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07/01/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0273.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 janvier 2021, C.20.0273.F


N° C.20.0273.F
A. B.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile,
contre
A. I.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 13 novembre 2019 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d’appel.
Le 23 décembre 2020, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.<

br> Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général Philippe de Koster a été entendu en s...

N° C.20.0273.F
A. B.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile,
contre
A. I.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 13 novembre 2019 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d’appel.
Le 23 décembre 2020, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la deuxième branche :
En vertu tant de l’article 1728, 1°, de l’ancien Code civil, avant son abrogation, en ce qui concerne le bail d’habitation en région wallonne, par le décret de la Région wallonne relatif au bail d'habitation du 15 mars 2018, que de l’article 14, 1°, de ce décret, le preneur est tenu d’user de la chose louée en bon père de famille.
Le juge du fond apprécie en fait, eu égard aux circonstances de l’espèce, si le preneur use du bien loué en bon père de famille.
Le jugement attaqué relève que le défendeur « postule la résolution du bail aux torts [de la demanderesse] vu les plaintes des autres locataires de l’immeuble et les comportements [de la demanderesse] tant vis-à-vis de ceux-ci que vis-à-vis de lui-même », qu’« il invoque dans le chef de [la demanderesse] divers comportements (tapage nocturne et diurne, diffamation, mensonge, violation de la vie privée, harcèlement…) troublant la jouissance paisible de l’immeuble et entraînant pour lui un préjudice tant moral, psychologique que financier » et que, « selon lui, [la demanderesse] viole gravement son obligation d’user de la chose louée en bon père de famille au sens de l’article 1728 [de l’ancien] Code civil ».
Il énonce que « l’une des obligations du locataire est d’user de la chose louée en bon père de famille (article 1728 [de l’ancien Code civil]), de sorte à avoir une utilisation adéquate des lieux loués et à ne pas causer de préjudice aux autres habitants ».
Il considère qu’« il ressort des pièces produites par les parties que les deux autres locataires de l’immeuble se sont plaints à plusieurs reprises auprès [du défendeur] du comportement [de la demanderesse] », qu’« ainsi, le locataire du premier étage écrit déjà en date du 8 mars 2019 [que la demanderesse] lui fait de multiples reproches non fondés et a même fait se déplacer la police, alors qu’elle-même fait du bruit », que, « le 14 mars 2019, [le défendeur] a adressé à tous ses locataires [une lettre] les invitant fermement à agir en bon père de famille et à permettre à chacun la jouissance des lieux qu’il occupe », qu’« à une date indéterminée, la locataire du rez-de-chaussée a écrit [au défendeur] en indiquant que la situation devenait insupportable avec [la demanderesse], qui tape sur le sol tous les matins vers 4 heures », que, « le 27 mars 2019, le locataire du premier étage a indiqué [au défendeur] qu’il lui donnait son préavis en raison de l’absence d’amélioration de la situation avec [la demanderesse], à moins qu’il n’arrive à arranger la situation et qu’elle ne quitte les lieux », que, « le 17 septembre 2019, ce même locataire a encore écrit [au défendeur] en indiquant que la situation n’avait pas beaucoup évolué, [que la demanderesse] frappe sur son plancher à chaque fois qu’elle croit entendre quelque chose, même quand il est en vacances, qu’elle fait du boucan chez elle à toute heure de la journée et de la nuit, qu’elle salit les fenêtres de son voisin exprès en arrosant ses fleurs et qu’elle lui fait des réflexions grossières et racistes chaque fois qu’elle le croise », que « la locataire du rez-de-chaussée a également réécrit [au défendeur] en indiquant que rien ne changeait et qu’elle se verrait contrainte de quitter les lieux s’il n’y avait pas de solution trouvée rapidement », que « les services de police ont reçu les doléances tant [de la demanderesse] à l’encontre des deux autres locataires que de ceux-ci à l’encontre [de la demanderesse] » et que « le fait que les deux autres locataires de l’immeuble se plaignent [de la demanderesse] permet de retenir que c’est bien elle qui constitue l’élément perturbateur, d’autant que les problèmes ont débuté peu de temps après son arrivée, alors même que la locataire du rez-de-chaussée habite les lieux depuis plusieurs années et n’est dès lors manifestement pas une ‘mauvaise’ voisine ».
Sur la base de ces éléments, le jugement attaqué a pu légalement considérer que la demanderesse n’usait pas du bien loué en bon père de famille.
Pour le surplus, s'il énonce que la demanderesse « adopte vis-à-vis de son propriétaire, [le défendeur], un comportement inapproprié, lui envoyant de nombreux SMS et mails pour des motifs tantôt futiles tantôt insignifiants tantôt déplacés », le jugement attaqué ajoute que « les réponses réservées par [le défendeur] à [la demanderesse] ont toujours été correctes et démontrent de sa part une bonne dose de patience », que le défendeur « a agi comme l’aurait fait tout propriétaire normalement diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances, tentant d'abord de résoudre par lui-même les problèmes entre ses locataires puis agissant en justice suite à l'absence d'évolution favorable de la situation », qu’« il a, en tant que bailleur, l'obligation d'assurer la jouissance paisible de tous ses locataires, de sorte qu'il ne peut tolérer les agissements de certains locataires qui auraient pour effet de troubler la jouissance d'autres locataires » et que son but « n’est manifestement pas de nuire à [la demanderesse], dont il sollicite seulement le départ sans postuler ni indemnités de résiliation ou de relocation et en ne postulant que des indemnités de procédure réduites ».
Par ces motifs, le jugement attaqué ne considère pas que le comportement de la demanderesse à l’égard du défendeur constitue un manquement à son obligation d’user de la chose louée en bon père de famille mais il rejette les allégations de la demanderesse que le défendeur « se déresponsabilise de ses devoirs de propriétaire et cherche le conflit » et que sa demande de résolution du bail serait motivée par « le simple fait [qu’il] ne s’entende visiblement pas avec [la demanderesse] ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Après avoir relevé, comme il a été dit dans la réponse à la deuxième branche du moyen, que, nonobstant l’envoi par le défendeur d’une lettre à tous ses locataires « les invitant fermement à agir en bon père de famille et à permettre à chacun la jouissance des lieux qu’il occupe », la demanderesse avait persisté dans son attitude et qu’en raison du comportement de la demanderesse, les autres locataires avaient menacé de rompre le bail les liant au défendeur, le jugement attaqué considère que le défendeur « a agi comme l’aurait fait tout propriétaire normalement diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances, tentant d'abord de résoudre par lui-même les problèmes entre ses locataires puis agissant en justice suite à l'absence d'évolution favorable de la situation » et qu’« il a, en tant que bailleur, l'obligation d'assurer la jouissance paisible de tous ses locataires, de sorte qu'il ne peut tolérer les agissements de certains locataires qui auraient pour effet de troubler la jouissance d'autres locataires ».
Il suit de ces motifs que le jugement attaqué considère que le manquement qu’il dit établi est suffisamment grave pour prononcer la résolution de la convention aux torts de la demanderesse.
À défaut de conclusions en ce sens, il n’était pas tenu, en outre, d’indiquer les raisons de cette appréciation.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la quatrième branche :
Il suit de la réponse à la deuxième branche du moyen que la faute qui fonde la décision du jugement attaqué de prononcer la résolution du bail consiste dans la violation par la demanderesse de son obligation d’user du bien loué en bon père de famille par son comportement à l’égard des autres locataires du défendeur.
Il suit de la réponse à la troisième branche du moyen qu’en considérant que le défendeur « a, en tant que bailleur, l'obligation d'assurer la jouissance paisible de tous ses locataires, de sorte qu'il ne peut tolérer les agissements de certains locataires qui auraient pour effet de troubler la jouissance d'autres locataires », ce jugement, qui relève également que, confronté à la menace des autres locataires de rompre le bail conclu avec lui, le défendeur a tenté en vain de résoudre les problèmes par lui-même, indique une des circonstances fondant sa décision que ce manquement est suffisamment grave pour prononcer la résolution du bail.
Dès lors, contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, ce jugement ne décide pas que le bail entre les parties doit être résolu aux torts de la demanderesse au motif que le bailleur aurait l’obligation de garantir ses autres locataires des troubles de fait qui leur sont causés par la demanderesse ni au motif que le défendeur pourrait se prévaloir à l’égard de la demanderesse des obligations résultant d’un autre contrat de bail conclu par lui.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la première branche :
L’article 1728, 1°, de l’ancien Code civil, avant son abrogation, en ce qui concerne le bail d’habitation en région wallonne, par le décret de la Région wallonne du 15 mars 2018, et l’article 14, 1°, de ce décret imposent au preneur la même obligation d’user de la chose louée en bon père de famille.
Par les motifs vainement critiqués par la deuxième branche du moyen, le jugement attaqué considère que la demanderesse a contrevenu à cette obligation.
Dès lors que la décision du jugement attaqué demeure légalement justifiée au regard de l’article 14, 1°, du décret du 15 mars 2018 qui eût dû être appliqué, le moyen, qui, en cette branche, fait grief au jugement attaqué d’appliquer l’article 1728, 1°, de l’ancien Code civil, alors que celui-ci avait été abrogé, ne saurait entraîner la cassation, partant, est dénué d’intérêt.
Et la prétendue violation des autres dispositions légales visées au moyen, en cette branche, est entièrement déduite de celle, vainement alléguée, des dispositions précitées.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés, en débet, à la somme de sept cent septante-sept euros septante-huit centimes envers la partie demanderesse et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du sept janvier deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0273.F
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

En vertu tant de l'article 1728, 1°, du Code civil, avant son abrogation, en ce qui concerne le bail d'habitation en Région wallonne, par le décret de la Région wallonne relatif au bail d'habitation du 15 mars 2018, qu'en vertu de l'article 14, 1°, de ce décret, le preneur est tenu d'user de la chose louée en bon père de famille (1). (1) Voir les concl. du MP.

LOUAGE DE CHOSES - BAIL A LOYER - Obligations entre parties [notice1]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1728, 1° - 30 / No pub 1804032150 ;

Décret relatif au bail d'habitation - 15-03-2018 - Art. 14, 1° - 13 / No pub 2018201408


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-07;c.20.0273.f ?

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