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18/03/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0261.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mars 2021, C.20.0261.F


N° C.20.0261.F
COMMUNE DE SCHAERBEEK, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Schaerbeek, en la maison communale, place Collignon, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0207.367.687,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Jourdan, 31, où il est fait élection de domicile,
contre
PROXIMUS, société anonyme de droit public, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert

II, 27, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0202.239.951,...

N° C.20.0261.F
COMMUNE DE SCHAERBEEK, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Schaerbeek, en la maison communale, place Collignon, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0207.367.687,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Jourdan, 31, où il est fait élection de domicile,
contre
PROXIMUS, société anonyme de droit public, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 27, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0202.239.951,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2019 par la cour d'appel de Liège, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 26 janvier 2017.
Le 3 mars 2021, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant aux deux branches réunies :
Après avoir rappelé que, « par un arrêt du 18 février 2016, la cour d'appel de Bruxelles [...] a décidé que [la demanderesse] ne disposait pas d'une action [contre la défenderesse] » et que, « par arrêt du 26 janvier 2017, [...], la Cour a jugé que ‘la partie au procès qui se prétend titulaire d'un droit subjectif a, ce droit fût-il contesté, la qualité requise pour que sa demande puisse être reçue [et que] l'examen de l'existence et de la portée du droit subjectif que cette partie invoque ne relève pas de la recevabilité mais du fondement de la demande' », en sorte qu'elle a « cassé l'arrêt » de la cour d'appel disant l'action de la demanderesse irrecevable, l'arrêt attaqué relève que la demanderesse « fonde son action sur les articles 8 et 9 de la convention du 3 avril 1989, qui s'interprètent, selon elle, en des stipulations pour autrui, ce que conteste [la défenderesse] ».
Il décide que « les demandes de [la demanderesse] sont contraires à l'ordre public » et « les dit par voie de conséquence non fondées » au motif que, « à supposer même, quod non, ce qui est contesté par [la défenderesse, que la demanderesse] ait un intérêt et une qualité, [...] son action tend à obtenir un avantage illicite ».
Il ressort de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient le moyen, en chacune de ses branches, l'arrêt attaqué ne décide pas que la demanderesse n'a pas intérêt et qualité pour agir, partant, que sa demande est irrecevable.
Le moyen, en chacune de ses branches, manque en fait.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
L'article 2 de l'ancien Code civil dispose que l'on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
L'article 25 de la loi du 19 juillet 1930 créant la Régie des Télégraphes et Téléphones, applicable au litige, qui prévoit, en sa deuxième phrase, que cette régie, devenue la défenderesse, est exempte de tous impôts ou taxes au profit des provinces et des communes, est d'ordre public.
Il s'ensuit que la défenderesse ne peut licitement s'engager à l'égard d'une commune à l'indemniser pour la perte des impôts ou taxes dont elle est exemptée.
L'arrêt attaqué constate que la demanderesse « fonde son action sur les articles 8 et 9 de la convention du 3 avril 1989, qui s'interprètent, selon elle, en des stipulations pour autrui », que l'article 8 énonce qu'« en cas de revente de terrain ou de cession de droits réels quelconques avant que l'acheteur initial ait réalisé l'ensemble des constructions et satisfait à l'ensemble de ses obligations, le cessionnaire devra reprendre tous les droits et obligations de l'acheteur initial » et que l'article 9 prévoit qu'« en cas de cession de tout ou partie des constructions ou du terrain à un nouvel acquéreur exempté par nature ou en raison de la destination des lieux du paiement du précompte immobilier avant que la commune n'ait perçu pendant dix ans les additionnels qu'elle pouvait attendre de la construction des volumes prévus [...], une indemnité correspondant à la perte pour la commune lui sera versée par l'acheteur initial ou, à défaut de celui-ci, par le nouvel acquéreur ».
Il considère que, « s'agissant d'une disposition légale fiscale, [...] l'article 25 touche indiscutablement à l'ordre public », en sorte que « nul ne peut y déroger valablement, que ce soit directement ou indirectement », et que « les clauses contractuelles dont [la demanderesse] se prévaut et leur exécution sont contraires à l'ordre public » car elles dérogent à cette disposition, au motif qu'elles « ont pour effet de permettre à [la demanderesse] d'obtenir paiement de l'impôt exonéré à charge du contribuable exempté sous le sceau d'une indemnité dite contractuelle dont le montant correspond au montant de l'impôt exempté » et qu'il s'agit du « seul objectif de ces clauses, [qui indiquent] de manière explicite qu'il s'agit d'une indemnité pour la perte des additionnels communaux et non d'un complément de prix ».
Par ces énonciations, l'arrêt attaqué, qui ne qualifie pas l'indemnité contractuelle d'impôt, mais considère que ces clauses contractuelles permettent, « de manière indirecte », à la demanderesse d'obtenir « paiement d'un impôt dont le législateur a voulu exempter [la défenderesse] », justifie légalement sa décision qu'elles doivent « être considérées comme nulles [et] sans effet juridique ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
L'arrêt attaqué, qui considère que « les dispositions contractuelles vantées par [la demanderesse] ont pour effet de [lui] permettre [...] d'obtenir paiement de l'impôt exonéré à charge du contribuable exempté sous le sceau d'une indemnité dite contractuelle dont le montant correspond au montant de l'impôt exempté » et que, dès lors, l'« action [de la demanderesse] tend à obtenir un avantage illicite », vérifie si ces clauses tendent à faire naître ou à maintenir une situation illicite.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Pour le surplus, l'objet d'une obligation est illicite lorsqu'elle tend au maintien d'une situation contraire à l'ordre public ou à l'obtention d'un avantage illicite.
La nature pécuniaire de l'engagement du débiteur n'exclut pas que cette obligation tende au maintien d'une situation ou à l'obtention d'un avantage illicite.
Dans la mesure où il est fondé sur le soutènement contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Quant aux troisième et quatrième branches réunies :
Il ressort des énonciations reproduites dans la réponse à la première et à la deuxième branche du moyen que l'arrêt attaqué ne refuse pas de donner effet aux clauses contractuelles précitées par application du principe général du droit d'interdiction de la fraude à la loi ou de celui dit fraus omnia corrumpit, ou en raison du mobile illicite de la demanderesse, mais au motif que ces clauses dérogent à l'article 25 de la loi précitée du 19 juillet 1930, qui est d'ordre public, et qu'elles ont un objet illicite.
Le moyen, en ces branches, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent quinze euros soixante centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0261.F
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Autres - Droit civil

Analyses

L’article 25 de la loi du 19 juillet 1930 créant la Régie des Télégraphes et Téléphones, qui prévoit en sa deuxième phrase que cette Régie est exempte de tous impôts ou taxes au profit des provinces et des communes, est d’ordre public; il s’ensuit que la demanderesse ne peut licitement s’engager à l’égard d’une commune à l’indemniser pour la perte des impôts ou taxes dont elle est exemptée (1). (1) Voir les concl. du MP.

ORDRE PUBLIC [notice1]

L’objet d’une obligation est illicite lorsqu’elle tend au maintien une situation contraire à l’ordre public ou à l’obtention d’un avantage illicite; la nature pécuniaire de l’engagement du débiteur n’exclut pas que cette obligation tende au maintien d’une situation ou à l’obtention d’un avantage, illicite (1). (1) Voir les concl. du MP.

CONVENTION - ELEMENTS CONSTITUTIFS - Objet [notice2]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 2 - 30 / No pub 1804032150 ;

L. du 19 juillet 1930 - 19-07-1930 - Art. 25 - 30

[notice2]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1108 - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-18;c.20.0261.f ?

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