposent l'application du droit coutumier pour toutes les affaires concernant la famille, le mariage et le divorce (y compris la liquidation et le partage éventuel des biens des ex-époux) et précisent qu'en cas de conflit de coutumes, il s'agit de la coutume de la femme si celle-ci est nigérienne.
Si la coutume peut parfois être « islamisée » par les assesseurs désignés par l'article 43 de la même loi organique, celle-ci n'autorise toutefois pas l'éviction pure et simple du droit coutumier au profit de la loi musulmane ou « charia ».
Au jour du mariage des parties, le ... ... 2000, les mêmes règles étaient prévues par les articles 5, 51 et 52 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962.
L'arrêt n'a dès lors pu légalement se fonder sur le motif que « le ‘certificat de coutume n° 1’ établi par un juge du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, certifiant que les parties ont été mariées conformément à la coutume Djerma islamisée, produit par [le demandeur], impliquant que, ‘en cas de dissolution du lien conjugal (par divorce ou répudiation), c'est le régime de la séparation de biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple’, n'est pas pertinent, ne permettant pas de déterminer la teneur exacte des règles à appliquer par le notaire à la liquidation du régime matrimonial des parties, outre qu'il fait référence à la coutume Djerma islamisée, alors que l'extrait de l'acte de mariage des parties mentionne uniquement : ‘loi ou coutume : musulmane’ ». En se fondant sur ce motif pour déclarer non pertinent le « certificat de coutume n° 1 » produit par le demandeur, l'arrêt considère implicitement que l'acte de mariage des parties pourrait écarter la coutume commune des époux ou la coutume de la femme nigérienne en faveur de l'application pure et simple de la loi musulmane ou charia. Par cette décision, l'arrêt viole les dispositions de la loi de la République du Niger qu'il a déclarées « théoriquement » applicables au litige (violation des articles 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était applicable au moment du mariage des parties, le ... ... 2000, avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, 43, 63 et 66 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004, 5, 51 et 52 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962, et, en tant que de besoin, de la coutume Djerma islamisée visée en tête du moyen, les dispositions précitées de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 et la coutume Djerma islamisée étant applicables au litige en vertu de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était en vigueur avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004).
Quatrième rameau (subsidiaire)
Les articles 67 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et 53 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 disposent que les juridictions nigériennes « appliquent la loi, les règlements en vigueur et les usages locaux s'il en existe, qui ne sont pas illicites, immoraux ou contraires à l'ordre public [...] 3) dans le silence ou l'obscurité de la coutume ».
À supposer qu'il fût définitivement impossible de déterminer le contenu de la coutume Djerma ou que les lacunes de cette coutume ne permissent pas de régler l'ensemble des questions litigieuses entre les parties, il appartenait à la cour d'appel de déterminer les règles prévues par la loi nigérienne qui auraient été appliquées par un tribunal nigérien en pareille circonstance. La cour d'appel ne pouvait légalement écarter l'ensemble du droit nigérien au seul motif qu'une composante de ce droit (la coutume des parties) se serait révélée impossible à déterminer ou ait été silencieuse sur certains des points en litige.
Dès lors, l'arrêt n'a pu légalement dire « pour droit que la liquidation du régime matrimonial des parties devra se faire selon les règles du droit belge applicables aux parties mariées sans contrat de mariage » et ce « dire pour droit » n'est pas légalement justifié par les motifs que « le ‘certificat de coutume n° 1’ établi par un juge du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, certifiant que les parties ont été mariées conformément à la coutume Djerma islamisée […] et impliquant que, ‘en cas de dissolution du lien conjugal (par divorce ou répudiation), c'est le régime de la séparation de biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple’, n'est pas pertinent, ne permettant pas de déterminer la teneur exacte des règles à appliquer par le notaire à la liquidation du régime matrimonial des parties » ; « qu'en ce qui concerne le régime de la séparation de biens et le régime dotal, c'est à juste titre que le premier juge a mentionné que le tribunal ne peut concevoir que le seul concept de ‘séparation de biens’ et la seule mention d'une dot puissent lui suffire à résoudre, selon une interprétation conforme à celle que lui donnerait un juge nigérien, toutes les questions susceptibles de se poser dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des parties ayant été mariées pendant près de dix-huit ans » ; que la cour d'appel « constate une contrariété dans les avis juridiques remis par les avocats nigériens contactés par les parties » ; que « le droit coutumier nigérien [est] indéterminable, s'agissant d'une coutume qui n'est pas connue de manière formelle et est évolutive, devant être constatée par le juge nigérien à travers ce qui lui en est dit par les assesseurs qui l'assistent dans sa tâche », ainsi que cela résulte de l'article 43 de la loi organique déjà mentionnée ; que la cour d'appel ne peut « déterminer le contenu de la coutume musulmane nigérienne qui régit les effets du régime matrimonial des parties, ce qui est contraire à l'ordre public belge », et « qu'il y a urgence à pouvoir entamer les opérations de liquidation du régime matrimonial des parties ».
En écartant par les motifs précités l'intégralité du droit nigérien, sans rechercher comment les juridictions du Niger auraient suppléé à l'éventuelle obscurité ou aux lacunes de la coutume Djerma, l'arrêt viole la règle belge de conflit de lois (violation de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était applicable au moment du mariage des parties, le ... ... 2000, avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé), la loi étrangère applicable en vertu de cette règle de conflit de lois (violation des articles 43, 63, 66 et 67 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et 5, 51, 52 et 53 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962, et, en tant que de besoin, de la coutume Djerma islamisée visée en tête du moyen, les dispositions précitées de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 et la coutume Djerma islamisée étant applicables au litige en vertu de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était en vigueur avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004) ainsi que le principe général du droit, qui s'infère notamment des articles 774 et 1138, 3°, du Code judiciaire, selon lequel le juge est tenu, tout en respectant les droits de la défense, de déterminer la norme juridique applicable à la demande portée devant lui et d'appliquer celle-ci, et le principe général du droit, qui s'infère notamment des articles 3 du Code civil, tel qu'il était applicable avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, et 5 du Code judiciaire, selon lequel le juge a l'obligation de rechercher et de déterminer d'office la portée du droit étranger applicable au litige, en tenant compte de l'interprétation qui lui est donnée dans le pays d'origine, et en recueillant, le cas échéant, les informations nécessaires, dans le respect des droits de la défense, et ne peut écarter définitivement le droit applicable au motif qu'il ne peut en déterminer le contenu.
Deuxième branche
1. Le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties sans donner à celles-ci la possibilité de se défendre à ce sujet.
2. Pour justifier l'application supplétive du droit belge à la liquidation-partage du régime matrimonial, la défenderesse invoquait, dans ses conclusions de synthèse d'appel, qu'elle « sollicitait l'application de l'article 15 du Code de droit international privé en raison du problème d'identifier le contenu de la coutume, et non en raison du problème de constitutionnalité de l'article 63 ; que ce problème de constitutionnalité et l'importante controverse doctrinale sur le sujet sont invoqués afin de témoigner de la difficulté nigérienne d'identifier la norme applicable en l'espèce » et que « déterminer la teneur d'un droit non écrit, telle la coutume musulmane invoquée par [le demandeur], est impossible dans l'immédiat, mais pas seulement : il ne sera même pas possible pour la cour [d’appel] de déterminer la teneur exacte de la coutume musulmane dans le futur étant donné la difficulté d'identification du droit applicable à la famille du Niger ».
La défenderesse n'invoquait, dans ses conclusions de synthèse d'appel, ni l'urgence à ordonner la liquidation-partage du régime matrimonial des parties ni une violation de l'ordre public international belge.
3. L’arrêt ordonne l'application du droit belge à la liquidation du régime matrimonial des parties au motif que l'impossibilité, pour la cour d'appel, de déterminer le contenu de la coutume musulmane nigérienne qui régit les effets de leur régime matrimonial serait « contraire à l'ordre public belge » et qu'il y « aurait urgence à pouvoir entamer les opérations de liquidation-partage du régime matrimonial des parties ».
En fondant sa décision sur ces moyens, qui n'étaient pas invoqués par le demandeur et la défenderesse en conclusions, sans leur donner la possibilité de s'expliquer à ce sujet, l’arrêt viole le droit de défense du demandeur (violation du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense).
Troisième branche
Au jour du mariage des parties, le ... ... 2000, la loi belge ne consacrait que quelques articles au régime de la séparation de biens (articles 1466 à 1469 du Code civil, en vigueur avant leur modification par la loi du 22 juillet 2018). Il appartenait dès lors au juge ou au notaire liquidateur de résoudre les nombreuses questions non résolues par la loi en appliquant le droit commun des obligations. La loi du 22 juillet 2018 a apporté quelques modifications aux articles 1466 à 1469 du Code civil mais le régime de séparation de biens est néanmoins demeuré un régime peu réglementé : dans le silence du contrat de mariage, il appartient toujours au juge ou au notaire liquidateur de résoudre les nombreuses questions non résolues par la loi en appliquant le droit commun des obligations.
S'agissant d'époux mariés avant l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, dont le régime matrimonial est, en vertu de l'ancien article 3, alinéa 3, du Code civil, régi par leur loi nationale commune au jour du mariage, le juge doit déterminer si le régime de base, applicable en vertu de cette loi nationale commune, est un régime à base de séparation ou un régime communautariste. Dans le premier cas, s'il est impossible au juge de déterminer avec précision les règles applicables aux multiples difficultés susceptibles de surgir dans le cadre de la liquidation, il doit trancher lui-même ces difficultés ou permettre au notaire liquidateur de le faire comme s'il s'agissait d'époux belges ayant déclaré, par contrat, adopter le régime de la séparation de biens, tel qu’il est régi par le droit belge, sans compléter ce choix par aucune disposition contractuelle plus précise.
Il n'y a pas lieu de soumettre l'application de la loi étrangère à une exigence de précision que ne comportent pas les dispositions similaires de la loi belge.
En conséquence, après avoir constaté que le demandeur produisait « le 'certificat de coutume n° 1 établi par un juge du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, certifiant que les parties ont été mariées conformément à la coutume Djerma islamisée [...]’ et impliquant que, ‘en cas de dissolution du lien conjugal (par divorce ou répudiation), c'est le régime de la séparation de biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple’ », l'arrêt n'a pu légalement décider que ce certificat n'est pas pertinent aux motifs qu'il ne permet « pas de déterminer la teneur exacte des règles à appliquer par le notaire à la liquidation du régime matrimonial des parties » et « qu'en ce qui concerne le régime de la séparation de biens et le régime dotal, c'est à juste titre que le premier juge mentionne que le tribunal ne peut concevoir que le seul concept de ‘séparation de biens’ et la seule mention d'une dot puissent lui suffire à résoudre, selon une interprétation conforme à celle que lui donnerait un juge nigérien, toutes les questions susceptibles de se poser dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des parties ayant été mariées pendant près de dix-huit ans ».
En écartant par de tels motifs le certificat de coutume produit par le demandeur, l'arrêt soumet illégalement les règles étrangères relatives à la séparation de biens à une exigence de précision que ne comportent pas les dispositions du Code civil belge relatives à ce régime matrimonial.
La décision de dire « pour droit que la liquidation du régime matrimonial des parties devra se faire selon les règles de droit belge applicables aux parties mariées sans contrat de mariage » n'est pas légalement justifiée par le motif que « les quelques pièces produites par [le demandeur] (alors que le mariage des parties a duré dix-sept ans) ne peuvent suffire à démontrer la volonté des parties d'opter pour le régime matrimonial de la séparation de biens », dès lors qu'il ne s'agit pas ici de démontrer la volonté des parties de faire choix d'un régime contractuel mais d'appliquer concrètement le régime prévu par la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois.
En conséquence, en se fondant, pour écarter le certificat de coutume produit par le demandeur, sur les motifs précités (ce certificat ne permet « pas de déterminer la teneur exacte des règles à appliquer par le notaire à la liquidation du régime matrimonial des parties » et, « en ce qui concerne le régime de la séparation de biens et le régime dotal, c'est à juste titre que le premier juge mentionne que le tribunal ne peut concevoir que le seul concept de ‘séparation de biens’ et la seule mention d'une dot puissent lui suffire à résoudre, selon une interprétation conforme à celle que lui donnerait un juge nigérien, toutes les questions susceptibles de se poser dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des parties ayant été mariées pendant près de dix-huit ans ») et en disant pour droit « que la liquidation du régime matrimonial des parties devra se faire selon les règles de droit belge applicables aux parties mariées sans contrat de mariage », écartant ainsi, à titre définitif et non provisoire, l'application de la loi étrangère que la cour d'appel a cependant déclarée « théoriquement » applicable en vertu de la règle de conflit de lois en vigueur au jour du mariage des parties, l'arrêt viole la règle belge de conflit de lois (violation de l’article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était applicable au moment du mariage des parties, le ... ... 2000, avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé), la loi étrangère applicable en vertu de cette règle de conflit de lois (violation des articles 43, 63, 66 et 67 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et 5, 51, 52 et 53 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962, et, en tant que de besoin, de la coutume Djerma islamisée visée en tête du moyen, les dispositions précitées de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 et de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 et la coutume Djerma islamisée étant applicables au litige en vertu de l'article 3, alinéa 3, du Code civil, tel qu'il était en vigueur avant son abrogation par la loi du 16 juillet 2004) et les principes généraux du droit visés en tête du moyen, à l'exception du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, et, en outre, les articles 1466 à 1469 du Code civil dans les deux versions visées en tête du moyen.
III. La décision de la Cour
Quant à la première branche :
Quant au deuxième rameau :
L’arrêt considère que, « à défaut pour la cour [d’appel] de pouvoir déterminer le contenu de la coutume musulmane nigérienne qui régit les effets du régime matrimonial des parties, ce qui est contraire à l’ordre public belge, et dès lors qu’il y a urgence à pouvoir entamer les opérations de liquidation du régime matrimonial des parties, il y a lieu de faire application du droit belge, plus particulièrement des règles applicables aux époux mariés sans contrat de mariage, les parties n’en ayant pas conclu ».
Il suit de ce motif que l’arrêt n’écarte pas la coutume musulmane normalement applicable parce qu’elle serait contraire à l’ordre public belge, à l’ordre public international ou à la règle de l’application immédiate de dispositions impératives ou d’ordre public du droit belge, mais parce qu’il est impossible d’en déterminer la teneur et que, compte tenu de cette impossibilité, qu’il tient pour persistante dès lors qu’il constate que la consultation d’avocats nigériens ne saurait y remédier, l’ordre public belge s’oppose à ce que soit différée la liquidation du régime matrimonial des parties.
Le moyen, en ce rameau, manque en fait.
Quant au premier rameau :
Lorsqu’il est impossible de déterminer avec certitude la teneur de la loi étrangère désignée par la règle de conflit, le juge peut, en vertu de la règle de la suppléance de la loi du for, faire application, même à titre définitif, de la loi belge pour trancher le litige s’il constate que la solution de celui-ci ne peut être différée.
Le moyen, en ce rameau, manque en droit.
Quant au troisième rameau :
L’arrêt considère que « le ‘certificat de coutume n° 1’ établi par un juge du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, certifiant que les parties ont été mariées conformément à la coutume Djerma islamisée, produit par [le demandeur], impliquant que, ‘en cas de dissolution du lien conjugal (par divorce ou répudiation), c’est le régime de la séparation de biens qui gouverne les intérêts pécuniaires du couple’, n’est pas pertinent, ne permettant pas de déterminer la teneur exacte des règles à appliquer par le notaire à la liquidation du régime matrimonial des parties, outre qu’il fait référence à la coutume ‘Djerma islamisée’ alors que l’extrait d’acte de mariage des parties mentionne uniquement ‘loi ou coutume musulmane’ ».
S’il relève par ce motif une différence de désignation du droit applicable entre l’extrait de l’acte de mariage des parties, qui mentionne la coutume musulmane, et le certificat de coutume n° 1 produit par le demandeur, qui vise la coutume Djerma islamisée, l’arrêt n’en déduit pas que le droit coutumier applicable serait évincé au profit de la loi musulmane ou charia.
Le moyen, en ce rameau, manque en fait.
Quant au quatrième rameau :
Dès lors qu’il considère qu’il est impossible de déterminer avec certitude le droit coutumier musulman applicable au litige, l’arrêt justifie légalement sa décision de faire application de la loi belge, sans avoir à rechercher quelles règles de droit le juge nigérien aurait été appelé à appliquer dans le silence ou l’obscurité de la coutume.
Le moyen, en ce rameau, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
D’une part, l’arrêt ne considère pas que l’impossibilité, pour la cour d’appel, de déterminer le contenu de la coutume musulmane applicable serait contraire à l’ordre public belge.
D’autre part, appelé à statuer sur un litige dont, dans ses conclusions d’appel, le demandeur contestait l’urgence pour s’opposer à l’application de la loi belge, l’arrêt a pu, sans méconnaître le droit de défense de cette partie, considérer que la solution du litige ne pouvait, au contraire, pas être différée.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Par les motifs que le moyen reproduit et critique, l’arrêt n’écarte pas le certificat de coutume n° 1 produit par le demandeur parce que les règles du droit nigérien dont il a pour objet de rendre compte ne seraient pas suffisamment précises mais parce qu’il ne permet pas de déterminer avec certitude la teneur de ces règles.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent nonante-trois euros quarante centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du trois juin deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0463.F
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Droit international privé

Analyses

Lorsqu’il est impossible de déterminer avec certitude la teneur de la loi étrangère désignée par la règle de conflit, le juge peut, en vertu de la règle de la suppléance de la loi du for, faire application, même à titre définitif, de la loi belge pour trancher le litige s’il constate que la solution de celui-ci ne peut être différée (1). (1) Voir les concl. du MP.

LOI ETRANGERE


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : LEMAL MICHEL, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-03;c.20.0463.f ?

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