N° C.20.0174.N
1. P. V. H.,
2. M. C.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. HOF TER LINT, s.r.l.,
2. Jeroen PINOY, avocat, en qualité d’administrateur des biens,
3. COMMUNE DE GRIMBERGEN, représentée par le collège des bourgmestre et échevins.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Sven Mosselmans a fait rapport.
L’avocat général Els Herregodts a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. L’article 194, alinéa 1er, du décret communal du 15 juillet 2005 dispose que, si le collège des bourgmestre et échevins ou le conseil communal omet d’agir en droit, un ou plusieurs habitants peuvent agir en droit au nom de la commune, à condition qu’ils garantissent de supporter personnellement les frais de procédure ainsi que d’assurer la condamnation à des dommages et intérêts ou une amende pour procédure téméraire et vexatoire ou pour un recours qui pourrait être prononcé.
En vertu de cette disposition, un ou plusieurs habitants peuvent, sous certaines conditions, agir en justice en tant que partie formelle au procès au nom et pour le compte de la commune, partie matérielle au procès, eu égard à l’inaction de ses organes.
2. L’article 194 du décret communal du 15 juillet 2005 a été abrogé par le décret sur l’administration locale du 22 décembre 2017, à effet du 1er janvier 2019.
Par son arrêt n° 129/2019 du 10 octobre 2019, la Cour constitutionnelle a annulé l’article 577, 50°, du décret du 22 décembre 2017 dans la mesure où il abroge l’article 194 du décret du 15 juillet 2005. Cette annulation ressuscite l’article 194 du décret du 15 juillet 2005.
L’article 9, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle dispose que les arrêts d’annulation rendus par la Cour constitutionnelle ont l’autorité absolue de la chose jugée à partir de leur publication au Moniteur belge.
L’arrêt du 10 octobre 2019 a été publié au Moniteur belge du 28 octobre 2019.
3. Il s’ensuit que, ensuite de l’annulation de l’article 577, 50°, du décret du 22 décembre 2017 dans la mesure où il abroge l’article 194 du décret du 15 juillet 2005, si le collège des bourgmestre et échevins ou le conseil communal omet d’agir en droit, un ou plusieurs habitants ont la faculté d’agir en droit au nom de la commune, à condition qu’ils garantissent de supporter personnellement les frais de procédure ainsi que d’assurer la condamnation à des dommages et intérêts ou une amende pour procédure téméraire et vexatoire ou pour un recours qui pourrait être prononcé.
4. Le juge d’appel a constaté et considéré que :
- l’article 194 du décret du 15 juillet 2005 a été abrogé par l’article 577, 50°, du décret du 22 décembre 2017, à effet du 1er janvier 2019 ;
- aucune mesure transitoire spécifique n’a été prise en ce qui concerne cette abrogation ;
- l’article 194 abrogé du décret du 15 juillet 2005 accordait aux habitants d’une commune le droit d’agir en justice au nom et pour le compte de la commune concernée ;
- par l’exercice de ce pouvoir de représentation conféré par l’article 194 du décret du 15 juillet 2005, les habitants ont agi en tant que partie formelle au procès au nom et pour le compte de la commune, partie matérielle au procès ;
- à compter de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de l’article 577, 50°, du décret du 22 décembre 2017, les demandeurs en tant qu’habitants de la troisième défenderesse n’ont plus la qualité de partie formelle au procès, de sorte qu’ils ne peuvent plus agir en cette qualité au nom et pour le compte de la troisième défenderesse, partie matérielle au procès.
5. En considérant, sur la base de ces énonciations, dans son arrêt du 29 octobre 2019 que les demandeurs ne peuvent plus agir en tant que partie formelle au procès au nom et pour le compte de la troisième défenderesse, partie matérielle au procès, le juge d’appel a violé, d’une part, l’autorité absolue de la chose jugée de l’arrêt n° 129/2019 rendu le 10 octobre 2019 par la Cour constitutionnelle et publié au Moniteur belge du 28 octobre 2019, qui annule l’article 577, 50°, du décret du 22 décembre 2017 dans la mesure où il abroge l’article 194 du décret du 15 juillet 2005 et, d’autre part, l’article 194, demeuré applicable, du décret du 15 juillet 2005.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel d’Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Beatrijs Deconinck, président, le président de section
Koen Mestdagh, les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et
Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du quinze janvier deux mille vingt et un par le premier président Beatrijs Deconinck, en présence de l’avocat général Els Herregodts, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marielle Moris et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.