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29/01/2021 | BELGIQUE | N°F.18.0140.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 janvier 2021, F.18.0140.N


N° F.18.0140.N
ENGIE CC, s.c.,
Me Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 28 octobre 2015 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 7 décembre 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a été ente

ndu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent...

N° F.18.0140.N
ENGIE CC, s.c.,
Me Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 28 octobre 2015 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 7 décembre 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
1. Conformément à l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire, dont les dispositions sont, en vertu de l’article 40, alinéa 1er, de la même loi, prescrites à peine de nullité prononcée d’office par le juge, il est fait usage pour la procédure, devant toutes les juridictions d’appel, de la langue dans laquelle la décision attaquée est rédigée.
Un acte est réputé rédigé dans la langue de la procédure lorsque toutes les mentions requises en vue de sa régularité sont rédigées en cette langue. L’usage d’expressions ou d’adages généralement connus et admis dans le langage juridique n’y déroge pas.
2. L’expression « at arm’s length » est une expression généralement connue et admise en droit fiscal, qui fait partie du langage juridique d’un grand nombre de pays de l’Union européenne.
3. Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
[…]
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
8. Le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit examiner la nature juridique des faits et actes allégués par les parties et peut, quelle que soit la qualification juridique que
celles-ci leur ont donnée, suppléer d’office aux motifs invoqués par elles à condition de ne pas soulever de contestation dont elles ont exclu l’existence dans leurs conclusions, de se fonder uniquement sur des éléments qui ont été régulièrement soumis à son appréciation, de ne pas modifier l’objet de la demande et, ce faisant, de ne pas violer les droits de défense des parties.
9. Le juge, qui fonde sa décision sur des éléments invoqués par l’une des parties ou dont les parties pouvaient s’attendre, eu égard au déroulement des débats, à ce qu’ils forment la conviction du juge, et qu’elles ont pu contredire, ne méconnaît pas le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
10. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse soutenait dans ses conclusions d’appel de synthèse ne pas avoir bénéficié d’un avantage anormal ou bénévole, dès lors qu’elle a perçu un paiement indu et que l’obligation de remboursement naît immédiatement en cas d’indu, même si les parties ne découvrent pas immédiatement le paiement excessif, de sorte que le patrimoine de la demanderesse était grevé d’une dette de remboursement à compter de la réception du trop-perçu d’indemnité.
11. Le juge d’appel a considéré que la partie excessive de l’indemnité de remploi obtenue par la demanderesse constitue indéniablement un avantage anormal et bénévole au sens des articles 26 du Code des impôts sur les revenus 1992 et 5, § 1er, alinéa 2, c), de l’arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 relatif à la création de centres de coordination, et que, même dans l’hypothèse, que présente la demanderesse, d’une erreur matérielle, il est inexact que l’obligation de remboursement naît immédiatement, dès lors que le solvens ne bénéficie d’un droit de revendication qu’à partir du moment où le caractère indu du paiement est établi. Le juge d’appel n’a ainsi pas méconnu le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Quant au premier rameau :
12. L’article 5, § 1er, de l’arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 relatif à la création de centres de coordination prévoit que, par dérogation aux articles 96 à 115, 142 et 144 à 148 du Code des impôts sur les revenus, le revenu imposable du centre est déterminé forfaitairement. Cette détermination est faite sur la base des dépenses et charges de fonctionnement, à l’exclusion des frais de personnel et des charges financières, sans que le revenu ainsi déterminé puisse être inférieur au montant formé par le total : a) des dépenses ou charges non déductibles au titre de dépenses ou charges professionnelles ; b) des tantièmes autres que ceux qui sont visés à l’article 108, 1°, du même code ; c) des avantages anormaux ou bénévoles consentis au centre.
13. S’agissant du caractère imposable de sommes perçues en tant qu’avantages anormaux ou bénévoles, l’article 5, § 1er, de l’arrêté royal n° 187 n’établit aucune distinction selon que le remboursement des revenus doit avoir lieu ou non au cours d’une période imposable ultérieure. Par conséquent, les sommes que le contribuable perçoit au cours d’une période imposable et qu’il doit rembourser au cours d’une période imposable ultérieure peuvent être considérées comme des avantages anormaux ou bénévoles imposables.
La circonstance que des paiements doivent être remboursés au cours d’une période imposable ultérieure est sans incidence sur le fait que ces sommes ont enrichi effectivement le patrimoine de celui qui les a perçues, au cours de la période imposable durant laquelle lesdits paiements ont été perçus.
Au cours de la période imposable durant laquelle l’obligation de restitution est exécutée, le remboursement de paiements soumis à l’impôt constitue des frais fiscalement déductibles, pour autant que le contribuable puisse déduire des frais et que les conditions d’application de l’article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 soient remplies à ce moment-là.
Le moyen, qui, en ce rameau de cette branche, repose sur un autre soutènement juridique, manque en droit.
14. En vertu du principe d’annualité contenu à l’article 360 du Code des impôts sur les revenus 1992, l’impôt dû pour un exercice d’imposition est établi sur les revenus que le contribuable a recueillis pendant la période imposable. Le Roi détermine la période imposable et les revenus qui s’y rapportent.
15. En constatant qu’au terme de l’exercice d’imposition 2006 en litige, l’obligation de restitution n’était ni exécutée ni matérialisée sous une dette liquide et certaine, laquelle n’est née que lorsque le caractère indu du paiement a été établi au cours de la période imposable 2009, de sorte que le défendeur se prévaut à juste titre du principe d’annualité, et en considérant ensuite qu’eu égard au principe d’annualité, le seul fait qu’un revenu soit tiré d’un paiement indu ne s’oppose pas à son caractère imposable au cours de l’année de la perception, le juge d’appel a légalement justifié sa décision.
Dans la mesure où il est pris de la violation de l’article 360 du Code des impôts sur les revenus 1992, le moyen, en ce rameau de cette branche, ne peut être accueilli.
Quant au second rameau :
16. Il suit de la réponse au premier rameau de cette branche du moyen que celui-ci, qui soutient que le juge d’appel a violé l’article 5, § 1er, alinéa 2, c), de l’arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 en considérant qu’une obligation de restitution et un remboursement de ce qui a été recueilli ne font pas obstacle à ce que ce montant constitue un avantage si l’obligation de remboursement n’a pas donné lieu à l’inscription d’une dette au bilan de l’exercice durant lequel il a été recueilli, manque en droit.
[…]
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les conseillers Filip Van Volsem, Bart Wylleman, Koenraad Moens et François Stévenart Meeûs, et prononcé en audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt et un par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.18.0140.N
Date de la décision : 29/01/2021
Type d'affaire : Autres - Droit fiscal

Analyses

Un acte est réputé rédigé dans la langue de la procédure lorsque toutes les mentions requises en vue de sa régularité sont rédigées en cette langue; n'y déroge pas l'usage d'expressions ou d'adages généralement connus et admis dans le langage juridique, tels que l'expression « at arm's length », qui est une expression généralement connue et admise en droit fiscal et qui fait partie du langage juridique d'un grand nombre de pays de l'Union européenne (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

LANGUES (EMPLOI DES) - MATIERE JUDICIAIRE (LOI DU 15 JUIN 1935) - En appel - Autres matières - Citation dans une autre langue - Expression "At arm's length" - Expression généralement connue dans le langage juridique [notice1]

Le juge, qui fonde sa décision sur des éléments invoqués par l'une des parties ou dont les parties pouvaient s'attendre, eu égard au déroulement des débats, à ce qu'ils forment la conviction du juge, et qu'elles ont pu contredire, ne méconnaît pas le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE CIVILE - Procédure - Mission du juge - Décision - Motifs - Attente des parties - Possibilité de contredire

S'agissant du caractère imposable de sommes perçues en tant qu'avantages anormaux ou bénévoles, l'article 5, § 1er, de l'arrêté royal n 187 du 30 décembre 1982 relatif à la création de centres de coordination n'établit aucune distinction selon que le remboursement des revenus doit avoir lieu ou non au cours d'une période imposable ultérieure; par conséquent, les sommes que le contribuable perçoit au cours d'une période imposable et qu'il doit rembourser au cours d'une période imposable ultérieure peuvent être considérées comme des avantages anormaux ou bénévoles imposables (1). (1)Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES SOCIETES - Détermination du revenu global net imposable - Divers - Centre de coordination - Avantages anormaux ou bénévoles - Notion [notice3]


Références :

[notice1]

L. du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire - 15-06-1935 - Art. 24 - 01 / No pub 1935061501

[notice3]

A.R. n° 187 du 30 décembre 1982 relatif à la création de centres de coordination - 187 - 30-12-1982 - Art. 5 - 69 / No pub 1983021381


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-29;f.18.0140.n ?

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