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24/02/2021 | BELGIQUE | N°P.20.0965.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 février 2021, P.20.0965.F


N° P.20.0965.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
CONSEIL CYNEGETIQUE DU BOIS SAINT JEAN, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Nadrin (Houffalize), rue de Houffalize, 25B,
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Adrien Masset, avocat au barreau de Verviers, et Stéphane Nopère, avocat au barreau de Buxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 7 septembre 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le dem

andeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée co...

N° P.20.0965.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
CONSEIL CYNEGETIQUE DU BOIS SAINT JEAN, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Nadrin (Houffalize), rue de Houffalize, 25B,
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Adrien Masset, avocat au barreau de Verviers, et Stéphane Nopère, avocat au barreau de Buxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 7 septembre 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 30 décembre 2020, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 6 janvier 2021, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
Le défendeur a déposé, le 25 janvier 2021, une note en réponse par application de l'article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le défendeur est poursuivi pour ne pas avoir tiré la quantité minimale de gibier fixée par les plans de tir durant les saisons cynégétiques 2014-2015, 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018. L'arrêt attaqué acquitte le défendeur de l'ensemble des préventions, à défaut de base réglementaire déterminant les années cynégétiques.
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur les préventions C du dossier 63.M1.300000/2015 et A du dossier 63.M1.536051/2018 :
Sur le moyen unique :
Les préventions sont relatives respectivement aux années cynégétiques 2016-2017 et 2017-2018.
Le moyen est pris de la violation des articles 159 de la Constitution, 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, 1er, § 1er, 2°, et 1erquater de la loi du 28 février 1882 sur la chasse, 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 22 avril 1993 relatif au plan de tir pour la chasse au cerf et 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 24 mars 2016 fixant les dates de l'ouverture, de la clôture et de la suspension de la chasse du 1er juillet 2016 au 30 juin 2021.

Selon le demandeur, c'est à tort que les juges d'appel ont écarté l'arrêté du Gouvernement wallon du 24 mars 2016 en raison de l'illégalité constatée par un arrêt du Conseil d'Etat du 25 octobre 2019, dès lors que ledit arrêt a maintenu les effets de l'acte annulé jusqu'au 30 juin 2020 par application de l'article 14ter des lois coordonnées précitées.
En vertu dudit article 14ter, si des raisons exceptionnelles le justifient, le Conseil d'Etat peut indiquer ceux des effets de l'acte ou du règlement annulés qui doivent être considérés comme maintenus provisoirement pour le délai que la juridiction détermine.
L'article 159 de la Constitution dispose que les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.
Certes, le principe de légalité garanti par cette disposition s'inscrit dans un ensemble de principes généraux du droit à valeur constitutionnelle, parmi lesquels figure le principe de la sécurité juridique, et c'est aux fins de préserver la sécurité juridique en évitant de mettre à mal, par l'effet de l'annulation, des situations juridiques acquises, que le Conseil d'Etat s'est vu conférer un pouvoir de modulation dans le temps de ses arrêts d'annulation.
Toutefois, lorsqu'il s'agit du jugement de l'action publique, la règle édictée par l'article 159 doit se combiner avec l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, selon lequel nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans les formes qu'elle prescrit.
Cette exigence n'est pas rencontrée par le maintien des effets d'un acte réglementaire illégal.
Le délit de non-respect d'un plan de tir est lié à la définition de la période de chasse à laquelle le plan s'applique. Il en résulte que si la norme portant cette définition doit être tenue pour illégale, l'infraction ne répond plus au principe de légalité qui en conditionne l'existence.
Le moyen ne peut être accueilli.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur les préventions A et B du dossier 63.M1.300000/2015 :
Sur le second moyen :

Les préventions sont relatives aux années cynégétiques 2014-2015 et 2015-2016.
Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen soutient que la motivation de l'arrêt ne permet pas de déterminer si la cour d'appel a examiné les préventions au regard de l'arrêté du Gouvernement wallon du 24 mars 2016 fixant les dates de l'ouverture, de la clôture et de la suspension de la chasse du 1er juillet 2016 au 30 juin 2021 ou au regard de l'arrêté du Gouvernement wallon du 12 mai 2011 fixant les dates de la chasse du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016. Selon le demandeur, étant ainsi susceptible de deux interprétations, dont seule l'une d'entre elles pouvait légalement fonder la décision, la motivation de l'arrêt est ambiguë.
L'arrêt attaqué relève que par un arrêt du 25 octobre 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du Gouvernement wallon du 24 mars 2016 aux motifs que celui du 23 mars 1995 fixant le fonctionnement et les modalités de consultation du Conseil supérieur de la chasse viole les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, à défaut d'existence d'une urgence rendant impossible la consultation de la section de législation dans un délai de trois jours, et que cette illégalité rejaillit sur l'avis donné par le Conseil supérieur de la chasse dans le cadre de l'arrêté du 24 mars 2016, cet avis étant constitutif d'une formalité substantielle.
Il en déduit que l'arrêté du 23 mars 1995 doit être écarté en application de l'article 159 de la Constitution et que, par répercussion, les arrêtés adoptés sur la base d'avis illégaux du Conseil supérieur de la chasse sont également illégaux.
En visant ainsi non pas le seul arrêté du 24 mars 2016 mais tous les arrêtés du gouvernement wallon entachés de l'illégalité constatée, l'arrêt attaqué indique qu'il écarte l'arrêté du 12 mai 2011 qui détermine les périodes de chasse du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016.
Reposant sur une autre lecture de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 159 de la Constitution, 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, 1er, § 1er, 2°, et 1erquater de la loi du 28 février 1882 sur la chasse, 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 22 avril 1993 relatif au plan de tir pour la chasse au cerf et 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 12 mai 2011 fixant les dates de l'ouverture, de la clôture et de la suspension de la chasse du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016. Il reproche aux juges d'appel d'avoir écarté l'arrêté du 12 mai 2011 précité par application de l'article 159 de la Constitution.
Selon le demandeur, un acte de l'exécutif à l'égard duquel le Conseil d'Etat a rejeté un recours en annulation échappe à la censure de l'article 159 de la Constitution. Il soutient que, partant, la cour d'appel ne pouvait dire les préventions sans fondement légal dès lors que ni par l'arrêt n° 221.879 du 20 décembre 2012 ni par l'arrêt n° 232.181 du 14 septembre 2015, le Conseil d'Etat n'a annulé l'article 1er de l'arrêté du 12 mai 2011.
Contrairement à la décision d'annulation qui fait disparaître l'acte annulé de l'ordonnancement juridique, la décision de rejet de l'annulation de l'acte réglementaire n'a pas autorité de chose jugée erga omnes. Ainsi, en application de l'article 159 de la Constitution, il appartient aux cours et tribunaux de vérifier dans le cadre du litige dont ils sont saisis si cet acte est conforme aux lois.
Reposant sur la prémisse juridique contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l'Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante-neuf euros septante-quatre centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre février deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.0965.F
Date de la décision : 24/02/2021
Type d'affaire : Droit administratif - Droit constitutionnel - Autres

Analyses

En vertu de l'article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, si des raisons exceptionnelles le justifient, le Conseil d'Etat peut indiquer ceux des effets de l'acte ou du règlement annulés qui doivent être considérés comme maintenus provisoirement pour le délai que la juridiction détermine (1). (1) Voir les concl. écrite et « dit en substance » du MP.

CONSEIL D'ETAT [notice1]

Le principe de légalité garanti par l'article 159 de la Constitution s'inscrit dans un ensemble de principes généraux du droit à valeur constitutionnelle, parmi lesquels figure le principe de la sécurité juridique, et c'est aux fins de préserver la sécurité juridique en évitant de mettre à mal, par l'effet de l'annulation, des situations juridiques acquises, que le Conseil d'Etat s'est vu conférer un pouvoir de modulation dans le temps de ses arrêts d'annulation; toutefois, lorsqu'il s'agit du jugement de l'action publique, la règle édictée par l'article 159 doit se combiner avec l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, selon lequel nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans les formes qu'elle prescrit (1). (1) Voir les concl. écrite et « dit en substance » du MP.

CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 159 - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 12 - CONSEIL D'ETAT - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT [notice2]

L'exigence de légalité résultant de l'article 12, alinéa 2, de la Constitution selon lequel nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans les formes qu'elle prescrit n'est pas rencontrée par le maintien des effets par le Conseil d'Etat d'un acte réglementaire illégal en application de de l'article 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat (1). (1) Voir les concl. écrite et « dit en substance » du MP.

CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 159 - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 12 - CONSEIL D'ETAT [notice7]

Contrairement à la décision d'annulation rendue par le Conseil d'Etat qui fait disparaître l'acte annulé de l'ordonnancement juridique, la décision de rejet de l'annulation de l'acte réglementaire n'a pas autorité de chose jugée erga omnes; ainsi, en application de l'article 159 de la Constitution, il appartient aux cours et tribunaux de vérifier dans le cadre du litige dont ils sont saisis si cet acte est conforme aux lois (1). (1) Voir les concl. écrite et « dit en substance » du MP.

CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 159 - CONSEIL D'ETAT - CHOSE JUGEE - AUTORITE DE CHOSE JUGEE - Divers [notice10]


Références :

[notice1]

Lois sur le Conseil d'Etat - 12-01-1973 - Art. 14ter - 02 / No pub 1973011250

[notice2]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 12, al. 2, et 159 - 30 / No pub 1994021048 ;

Lois sur le Conseil d'Etat - 12-01-1973 - Art. 14ter - 02 / No pub 1973011250

[notice7]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 12, al. 2, et 159 - 30 / No pub 1994021048 ;

Lois sur le Conseil d'Etat - 12-01-1973 - Art. 14ter - 02 / No pub 1973011250

[notice10]

Lois sur le Conseil d'Etat - 12-01-1973 - Art. 14ter - 02 / No pub 1973011250


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-02-24;p.20.0965.f ?

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