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20/05/2021 | BELGIQUE | N°C.17.0511.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 mai 2021, C.17.0511.F


N° C.17.0511.F
C. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,
contre
M. M.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 avril 2017 par la cour d'appel de Bruxe

lles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a...

N° C.17.0511.F
C. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,
contre
M. M.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 avril 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L'arrêt énonce que, « le 9 février 2004, les parties ont conclu une convention de médiation en vue de tenter de régler amiablement leur litige », que dans le préambule, il est indiqué que « les parties désirent régler leur différend [et] souhaitent à ce sujet confier au médiateur une mission de médiation » et que « l'article 1er de la convention est libellé comme suit : ‘1. Processus volontaire. a. les parties désirent se concerter, sans aucune reconnaissance préjudiciable pour elles, dans le but d'en arriver à un règlement ; chaque partie peut se retirer et mettre fin au processus de médiation unilatéralement à sa discrétion [...] b. les parties marquent d'ores et déjà leur accord pour désigner, le cas échéant, le réviseur [J.] V. comme expert neutre et indépendant pour établir les décomptes des montants dus entre elles pour lesquels une solution n'aura pas pu être dégagée par la médiation' ».
Il considère que, « lorsqu'une convention est peu claire, ce qui est le cas en l'espèce, il y a lieu de l'interpréter en fonction de l'exécution que les parties en ont faite » et que « la thèse ‘minimaliste' que soutient [le demandeur], selon laquelle ‘l'expert était uniquement chargé de décomptes [...]' est manifestement contraire à la commune intention des parties, telle qu'elle résulte notamment de l'exécution qu'elles ont conjointement donnée à la clause contenue dans la convention de médiation [...] et même à la décision du tiers décideur », « les parties, et [le demandeur] en premier, [ayant soumis] à J. V. un ensemble de revendications qui dépassent largement le cadre d'un simple établissement de décomptes relatifs à la gestion par [le défendeur] des biens indivis ». Il relève encore que la thèse du demandeur « se heurte à la rédaction en termes fort larges de l'article 1.b de la convention de médiation qui vise de manière générale le recours à l'intervention de J. V. ‘pour établir les décomptes des montants dus entre les parties pour lesquels une solution n'aura pas pu être dégagée par la médiation', l'objet de la médiation étant également défini de manière fort large et visant notamment ‘le partage des patrimoines des parties et les comptes relatifs aux patrimoines', outre d'autres comptes en rapport avec la succession de leur mère ou avec la société Color Glass ».
L'arrêt, qui déduit de ces énonciations que l'intervention du réviseur s'inscrit « dans un processus qui ne peut être qualifié que de ‘tierce décision obligatoire' », ne donne pas de l'article 1.b de la convention, dont il reproduit les termes, une interprétation inconciliable avec ceux-ci, partant, ne viole pas la foi qui lui est due.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
L'arrêt relève que, à l'« époque [de la conclusion de la convention de médiation en 2004], un doute pouvait [...] se concevoir quant à la nature de [l']intervention [de J. V.] - simple aide ‘technique' limitée à l'établissement de décomptes ou tierce décision obligatoire - compte tenu de la rédaction peu claire de la convention de médiation » et que, « lorsqu'une convention est peu claire, ce qui est le cas en l'espèce, il y a lieu de l'interpréter en fonction de l'exécution que les parties en ont faite ».
Il ressort de ces énonciations que l'arrêt considère que l'instrumentum rédigé par les parties est dépourvu de clarté et qu'il y a lieu d'en dégager la portée à la lumière de la commune intention des parties.
Le moyen, qui, en cette branche, fonde la violation de la force probante de la convention et des règles relatives au mode de preuve sur la prémisse que l'instrumentum définit clairement la mission de l'expert, sans critiquer l'appréciation contraire de l'arrêt, ne saurait entraîner la cassation, partant, est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Aux termes de l'article 1134 de l'ancien Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En vertu de l'article 144 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux et, en vertu de l'article 146 de la Constitution, nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi.
Ces dispositions constitutionnelles ne font pas obstacle à ce que les parties conviennent de confier à un tiers la mission de trancher en droit un litige portant sur des droits dont elles peuvent disposer et que la décision de ce tiers ait force obligatoire à leur égard.
Le moyen, qui, en cette branche, est fondé sur le soutènement que seule la loi peut habiliter un tiers à trancher un litige en droit, manque en droit.
Sur le second moyen :
Quant à la première et à la deuxième branche :
Dans ses conclusions de synthèse d'appel, le demandeur demandait qu'il soit ordonné de procéder à la liquidation d'indivision des biens immobiliers personnels indivis entre les parties et de désigner le notaire K. « afin de procéder aux opérations de ventes, comptes et liquidation ».
Après s'être déclaré « sans juridiction pour connaître des contestations suivantes, dans la mesure où elles ont déjà été tranchées par le tiers décideur, [dont] le partage des biens immobiliers ‘privés' indivis » et relevé à cet égard que « la tierce décision a fixé les bases du partage de ces biens [qui] ont également été évalués dans la tierce décision », l'arrêt, qui considère que la « désignation [du notaire K.] peut [...] être ordonnée pour permettre de finaliser le partage tel qu'il a été décidé par le tiers décideur, et notamment pour procéder aux ventes des immeubles et aux comptes entre les parties conformément au partage », ne se prononce pas sur des choses non demandées, partant, ne viole pas l'article 1138, 2°, du Code judiciaire.
Pour le surplus, dès lors que le demandeur demandait une telle désignation, le moyen, qui, en sa deuxième branche, fait grief à l'arrêt de se référer à un accord des parties, est dépourvu d'intérêt.
Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
En vertu de l'article 19 du Code judiciaire, le juge qui a épuisé sa juridiction sur une question litigieuse ne peut plus en être saisi, sauf les recours prévus par la loi.
Le juge qui statue sur une question litigieuse dont il n'est plus saisi parce qu'il a déjà rendu sur celle-ci, dans la même cause et entre les mêmes parties, une décision contenue dans un précédent jugement, et a, dès lors, totalement épuisé sa juridiction à ce propos, commet un excès de pouvoir.
Dès lors que les décisions visées par le moyen, en cette branche, sont contenues dans le même arrêt, celui-ci ne viole pas l'article 19 précité.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Pour le surplus, l'article 149 de la Constitution, en vertu duquel les motifs que le juge donne de sa décision doivent permettre à la Cour d'exercer le contrôle de la légalité qui lui est confié, n'exige pas que ce juge indique la base légale de sa décision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent cinquante-neuf euros cinquante-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt mai deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.17.0511.F
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Les articles 144 et 146 de la Constitution ne font pas obstacle à ce que les parties conviennent de confier à un tiers la mission de trancher en droit un litige portant sur des droits dont elles peuvent disposer et que la décision de ce tiers ait la force de la chose décidée à leur égard.

CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 144 [notice1]


Références :

[notice1]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 144 et 146 - 30 / No pub 1994021048


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-05-20;c.17.0511.f ?

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