N° C.19.0555.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
N. T.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 août 2019 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 17 février 2021, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions légales violées
Articles 19, alinéas 1er et 2, 23, 24, 25, 26, 28, 584, alinéa 1er, 602, alinéa 1er, 2°, et 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué déclare l'appel du défendeur partiellement fondé, enjoint [au demandeur] de notifier par la voie officielle aux autorités américaines, dans les deux jours de la signification de l'arrêt à intervenir, une copie dudit arrêt, en invitant les autorités américaines à prendre connaissance de l'analyse juridique figurant aux paragraphes 37 et suivants de cet arrêt, sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par jour de retard avec un plafond de 50.000 euros, et condamne [le demandeur] aux dépens. Cette décision est notamment fondée sur les motifs suivants:
« IV.4.1. Quant à l'exception de chose jugée soulevée par [le demandeur]
27. Le premier chef de la demande [du défendeur] est qu'il soit fait injonction [au demandeur] de ‘cesser immédiatement tout type de coopération avec les autorités américaines en vue du jugement [du défendeur], sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par jour à partir de la signification de l'arrêt'.
28. [Le demandeur] soutient que cette demande est irrecevable en raison de l'autorité de la chose décidée de l'arrêt rendu par la cour [d'appel] en référé le 24 décembre 2015 (RG 2015/KR/42), [le défendeur] n'établissant pas de circonstance nouvelle ou modifiée pertinente de nature à conduire la cour [d'appel], dans le cadre d'un examen en référé, à remettre en cause l'analyse de l'apparence de droits faite dans ledit arrêt.
29. Lorsque le juge statue au provisoire, comme en référé, il est lié par son appréciation précédente réalisée en référé, en raison de l'autorité de chose décidée de la décision de ce dernier, sauf circonstances nouvelles ou modifiées au sens de l'article 1032 du Code judiciaire (cfr Bruxelles, 30 avril 2009, R.D.C., 2010, p. 252 ; H. Boularbah, « Actualités en matière de procédure civile (2007-2010) », Actualités en droit judiciaire, CUP, vol. 122, Anthémis, 2010, p. 71).
Le caractère provisoire des mesures ordonnées par le juge des référés permet leur rapport ou leur modification en cas de circonstances nouvelles ou changées ; ces circonstances nouvelles ou changées peuvent consister en des circonstances de fait que les parties ne pouvaient connaître lorsque le juge des référés a ordonné les premières mesures ou qui se sont produites depuis ce moment (Cass., 18 avril 2002, Pas., 2002, p. 923).
30. Il est constant que, dans la procédure qui a donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 24 décembre 2015, [le défendeur] formait une demande similaire au premier chef de demande [dans la présente cause], demandant qu'il soit fait injonction [au demandeur] ‘de s'abstenir de donner suite à toute demande de coopération judiciaire faisant suite à son extradition vers les États-Unis, cette extradition ayant été jugée par la Cour européenne [des droits de l'homme] comme étant faite en violation des articles 3 et 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales'.
L'arrêt par lequel la cour [d'appel] déboute [le défendeur] de ce chef de demande empêche, a priori, la réitération de la même demande, sauf circonstances nouvelles ou modifiées.
[Le défendeur] invoque, à titre de circonstances nouvelles ou modifiées, les documents suivants :
- document du FBI du 14 octobre 2004 : ce document fait état de discussions tenues entre des agents du gouvernement américain, et des policiers fédéraux belges et du procureur fédéral belge avant que les États-Unis n'introduisent formellement leur demande d'extradition ; ce document relate la position défendue à ce moment-là par le procureur fédéral belge, à savoir que l'extradition [du défendeur] pourrait être accordée plus facilement pour des faits autres que la tentative d'attentat de ..., partant, a contrario, que l'extradition ne pourrait pas l'être pour un chef d'accusation limité à la tentative d'attentat de ... ; il s'agit d'une réunion préparatoire au processus d'extradition, qui peut apporter un éclairage sur la manière dont le mandat d'arrêt des autorités américaines est libellé ; [le défendeur] n'établit pas la date précise à laquelle il a été mis en possession de ce document, mais il est vraisemblable qu'elle est postérieure au 24 décembre 2015, dès lors notamment que l'arrêt de la cour d'appel ne le prend pas en considération ;
- décision de la cour d'appel du district de Columbia du 17 janvier 2017 : saisie d'une demande de contestation de la procédure américaine au vu de la violation alléguée de l'article 5 de la Convention d'extradition entre le royaume de Belgique et les États-Unis d'Amérique, signée à Bruxelles le 27 avril 1987, la cour d'appel du district de Columbia la rejette en se fondant en partie sur l'arrêté ministériel d'extradition, tenu comme valant présomption de régularité de la procédure ; cette présomption est cependant jugée non irréfragable et, poursuivant son examen, la cour du district de Columbia conclut que [le défendeur] n'établit pas que l'article 5 de la convention d'extradition s'applique lorsqu'une personne est poursuivie pour les mêmes faits, et non uniquement lorsqu'elle est poursuivie du chef de la même infraction. Cette décision, postérieure à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 24 décembre 2015, révèle que la cour d'appel du district de Columbia interprète l'arrêté ministériel d'extradition comme autorisant l'extradition sans les limites fixées lors de l'exequatur du mandat d'arrêt (cfr infra) et sans avoir été informée de la position de la Cour de cassation quant à l'interprétation de l'article 5 de la convention d'extradition (cfr infra) ;
- rapport de situation de l'enquête du 22 juin 2018 : il ressort de ce rapport que, parmi le matériel probatoire qui sera utilisé lors du procès américain, figurent un grand nombre d'éléments de preuve issus de l'enquête belge ; par ailleurs, la seule cible potentielle visée par l'accusation américaine est ...
Ces éléments, complétés par la récente requête du gouvernement américain de retirer les chefs d'accusation n°s 3 et 4 (requête déposée le 24 mai 2019), apportent des éléments nouveaux par rapport à la situation appréhendée par la cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt du 24 décembre 2015 et tendent à modifier la perception que la cour [d'appel] peut avoir des circonstances liées au procès [du défendeur] aux États-Unis, singulièrement, du risque de violation du principe non bis in idem repris à l'article 5 de la convention d'extradition.
Ils montrent qu'à la veille de l'ouverture de son procès aux États-Unis, l'essentiel, ou à tout le moins une grande partie, de ce qui est reproché [au défendeur] dans l'enquête américaine est constitué des faits pour lesquels [le défendeur] a été condamné en Belgique, alors qu'à l'origine, tenant compte notamment de l'imprécision de la rédaction du chef d'accusation n° 1, les juridictions belges pouvaient penser à l'existence d'un grand nombre d'autres éléments au dossier, étrangers au dossier répressif belge, sur lesquels se basaient les poursuites américaines, comme des contacts avec messieurs B. S. ou R. R. pour d'autres projets infractionnels que ceux poursuivis par les autorités belges.
31. Il découle de ce qui précède que le premier chef de demande [du défendeur] est recevable.
Les autres chefs de demande sont également recevables, par identité de motifs, outre que leur objet est en tout état de cause distinct de ce qui était demandé dans la procédure en référé de 2005 [lire : 2015] ».
Griefs
1. Aux termes de l'article 25 du Code judiciaire, l'autorité de la chose jugée fait obstacle à la réitération de la demande.
Il s'agit d'une exception d'irrecevabilité, qui peut être invoquée en tout état de cause.
L'autorité de la chose jugée produit un effet positif pour le gagnant, en ce sens que celui-ci peut se prévaloir de la décision dans une procédure ultérieure, ainsi qu'un effet négatif pour le perdant, en ce sens que celui-ci ne peut plus revenir sur la solution consacrée par l'acte juridictionnel.
L'article 26 du même code dispose que cette autorité subsiste tant que la décision n'a pas été infirmée.
En vertu de l'article 24 de ce code, toute décision définitive a, dès son prononcé, autorité de chose jugée.
L'article 19, alinéa 1er, du code précise que le jugement est définitif dans la mesure où il épuise la juridiction du juge sur une question litigieuse, sauf les recours prévus par la loi. Aux termes de l'alinéa 2 de cet article, le juge qui a épuisé sa juridiction sur une question litigieuse ne peut plus en être saisi, sauf exceptions prévues par ce code.
Par ailleurs, suivant l'article 28 du Code judiciaire, toute décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel, sauf les exceptions prévues par la loi et sans préjudice des effets des recours extraordinaires.
Il s'ensuit que l'autorité de la chose jugée ne peut plus être remise en cause pour quelque motif que ce soit, sauf introduction d'un recours prévu par la loi.
2. Aux termes de l'article 23 du Code judiciaire, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande repose sur la même cause, quel que soit le fondement juridique invoqué ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Elle s'attache d'abord à tout ce que le juge a décidé sur le litige et à ce qui, au motif que le litige dont il a été saisi et qui a été soumis à la contradiction des parties, constitue le fondement nécessaire, fût-il implicite, de sa décision.
Il ressort ensuite de l'article 23 précité que cette autorité vaut quel que soit le fondement juridique invoqué et, partant, quel que soit le fondement retenu par le juge.
Par ailleurs, de ce qu'il n'y a pas identité entre l'objet et la cause d'une action définitivement jugée et ceux d'une action ultérieurement exercée entre les mêmes parties, il ne se déduit pas nécessairement que pareille identité n'existe à l'égard d'aucune prétention ou contestation élevée par une partie dans l'une ou dans l'autre instance ni, partant, que le juge puisse accueillir une prétention dont le fondement est inconciliable avec la chose antérieurement jugée.
Tel sera notamment le cas lorsque la prétention nouvelle ne peut être admise sans détruire le bénéfice de la décision antérieure.
Ainsi, l'autorité de chose jugée attachée à une décision s'oppose à l'introduction d'une nouvelle demande ayant le même objet et la même cause que celle déjà jugée à la seule fin de produire de nouvelles preuves devant ledit juge ou de lui soumettre de nouveaux moyens. Elle s'oppose également à ce que la même contestation soit à nouveau soumise au juge.
3. Ces règles valent également en matière de référé.
Aux termes de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire, le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire.
Si l'article 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que les ordonnances sur référé ne portent pas préjudice au principal, lesdites ordonnances sont également revêtues de l'autorité de la chose jugée, laquelle empêche que la demande soit réitérée tant que les circonstances n'ont pas changé.
Constituent des circonstances nouvelles ou changées, permettant au juge des référés de rapporter ou de modifier des mesures ordonnées antérieurement, des faits réellement nouveaux, modifiant la situation juridique sur laquelle la décision antérieure statue, et non de simples éléments d'appréciation qui n'impliquent aucune modification de la situation juridique des parties.
Il s'ensuit que la simple découverte de documents, qui existaient déjà à l'époque de la première procédure en référé, ne peut justifier que le juge des référés revienne sur sa décision antérieure, s'il n'apparaît point qu'ils impliquent une modification de la situation juridique sur laquelle il a déjà été statué. Il ne suffit pas de constater que lesdits documents tendent à modifier la perception des faits.
Des documents de date plus récente ne justifieront pas davantage une dérogation aux règles de l'autorité de chose jugée, s'ils ne révèlent pas une modification de la situation juridique sur laquelle le juge des référés a statué.
4. Le défendeur se prévalait d'une prétendue atteinte au droit de ne pas être jugé une deuxième fois pour les mêmes faits par le juge américain, puisé dans l'article 5 de la convention d'extradition.
Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que, dans le cadre d'une première procédure en référé, qui avait eu pour objet qu'il soit fait injonction [au demandeur] de ‘cesser immédiatement tout type de coopération avec les autorités américaines en vue du jugement [du défendeur], sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par jour à partir de la signification de l'arrêt', la cour d'appel de Bruxelles avait déjà eu à se pencher sur une éventuelle atteinte au droit de ne pas être jugé une deuxième fois pour les mêmes faits par le juge américain à la suite de l'extradition du défendeur vers les États-Unis et avait décidé que ce défendeur ne pouvait pas se prévaloir d'une apparence de droits du chef de la violation du principe non bis in idem.
Les documents, tels qu'ils sont détaillés dans l'arrêt attaqué, invoqués par le défendeur à l'appui de sa nouvelle demande, tendant à enjoindre à l'État belge de cesser tout type de coopération avec les autorités américaines en vue de son jugement, d'indiquer aux autorités américaines que les poursuites dirigées contre le défendeur violent le principe non bis in idem et, à défaut, de préciser aux autorités américaines que les poursuites dirigées contre le défendeur ne peuvent viser ni les « actes déclarés » nos 23 à 26 ni aucun fait s'étant déroulé sur le territoire du royaume, sont tous invoqués à l'appui d'une prétendue atteinte à ce même principe non bis in idem, consacré par l'article 5.1 de la convention d'extradition, déjà invoqué dans le cadre de la première procédure en référé, en raison des poursuites dont il fait l'objet aux États-Unis et portant sur les faits pour lesquels il fut extradé vers les États-Unis, dont le défendeur n'avait pas réussi, à l'époque, à convaincre le juge des référés, et n'impliquent en soi aucune modification de la situation juridique du défendeur sur laquelle la cour d'appel a statué à l'époque.
L'arrêt attaqué admet d'ailleurs que les éléments nouveaux invoqués, qu'il énumère, tendent à modifier la perception que la cour d'appel peut avoir des circonstances liées au procès du défendeur aux États-Unis. Il ne dit pas que la situation juridique sur laquelle la cour d'appel s'est prononcée une première fois en 2015 a été modifiée.
5. Partant, l'arrêt attaqué n'a, au vu de ses constatations, pour les motifs exposés ci-avant, pas pu décider légalement que l'exception de la chose jugée décidée, attachée à l'arrêt du 24 décembre 2015 de la cour d'appel de Bruxelles siégeant en appel en référé, ne s'opposait pas à ce qu'il déclare recevable la demande précisée ci-dessus du défendeur, lequel se prévalait de la même atteinte au principe non bis in idem, relativement aux mêmes faits, à la même procédure d'extradition et aux mêmes poursuites sur le territoire américain (violation des articles 19, alinéas 1er et 2, 23, 24, 25, 26, 28, 584, alinéa 1er, 602, alinéa 1er, 2°, et 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire).
Second moyen
Dispositions légales violées
- article 144, alinéa 1er, de la Constitution ;
- articles 1er et 5.1 de la Convention d'extradition entre le royaume de Belgique et les États-Unis d'Amérique, signée à Bruxelles le 27 avril 1987, modifiée par l'instrument bilatéral, fait à Bruxelles le 16 décembre 2004, visé à l'article 3, paragraphe 2, de l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en matière d'extradition, fait à Washington D.C. le 25 juin 2003, approuvé par la loi du 30 juin 2009 ;
- articles 8, 9, 10, 17, 18, 584, alinéa 1er, 602, alinéa 1er, 2°, 793, 828, 9°, 831 et 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué déclare l'appel du défendeur partiellement fondé, enjoint [au demandeur] de notifier par la voie officielle aux autorités américaines, dans les deux jours de la signification de l'arrêt à intervenir, une copie dudit arrêt, en invitant les autorités américaines à prendre connaissance de l'analyse juridique figurant aux paragraphes 37 et suivants de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par jour de retard avec un plafond de 50.000 euros, et condamne [le demandeur] aux dépens. Cette décision est notamment fondée sur les motifs suivants:
« IV.4.4. Quant à l'apparence de droits
37. L'article 5 de la Convention d'extradition entre le royaume de Belgique et les États-Unis d'Amérique se lit comme suit :
‘Article 5 - Poursuites préalables
1. L'extradition n'est pas accordée si l'individu réclamé a été déclaré coupable, condamné ou acquitté dans l'État requis pour l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée.
2. La décision des autorités de l'État requis, soit de ne pas poursuivre l'individu réclamé pour les actes pour lesquels l'extradition est demandée, soit de mettre fin à toute procédure pénale qui avait été engagée contre l'individu recherché pour ces actes, n'exclut pas pour autant la possibilité de l'extrader' [...].
38. [...] les juridictions belges interprètent la disposition comme signifiant que l'extradition est refusée lorsque la demande vise une infraction pour laquelle l'individu réclamé a déjà été jugé dans l'État requis, ce qui implique un examen de l'identité du fait et non de la qualification.
C'est en vertu d'un tel examen, soit la comparaison des faits pour lesquels [le défendeur] avait été condamné en Belgique avec les ‘Overt acts' soutenant les chefs d'accusation américains, que l'ordonnance du 19 novembre 2008 de la chambre du conseil [du tribunal de première instance] de Nivelles accorde l'exequatur au mandat d'arrêt américain ‘sauf en ce qu'il vise les « faits déclarés » (Overt Acts) n° 23, 24, 25 et 26 énoncés au paragraphe 10 du premier chef d'accusation et censés être répétés à l'appui des trois autres chefs d'accusation'.
Ces ‘faits déclarés' (Overt Acts) n° 23, 24, 25 et 26 énoncés au paragraphe 10 du premier chef d'accusation sont des faits qui se sont déroulés en Belgique et qui sont liés à la tentative d'attentat contre ... ; ils [sont] libellés de la manière suivante : [...]
Cette ordonnance du 19 novembre 2008 est confirmée par l'arrêt du 19 février 2009 de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles. Le pourvoi [du demandeur] contre cet arrêt [...] est rejeté par l'arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2009, qui précise expressément, en réponse au deuxième moyen formé par [le défendeur], que, ‘pour le surplus, en disposant que l'extradition est refusée lorsque la demande vise une infraction pour laquelle l'individu réclamé a déjà été jugé dans l'État requis, l'article 5.1. de la convention d'extradition vise l'identité du fait et non l'identité de la qualification'.
La Cour de cassation écarte le deuxième moyen par lequel [le défendeur] l'invite à ‘déduire de l'analyse du dossier répressif que les actes qui lui sont reprochés dans le cadre de la demande d'extradition s'identifient en tout ou en partie avec ceux pour lesquels il a déjà été condamné', en considérant que le moyen, d'une part, est irrecevable en ce qu'il requiert une vérification des éléments de fait par la Cour, d'autre part, manque en droit parce que ‘l'article 5.1 de la convention d'extradition vise l'identité du fait et non l'identité de la qualification'.
Partant, l'ordonnance du 18 [lire : 19] novembre 2008 accordant un exequatur limité au mandat américain est coulée en force de chose jugée et, dès lors, irrévocable, et s'impose [au demandeur].
39. Au demeurant, la circulaire ministérielle du 24 mars 2005 relative à la coopération internationale en matière pénale entre la Belgique et les États-Unis fait une même analyse de la portée de l'article 5 [de la convention d'extradition].
Cette analyse a aussi été celle du parquet fédéral belge dans la procédure d'exequatur du mandat d'arrêt.
40. Seul l'arrêté ministériel d'extradition du 23 novembre 2011 s'éloigne de cette interprétation constante de l'article 5 de la convention d'extradition, pour soutenir que la disposition requérait une identité des qualifications.
Le parallèle fait dans la motivation avec les dispositions prévues par les articles 4 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l'assemblée générale des Nations Unies le 19 décembre 1966, n'apparaît pas pertinent, dès lors, en particulier, que ces deux instruments ne consacrent la règle que dans un contexte national, entre juridictions d'un même État, et non international, comme c'est le cas à l'article 5 de la convention d'extradition. Il n'y a donc pas de raison, a priori, d'interpréter cet article 5 en fonction de ces deux instruments.
Au demeurant, tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 4 du Protocole n° 7 suppose que les nouvelles poursuites soient fondées sur le même comportement que celui précédemment sanctionné, même si les appellations des infractions sont différentes (cfr C.E.D.H., arrêt Zolotoukhine du 10 juin 2009). S'agissant de l'article 14.7 du Pacte international, il n'est pas non plus certain que le principe non bis in idem serait limité à la même infraction (cfr Affaire Jijon c. Equateur, 1992, n° 277/1988, paragraphe 5.4., cité par L. Hennebel, La jurisprudence du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, Bruylant, 2007, p. 232).
Enfin, le Conseil d'État, lorsqu'il a été saisi du recours [du défendeur] contre l'arrêté ministériel d'extradition et d'un moyen invoquant spécifiquement la violation de l'article 5 de la convention d'extradition, n'a pas fait sienne l'interprétation de ladite disposition défendue par l'État belge. Au contraire, le Conseil d'État a procédé à un examen comparatif des faits, soit, d'une part ‘les faits pour lesquels l'extradition est accordée aux autorités américaines', en excluant dès lors les ‘faits déclarés' n° 23 à 26, d'autre part les préventions retenues en Belgique, pour arriver à la conclusion, implicite, qu'il n'y a pas identité entre ces faits et que ‘le requérant est réclamé par les autorités américaines pour des infractions pour lesquelles il n'a pas été « déclaré coupable, condamné ou acquitté dans l'État requis »' et que ‘les « actes déclarés » constituent autant d'éléments qui serviront aux autorités judiciaires américaines pour établir si le requérant est coupable ou non des quatre chefs d'accusation portés contre lui'.
4. Il découle de l'ensemble de ce qui précède que, selon le droit belge :
- l'article 5 de la convention d'extradition vise l'identité du fait et non de la qualification ;
- pour cette raison, les juridictions belges, soit l'ordonnance de la chambre du conseil [du tribunal de première instance] de Nivelles du 19 novembre 2008, confirmée par l'arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles du 9 février 2009, ont limité l'exequatur donné au mandat d'arrêt américain, en l'accordant ‘sauf en ce qu'il vise les « faits déclarés » (Overt Acts) n° 23, 24, 25 et 26 énoncés au paragraphe 10 du premier chef d'accusation et censés être répétés à l'appui des trois autres chefs d'accusation' ;
- ces décisions des juridictions belges sont coulées en force de chose jugée et s'imposent [au demandeur] ;
- de même, l'arrêté ministériel d'extradition du 23 novembre 2011 n'a pu valablement accorder l'extradition demandée par les États-Unis que dans les limites de l'exequatur accordé au mandat d'arrêt, c'est-à-dire pour les quatre chefs d'accusation renseignés au mandat d'arrêt mais sans pouvoir viser les ‘ « actes déclarés » (Overt Acts) n° 23, 24, 25 et 26 énoncés au paragraphe 10 du premier chef d'accusation et censés être répétés à l'appui des trois autres chefs d'accusation' ;
Il résulte de ce qui précède que, selon l'analyse qui prévaut en droit belge, l'extradition [du défendeur] ne permet pas de le poursuivre aux États-Unis pour y être jugé pour les faits repris dans les « actes déclarés » (Overt Acts) n° 23, 24, 25 et 26 énoncés au paragraphe 10 du premier chef d'accusation et censés être répétés à l'appui des trois autres chefs d'accusation, à savoir les faits liés à la tentative d'attentat à ...
La demande [du défendeur] est dès lors fondée, dans la mesure précisée au dispositif du présent arrêt, jugée suffisante pour assurer la protection des droits invoqués par [le défendeur] au provisoire ».
Griefs
Première branche
Aux termes de l'article 144, alinéa 1er, de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.
Il s'en déduit que les cours et tribunaux belges n'ont juridiction que dans la mesure où le demandeur en justice se prévaut devant eux d'un droit subjectif, à savoir une obligation juridique déterminée, qu'une règle du droit objectif impose directement à un tiers, à savoir le défendeur en justice, dont il peut exiger l'exécution, et à l'exécution de laquelle il a un intérêt.
Ils ne peuvent, par ailleurs, prononcer de condamnation à l'égard de ce défendeur que dans la mesure où l'existence de ce droit est avérée.
Il en va de même en cas de procédure en référé, avec cette précision que le juge des référés, saisi en application des articles 584, alinéa 1er, ou, en degré d'appel, 602, alinéa 1er, 2°, du Code judiciaire, peut se contenter d'examiner les droits apparents du demandeur en justice.
Il s'ensuit que ce demandeur ne pourra poursuivre l'octroi de mesures provisoires que dans la mesure où il se prévaut à l'égard du défendeur à la procédure en référé d'un droit apparent, qu'une règle du droit objectif impose directement audit défendeur et à l'exécution de laquelle ledit demandeur a un intérêt.
En effet, si, aux termes de l'article 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire, les ordonnances sur référé ne portent pas préjudice au principal, l'interdiction de se prononcer au fond n'emporte point interdiction d'examiner les droits des parties.
Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que le défendeur se prévalait devant le juge des référés belge, à l'égard [du demandeur], de la crainte que soit violé le principe non bis in idem, puisé dans l'article 5.1 de la convention d'extradition, qui dispose que l'extradition n'est pas accordée si l'individu réclamé a été déclaré coupable, condamné ou acquitté dans l'État requis pour l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée, non par le juge belge mais par le juge américain.
L'extradition étant un fait accompli, dès lors que le [défendeur] fut extradé le 3 octobre 2013 vers les États-Unis, et le [défendeur] étant poursuivi en justice, non en Belgique, mais aux États-Unis, il ne pouvait se prévaloir à l'égard [du demandeur] d'aucun droit apparent, déduit du principe non bis in idem, consacré par l'article précité, dont il pouvait forcer l'exécution.
Partant, l'arrêt attaqué, qui constate que le défendeur a été extradé dès 2013 vers les États-Unis, après avoir épuisé tous les recours devant le juge belge, à savoir la chambre du conseil, la chambre des mises en accusation, la Cour de cassation et le Conseil d'État, et qui constate qu'il fait l'objet de poursuites devant le juge américain du chef de faits qu'il prétend être identiques à ceux pour lesquels il a déjà été condamné en Belgique, constatation qui exclut toute juridiction du juge belge en la matière, n'a pu décider légalement qu'il pouvait se prévaloir à l'égard [du demandeur] d'un droit apparent, déduit de la règle non bis in idem, consacré par l'article 5.1 de la convention d'extradition, justifiant que [le demandeur] soit condamné à inviter les autorités américaines à prendre connaissance de l'analyse juridique, figurant aux paragraphes 37 et suivants de l'arrêt attaqué et portant sur la portée de la mesure d'extradition, sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par jour de retard avec un plafond de 50.000 euros (violation des articles 144, alinéa 1er, de la Constitution, 5.1 de la Convention d'extradition entre le royaume de Belgique et les États-Unis d'Amérique, signée à Bruxelles le 27 avril 1987, modifiée par l'instrument bilatéral, fait à Bruxelles le 16 décembre 2004, visé à l'article 3, paragraphe 2, de l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en matière d'extradition, fait à Washington D.C. le 25 juin 2003, approuvé par la loi du 30 juin 2009, 584, alinéa 1er, 602, alinéa 1er, 2°, et 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire).
Deuxième branche
Aux termes de l'article 144, alinéa 1er, de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.
Aux termes de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former, l'intérêt étant l'avantage matériel ou moral qu'il espère retirer de la décision à venir. L'article 18 du Code judiciaire dispose que l'intérêt doit être né et actuel. L'action peut être admise lorsqu'elle a été intentée, même à titre déclaratoire, en vue de prévenir la violation d'un droit gravement menacé.
Il se déduit de ces dispositions que l'intérêt du demandeur à l'action doit être concret et personnel. Il faut qu'il soumette au juge une contestation concrète, portant sur des droits subjectifs, que le juge est en droit de trancher, en vertu des dispositions légales délimitant sa compétence matérielle et territoriale, en exécution des articles 8 à 10 du Code judiciaire.
Aux termes de l'article 584, alinéa 1er, le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire. Il peut ordonner des mesures conservatoires lorsqu'il existe une apparence de droit qui justifie une telle décision.
Par contre, le juge des référés ne peut pas émettre d'avis purement juridique, serait-ce dans le but d'être utilisé par une des parties dans le cadre d'une autre procédure judiciaire à l'appui de ses droits.
En effet, le juge étatique est appelé à trancher des contestations, le cas échéant, après avoir tenté de concilier les parties ; il n'est pas le conseiller juridique des parties, ainsi qu'il est attesté par les articles 828, 9°, du Code judiciaire, dont il ressort que le juge qui a donné conseil, plaidé ou écrit sur le différend, peut être récusé, et 831 du Code judiciaire, disposant que le juge qui sait cause de récusation en sa personne est tenu de s'abstenir.
Le juge n'est pas davantage appelé à donner une interprétation des décisions d'autres juridictions, l'article 793 du Code judiciaire réservant la compétence d'interpréter les arrêts et jugements aux juges qui les ont rendus ou au juge des saisies.
Ce qui précède vaut également pour le juge qui fait droit sur l'appel du juge des référés, en application de l'article 602, alinéa 1er, 2°, du Code judiciaire.
Il ressort des considérations de l'arrêt attaqué que le défendeur poursuivait devant le juge des référés la condamnation [du demandeur] à indiquer aux autorités américaines que les poursuites dirigées contre lui, sous-entendu par les autorités américaines, violent le principe non bis in idem, à défaut, d'enjoindre [au demandeur] de préciser aux autorités américaines que les poursuites dirigées contre lui ne peuvent viser ni les « actes déclarés » nos 23 à 26 ni aucun fait s'étant déroulé sur le territoire de ... et que de telles poursuites violeraient le principe de spécialité de l'extradition, et, ce faisant, invitait la cour d'appel à déterminer la portée de l'article 5.1 de la convention d'extradition ainsi que les limites de la décision d'extradition, déjà accordée et exécutée, à la lumière des différents actes juridictionnels rendus par d'autres instances juridiques, à savoir l'ordonnance de la chambre du conseil, l'arrêt de la chambre des mises en accusation, l'arrêt de la Cour de cassation et l'arrêt du Conseil d'État.
L'arrêt attaqué décortique et analyse aux paragraphes 37 et suivants les différentes décisions judiciaires et, ce faisant, émet un avis purement juridique quant à l'analyse de l'article 5 de la convention d'extradition qui prévaut en Belgique, servant les intérêts du défendeur, aux fins d'être transmis par [le demandeur] aux autorités américaines, sans trancher une quelconque contestation concrète, opposant le défendeur [au demandeur].
Partant, dans la mesure où il condamne [le demandeur] à inviter les autorités américaines à prendre connaissance de l'analyse juridique, figurant à ses paragraphes 37 et suivants et portant sur la portée de la décision d'extradition, sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par jour de retard avec un plafond de 50.000 euros, l'arrêt attaqué fait droit en méconnaissance de la mission du juge étatique, à savoir trancher des contestations concrètes et portant sur des droits subjectifs (violation des articles 144, alinéa 1er, de la Constitution, 8 à 10, 17, 18, 584, alinéa 1er, et 602, alinéa 1er, 2°, du Code judiciaire), enfreint l'interdiction de se porter conseil d'une des parties (violation des articles 828, 9°, et 831 du Code judiciaire) et s'arroge le pouvoir d'interpréter les décisions d'autres instances judiciaires (violation de l'article 793 du Code judiciaire), partant, n'a pas pu ordonner légalement la mesure critiquée (violation des articles 584, alinéa 1er, 602, alinéa 1er, 2°, et 1039 du Code judiciaire).
Troisième branche
Aux termes de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire, le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire.
En vertu de l'article 602, alinéa 1er, 2°, du Code judiciaire, le juge d'appel dispose de la même compétence.
Aux termes de l'article 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire, les ordonnances sur référé ne portent pas préjudice au principal.
Il s'en déduit que le juge des référés ne peut pas se prononcer au fond.
Cette interdiction n'emporte toutefois point interdiction d'examiner les droits apparents des parties à l'aune du droit matériel et, ce faisant, n'applique aucune règle de droit qui ne peut raisonnablement fonder la décision.
Devant la cour d'appel, le défendeur se prévalait d'une prétendue violation du principe non bis in idem, puisé dans l'article 5 de la convention d'extradition.
L'article 1er de cette convention, entrée en vigueur le 1er septembre 1997, dispose notamment, quant à l'obligation d'extradition, que « les États contractants s'engagent à se livrer réciproquement conformément aux dispositions de la présente convention, les individus qui sont poursuivis, déclarés coupables ou condamnés du chef de l'une des infractions donnant lieu à extradition commises dans la juridiction de l'un des États contractants ».
L'article 5.1 de ladite convention dispose, quant aux poursuites préalables, que l'extradition n'est pas accordée si l'individu réclamé a été déclaré coupable, condamné ou acquitté dans l'État requis pour l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée.
Le texte de l'article précité est bien clair, l'extradition doit être refusée si les délits, autrement dit les infractions, sont identiques. Les trois versions linguistiques officielles, publiées dans le Moniteur, sont identiques. Ainsi, le texte néerlandophone fait état de « misdrijf », soit infraction.
Il s'ensuit que seule importe l'identité des infractions.
L'arrêté ministériel du 23 novembre 2011, notifié le 6 décembre 2011, qui n'a pas été jugé illégal par le Conseil d'État, ainsi qu'il ressort des considérations de l'arrêt attaqué, a accordé l'extradition pour l'ensemble des quatre délits (infractions, ou chefs d'accusation, selon le droit américain : « charges ») pour lesquels l'extradition du défendeur avait été demandée, considérant qu'il n'y avait pas identité avec les infractions déjà jugées en Belgique.
Partant, l'arrêt attaqué, qui considère qu'il suffit que les faits soient identiques pour que le défendeur puisse se prévaloir d'une atteinte au principe non bis in idem, n'est pas légalement motivé (violation des articles 1er et 5.1 de la Convention d'extradition entre le royaume de Belgique et les États-Unis d'Amérique, signée à Bruxelles le 27 avril 1987, modifiée par l'instrument bilatéral, fait à Bruxelles le 16 décembre 2004, visé à l'article 3, paragraphe 2, de l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en matière d'extradition, fait à Washington D.C. le 25 juin 2003, approuvé par la loi du 30 juin 2009), partant, n'a pas pu décider légalement que le défendeur disposait d'un droit apparent justifiant d'imposer [au demandeur] la mesure précisée en son dispositif (violation des articles 584, alinéa 1er, 602, alinéa 1er, 2°, et 1039, alinéa 1er, du Code judiciaire).
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Le moyen, qui est dirigé contre la décision de l'arrêt attaqué de recevoir le chef subsidiaire de la demande du défendeur, qu'il dit seul fondé, tendant à ce qu'il soit enjoint au demandeur de préciser « aux autorités américaines que les poursuites dirigées contre [le défendeur] ne peuvent pas viser les ‘actes déclarés' nos 23 à 26 ni aucun fait s'étant déroulé sur le territoire du royaume de Belgique, y compris la tentative d'attentat sur ... », critique les motifs par lesquels cet arrêt écarte l'exception de chose décidée déduite par le demandeur de l'arrêt rendu le 24 décembre 2015 par la cour d'appel sur une précédente demande en référé du défendeur.
Après avoir déduit de ces motifs que « le premier chef de la demande [du défendeur] est recevable », l'arrêt attaqué considère que « les autres chefs de la demande », parmi lesquels celui auquel il fait droit, « sont également recevables, par identité de motif, outre que leur objet est en tout état de cause distinct de ce qui était demandé dans la procédure en référé de 2005 [lire : 2015] ».
Ce dernier motif, que le moyen ne critique pas, suffit à fonder la décision de l'arrêt attaqué contre laquelle est dirigé le moyen.
Celui-ci, qui ne saurait entraîner la cassation, est dénué d'intérêt, partant, irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant à la troisième branche :
En disposant que l'extradition est refusée lorsque la demande vise une infraction pour laquelle l'individu réclamé a déjà été jugé dans l'État requis, l'article 5.1 de la Convention d'extradition entre le royaume de Belgique et les États-Unis d'Amérique, signée à Bruxelles le 27 avril 1987, vise l'identité du fait et non l'identité de la qualification.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la première branche :
De ce que la remise d'une personne qui fait l'objet d'une extradition du royaume de Belgique vers les États-Unis d'Amérique est accomplie, il ne suit pas que cette personne ne dispose d'aucun droit apparent envers l'État belge tiré du principe général du droit non bis in idem consacré par l'article 5.1 de la convention d'extradition.
Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la deuxième branche :
D'une part, en enjoignant, sous peine d'astreinte, au demandeur de « notifier par la voie officielle aux autorités américaines [...] une copie de [l'arrêt attaqué] en invitant [ces autorités] à prendre connaissance de l'analyse juridique figurant aux paragraphes 37 et suivants », l'arrêt attaqué ne donne pas de consultation juridique mais tranche la question, contentieuse entre les parties, de savoir si le demandeur a l'obligation de transmettre à ces autorités des précisions relatives à l'extradition du défendeur.
Ce faisant, il ne s'érige pas en conseil d'une des parties.
D'autre part, par les motifs reproduits par le moyen, l'arrêt attaqué n'interprète pas, en raison de leur caractère obscur ou ambigu, les décisions judiciaires sur lesquelles il se fonde, mais en tire les conséquences.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent quatorze euros trois centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du quatre mars deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.