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19/03/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0144.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 mars 2021, C.20.0144.N


N° C.20.0144.N
COMMUNE DE TESSENDERLO, représentée par le collège des bourgmestre et échevins,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
KUNSTSTOFTECHNIEK, s.a.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers.
Le conseiller Sven Mosselmans a fait rapport.
L’avocat général Els Herregodts a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un m

oyen.
III. La décision de la Cour
1. L’article 32, § 1er, de la loi du 30 septembre 1970 sur ...

N° C.20.0144.N
COMMUNE DE TESSENDERLO, représentée par le collège des bourgmestre et échevins,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
KUNSTSTOFTECHNIEK, s.a.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers.
Le conseiller Sven Mosselmans a fait rapport.
L’avocat général Els Herregodts a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
1. L’article 32, § 1er, de la loi du 30 septembre 1970 sur l’expansion économique (ci-après : loi du 30 septembre 1970) dispose :
« Lorsqu'une personne de droit public a bénéficié de l'aide de l'État pour l'acquisition, l'aménagement ou l'équipement des terrains à usage de l'industrie, de l'artisanat ou des services, ces terrains sont mis à la disposition des utilisateurs par location ou par vente.
En cas de vente, l'acte authentique doit contenir des clauses précisant :
1° l'activité économique qui devra être exercée sur le terrain ainsi que les autres conditions de son utilisation ;
2° que la personne de droit public ou l'État représenté par les ministres ayant les Affaires économiques ou l'Économie régionale et les Travaux publics dans leurs attributions, pourra racheter le terrain au cas où l'utilisateur cesse l'activité économique visée au 1°, ou au cas où il ne respecte pas les autres conditions d'utilisation.
Toutefois, moyennant l'accord de la personne de droit public, l'utilisateur pourra revendre le bien, l'acte de revente devant contenir les clauses ci-dessus mentionnées.
Le rachat, objet de la clause mentionnée au deuxième alinéa, sub 2, s'effectuera au prix de la vente initiale par le pouvoir public, adapté en fonction des variations de l'indice des prix à la consommation que publie le gouvernement. L'infrastructure et les bâtiments – à l'exclusion du matériel et de l'outillage – appartenant à l'utilisateur et situés sur le terrain sont rachetés à la valeur vénale. Toutefois, si la valeur vénale dépasse le prix de revient, tel que comptabilisé, diminué des amortissements admis en matière d'impôts sur les revenus, c'est à ce dernier prix que s'opère le rachat. La valeur vénale et le prix de revient tel que défini sont déterminés par les services compétents de l'État. »
2. L'article 76 du décret du 19 décembre 2003 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2004 (ci-après : décret du 19 décembre 2003), qui a remplacé à dater du 1er janvier 2004 l’article 32, § 1er, de la loi du
30 septembre 1970, dispose :
« Les actes visant la vente à des entreprises des terrains, qui étaient (ré)aménagés par l'intermédiaire de la Région flamande ou acquis par application de l'article 73, contiennent des clauses qui précisent :
1° l'activité économique qui aura lieu sur les terrains ainsi que toute autre condition d'utilisation ;
2° le délai dans lequel l'acheteur ou un autre utilisateur de l'immeuble vendu est obligé de construire sur le bien et/ou de le prendre en exploitation ;
3° les modalités auxquelles le terrain peut être racheté dans le cas où l'acquéreur ne respecte pas les conditions visées sous 1° et 2°.
Toutefois, à condition de l'approbation par le vendeur, l'immeuble vendu peut être revendu ou mis à la disposition d'utilisateurs tiers pour autant que l'acte en question comporte les clauses susvisées. »
3. Les dispositions susmentionnées poursuivent le même objectif et visent, notamment, à stimuler l'expansion économique et à conférer auxdits terrains une destination économique pérenne.
Il s'ensuit que :
- l'utilisation ou l'acquisition des terrains est subordonnée au maintien de l'activité économique qui y est exercée ;
- en cas de vente, il est prévu une modalité de rachat propre, qui ne correspond pas à la faculté de réméré du Code civil ;
- une reprise modulée de ladite modalité de rachat dans l'acte de vente est rendue obligatoire, sans devoir se référer explicitement à l'article 32, § 1er, de la loi sur l'expansion économique ou à l'article 76 du décret du 19 décembre 2003.
La faculté de rachat, qui peut être exercée si l'acheteur ne satisfait pas aux conditions relatives à la destination économique des terrains et aux modalités d’utilisation, tend à sauvegarder les efforts financiers importants consentis par les autorités pour l'achat, l’aménagement ou l’équipement des terrains.
Il s'ensuit que le délai de cinq ans auquel l'article 1660 du Code civil limite la faculté de réméré visée à l'article 1659 de ce code ne s'applique pas à la faculté de rachat prévu aux articles 32, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 et 76 du décret du 19 décembre 2003.
4. Les juges d’appel ont constaté et considéré que :
- la demanderesse a vendu un terrain à la défenderesse par acte de vente notarié du 20 mars 1992, tandis que la défenderesse s'est engagée à donner au terrain une destination économique dans le cadre de conditions et de modalités d'utilisation déterminées ;
- la demanderesse a engagé la présente procédure par citation du
27 octobre 2011 eu égard au non-respect par la défenderesse des conditions relatives à la destination économique des terrains et des conditions d'utilisation ;
- la demanderesse cherche ainsi en premier lieu à racheter la partie non utilisée du terrain ;
- l'article 2 de l'acte de vente prévoit une obligation d'exploiter pleinement le terrain, étant entendu que la défenderesse doit bâtir au moins 30 p.c. de la superficie bâtissable dans les cinq ans de la passation de l'acte de vente, à défaut de quoi la demanderesse peut racheter la partie non exploitée après cette période au prix de vente adapté à l'indice des prix à la consommation, tandis que les frais et charges du rachat sont à la charge de la défenderesse ;
- l'article 9 de l'acte de vente prévoit une faculté de rachat explicite tel que visé à l'article 32, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 au cas où la défenderesse méconnaîtrait d'autres obligations ;
- l'article 2 de l'acte de vente doit donc être considéré comme une disposition indépendante prévoyant une sanction contractuelle supplémentaire à la sanction prévue à l'article 9, conformément à l'article 32, § 1er, de la loi du
30 décembre 1970 ;
- dans la mesure où la demanderesse fonde sa demande de rachat sur l'article 2 de l'acte de vente, l'article 32, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 ne peut être appliqué, ni d’ailleurs en ce qui concerne la prescription de cette demande ;
- au contraire, en ce qui concerne la prescription de la demande sur pied de l'article 2 de l'acte de vente, les dispositions de droit commun du Code civil sur la faculté de réméré s'appliquent ;
- l’article 1660 de l'ancien Code civil prévoit plus précisément que la faculté de réméré ne peut être stipulée pour une durée supérieure à cinq ans.
Lorsque, par ces énonciations, ils ont déclaré prescrit le rachat projeté par la demanderesse de la partie non exploitée du terrain, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
Sur les autres griefs :
5. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué sauf en tant qu'il déclare l'appel recevable ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Geert Jocqué, les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt et un par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Els Herregodts, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marielle Moris et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.20.0144.N
Date de la décision : 19/03/2021
Type d'affaire : Droit constitutionnel - Droit civil

Analyses

La faculté de rachat, qui peut être exercée si l'acheteur ne satisfait pas aux conditions relatives à la destination économique des terrains et aux modalités d'utilisation, tend à sauvegarder les efforts financiers importants consentis par les autorités pour l'achat, l'aménagement ou l'équipement des terrains, de sorte que le délai de cinq ans auquel l'article 1660 du Code civil limite la faculté de réméré visée à l'article 1659 de ce code ne s'y applique pas (1). (1) Voir Cass. 22 février 2018, RG C.13.0095.N, AC 2018, n°115 ; Cass. 3 décembre 2015, RG C.14.0428.N, AC 2015, n° 728, avec concl. conformes de M. VAN INGELGEM, avocat général publiées à leur date dans AC ; Cass. 18 mars 2004, RG C.03.0099.N, AC 2004, n° 154.

ECONOMIE - Expansion économique - Vente de terrains - Faculté de rachat - Nature - PRESCRIPTION - MATIERE CIVILE - Délais (Nature. Durée. Point de départ. Fin) - Expansion économique - Vente de terrains - Faculté de rachat - Durée [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 30 décembre 1970 - 30-12-1970 - Art. 32, § 1er - 02 / No pub 1970123001 ;

Décrèt du 19 décembre 2003 - 19-12-2003 - remplacé par l'art. 76 - 39 / No pub 2003036268


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : HERREGODTS ELS
Assesseurs : JOCQUE GEERT, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-19;c.20.0144.n ?

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