La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0187.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 janvier 2021, C.20.0187.N


N° C.20.0187.N
S. R.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2019 par la cour d'appel d'Anvers.
Le 6 octobre 2020, le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions.
Le président de section Geert Jocqué a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a été entendu en ses conclusions.
II.

Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée ...

N° C.20.0187.N
S. R.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2019 par la cour d'appel d'Anvers.
Le 6 octobre 2020, le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions.
Le président de section Geert Jocqué a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
1. Une demande fondée sur la responsabilité extracontractuelle naît lorsque tous les éléments constitutifs de cette responsabilité sont réunis, à savoir, dès que le dommage survient ou que, suivant des prévisions raisonnables, sa réalisation future est établie. La circonstance que le dommage résulte d'une faute continue n'empêche pas le dommage de naître jour après jour ni la demande en responsabilité extracontractuelle de naître au fur et à mesure que le dommage se produit.
2. Dans la mesure où il repose sur le soutènement que, dans le cas d’une faute continue des autorités, le délai de prescription d’une demande en réparation d’un dommage ne commence à courir qu’une fois que les agissements fautifs des autorités ont pris fin, le moyen, en cette branche, manque en droit.
3. Pour le surplus, le moyen, qui, en cette branche, est tout entier déduit de l’illégalité vainement alléguée, est irrecevable.
Quant à la deuxième branche :
4. En vertu de l’article 2219 du Code civil, la prescription est un moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi.
En vertu de l'article 2251 de ce code, la prescription court contre toutes personnes, à moins qu'elles ne soient dans quelque exception établie par une loi.
En vertu de l’article 2252 du même code, la prescription ne court pas contre les mineurs et les personnes déclarées incapables, sauf ce qui est dit à l'article 2278, et à l'exception des autres cas déterminés par la loi.
Il s'ensuit que la prescription n'est suspendue qu'en cas d’interdiction de la personne contre laquelle la prescription court, que cette personne ait ou non été en mesure de faire connaître sa volonté avec certitude pendant une période d'internement.
5. Dans la mesure où il repose sur le soutènement que la prescription prévue par les dispositions légales précitées est également suspendue lorsque l'état mental de la personne contre laquelle la prescription court la met dans l’impossibilité d'agir en connaissance de cause, le moyen, en cette branche, manque en droit.
6. Le juge d’appel a constaté et considéré que :
- le demandeur ne peut être suivi lorsqu’il fait valoir que la suspension prévue par l'article 2252 de l’ancien Code civil ne s'applique pas seulement aux interdits, mais aussi aux internés qui, du fait de leur internement, sont incapables d’agir ;
- ce point de vue est contraire au texte de l'article 2252 précité qui ne prévoit la suspension de la prescription qu'à l'égard des personnes déclarées incapables visées à l’article 489 de l’ancien Code civil, ce que n'est pas le demandeur ;
- entretemps, par son arrêt n° 50/2018 du 26 avril 2018, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que l’article 2252 de l’ancien Code civil ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution au motif que la différence de traitement entre les interdits, d’une part, et les internés non interdits, d’autre part, repose sur un critère de distinction objectif et pertinent ;
- l'article 2252 de l’ancien Code civil ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits de l'interné en subordonnant la suspension du délai de prescription à l’interdiction ;
- la cour d'appel n'est pas tenue de se prononcer sur l'état mental réel du demandeur pendant la période en cause et l'absence d'interdiction dans son chef pendant cette période suffit à elle seule à exclure l'application de l'article 2252 de l’ancien Code civil ;
- il n'appartient pas davantage à la cour d'appel d'apprécier les conditions d'application de l'article 489 de l’ancien Code civil ;
- l’article 2252 de l’ancien Code civil ne s'applique pas aux malades mentaux qui n'ont pas été déclarés interdits, de sorte que la prescription a continué à courir contre le demandeur malgré son internement.
7. Dans la mesure où il suppose que le juge d’appel a considéré que le demandeur était capable d’agir pendant toute la période de son internement et qu'il a eu à suffisance la faculté d'intenter une action en responsabilité contre le défendeur et que entre autres sur la base de ces motifs, le juge d’appel a refusé de vérifier l'état mental réel du demandeur pendant la période pertinente, le moyen, en cette branche, repose sur une lecture erronée de l'arrêt, partant, manque en fait.
[…]
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les indemnités de procédure en première instance ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Geert Jocqué, les conseillers Ilse Couwenberg et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt et un par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Sabine Geubel et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.20.0187.N
Date de la décision : 22/01/2021
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

Une demande fondée sur la responsabilité extracontractuelle naît lorsque tous les éléments constitutifs de cette responsabilité sont réunis, à savoir dès que le dommage survient ou que, suivant des précisions raisonnables, sa réalisation future est établie (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC in Cass. 22 janvier 2021, RG C.19.0547.N, Pas. 2021, n° 53.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Notion. Formes - Demande fondée sur la responsabilité extracontractuelle - Naissance - Moment [notice1]

La circonstance que le dommage résulte d'une faute continue n'empêche pas le dommage de naître jour après jour ni la demande en responsabilité extracontractuelle de naître au fur et à mesure que le dommage se produit, de sorte que le délai de prescription d'une demande en réparation d'un dommage dans le cas d'une faute continue des autorités ne commence pas seulement à courir dès que les agissements fautifs des autorités ont cessé d'exister (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC in Cass. 22 janvier 2021, RG C.19.0547.N, Pas. 2021, n° 53.

PRESCRIPTION - MATIERE CIVILE - Délais (Nature. Durée. Point de départ. Fin) - Demande fondée sur la responsabilité extracontractuelle - Faute continue des autorités - Naissance du dommage - Prescription de l'action - Point de départ - MALADE MENTAL - Demande fondée sur la responsabilité extracontractuelle - Faute continue des autorités - Traitement adapté et adéquat non prévu - Naissance du dommage - Prescription de l'action - Point de départ [notice2]

La prescription n'est suspendue qu'en cas d'interdiction de la personne contre laquelle la prescription court, que cette personne ait ou non été en mesure de faire connaître sa volonté avec certitude pendant une période d'internement (1). (1) Cass. 2 mars 2017, RG F.12.0056.F, Pas. 2017, n° 149; Cass. 12 décembre 2013, RG C.12.0138.N, Pas 2013, n° 680; Cass. 15 février 2013, RG F.11.0128.N, Pas 2013, n° 111; voir également : T. VANSWEEVELT et B. WEYTS, Handboek Verbintenissenrecht, Anvers, Intersentia, 2019, 976.

PRESCRIPTION - MATIERE CIVILE - Suspension - Interdiction - Suspension de la prescription - Application - MALADE MENTAL - Internement - Interdiction - Prescription de la demande en responsabilité extracontractuelle - Suspension - Application


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 - 30 / No pub 1804032150

[notice2]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : MORTIER RIA
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, JOCQUE GEERT, COUWENBERG ILSE, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-22;c.20.0187.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award