N° F.19.0064.N
J.-P. B.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
VILLE DE GAND,
Me Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d’appel de Gand dans la cause inscrite au rôle général de cette juridiction sous le numéro 2017/AR/1247.
Le 7 décembre 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la troisième branche :
1. La règle de l’égalité des Belges devant la loi contenue dans l’article 10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges inscrite dans l’article 11 de la Constitution ainsi que celle de l’égalité devant l’impôt exprimée dans l’article 172 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière mais n’excluent pas qu’une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable. L’existence d’une telle justification doit s’apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ou de l’impôt instauré. Le principe d’égalité est violé lorsqu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Si un règlement-taxe communal prévoit une exonération pour une certaine catégorie d’assujettis, cette exonération doit pouvoir être raisonnablement justifiée par l’objectif de la taxe.
2. Un règlement-taxe communal sur des logements et immeubles déclarés inadaptés ou inhabitables, qui vise à combattre la dégradation de la qualité de vie dans la commune et à faire face à la paupérisation de quartiers, ne peut légalement prévoir d’exonération pour les titulaires d’un droit réel qui ne disposent que d’un seul logement ou immeuble déclaré inadapté ou inhabitable et qui y habitent.
Une telle exonération fait en effet obstacle au but incitatif que poursuit ce règlement-taxe.
3. En vertu de l’article 8, alinéa 1er, du règlement-taxe du 26 avril 2010 de la défenderesse, la taxe sur les logements et immeubles portés, durant l’exercice d’imposition, à l’inventaire communal des logements et immeubles déclarés inadaptés ou inhabitables est due à l’expiration d’une ou plusieurs périodes de douze mois de présence sur cet inventaire, pour autant qu’aucune exonération ne soit accordée à cette date.
Suivant l’article 13.5 de ce règlement-taxe, l’assujetti bénéficie d’une exonération lorsqu’il occupe le logement inventorié en tant que titulaire du droit réel et qu’il s’agit du seul droit réel immobilier dont il est titulaire.
4. Le juge d’appel a constaté que l’objectif du règlement-taxe du 26 avril 2010 consiste à faire face à la paupérisation de quartiers, de manière à pouvoir mener de nouvelles politiques d’urbanisme et de logement efficaces.
Il a considéré que :
- l’occupation d’un tel logement par le titulaire d’un droit réel implique que ce logement n’est pas répertorié dans l’offre de logements, ce qui, normalement, n’est pas le cas lorsque l’intéressé possède plus d’un logement ;
- pareille justification objective et raisonnable se déduit de la nature de l’exonération ;
- compte tenu du but incitatif, susvisé, de la taxe, une telle justification objective et raisonnable est une justification légale.
5. Le juge d’appel, qui a considéré que le but incitatif de la taxe consiste à faire face à la paupérisation de quartiers, n’a pu décider sur la base de ces énonciations que l’exonération prévue à l’article 13.5 du règlement-taxe est conforme au principe constitutionnel d’égalité.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel d’Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, et les conseillers Filip Van Volsem, Bart Wylleman, Koenraad Moens et François Stévenart Meeûs, et prononcé en audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt et un par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.