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18/03/2021 | BELGIQUE | N°C.18.0062.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mars 2021, C.18.0062.F


N° C.18.0062.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
ORDRE FRANÇAIS DES AVOCATS DU BARREAU DE BRUXELLES, dont le siège est établi à Bruxelles, place Poelaert, 1,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le c

abinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I....

N° C.18.0062.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
ORDRE FRANÇAIS DES AVOCATS DU BARREAU DE BRUXELLES, dont le siège est établi à Bruxelles, place Poelaert, 1,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 3 mars 2021, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Ariane Jacquemin a fait rapport et l'avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
L'arrêt énonce qu'il suit de l'article 23 de la Constitution que l'aide juridique constitue un service public que le demandeur a l'obligation de financer et d'organiser, et que les parties « s'accordent sur le fait que [celui-ci] a l'obligation de fournir des locaux pour l'exercice des activités liées à l'aide juridique de seconde ligne ».
Constatant que les locaux dans lesquels le demandeur a contraint le défendeur à déplacer son bureau d'aide juridique nécessitaient des travaux vu leur état, il considère que « le demandeur a violé l'obligation imposée par l'article 23 de la Constitution ainsi que par l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - et surabondamment par le principe de continuité du service public - de financer et d'organiser l'aide juridique et, partant, d'indemniser [le défendeur] des frais encourus pour l'aménagement des nouveaux locaux du bureau d'aide juridique », que cette faute constitue aussi « un manquement au devoir général de prudence, l'État raisonnablement prudent et diligent devant prendre les dispositions nécessaires pour mettre à disposition des avocats et des justiciables des locaux convenables pour l'exercice du service public de l'aide juridique » et qu'« une exécution rapide des travaux s'imposait, vu [...] l'obligation d'assurer la continuité du service public de l'aide juridique ».
Quant à la première branche :
Il résulte de ces motifs que l'arrêt considère que l'article 23 de la Constitution met à la charge du demandeur, non les frais de déménagement et d'aménagement des locaux servant à l'aide juridique, mais la mise à la disposition du défendeur de locaux aptes à l'exercice de ce service public.
Pour le surplus, l'arrêt, qui constate que l'article 508/19bis du Code judiciaire prévoit une subvention annuelle pour les frais liés à l'organisation des bureaux d'aide juridique à charge du budget du service public fédéral de la Justice, dont le montant est plafonné et qui est répartie entre les barreaux suivant les critères instaurés par l'article 6 de l'arrêté royal du 20 décembre 1999 contenant les modalités d'exécution relatives à l'indemnisation accordée aux avocats dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne et relatif au subside pour les frais liés à l'organisation des bureaux d'aide juridique, considère qu'il suit de l'énumération non exhaustive de ces frais par l'article 6bis, § 2, dudit arrêté royal que ceux-ci sont des « frais d'organisation récurrents, liés principalement aux frais de personnel, de mobilier et de matériel », sans « référence à des frais immobiliers, sous la seule réserve des ‘frais liés à l'occupation et à la maintenance des locaux', qui sont, pareillement, des frais récurrents ».
En décidant que « les frais litigieux, présentant un caractère extraordinaire et liés à un déménagement et à l'aménagement de locaux en mauvais état », ne sont « pas couverts par le forfait légal relatif aux frais d'organisation », l'arrêt ne viole ni l'article 508/19bis du Code judiciaire ni les articles 6 et 6bis de l'arrêté royal du 20 décembre 1999.
Et la violation prétendue des articles 1382 et 1383 de l'ancien Code civil est tout entière déduite de la violation, vainement alléguée, de ces dispositions.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Par ses motifs reproduits en tête du moyen, l'arrêt donne à connaître qu'en l'état des nouveaux locaux mis à la disposition du défendeur par le demandeur pour son bureau d'aide juridique, le service de l'aide juridique n'aurait pu fonctionner sans discontinuité sans les travaux entrepris par le défendeur.
Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur la prémisse contraire, manque en fait.
Quant à la troisième branche :
Il suit de la réponse à la première branche du moyen que le grief fait à l'arrêt en cette branche de violer les articles 23 de la Constitution et 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales manque en fait.
Pour le surplus, d'une part, des énonciations que le demandeur a, en règle, l'obligation de financer et d'organiser le service public de l'aide juridique, qu'il se doit de fournir des locaux convenables à cette fin, que ceux qui ont été fournis dans le cadre du déménagement y étaient impropres et que le défendeur a dû prendre l'initiative de travaux pour permettre la continuité de ce service public, l'arrêt a pu légalement déduire que le demandeur a commis une faute quasi délictuelle susceptible d'engager sa responsabilité civile envers le défendeur.
D'autre part, il résulte des mêmes énonciations que, contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, la faute retenue par l'arrêt trouve sa source dans le fait, non que la subvention prévue par l'article 508/19bis du Code judiciaire ne couvrirait pas les frais de déménagement et d'aménagement des locaux de l'aide juridique, mais que le demandeur a manqué à son obligation de fournir des locaux aptes à l'exercice du service public de l'aide juridique.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Il ne ressort pas des pièces de la procédure que le demandeur ait contesté devant la cour d'appel que le dommage dont le défendeur demandait la réparation fût réparable, à défaut de vérifier, s'agissant du coût des travaux d'aménagement des locaux effectués par le défendeur, qui était le propriétaire desdits locaux durant l'occupation du défendeur et quel sort serait réservé à ces travaux à l'issue de cette occupation.
Le moyen, dont l'examen suppose la vérification d'éléments de fait, est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent septante-cinq euros nonante-neuf centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix-huit mars deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.18.0062.F
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Autres - Droit constitutionnel

Analyses

Il suit de l’article 23 de la Constitution que l’aide juridique constitue un service public que le demandeur a l’obligation de financer et d’organiser et qu’est mise à la charge du demandeur non les frais de déménagement et d’aménagement des locaux servant à l’aide juridique mais la mise à la disposition du défendeur de locaux aptes à l’exercice de ce service public (1). (1) Voir les concl. du MP.

AVOCAT - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 23 [notice1]


Références :

[notice1]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 23 - 30 / No pub 1994021048 ;

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 508/19bis - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-18;c.18.0062.f ?

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