N° C.18.0089.N
L. S.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
RÉGION FLAMANDE, représentée par le gouvernement flamand, poursuites et diligence du ministre flamand de l’Environnement, de la Nature et de l’Agriculture,
Me Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 27 juin 2017 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 16 avril 2021, l’avocat général Els Herregodts a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport et l’avocat général
Els Herregodts a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
[…]
Quant à la seconde branche :
[…]
Quant au premier rameau :
9. En vertu de l’article 2, alinéa 1er, du règlement (CEE) n° 857/84 du Conseil du 31 mars 1984 portant règles générales pour l’application du prélèvement visé à l’article 5quater du règlement (CEE) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers, la quantité de référence visée à l’article 5quater, paragraphe 1er, du règlement (CEE) n° 804/68 est égale à la quantité de lait ou d’équivalent lait livrée par le producteur pendant l’année civile 1981 (formule a), ou à la quantité de lait ou d’équivalent lait achetée par un acheteur pendant l’année civile 1981 (formule b), augmentées de 1 p.c.
Suivant les articles 3 du règlement précité et 3bis, tel qu’il a été inséré par l’article 1er du règlement (CEE) n° 764/89 du Conseil du 20 mars 1989 modifiant le règlement (CEE) n° 857/84 portant règles générales pour l’application du prélèvement visé à l’article 5quater du règlement (CEE) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers, les États membres peuvent accorder une quantité de référence spécifique à des catégories déterminées de producteurs dans les situations et selon les modalités contenues dans ces dispositions.
L’article 4, alinéa 1er, sous c), du règlement (CEE) n° 857/84 prévoit qu’afin de mener à bien la restructuration de la production laitière au niveau national, régional ou des zones de collecte, les États membres peuvent, dans le cadre de l’application des formules a et b, accorder aux producteurs exerçant l’activité agricole à titre principal une quantité de référence supplémentaire.
L’article 6, alinéa 1er, de ce règlement précise qu’est attribuée à chaque producteur de lait et de produits laitiers visé à l’article 5quater, alinéa 2, du règlement (CEE) n° 804/68 une quantité de référence correspondant aux ventes directes effectuées par ce dernier pendant l’année civile 1981, augmentées de 1 p.c.
10. L’article 12, sous c), du même règlement dispose qu’au sens du présent règlement, on entend par producteur : « l’exploitant agricole personne physique ou morale ou groupement de personnes physiques ou morales dont l’exploitation est située sur le territoire géographique de la Communauté. »
En vertu de l’article 2 du règlement (CEE) n° 764/89, cette définition vaut également pour l’application de l’article 3bis du règlement (CEE) n° 857/84.
11. La Cour de justice de l’Union européenne considère dans une jurisprudence constante que la qualité de producteur est reconnue à toute personne qui gère une exploitation, c’est-à-dire un ensemble d’unités de production situées sur le territoire géographique de la Communauté, et qui effectue des ventes ou des livraisons de lait ou de produits laitiers au sens de la disposition précitée (C.J.C.E., arrêt Ballmann, 15 janvier 1991, C-341/89, point 12 ; C.J.C.E., arrêt Macon, 9 octobre 1997, C-152/95, point 22). La notion de producteur vise ainsi tout exploitant agricole qui, aux fins de la production laitière, gère un ensemble d’unités de production sous sa propre responsabilité (C.J.C.E., arrêt Maier, 9 juillet 1992, C-236/90, point 11 ; C.J.C.E., arrêt EARL de Kerlast,17 avril 1997, C-15/95, point 25).
12. Il ressort donc de l’article 12, sous c), précité du règlement (CEE) n° 857/84, tel qu’il est interprété par la Cour de justice, qu’il n’est pas requis qu’un producteur laitier exerce l’activité agricole à titre principal pour pouvoir être qualifié de producteur au sens de cette disposition.
Il suit ainsi de l’ensemble des dispositions citées des règlements (CEE) n° 857/84 et n° 764/89 qu’il n’est pas requis qu’un producteur laitier exerce l’activité agricole à titre principal pour que puisse lui être accordée une quantité de référence en vertu de l’article 2 du règlement (CEE) n° 857/84 ou une quantité de référence spécifique en vertu des articles 3 et 3bis de ce règlement. Un producteur laitier doit exercer l’activité agricole exclusivement à titre principal pour pouvoir prétendre à l’octroi d’une quantité de référence supplémentaire en vertu de l’article 4, alinéa 1er, sous c), du règlement (CEE) n° 857/84.
13. Les règlements (CEE) n° 857/84 et 764/89 prévoient, conformément à l’article 288, alinéa 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qu’ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans les État membres. Les dispositions précitées de ces règlements, qui sont inconditionnelles et suffisamment claires et précises, ont donc des effets directs dans l’ordre juridique belge et créent pour les justiciables des droits individuels qui doivent être protégés par les juridictions nationales.
14. Les juges d’appel ont constaté et considéré que :
- il ressort des pièces produites que la demanderesse ne s’est jamais vu accorder un quota (livraisons et/ou ventes directes), dès lors qu’elle ne remplissait pas les conditions d’acquisition d’un quota, puisqu’elle n’exerçait pas l’activité agricole à titre principal ;
- le point de savoir si elle exerce l’activité agricole à titre principal ou non n’a cependant aucune incidence sur la débition du prélèvement supplémentaire ;
- la demanderesse était producteur laitier et avait un quota de zéro litre pour les livraisons ;
- le calcul du prélèvement supplémentaire dû en raison du dépassement du quota de livraisons a été correctement effectué sur la base des informations fournies par les laiteries et par la demanderesse elle-même, conformément aux réglementations européenne et nationale.
15. Après avoir constaté le refus d’octroi d’un quota de livraisons et/ou de ventes directes à la demanderesse dès lors que celle-ci n’exerçait pas l’activité agricole à titre principal, les juges d’appel, qui ont ensuite tenu compte d’un quota de zéro litre dans le calcul du prélèvement supplémentaire dû par la demanderesse en raison du dépassement du quota de livraisons, ont donné à connaître que c’est à juste titre que la demanderesse n’a pas bénéficié d’un quota de livraisons et/ou de ventes directes, puisqu’elle n’exerçait pas l’activité agricole à titre principal.
En considérant, sur la base de cette énonciation, que la demanderesse est tenue au paiement du prélèvement supplémentaire litigieux en raison du dépassement du quota de livraisons pour les campagnes 1988-1989 et 1989-1990, les juges d’appel ont violé les dispositions précitées des règlements (CEE) n° 857/84 et n° 764/89 qui ne requièrent pas que le producteur exerce l’activité agricole à titre principal pour qu’une quantité de référence puisse lui être accordée.
Le moyen, en ce rameau de cette branche, est fondé.
[…]
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur le prélèvement supplémentaire dû en raison du dépassement du quota de livraisons et se prononce sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Geert Jocqué, les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du sept mai deux mille vingt et un par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Els Herregodts, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Michel Lemal et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.